Renouée des oiseaux, Poitiers quartier gare
Polygonum aviculare (Renouée des oiseaux ou Courée en poitevin saintongeais) appartient aux Polygonaceae, le clan des Renouées, du Sarrasin, des Rhubardes et autres Rumex. Les Polygonum (Renouées) tirent leur nom des termes grecs Polys «plusieurs» et Gonu «genoux»: leur tige solide est parcourue par de nombreux «nœuds». Il faudra bien se pencher pour observer ceux de Polygonum aviculare... la Sauvage est le plus souvent planquée sous nos chaussures!
- Bon dieu de merde tu me piétines la gueule.
- Ben excuse moi j’te croyais mort.
- Et ben tu t’es trompé, connard.
(Apocalypse Now, Francis Ford Coppola)
Sous les pneus des voitures en ville: petites feuilles ovales, elliptiques ou lancéolées
de la Renouée des oiseaux.
Polygonum aviculare est une herbe commune sur tout le globe. C'est la «mauvaise herbe» des chemins, des gazons usés, des terrains de jeux, celle qui perce entre deux pavés, dans les fissures du revêtement d'une cour ou d'un parking, autant de lieux fréquentés et de sols abîmés (nus et fortement tassés).
Fleur discrète à 5 tépales de la Renouée des oiseaux, Poitiers quartier Chilvert
Bien qu'annuelle (plus rarement pérennante), Polygonum aviculare avait tout pour devenir de la mauvaise graine: elle est capable de pousser dans des conditions misérables, sur des terres si dures qu'on aurait du mal à y planter une pioche, elle résiste aux piétinements, son mode de dispersion sur le territoire est efficace et ingénieux (voir plus bas)... Mais voilà, sa taille réduite ne cause guère d'inquiétudes et de considérations; ses fleurs blanches de quelques millimètres de diamètre ne marquent ni les regards (si ce n’est ceux des oiseaux), ni les butineurs (les fleurs s’autopollinisent).
Les fruits (des akènes) pyramidaux de Polygonum aviculare font le régal des volatiles («aviculare» signifie oiseaux en latin). Les graines qui ne sont pas becquetées finissent collées sous les pattes des animaux ou sous les baskets des passants, qui disséminent malgré eux les générations suivantes. Enfin, la belle habille et protège les sols dégradés de l'érosion et de l'exposition directe au soleil par son couvert dense.
Renouée des oiseaux, l'amie de tous les oiseaux! Poitiers quartier Chilvert
Certains hommes avisés se sont quand même penché vers la Sauvage: il s'avère que Polygonum aviculare est comestible, pour nous comme pour les animaux (les fermiers la connaissent plus souvent sous le nom d'Herbe à cochon).
Mais c'est surtout grâce à son usage en médecine populaire que la sauvage a obtenu ses citations. La plante est tannique (asséchante), hémostatique (cicatrisante), riche en vitamine C et en flavonoïdes. Son infusion est réputée soulager les toux et les bronchites. Même si sa réputation subsiste (ses sommités fleuries sont inscrites à la liste A des plantes médicinales de la pharmacopée française), la médecine moderne montre moins d'enthousiasme à l'égard de la sauvageonne et les études à son sujet n’abondent guère.
Et si la Sauvage ne vous convainc pas en tant que plante médecine, reste cette ancienne tradition vénitienne: pour prophétiser notre sort après le trépas, cueillir un brin de Renouée des oiseaux. En commençant par la pointe, compter chaque nœud jusqu'à la racine, en répétant tour à tour paradiso (paradis), purgatorio (purgatoire) et inferno (enfer)... Lorsqu'on arrive au dernier nœud, notre destin post mortem est fixé!
Pour aller plus loin:
- Polygonum aviculare: identification par ordinateur
- Polygonum aviculare sur Tela-botanica
Faute de se pencher suffisamment, on risque fort de confondre notre Renouée des oiseaux avec quelques Euphorbes au port rampant: à gauche, l'Euphorbe prostrée (Euphorbia prostrata) qui se distingue de par les poils de ses capsules répartis irrégulièrement. A droite, l’Euphorbe maculée (Euphorbia maculata) qui se distingue de par ses capsules pourvues d'une pilosité uniforme.
Oxalis corniculé, Poitiers quartier Chilvert
Oxalis corniculata (Oxalis corniculé) appartient au clan éponyme, celui des Oxalidaceae. Les Oxalis doivent eux-mêmes leur nom aux termes grecs Oxus et Als, respectivement «acide» et «sel». Toutes les parties des Oxalis sont acidulées du fait de l'acide oxalique qu'elles contiennent. On peut d'ailleurs les rajouter crues aux salades sauvages, où elles remplaceront quelque peu le vinaigre (ou le citron). Attention toutefois à ne pas en abuser: l'acide oxalique peut à forte dose troubler les systèmes digestif, gastrique (irritations), urinaire (calculs rénaux), ou aggraver les états rhumatismaux
Le miel n’est pas vraiment le miel sans le vinaigre.
(Vanilla sky, Cameron Crowe)
Fleur de l'Oxalis corniculé, Poitiers quartier Chilvert
La caractéristique la plus évidente des Oxalis est la forme de leurs feuilles, divisées en 3 folioles (comme le trèfle), en forme de cœur.
Feuille de l'Oxalis corniculé: alternes, trifoliées, folioles obcordées.
Les feuilles de l'Oxalis corniculé peuvent aborder une palette de couleurs variables, allant du vert clair au violet foncé. Il se distingue des autres Oxalis grâce à ses fleurs jaunes en ombelles, son port rampant, ses tiges aériennes qui bouturent allégrement et un détail qu'il nous faut dénicher à la loupe: on peut observer des stipules très marqués à la base des pétioles.
Oxalis corniculé: des stipules soudées au pétiole, très marquées, anguleuses.
A titre de comparaison, ces stipules ne sont pas visibles chez l'Oxalis droit (Oxalis fontana), une espèce proche au port érigé. Chez l'Oxalis dressé (Oxalis dillenii), une autre espèce moins répandue, les stipules moins marquées, régulièrement arquées (non anguleuses) et il n'y a jamais de boutures aériennes.
Le port dressé de l'Oxalis droit, le bien nommé.
Oxalis droit: contrairement à l'Oxalis corniculé, la base du pétiole n'est pas élargie en stipules.
L'Oxalis corniculé est une annuelle, voir une pérennante (vivace à la vie courte), dont les fruits explosifs (des capsules) dispersent les graines alentour. Au contact du sol, les tiges rampantes peuvent s'enraciner en plusieurs points d'ancrage autour du plant principal (le seul à avoir une racine pivotante vigoureuse), permettant à la Sauvage de couvrir rapidement les territoires dégagés qui s'offrent à elle.
Oxalis corniculé, Poitiers quartier Chilvert
C'est pourquoi la belle n'a pas forcément la côte auprès des jardiniers. Les conseils et les méthodes pour se débarrasser d'elle abondent sur la toile; de même que les retours déçus de ceux qui ne parviennent jamais vraiment à l'éradiquer. Il est pourtant intéressant de noter que l'Oxalis corniculé affectionne les sols où la terre est laissée nue (en attente d'un semis par exemple, ou dans les rangs intermédiaires d'un potager), lessivés par les intempéries en hiver ou brûlés par le soleil en été.
L'Oxalis corniculé est présente sur toute la planète. Le cœur dessiné par ses feuilles et la ténacité de la Sauvage, ont marqué les esprits des amoureux de la nature des cinq continents... De l'autre côté du globe, au Japon, elle («Katabami») a fait partie des Kamon les plus repris par les clans guerriers (les Kamon sont des blasons stylisés qui représentaient les grandes familles). L'image est belle: l'Oxalis, petit samouraï végétal, prêt à tous les sacrifices pour protéger son seigneur, le sol!
Oxalis corniculé et le Kamon japonais «Katabami»
Pour aller plus loin:
- Oxalis corniculata: identification assistée par ordinateur
- Oxalis corniculata sur Tela-botanica
- Oxalis fontana: identifications assistée par ordinateur
- Oxalis fontana sur Tela-botanica
Fruits (capsules allongées) de l'Oxalis corniculé.
Mélisse officinale: un parfum de citron au bord de la route.
Melissa officinalis (Mélisse officinale) appartient à la famille Lamiaceae, les plantes à tige carrée et à fleurs en forme de gueule ouverte (lamia est une «ogresse» dans la mythologie grec). La Mélisse officinale tire son nom du grec melissa, l’abeille (qui vient de meli, le miel). Restons dans le domaine haut en couleur de la mythologie grec: Mélissa est le prénom d'une nymphe - fille du roi de Crète Melissos - qui inventa l’apiculture et éleva Zeus, le roi des dieux, en le nourrissant de miel. Il est vrai que la Sauvage est mellifère. Les butineurs affectionnent ses feuilles au parfum citronné (les moustiques moins il parait), à tel point que certains apiculteurs frottent la plante dans leurs ruches pièges pour attirer les essaims en quête de logis.
Melissa officinalis est une vivace. Sa présence à l'état sauvage, loin des villes, nous raconte que l'homme a habité autrefois là où se dressent ses touffes citronnées, parfois de véritables buissons: en France, la belle n'est indigène qu’en région méditerranéenne (Corse). Les spécimens les plus intéressants (le parfum de la Mélisse «originelle» n’a rien d’agréable) furent invités dans les jardins de tout le pays, depuis des temps anciens. Sa rusticité lui a parfois permis de perdurer après la disparition des habitations. Melissa officinalis intéressera donc les archéologues en quête d’indices de présence humaine, autant que les gourmands!
Tu appelles ça de l’archéologie?
(Indiana Jones et la dernière croisade, Steven Spielberg)
Fleur de Mélisse officinale: une corolle blanche formée d'une lèvre supérieure concave et échancrée et d'une lèvre inférieure trilobée (en 3 lobes inégaux).
Car Melissa officinalis est terriblement rustique: elle tolère tous les sols. Sa faculté à drageonner (reproduction végétative) et à se ressemer spontanément, couplée à sa capacité d'adaptation, en font une invité exubérante au jardin. Ceci dit, il y a des invasions plus désagréables que celle de Melissa officinalis qui embaume l'atmosphère et régale les abeilles!
Mélisse officinale, Poitiers bords de Boivre
Les feuilles de Melissa officinalis s'abîment dans le courant de l'été, dégageant une odeur de moins en moins avenante. Si vous tentez d'apprivoiser la Sauvage au jardin ou au balcon, c'est le moment pour la tailler; elle donnera de nouvelles feuilles saines, et vous couperez court à ses nombreux semis spontanés, limitant ses débordements.
Feuilles de la Mélisse officinale en été: opposées, ovales, largement crénelées ou dentées.
Quand je suis avec toi je suis plus calme, je respire plus lentement, même si mon cœur bat plus vite.(Ma première fois, Marie-Castille Mention-Schaar)
Pour aller plus loin:
- Melissa officinalis sur Tela-botanica
- La Mélisse à travers l'histoire sur le blog Books of Dante
- La Mélisse par Nathalie Ronat (thèse de la Faculté de Pharmacie)
Mélisse officinale en graine, Poitiers bords de Boivre