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Drave de printemps: la prophétie des beaux jours
Date 09/03/2017
Ico Murs et rocailles

Draba verna, Drave de printemps, Poitiers quartier Chilvert

Drave de printemps, Poitiers quartier Chilvert


Draba verna (Drave de printemps) appartient à la famille Brassicaceae (ex Crucifères), dont les membres présentent des fleurs à quatre pétales «en croix». En la croisant sur le trottoir, on pensera immédiatement à ses sœurs les plus urbaines: Cardamine hérissée (Cardamine hirsuta), Capselle bourse à Pasteur (Capsella bursa-pastoris) ou Arabette des dames (Arabidopsis thaliana)...


Hirondelle, Drave de printemps, Spring is coming!

- À quand le printemps a votre avis?

- Je le prédis pour le 21 Mars.

- Ha ha, oui, ça serait chouette!

(Un Jour sans fin, Harold Ramis)

Draba verna est aux vieux murs, aux pelouses rases et aux trottoirs ce que les hirondelles sont au ciel: l'annonciatrice du retour du printemps. Ses grappes de fleurs éphémères s'observent entre la fin de l'hiver et le mois d'avril. Mais cette prophète des beaux jours reste bien discrète et on risque fort de lui marcher dessus avant que de l'entendre: Draba verna est une des Sauvages les plus précoces de nos villes, mais aussi une des plus petites (une dizaine de centimètres pour les spécimens les plus costauds)!


Draba verna, Drave de printemps, Poitiers bords de Boivre

Drave party sur les gravillons ! (Drave de Printemps, Poitiers bords de Boivre)


Un examen superficiel pourrait laisser penser que les minuscules fleurs blanches de Draba verna affichent huit pétales. Il n'en est rien: la Sauvage fait honneur aux armoiries de son clan en brandissant quatre pétales seulement, mais si profondément échancrés qu'ils semblent doublés. Reste à attendre une éclaircie pour observer ses atouts, les fleurs ne s'ouvrant qu'en présence d'un ciel lumineux et sans nuages.


Draba verna, Drave de printemps, Poitiers Rochers du Porteau

Fruits ovales et fleurs de la Drave de Printemps: 4 pétales profondément échancrés, 6 étamines autour du pistil au centre.


Draba verna réserve souvent des surprises à ses observateurs. Polymorphe, la belle présente des variations (pilosité, taille des fleurs...) d'une localité à une autre, pouvant laisser croire aux botanistes les plus aguerris qu'ils viennent peut-être de dénicher le Saint Graal du macadam: une nouvelle espèce! Le piège est redoutable même sous les microscopes, certaines populations pouvant afficher leurs différences jusque dans le décompte de leurs chromosomes.


Draba verna, Drave de printemps, Poitiers Chilvert

Feuilles spatulées de la Drave de printemps en rosette (jamais de feuilles caulinaires).


Il faut dire que la Sauvage dispose de peu de temps pour tenter de se reproduire, l'univers minéral qu'elle fréquente devenant un enfer aride dès la fin de sa première saison. Annuelle trop précoce pour pouvoir compter sur les butineurs, Draba verna est une Sauvages autogame qui assure toute seule sa pollinisation en un temps record (la plante est capable de se féconder elle même). Ses parties aériennes disparaitront complètement avant l'arrivée de l'été.


La variabilité de ses populations repose plus sur d'éventuelles mutations que sur le brassage génétique entre individus, ce qui peut expliquer pourquoi ses populations semblent «fixer» localement leurs spécificités avec le temps, telles de nouvelles espèces (les mutations pertinentes vis-à-vis du milieu risquant moins de se diluer au fil des générations que dans le jeu des croisements).

La mutation, c’est la clé de notre évolution. C’est elle qui nous a mené de l’état de simple cellule à l’espèce dominante sur notre planète!

(X-Men, Bryan Singe)

Alexis Jordan, botaniste lyonnais du 19ème siècle, collectionna dans son jardin des spécimens de Draba verna issus d'horizons variés. Après 30 années de culture, il dénombrait pas moins de 200 groupes différents pouvant répondre à la définition d’espèce (des groupes d'individus interféconds entre eux et morphologiquement proche mais peu enclins à se reproduire avec les membres des autres groupes). Nul doute que la Sauvage n'a pas fini d'alimenter les débats universitaires et botaniques.


Mais plutôt que de couper les tiges en quatre, retenons que chaque plante est unique et mérite qu'on lui prête notre attention!


Chaque Sauvage est unique! Sauvages du Poitou


Draba verna, Drave de printemps, Poitiers Chilvert

Les fruits (siliques courtes ou «silicules») de la Drave de printemps, guère plus impressionnants que les capsules d'une mousse! Le vent se chargera de disperser les minuscules graines...


Malgré sa discrétion, Draba verna est bien présente sur les cinq continents habités. Nommée Whitlowgrass par les anglophones à cause des adorables tapis formés par ses colonies (littéralement «la petite herbe blanche»), la Sauvage chante le printemps dans toutes les langues, tout autour du globe.


Draba muralis, Drave des murailles, Poitiers quartier Chilvert

Une autre Drave qui fréquente les lieux secs, les rochers et les trottoirs, la Drave des murailles (Draba muralis). Elle se distingue avec ses feuilles dentées, les caulinaires embrassant la tige avec leurs oreillettes arrondies.

Pour aller plus loin:

- Draba verna: identification assistée par ordinateur

- Draba verna sur Tela-botanica

- La théorie de la mutation et les travaux d'Alexis Jordan par Hector Lebrun

- Draba muralis sur Tela-Botanica


Draba verna par Marie Corneille,1889

Drave de Printemps représentée à l'échelle par Marie Corneille, artiste et botaniste des Deux-Sèvres (1889)... Un travail de fourmi! Une planche dénichée parmi les trésors du Fonds ancien de la bibliothèque universitaire de Poitiers.


Le printemps, c'est maintenant avec Sauvages du Poitou!

 

Lunaire annuelle: décrochez la Lune
Date 10/12/2016
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Lunaria annua, Lunaire annuelle, Poitiers

Lunaire annuelle ou Monnaie-du-Pape, Poitiers


Lunaria annua (Lunaire annuelle ou Clefs-de-montre en poitevin saintongeais) appartient à la grande famille Brassicaceae (ex Crucifères, pour leurs fleurs en croix), aux côtés des célèbres choux, colzas, radis, navets, roquettes ou moutardes... La Sauvage doit son nom à ses fruits circulaires (un botaniste dirait «orbiculaires»), ronds comme la lune. Lorsqu'ils s'ouvrent en automne, subsiste la cloison centrale seule, quasi translucide. Outre manche, on nomme la Sauvage Honesty («honnêteté»), pour ses sachets de graines transparents qui ne mentent pas quant à leur contenu!


Quand le sage montre la lune... Sauvages du Poitou!


Lunaria annua, Lunaire annuelle, Poitiers gare

Siliques de la Lunaire annuelle: on parle plutôt de silicules lorsque ceux-ci sont aussi large que haut, ce qui est la cas ici.

Tous les trésors ne sont pas d'argent et d'or...

(Pirates des Caraibes - la malédiction du Black Pearl, Gore Verbinski)

Mais peut-être vous a-t-on présenté la Sauvage sous un autre nom: si elle est la Lunaire annuelle pour les poètes et les loups garous, elle est plus connue auprès des banquiers et des curés comme étant la Monnaie-du-Pape! Peut-être pour plaisanter sur le côté factice de ce trésor, à l'image des pièces frappées par l’État pontifical qui avaient peu de valeur en dehors de leur juridiction... D'autres auraient dit Chinese coins («pièce de monnaie chinoise», c'est à dire pas grand chose), un des noms de la Sauvage aux États-Unis. L'expression des richesses de Dame Nature étant généralement regardée d'un œil suspicieux — quand bien même celles ci prennent l'apparence d'argent sonnant et trébuchant — Lunaria annua est également surnommée Médaille de Judas: une référence aux pièces d'argent que Judas reçu pour trahir Jésus. Mauvaise herbe, mauvaise monnaie?


Lunaria annua, Lunaire annuelle, Poitiers bords de Boivre

Lunaire annuelle, Poitiers bords de Boivre


Mais revenons à notre latin: Lunaria annua, comme son nom ne l'indique pas, est une bisanuelle (c'est pourquoi certains préfèrent la nommer Lunaria biennis). Elle produit de larges feuilles la première année (un peu à l'image de l'Alliaire officinale, une autre brassicacée), puis dresse ses tiges fleuries (jusqu'à 1 mètre de hauteur) au printemps la deuxième année.


Lunaria annua, Lunaire annuelle, Poitiers bords de Boivre

Feuilles de la Lunaire annuelle la première année: longuement pétiolées, ovales, cordiformes, inégalement (plus ou moins) et grossièrement dentées.


Lunaria annua apprécie les sols riches et bien drainés. Si la Sauvage est originaire du bassin méditerranéen, elle s'est naturalisé de partout sur la planète en climat tempéré (son expansion doit beaucoup à son importation dans les jardins d'ornement). Notons toutefois que Lunaria annua n'est pas une espèce problématique ou envahissante, malgré ses semis spontanés efficaces qui assurent la pérennité de ses colonies d'une année à l'autre.


Lunaria rediviva, Lunaire vivace, Salilhès (15)

Lunaire vivace (Lunaria rediviva), l'autre sélénite!


Il existe une autre Lunaire vivace, Lunaria rediviva aux feuilles finement dentées, toujours pétiolées (les feuilles supérieures de Lunaria annua sont sessiles), aux fleurs odorantes et aux fruits lancéolés. Mais la répartition de Lunaria rediviva reste très limitée: on peut la dénicher, avec beaucoup de chance, à l'ombre des forêts pyrénéennes, alpines, du Massif central ou de l'extrême est de la France (elle est placée sous un statut de protection dans bon nombre de régions françaises, et n'a jamais été recensée à l'état sauvage en Poitou).


Lunaria annua, Lunaire annuelle, Poitiers bords de Boivre

Fleurs pourpres et inodores de la Lunaire annuelle: 4 grands pétales en croix et 4 sépales dressés.

Moi je veux des clairs de lune, des fleurs, des douceurs et des mecs qui me serrent dans leurs bras!

(Grey’s Anatomy, Shonda Rhimes)

Lunaria annua intéresse les papillons, et plus particulièrement certains Piéridés qui ont pour habitude d'abandonner leur progéniture aux bons soins des Brassicacées. Ainsi, il n'est pas rare de voir l'Aurore (Anthocharis cardamines) marcher sur la Lune; un papillon de jour dont on a déjà conté quelques amours, us et coutumes dans les articles consacrés à la Cardamine des prés (Cardamine pratensis) et à l'Alliaire officinale (Alliaria petiolata).


Liriomyza brassicae sur Lunaria annua, Poitiers quartier Chilvert

Une cartographie de la Lune dessinée à même la Lunaire annuelle par une «Mineuse», la larve d'une petite mouche (peut-être Liriomyza brassicae qui se régale des feuilles de certaines Brassicacées).


Lunaria annua est comestible, bien que très amère, riche en vitamine C. Mais la Sauvage doit surtout sa réputation à sa beauté plastique: ses cultivars monstrueux (dans le sens botanique, je n'ai rien contre eux) aux fleurs blanches ou aux feuilles veinées de blanc sont aujourd'hui «monnaie courante» dans les parcs et les jardins. Ses fruits circulaires, lorsqu'ils ne sont pas picorés par les oiseaux, sont récoltés pour dresser de jolis bouquet secs, évoquant une guirlande de lunes aux uns ou une bourse bien remplie aux autres!


Quand le sage montre la lune... Sauvages du Poitou!


Pour aller plus loin:

- Lunaria annua sur Tela-botanica


Lunaria annua, Lunaire annuelle, Poitiers bords de Boivre

Monnaie-du-Pape: je suis riche!

 

Familles de la flore française (Game of thrones et botanique, épisode 1)
Date 01/09/2016
Ico Initiation à la botanique joyeuse!

Botany is coming... Sur Sauvages du Poitou!


Les botanistes sont souvent passés maîtres dans l'art de ranger. Non pas qu'il soient devenus des champions de Tetris à force de remplir des herbiers, mais plutôt parce que l'approche naturaliste repose beaucoup sur la reconnaissance de ce qui ressemble (on range dans le même tiroir) et de ce qui diffère (c'est le moment d'ouvrir un nouveau tiroir!).


Jusqu'en 1998, la classification dite «classique» des végétaux se basait sur les particularités morphologiques évidentes des plantes (ce qui reste une approche très pertinente sur le terrain). Après cette date, c'est une classification dite «phylogénétique» qui prend le relais (APG): l'approche génétique permet de prendre en compte les liens de parenté entre les végétaux au delà de leur apparence, et de mieux comprendre leur histoire. Cette classification moderne fut révisée, ou plutôt affinée, en 2003 (APG II), en 2009 (APG III) puis en 2016 (APG IV)... Nul doute qu'elle le sera encore à l'avenir!

Mille pardons, messer. Je devais effectuer un léger changement à mon blason afin qu’on ne me confonde pas avec mon méprisable cousin.

(Le chevalier errant, George R.R. Martin)

Bref, classer les plantes revient en quelque sorte à tracer des arbres généalogiques, à déterminer qui ressemble à qui, qui est parent avec qui, à étudier les traits propres (les «armoiries») de chaque lignée de Sauvages.


A chaque Sauvage correspond une espèce. Les membres d'une même espèce se ressemblent comme deux gouttes d'eau et sont interféconds entre eux. Les espèces sont regroupées en genres. Les membres d'un même genre affichent aussi des traits communs évidents, quoique plus lointains. Leurs similitudes rend toutefois les hybridations possibles. Les genres sont regroupés en familles, puis les familles en ordres, etc.


Lamium maculatum et Lamium purpureum, Dagneux (01)
Lamier maculé (Lamium maculatum) et Lamier pourpre (Lamium purpureum): une même famille, un même genre, deux espèces.

Ci dessus, le Lamier maculé (à gauche) et le Lamier pourpre (à droite) sont deux espèces distinctes, appartenant à un même genre, celui des Lamiers. Leur famille commune, les Lamiacées, appartient à l'ordre des Lamiales, qui rassemble plusieurs autres familles comme celle des Plantaginacées (famille des Plantains) ou celle des Verbénacées (famille de la Verveine officinale). Nos besoins immédiats ne nous commandent pas de pousser plus en avant cette investigation, mais on pourrait continuer à parcourir « l’arbre généalogique » de nos Lamiers en remontant successivement les étages de la classe, de l’embranchement, du règne et finalement du domaine.

La taxonomie par Sauvages du Poitou!

Ces classifications ne sont pas faites pour nous dévorer les méninges: elles s'avèrent grandement utiles sur le terrain! La connaissance des qualités propres à chaque famille peut aider le botaniste à cerner un spécimen nouveau croisé au détour d'un chemin. Apprendre à reconnaître les «armoiries» d'une famille est la meilleure porte d'entrée qui soit dans la pratique de l'herborisation. C'est de plus un bon moyen pour réussir à s'orienter dans les flores et les guides botaniques les plus touffus et les plus pointus!
Je me souviens de votre père racontant autour d’un feu de camp comment sa maison avait obtenu son blason...
(Le chevalier errant, George R.R. Martin)
Impossible de citer l'ensemble des nombreuses familles qui composent la flore de notre pays. Mais certaines lignées se détachent, de par leur importance ou leur réputation (Astéracées, Poacées, Fabacées et Rosacées représentent à elles seules un bon tiers de la population végétale française). On se concentrera donc plus particulièrement sur les blasons et les devises (imaginaires, cela va de soi, la tournure de cet article se veut avant tout amusante et pédagogique) des familles botaniques incontournables, à commencer par les cinq plus importantes pour ce premier épisode:

House Asteraceae, Sauvages du Poitou!

Les Asteracées (ou Composées), représentent la première famille de France avec près de 800 espèces recensées. Leur inflorescence caractéristique, le capitule (voir notre article complet sur le sujet) est la principale marque de leur lignée. Attention: tout ce qui a un capitule n’est pas forcément une Astéracée. Nul doute que l'invention de cette «super fleur» (en fait une fleur faite d'une myriade de fleurs)  les aura aidés à assoir leur suprématie. Ce capitule est entouré d’un involucre de bractées (une sorte de «colorette» de feuilles modifiées qui peuvent être crochues, épineuses, molles…). Leurs feuilles sont souvent alternes ou réunies en rosette basale.

C'est le clan du roi Pissenlit (Taraxacum sect. Ruderalia), de la reine Pâquerette (Bellis perennis), des Marguerites (Leucanthemum spp), des Bleuets (Centaurea spp) ou encore de leur garde rapprochée, les piquants Chardons (Carduus spp et Cirsium spp)...

Involucre de bractées épineuses du Cirse commun (cirsium vulgare)
Je veux de nouveau sentir le vent dans mes cheveux!
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les membres de cette famille royale produisent souvent des semences à soies (des akènes équipés pour le vol, comme le célèbre «pompon» du Pissenlit) que le vent emporte à la conquête de nouveaux territoires.

Pissenlit, Taraxacum sect. Ruderalia, Béruges (86)
Pissenlit: les rois à venir attendent le vent qui les emportera...

House Poaceae, Sauvages du Poitou!
Étaient-ils vingt, étaient-ils vingt mille?... Sous les arbres se massaient tous les sauvageons du monde.
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Si les Poacées (ou Graminées) ne sont que la deuxième famille de France au regard du nombre d’espèces (470 espèces), elles représentent la lignée la plus importante du point de vue des surfaces couvertes. Il faut dire que ce clan regroupe les «herbes» sous toutes leurs formes, celles des friches, des pelouses, des gazons... Mais également les céréales domptées par l'homme (blé, orge, seigle, maïs..), ou encore les Bambous, leurs rejetons titanesques originaires d'Asie! Bref, les Poacées sont partout, de l’Antarctique jusqu'au fin fond du Poitou, même si l'apprenti botaniste, à force de chercher l'Orchidée rare, finit par ne plus les voir et les considérer comme un simple tapis de sol.

Poa annua, Pâturin annuel, Poitiers bords de Boivre
Pâturin annuel (Poa annua): en tête du top 10 des sauvages les plus observées dans les villes de France!

Notez que tout ce qui ressemble à de l'«herbe» n'est pas forcément Poacée. Il existe deux autres familles qui affichent des silhouettes similaires: les Cyperacées (le clan des Laîches), et les Joncacées (le clan des Joncs). On observera la section des tiges (entre les «nœuds») pour faire le tri:  section ronde et creuse chez les Poacées, section pleine et triangulaire chez les Cyperacées, section ronde et pleine chez les Joncacées. Un article complet est consacré à ces légions chlorophylliennes sur Sauvages du Poitou...

House Fabaceae, Sauvages du Poitou!

Les Fabacées (autrefois Légumineuses, environ 360 espèces en France) qui poussent naturellement sur le sol français dressent généralement des feuilles alternes, stipulées, composées et des fleurs irrégulières caractéristiques dites «papilionacées» (voir notre article complet sur le sujet), composées de 5 pétales: un étendard, deux ailes (tel un papillon) et une carène (deux pétales soudés) .

Cytisus scoparius, Genêt à balais, Biard (86)
Grand étendard (en haut), paire d'ailes (en bas sur les côtés) et carène (en bas au centre) de la fleur du Genêt à balais (Cytisus scoparius)

90% des membres de ce clan ont sur leurs racines de petites boules blanches (nodosités) qui logent des bactéries très utiles: ces dernières sont capables d'utiliser l'azote atmosphérique pour fabriquer des ressources qu'elles partagent volontiers avec la plante hôte. Ce partenariat assure un apport d'azote aux Fabacées en toute circonstances, quand bien même les ressources du sol feraient défaut... Bref, les Fabacées sont assises sur coffre à trésor bien rempli, au point qu'elles semblent à jamais à l'abri de la misère!

Luzerne d'Arabie, Medicago arabica, Poitiers Chilvert
Toute la richesse de la Luzerne d'Arabie (Medicago arabica) dans ses nodosités.
A quoi servent les amis riches s’ils ne mettent leurs richesses à votre disposition?
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

C'est pourquoi on retrouve dans leurs rangs de nombreux «engrais verts»: Trèfles (Trifolium spp), Luzernes (Medicago spp), Vesces (Vicia spp), Gesses (Lathyrus spp), mais aussi des stars du potager comme les Fèves, les Haricots ou les Pois... Autant de Sauvages ou de plantes domestiquées qui renferment leurs fruits dans des gousses (un fruit sec qui s'ouvre par deux fentes).

Vicia sativa, Vesce cultivée, Montamisé (86)
Gousses de la Vesce cultivée (Vicia sativa).

House Rosaceae, Sauvages du Poitou!

Les Rosacées (environ 250 espèces en France) sont une vaste famille, comptant dans leurs rangs des membres très éclectiques : des herbacées (comme les Fraisiers), en passant par les arbrisseaux (comme les Framboisiers, les Ronces...), jusqu’aux grands arbres (Pruniers, Pommiers, Poiriers, Cerisiers...). Malgré leurs différences, les Rosacées arborent certains airs de famille : leurs fleurs régulières sont bardées de nombreuses étamines et affichent souvent (ce n'est pas une règle absolue) cinq pétales et cinq sépales. Leurs feuilles alternes sont souvent composées ou dentées, généralement stipulées.

Geum urbanum, Benoîte urbaine, Poitiers bords de Boivre
Benoîte urbaine (Geum urbanum): 5 pétales, 5 sépales, des feuilles pennatiséquées, dentées et très nettement stipulées à la base du pétiole.
Et puis il y a les roses. Quel parfum délicat, les roses, n’est-ce pas? Surtout lorsqu’il y en a tant. Cinquante, soixante, soixante-dix mille roses... Je ne saurais vraiment dire combien il en reste, mais trop pour que je me soucie de les dénombrer, de toute façon.
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)
Le clan Rosacée fait preuve d'une indéfectible loyauté envers l'homme: cette famille fournit l'essentiel des fruits consommés en zone tempérée. La pomme est peut-être sa plus grande réussite (c'est le fruit le plus consommé au monde après les agrumes et la banane). Et puisque l’amour et les lois de l’attraction sont à l'origine de tout fruit, n’oublions pas la Rose, son indétrônable ambassadrice des parcs et des jardins, qui compte plus de 40.000 variétés!

Rosa canina, Rosier des chiens, Poitiers Mérigotte
Rosier des chiens (Rosa canina), un des rosiers «sauvages» les plus communs.

House Brassicaceae, Sauvages du Poitou!
Les gardes postés aux portes du château portaient des justaucorps de cuir et avaient pour emblème deux masses de guerre croisées sur une croix blanche en forme de X.
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Brassicacées (environ 250 espèces en France) sont loyales à leur emblème croisé: une fleur à quatre sépales et quatre pétales en croix (d'où leur ancien nom de Crucifères). Elles dressent généralement six étamines, quatre longues et deux courtes. Leurs fleurs sont majoritairement blanches ou jaunes, réunies en grappes. Leurs feuilles sont alternes ou réunies en rosette basale, jamais stipulées. Elles produisent des fruits secs qui s'ouvrent à maturité via quatre fentes pour libérer leur contenu (ovaire supère) : les siliques (ou silicules lorsque les fruits sont aussi larges que longs). Celles-ci peuvent arborer des formes géométriques diverses : d'épées chez la Giroflée des murailles (Erysimum cheiri), de bouclier chez la Monnaie-du-pape (Lunaria annua), de cœurs chez la Capselle bourse-à-pasteur (Capsella bursa pastoris)...

Monnaie du pape (Lunaria annua) et Giroflée des murailles (Erysimum cheiri)
Fleurs en croix et siliques: une poignée de pièces pour la Monnaie du pape (en haut) et une armée d'épées pour la Giroflée des murailles (en bas)!

On retrouve chez ce clan de nombreuses plantes cultivées dans les potagers: Choux, Colzas, Radis, Navets, Roquettes, Moutardes... Mais aussi d'autres Sauvages très serviables, comme la petite Arabette des dames (Arabidopsis thaliana), célèbre «souris verte» de laboratoire pour les chercheurs en biologie; ou le Pastel des teinturiers (Isatis tinctora), dont on peut tirer une teinture bleu et qui connait aujourd'hui un nouvel essor dans l'industrie textile.

Capsella bursa pastoris, Capselle bourse-à-pasteur, Saint Benoît (86)
Silicules «en cœur» de la Capselle Bourse à Pasteur

Je vous donne rendez vous lors du prochain épisode de notre feuilleton qui nous emmènera à la rencontre de six autres maisons prestigieuses... Botany is coming!

Game of thrones et botanique, les autres épisodes:
- Épisode 2: Apiaceae, Caryophyllaceae, Lamiaceae, Liliaceae, Ranunculaceae et Orchidaceae.
- Épisode 3: Boraginaceae, Rubiaceae, Campanulaceae, Amaranthaceae, Euphorbiaceae et Crassulaceae.
- Épisode 4: Polygonaceae, Geraniaceae, Papaveraceae, Malvaceae, Solanaceae et Plantaginaceae.

Et pour le plaisir, le grand fil rouge littéraire (et télévisé) de notre article...
- Le cycle fantasy Le Trône de fer par George R. R. Martin!
 


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