Pourpier, place Charles de Gaulle à Poitiers
Portulaca oleracea (Pourpier ou Porcelane) appartient à la petite famille Portulacaceae (Portulacées) qui ne comprend qu'un seul genre en France dans la classification récente, le sien. Jusqu'à récemment, on ne comptait qu'une seule espèce de pourpier «sauvage» dans notre pays (il existe d'autres espèces cultivées dans les jardins): Portulaca oleracea. On en reconnait aujourd'hui sept. Malheureusement pour nous, celles-ci présentent une morphologie identiques à conditions égales et sont impossibles à différencier sur le terrain; à l’exception de leurs semences qui exigent un examen minutieux au microscope - doublé d'une lumière rasante - pour laisser entrevoir leurs différences. Voilà qui en éblouira certains tout en rasant d'autres!
Les espèces les plus communes en France semblent être Portulaca trituberculata (hors méditerranée) et Portulaca granulatostellulata (méditerranée), devant Portulaca oleracea (source Flora Gallica). Pour ces raisons et en attendant des nouvelles fraîches de la planète botanique, les spécimens épinglés dans cet article renvoient aux Pourpiers «en général», sans chercher à préciser l’espèce.
Pourpier: qui a renversé son bol de noodle sur le trottoir?
Le Pourpier est une plante pionnière, annuelle qui pousse le plus souvent sur les sols misérables et chauds. Ses tiges charnues, rougeâtres et rameuses courent sur le macadam en été comme un bol de nouilles renversé sur le trottoir. A vrai dire, le sauvageon sait s’accommoder à d'autres situations, jusqu'à l'exact opposé tels que les jardins détrempés en hiver (avec certaines limites: il est gélif).
Le secret de sa résistance repose sur ses parties aériennes charnues, gorgées de suc, à l'image des plantes «grasses» comme les Crassulacées, des championnes de la survie en milieu hostile. A tel point que même déraciné, le Pourpier peut subsister jusqu'à maturité de ses graines. Tolérant la plupart des pollutions, le Pourpier est un bon candidat pour la phytoremédiation des sols souillés par les métaux lourds qu'il absorbe (chrome, cadmium et arsenic).
Fleurs discrètes et matinales du Pourpier: 4 à 6 pétales jaunes.
Sur des terres saines, le Pourpier (quelle que soit l’espèce, le microscope et la lumière rasante) constitue bien sûr une formidable salade sauvage. Le Pourpier est comestible, croquant sous la dent, mucilagineux, généralement mangé cru en salade, mais aussi parfois frit dans des recettes sucrées ou salées (omelettes, soupes...). Il est peu calorique, plus riche en vitamines A, B, C que la plupart des fruits de consommation courante, ainsi qu'en minéraux (potassium, magnésium et calcium). Son goût légèrement acidulé provient de la présence d'acide oxalique; c'est à noter, il convient peut-être de ne pas en faire un régime soutenu chez ceux qui sont sujets aux rhumatismes ou aux calculs rénaux.
On récolte avant floraison (après, il gagne un peu en amertume, ce qui n'enlève rien à son charme) ses feuilles spatulées, fermes et juteuses. Des feuilles en forme de patte de poulet: son nom viendrait de «poule pied»! A travers l'histoire, il est le Piedpoul, le Polpied, le Porpier, le Poupié ou le Pipou en en poitevin-saintongeais.
Fruits (capsules) du Pourpier: mon royaume pour un microscope!
C’est ça être une star: c’est avoir plus d’influence que la Bible et le Coran réunis.
(Les jolies choses, Gilles Paquet-Brenner)
Malgré ses qualités, la présence du Pourpier dans les assiettes a pourtant fluctué avec le temps, oscillant entre mode (il est la star du régime crétois) et désintérêt (il est surtout une mauvaise herbe, braves gens, brave gens...). Le sauvageon a même réussi a obtenir une citation biblique, quoique peu flatteuse. Dans le livre de Job (6:6), des traducteurs proposent le verset suivant: «Ce qui est fade se mange-t-il sans sel? Y a-t-il une saveur dans la bave de Pourpier?
».
Comme pour compenser cette ingratitude, d'autres légendes orientales racontent que Mahomet, s'étant blessé le pied, marcha sur du Pourpier: sa blessure guérit instantanément. Le Prophète bénit le sauvageon, désignant le Pourpier comme «un remède à 99 maux». Il n'en fallait pas moins pour faire du Sauvageon le «légume béni» de la médecine arabe au Moyen-âge.
Décor oriental en centre ville: une oasis de Pourpier sur un désert de macadam.
Jean-Baptiste de La Quintinie, jardinier et agronome en charge du Potager de Versailles, invita le Pourpier en tant que «salade de santé» à la table du Roi Soleil (Louis XIV). La médecine populaire accorde au Sauvageon des qualités émollientes, dépuratives et diurétiques. Appliqué directement sur la peau, son suc serait hydratant, adoucissant, pouvant calmer des légères irritations cutanées. Mâcher quelques feuilles calmerait l’inflammation des gencives ou de la gorge, ou plus simplement, couperait la soif. Officiellement, la pharmacopée française ne retient pas le Pourpier comme plante médicinale (Liste A), mais on comprend pourquoi ses parties aériennes, gorgées d'un suc rafraichissant, ont été considérées comme un doux pansement, en usage externe comme en usage interne. Bref, le Pourpier est surtout une excellente salade, l'occasion de se remémorer ce vieil adage: «Mange salade, jamais malade»!
Pour aller plus loin:
- Portulaca oleracea sur Tela-botanica
- Le Pourpier à travers l'histoire sur le blog Books of Dante
Morelle Noire, Villeurbanne (69)
Solanum nigrum (Morelle noire) appartient au clan Solanaceae, aux côtés des pommes de terre, des tomates, des aubergines, mais aussi des fantastiques Mandragore (Mandragora officinarum), Datura officinal (Datura stramonium) et Belladone (Atropa belladonna); des plantes connues pour leur toxicité ou leur pouvoirs psychotropes, due aux alcaloïdes qu'elles synthétisent pour se protéger des assauts des herbivores.
- Comment vous trouvez le poulet?
- Mort.
(Après vous, Pierre Salvadori)
La Morelle noire n'est pas en reste: les baies noires qu'elle produit sont toxiques avant maturité. La solanine contenue dans ses fruits - substance que l'on retrouve aussi dans les parties vertes des pommes de terre ou les feuilles des pieds de tomates - est dangereuse pour l'homme comme pour les animaux domestiques. Ce qui vaut à la Morelle noire des surnoms poétiques, tels que Tue-chien ou Crève-poule en poitevin-saintongeais!
Baies mûres de la Morelle noire, Louhossoa (64)
Depuis tout petit, je suis coupable: j'ai toujours été coupable.(Rien à déclarer, Dany Boon)
En Europe, la famille Solanaceae est intimement liée à l'histoire de la sorcellerie. Mandragore, Belladone, Datura, Jusquiane: autant de plantes dangereuses, voir mortelles pour celui qui les utilise à mauvais escient, mais qui peuvent devenir de puissants psychotropes entre des mains initiées. On raconte que les sorcières fabriquaient un onguent avec la Morelle noire, dont elles se recouvraient le corps pour aller au sabbat en songe (assemblée nocturne de magiciennes)! Pour certains auteurs, Solanum viendrait d'ailleurs du latin solari, «je console», à cause de ses propriétés narcotiques et calmante (ses parties aériennes et ses fruits sont inscrits à la liste A des plantes médicinales de la pharmacopée française). La Morelle noire aurait également servi à confectionner une encre qui permettait de communiquer avec les défunts, ou des encens (aux fumées toxiques) pour faire offrande aux divinités crépusculaires... Brrrr!
Bref, la Morelle noire s'est taillé à travers l’histoire une aura sulfureuse et peu catholique. Pas étonnant qu'elle reste aujourd'hui cantonnée au rayon des «mauvaises herbes» sous nos latitudes et que ses potentialités soient le plus souvent ignorées. Au village, sans prétentions, la Morelle a-t-elle mauvaise réputation?
Larve de Doryphore: aux couleurs d'Halloween!
Peut-être que sa rédemption viendra des potagers où elle est parfois vue d'un bon œil par les jardiniers: les Doryphores (Leptinotarsa decemlineata, des grands amateurs de Solanacées) bouloteraient à l'occasion notre ex-magicienne plutôt que les rangs de patates (ou plus rarement de tomates ou d'aubergines). Après l'arrachage et la récolte des pommes de terre, attention à ne pas tolérer plus longtemps la (les) Morelle(s) autour des potagers: la Sauvage pourrait devenir un refuge de premier choix pour ces ravageurs croque-sorcières!
En guise de conclusion, deux incontournables du genre au potager: Solanum tuberosum, alias la Pomme de terre...
... Et Solanum lycopersicum, alias la Tomate cultivée. De la sorcellerie à la ratatouille, il n'y a qu'un tout petit chaudron!
Pour aller plus loin:
- Solanum nigrum sur Tela-botanica
- Solanum nigrum : identification assistée par ordinateur
- Solanum nigrum, un article de fond sur le blog de J.F.Dumas
Lecture recommandée:
Vesce cultivée: moitié fleur, moitié papillon!
Vicia sativa (Vesce cultivée) appartient à la famille Fabaceae dont les membres dressent généralement des feuilles composées et des fleurs irrégulières caractéristiques qu'on dit «papilionacées». On trouve parmi les Fabacées des stars du potager, à la culture aisée, comme les haricots ou les pois. La Vesce cultivée n'est pas en reste: elle est souvent semée comme «engrais vert». A l'image d'autres Fabacées (voir notre article sur la Luzerne tachetée), la Vesce cultivée possède sur ses racines de petites boules blanches nommées nodosités. Celles-ci logent des bactéries très utiles, capables d'utiliser l'azote atmosphérique pour fabriquer des ressources qu'elles partagent volontiers avec leur hôte. Ainsi, la Vesce cultivée est une pionnière à l'aise en toute circonstance, quelle que soit la misère ou la richesse du sol. On croisera cette annuelle en tous lieux, de préférence près des cultures et des jardins où l'homme la sème volontiers.
Feuille imparipennée (n'oubliez pas que la vrille compte pour une foliole!) de la Vesce cultivée.
Dent cassée ne vaut pas fève.Le distrait, Pierre Richard
Mais laissons veaux, vaches, cochons et pigeons pour se pencher sur les insectes. Les fleurs mellifères de la Vesce cultivée enchantent les butineurs et de par la même les apiculteurs. C'est pourtant avec d'autres créatures que la Sauvage a signé un pacte ancestral: des nectaires situées à la base de ses feuilles entretiennent la présence des fourmis qui s'en régalent. En contrepartie, ces dernières patrouillent sur les tiges, assurant la garde rapprochée de la plante et tenant à l'écart les insectes parasites ou autres prédateurs. On désigne ce genre de contrat amical avec le peuple fourmi par le terme myrmécophilie.
Vicia sativa subsp. sativa et compagnie: gare au sac de nœuds!
Plus généralement, le genre Vicia compte une quarantaine d’espèce en France; la moitié d'entre elles sont méditerranéennes. Avec la «petite» quinzaine d’espèces recensée en Poitou, je dois me rendre à l'évidence: entre Poitiers et Marseille, en botanique comme en football, on ne joue pas dans la même division! On ne citera ici que quelques spécimens communs:
Vesce hérissée (Vicia hirsuta, aujourd'hui Ervilia hirsuta), une annuelle discrète des friches et des terrains vagues. Ses petites fleurs sont blanches et ses nombreux folioles (4 à 10 paires) linéaires.
Vesce des haies (Vicia sepium), une vivace qui fréquente les sols frais et riches. Ses fleurs, regroupées par quatre ou plus, sont d’un violet «sale». Ses folioles (3 à 9 paires) sont oblongues à elliptiques; leur extrémité est obtuse. Elle aussi cache des nectaires à la base de ses feuilles, principalement fréquentées par les fourmis.
Vesce cracca (Vicia cracca), une vivace qui forme des colonies denses dans les prairies, près des cultures ou des haies, aux nombreuses folioles (8 à 12 paires). Ses fleurs bleues sont réunies en grappes, toutes situées du même côté de la tige. De même que pour Vicia sativa, le cas Vicia cracca demande un examen attentif pour départager plusieurs espèces proches (V.benghalensis, V.villosa ou V.tenuifolia). On n'en attendait pas moins de la part de Sauvages dont le sport principal consiste à faire des nœuds et à s’emmêler les vrilles!
Pour aller plus loin:
- Vicia sativa sur Tela-botanica
- Vicia sativa : identification assistée par ordinateur