Mélisse officinale: un parfum de citron au bord de la route.
Melissa officinalis (Mélisse officinale) appartient à la famille Lamiaceae, les plantes à tige carrée et à fleurs en forme de gueule ouverte (lamia est une «ogresse» dans la mythologie grec). La Mélisse officinale tire son nom du grec melissa, l’abeille (qui vient de meli, le miel). Restons dans le domaine haut en couleur de la mythologie grec: Mélissa est le prénom d'une nymphe - fille du roi de Crète Melissos - qui inventa l’apiculture et éleva Zeus, le roi des dieux, en le nourrissant de miel. Il est vrai que la Sauvage est mellifère. Les butineurs affectionnent ses feuilles au parfum citronné (les moustiques moins il parait), à tel point que certains apiculteurs frottent la plante dans leurs ruches pièges pour attirer les essaims en quête de logis.
Melissa officinalis est une vivace. Sa présence à l'état sauvage, loin des villes, nous raconte que l'homme a habité autrefois là où se dressent ses touffes citronnées, parfois de véritables buissons: en France, la belle n'est indigène qu’en région méditerranéenne (Corse). Les spécimens les plus intéressants (le parfum de la Mélisse «originelle» n’a rien d’agréable) furent invités dans les jardins de tout le pays, depuis des temps anciens. Sa rusticité lui a parfois permis de perdurer après la disparition des habitations. Melissa officinalis intéressera donc les archéologues en quête d’indices de présence humaine, autant que les gourmands!
Tu appelles ça de l’archéologie?
(Indiana Jones et la dernière croisade, Steven Spielberg)
Fleur de Mélisse officinale: une corolle blanche formée d'une lèvre supérieure concave et échancrée et d'une lèvre inférieure trilobée (en 3 lobes inégaux).
Car Melissa officinalis est terriblement rustique: elle tolère tous les sols. Sa faculté à drageonner (reproduction végétative) et à se ressemer spontanément, couplée à sa capacité d'adaptation, en font une invité exubérante au jardin. Ceci dit, il y a des invasions plus désagréables que celle de Melissa officinalis qui embaume l'atmosphère et régale les abeilles!
Mélisse officinale, Poitiers bords de Boivre
Les feuilles de Melissa officinalis s'abîment dans le courant de l'été, dégageant une odeur de moins en moins avenante. Si vous tentez d'apprivoiser la Sauvage au jardin ou au balcon, c'est le moment pour la tailler; elle donnera de nouvelles feuilles saines, et vous couperez court à ses nombreux semis spontanés, limitant ses débordements.
Feuilles de la Mélisse officinale en été: opposées, ovales, largement crénelées ou dentées.
Quand je suis avec toi je suis plus calme, je respire plus lentement, même si mon cœur bat plus vite.(Ma première fois, Marie-Castille Mention-Schaar)
Pour aller plus loin:
- Melissa officinalis sur Tela-botanica
- La Mélisse à travers l'histoire sur le blog Books of Dante
- La Mélisse par Nathalie Ronat (thèse de la Faculté de Pharmacie)
Mélisse officinale en graine, Poitiers bords de Boivre
Millepertuis perforé, Poitiers bords de Boivre
Hypericum perforatum (Millepertuis perforé ou Milleperdu en poitevin-saintongeais) appartient aux Hypericaceae, un clan qui porte son nom. Cette petite famille ne compte qu’un seul genre en France (moins d’une dizaine de genres dans le monde), les Hypericum qui réunissent une grosse vingtaine d’espèces.
Millepertuis, vient du vieux français et signifie «mille trous»: leurs feuilles donnent l'impression d'être criblées d'une multitude de trous minuscules. En réalité la Sauvage n'est pas perforée, mais recouverte de petites poches transparentes emplies d'une huile essentielle aux nombreuses vertus.
- Tes chaussettes, elles sont trouées.
- Ah! Mais celles-ci ce sont celles de la nuit, les pieds aiment bien respirer la nuit.
- Alors pourquoi n’en changes-tu pas le jour?
- Parce que celles du jour sont pleines de trous.
(Million Dollar Baby, Clint Eastwood)
Feuilles du Millepertuis perforé: opposées, sessiles, ovales, oblongues ou linéaires... Et percées de mille trous!
Le Millepertuis perforé est une vivace qui affectionne les zone bien drainées et bien exposées, les prairies ou les lisières clairsemées. Ses stolons assurent son expansion, pendant qu'il se resème généreusement chaque année. Sur un sol à sa convenance, il peut rapidement prendre de la place.
A la suite de son introduction de l'autre côté du globe (Australie), le Millepertuis perforé est d'ailleurs devenue une invasive problématique (au port bien plus imposant que sous nos latitudes). De même en Amérique du Nord, où l'introduction récente de deux Chrysomèles (Chrysolina hyperici et Chrysolina quadrigemina), prédatrices naturelles de la Sauvage, semble toutefois freiner sa prolifération.
Une des nombreuses Chrysomèles (ici la Chrysomèle du millepertuis, Chrysolina hyperici) dont les larves et les imagos boulottent les Millepertuis jusqu'à la tige!
Les panicules de fleurs apparaissent entre juin et septembre, avec un pic de floraison autour du 24 juin (d'où le surnom d'Herbe de la Saint Jean). Chaque fleur éclose se pare d'une couleur rousse en fanant, dès le lendemain. Notez les pétales jaunes — à la symétrie imparfaite — bordés de points noirs: ces coquetteries, ainsi que les deux lignes saillantes présentes sur la tige (il faut réunir les deux critères), vous permettront de différencier Hypericum perforatum des autres Hypericum qui n'ont malheureusement pas les mêmes vertus.
Fleurs du Millepertuis perforé: 5 pétales à la symétrie imparfaite, denticulés d'un seul côté, ponctués de noir, 30 à 60 étamines soudées entre elles par leur base entourent 3 carpelles soudés entre eux (les 3 styles divergent franchement).
Le Millepertuis à quatre ailes (Hypericum tetrapterum), un habitué des milieux humides en été qui se distingue de par les quatre angles ailés qui longent sa tige.
Le Millepertuis hérissé (Hypericum hirstutum) qui colonise les bois, les haies ou les prés ombragés. Il se distingue de par sa pilosité et ses sépales bordés de glandes noires.
On pensait jadis le Millepertuis perforé capable de faire fuir les esprits maléfiques qui viennent parfois tourmenter les hommes... Certains le nommaient Chasse diable! Dans une version contemporaine (mais c'est sans doute la même histoire), le Sauvageon est devenu une médication contre les états dépressifs.
Les études cliniques reconnaissent aujourd'hui l'efficacité du Millepertuis perforé comme antidépresseur. Comme tout médicament, il convient de considérer cas par cas sa posologie, son dosage, ses interactions avec d'éventuels autres traitements (surtout avec d'autres antidépresseurs) et ses éventuels effets secondaires.
Panicules de fleurs du Millepertuis perforé, Poitiers bords de Boivre
Il existe une autre utilisation ancestrale du Millepertuis perforé: après avoir soigné les coups de blues, le Sauvageon remédierait aussi aux coups de soleil! La lotion rougeâtre qu'on obtient en laissant macérer ses fleurs dans de l'huile d'olive (remplir une bouteille de sommités fleuries fraîches, couvrir entièrement avec l'huile) pendant 30 jours en plein soleil (filtrer avant usage) calmerait les légers coups de soleil (application externe) et soulagerait les douleurs musculaires ou articulaires en massage. Attention cependant à ne pas s'exposer au soleil après une application de ce macérât: il y a risque d'hypersensibilisation (de même lors de la cueillette, prudence).
Pour aller plus loin:
- Hypericum perforatum sur Tela-botanica
- Hypericum perforatum: identification assistée par ordinateur
- Hypericum hirsutum sur Tela-botanica
- Hypericum hirsutum: identification assistée par ordinateur
- Hypericum tetrapterum sur Tela-botanica
- Hypercium tetrapterum: identification assistée par ordinateur
- Considérations chimique pour une utilisation du Millepertuis perforé sur Phytomania
- Antidépresseurs végétaux (Forum Med Suisse n°48, novembre 2002)
- Identification des Chrysomèles sur le site Les insectes
Amarante couchée: introduite en France au début du 20ème siècle, l'Amarante couchée tend à devenir commune au cœur des villes.
Les Amaranthus (Amarantes ou Argon en poitevin saintongeais) appartiennent au clan qui porte leur nom, Amaranthaceae. Leurs fleurs minuscules sont généralement verdâtres ou rougeâtres, avec un périanthe herbacé, sec ou membraneux. Amarantos en grec signifie «qui ne flétrit pas»: même cueillies, leurs fleurs ne risquent guère de faner.
Amarante couchée, Poitiers quartier gare
L'Amarante couchée (A.deflexus) et l'Amarante livide (A.blitum) présentent des ports étalés sur le sol. Les feuilles nous permettent de les différencier, ovales (ou rhomboïdales) chez l'Amarante couchée, échancrées (émarginées) à leur bout pour l'Amarante livide.
Feuilles émarginées de l'Amarante livide, Poitiers centre
L'Amarante réfléchie (A.retroflexus) et l'Amarante hybride (A.hybridus) se distinguent par des ports dressés avec presque un mètre de hauteur à pleine maturité. Chez l'Amarante réfléchie, la tige et les pétioles sont fortement pubescents. Les feuilles ont souvent un bord de limbe ondulé. Chez l'Amarante hybride, tige et pétioles sont glabres ou légèrement velus.
Amarante réfléchie, Nouaillé-Maupertuis (86)
Vous l'aurez compris, ces quelques conseils d'identification sont loin d'être suffisants ou exhaustifs! D'autant plus que les différences s'amenuisent lorsqu'on observe des Amarantes sur un bout de trottoir misérable, ou la plante pousse et se développe comme elle peut, à partir du peu qu'elle trouve... L'examen minutieux de leurs fleurs minuscules, assisté d'une flore experte, sont souvent nécessaires pour aller jusqu'à l’espèce.
Amarante hybride, Buxerolles (86)
Les Amarantes réfléchie (A.retroflexus), hybride (A.hybridus) et livide (A.blitum) sont des annuelles, principalement pollinisée par le vent. Elles se resèment abondamment, produisant plusieurs milliers de graines par pied.
L'Amarante couchée (A.deflexus) est une vivace solidement enracinée. Au jardin, cette dernière peut se montrer envahissante... Il faut dire qu'elle ne craint guère que les limaces et les escargots, ces derniers n'étant pas légions à l'heure estivale où la Sauvage pointe le bout de ses feuilles.
J’ai un ami coincé dans l’œsophage d’une limace.
(Epic la bataille du royaume secret, Chris Wedge)
Pourtant, d'autres variétés d'Amarantes spécialement sélectionnées pour la culture ou l'ornement peuvent se révéler intéressantes à côtoyer.
Amarante couchée: une usine à graines.
Car les Amarantes étaient cultivées par les amérindiens (Arizona), les Incas, les Mayas ou encore les Aztèques pour leurs graines avec lesquelles ils confectionnaient une farine (sans gluten) et des galettes. Les civilisations précolombiennes considéraient d'ailleurs la Sauvage (alors domestiquée) comme une plante sacrée et lui réservait une place de choix jusque dans leurs rituels.
C’est en tant que légumes (ainsi que pour leurs qualités ornementales) que nombre d’Amarantes furent introduites en Europe. Leurs grains et leurs jeunes feuilles riches en protéines, en vitamines A, C et en sels minéraux, sont consommées crues ou cuites comme des épinards.
Les Amarantes ont finalement quitté les jardins pour trouver la liberté au cœur des villes et des champs cultivés où elles apprécient les excès d’azote. Les espèces les plus rudérales, comme l’Amarante couchée (A.deflexus), furent probablement importées accidentellement, leurs graines s’étant introduites clandestinement via les transports de marchandises.
Amarante couchée: aux sombres héros du caniveau.
Et je voudrais remercier ma grand-mère pour avoir toujours été aussi gentille avec moi, et de m’avoir aidé à sauver le monde et puis tout ça.
(Mars Attacks, Tim Burton)
La culture de l'Amarante reste d'actualité dans des pays comme le Kenya, l'Ouganda, la Zambie ou le Zimbabwe. Sont généralement retenues des variétés annuelles à grandes feuilles, comme l'Amarante fournaise (A.tricolor), ou à graines, comme l'Amarante élégante (A.hypochondriacus), l'Amarante hybride (A.hybridus), l'Amarante à queue de renard (A.caudatus) ou encore l'Amarante rouge (A.cruentus).
La spectaculaire Amarante à queue de renard
Une O.N.G. kényane - Strategic Poverty Alleviation Systems - invite à considérer la culture de l'Amarante comme une solution face aux problèmes de malnutrition du continent africain: plus nutritive que le soja, plus facile à cultiver, elle tolère les sols pauvres, secs, se montre résistante face aux prédateurs et aux maladies et requiert peu d'eau...
Alors la prochaine fois que vous croisez un membre du clan Amaranthus, regardez de plus près: il se pourrait que derrière un masque de mauvaise herbe citadine, incognito sur un bout de trottoir, se cache le membre d'une famille de super Sauvages. Même si certaines d'entre elles (A.deflexus, A.retroflexus, A.hybridus) sont surveillées dans certaines régions françaises: il ne faudrait pas que, basculant du côté obscure de la force, leurs supers pouvoirs transforment ces globe-trotteuses en de nouvelles invasives sur notre sol!
Pour aller plus loin:
- Amaranthus deflexus sur Tela-botanica
- Amaranthus retroflexus sur Tela-botanica