Sus aux fleurs du Romarin officinal! (abeille solitaire, Anthophora sp.)
Rosmarinus officinalis (Romarin officinal ou Roumarin en poitevin saintongeais) est un arbrisseau appartenant au clan Lamiaceae, dont les membres montrent des fleurs en forme de gueule d'ogresse. Sa présence dans les pages du blog est particulière, car le Romarin n'est pas à proprement parler un «Sauvageon du Poitou», mais plutôt un vagabond des maquis méditerranéens. On peut au moins reconnaitre qu'il s'acclimate bien aux jardins et aux balcons du Poitou, comme du reste de la France, où nous sommes nombreux à le cultiver (pour peu qu'on lui trouve un coin de terre à l'abri des excès d'eau).
Le Romarin officinal à l'état spontané s'observe parfois à Poitiers, les long des falaises (au microclimat méditerranéen) sous Notre Dame des Dunes!
Rosmarinus est littéralement la rosée (ros en latin) marine (marinus en latin). Dans certaines légendes, cette «Rosée marine» n'est autre qu'une princesse qui pleure son galant noyé dans la mer et se transforme finalement en un arbuste dont les feuilles ont la forme et le goût amer de ses larmes... La saveur piquante du Romarin n'a pourtant rien de triste côté cuisine, où ses fleurs, ses feuilles et ses branches sont utilisées, fraiches ou séchées, pour relever les plats et les desserts.
Tronc du Romarin officinal, Poitiers quartier Chilvert
Le Romarin affectionne les rocailles, les sols calcaire ensoleillés et bien drainés. Son feuillage (sessile, linéaire à filiforme) coriace et persistant dégage un parfum camphré (l'odeur repousserait les mites, la mouche de la carotte et la piéride du chou).
Là où il y a Romarin officinal, la Chrysomèle américaine et ses reflets métalliques ne sont jamais bien loin (ce petit coléoptère se nourrit de ses feuilles)!
Par ses racines, l'arbuste semble avoir un effet inhibiteur sur les plantes annuelles: force est de constater qu'au pied d'un tronc de Romarin, la flore adventice est généralement assez pauvre.
Ses fleurs sont en revanche un hymne à la vie, car très mellifères. Le miel de Romarin - plus connu sous l’appellation de «miel de Narbonne» - est réputé pour son parfum et sa finesse. Une aubaine, car en Poitou, l'arbrisseau affichera ses fleurs avant l'arrivée du printemps: il est une manne pour les butineurs au sortir de l'hiver.
Fleur du Romarin officinal: la lèvre supérieure de la corolle forme un casque fendu. La lèvre inférieure possède trois lobes, le central plus large et concave: c'est la «piste d'atterrissage» pour les butineurs.
Son histoire la plus célèbre nous emporte en Europe centrale à la fin du 14ème siècle: Élisabeth, la reine pieuse de Hongrie alors âgée de 72 printemps, souffre de rhumatismes, à moins que ce ne soit de la terrible goutte. Pour la soulager, un ange (dans d'autres récit, c'est un moine) lui propose un élixir à base de plantes, dont le Romarin est l'ingrédient principal. La potion sacrée soigne la sainte reine, tout en lui redonnant jeunesse et beauté!
Le mythe de l'«Eau de Hongrie» fait le tour du vieux continent. En France, l’élixir devient un parfum prisé, de la cour du roi Charles V jusqu'à celle de Louis XIV, où la Marquise de Sévigné en fait promotion. Un onguent réputé pour ses vertus thérapeutiques, mais surtout pour ses pouvoirs esthétiques et revitalisants. Le Romarin entre dans la Légende, jusque dans les contes de Charles Perrault où l'Eau de Hongrie tente (sans succès) de réveiller la Belle au Bois Dormant:
«Elle n'eut pas plus tôt pris le fuseau, que comme elle était fort vive, un peu étourdie, et que d'ailleurs l'arrêt des fées l'ordonnait ainsi, elle s'en perça la main, et tomba évanouie. La bonne vieille, bien embarrassée, crie au secours: on vient de tous côtés, on jette de l'eau au visage de la princesse, on la délace, on lui frappe dans les mains, on lui frotte les tempes avec de l'eau de la reine de Hongrie; mais rien ne la faisait revenir.»
Le Xylocope violet (Xylocopa violacea) en quête de la jeunesse éternelle sur le Romarin officinal.
Le Romarin ne se cantonne pas seulement aux rayon des contes et légendes. Si «Eau de Hongrie» est de nos jours devenu le nom d'un parfum commercial (!), l'arbrisseau conserve une place de choix sur les étals des herboristeries.
Sa valeur cosmétique (anti-oxydant et donc anti vieillissement) est souvent mise en avant en usage externe comme en usage interne. Le Romarin est également considéré comme un stimulant cérébral: on raconte que pendant la Grèce antique, les intellectuels s'en tressaient des couronnes pour aiguiser leur réflexion et leur mémoire. La plante aurait aussi son utilité dans la prévention et l'accompagnement des douleurs rhumatismales, de la goutte, des troubles gastro-intestinaux et permettrait de lutter contre les états de fatigue en général... La liste n'est pas exhaustive, la palette thérapeutique du Romarin est aussi variée que sophistiquée dans ses modes d'administration (avec toutes les précautions d'usage habituelles): infusion légère, teinture alcoolique, huiles essentielles, etc. L'arbrisseau est décidément très plébiscité, par les hommes comme par les butineurs!
Si son parfum n’est plus dans l’air, à quoi bon encore respirer?
(Fanfan la Tulipe, Christian-Jaque)
Pour aller plus loin:
- Rosmarinus officinalis sur Tela-botanica
- Étude chimique pour une utilisation médicinale de la plante sur Phytomania
- Identification des Chrysomèles sur le site Les insectes
Lamier blanc, Poitiers quartier Chilvert
Lamium album (Lamier blanc) appartient à la famille Lamiaceae, les plantes à tige carrée. Dans la mythologie grecque, la jeune Lamia était l'amante de Zeus. La femme du Dieu, Héra la jalouse, tua leur enfant illégitime. Lamia, inconsolable, décida qu'aucune mère n'avait le droit d'être heureuse, et se transforma en une ogresse qui mangeait les enfants des autres! Ainsi, les Lamiaceae doivent leur nom à la terrible dévoreuse et à leurs fleurs en forme de gueule ouverte, qui semblent avaler les butineurs qui les visitent!
De toutes les Lamiers (pourpre, maculé, jaune...), le Lamier blanc est celle qui souffre le plus du délit de faciès qui consiste à les confondre avec les piquantes Orties (et pour que la confusion soit complète, il n'est pas rare que le Sauvageon pousse au beau milieu des Orties). A tel point que le Lamier blanc est très souvent nommée Ortie morte (car elle ne pique pas) ou encore Ortie blanche, et donc Ortige blanche en poitevin-saintongeais. En l'absence de fleurs, la reconnaitre au milieu d'une colonie d'Ortie demande un peu de familiarisation!
Fleur du Lamier blanc: une corolle en tube recourbé, une lèvre supérieure entière, bordée de longs cils, une lèvre inférieure trilobée (les deux lobes latéraux ne forment guère plus que deux petites dents; le lobe médian, beaucoup plus large, sert de piste d’atterrissage pour le butineurs).
Le Lamier blanc est une vivace qui s'installe généralement sur les terres fraîches et riches en azote. A l'image des autres Lamiers (voir nos articles sur les Lamier pourpre et Lamier jaune), ce sont les fourmis qui disséminent ses graines et dispersent les générations à venir sur le territoire (les fruits du Lamier blanc contiennent huiles et substances appréciées des fourmis pour nourrir leur couvain). Autour du pied, le rhizome multiplie les rejets, assurant l'expansion de la colonie.
Malgré sa propagation efficace, le Sauvageon se montre plutôt sympathique à côtoyer au jardin. Ses fleurs agréablement à l'odeur de miel sont riches en nectar et régalent les bourdons d'avril à septembre. De plus, entre les rangs de pomme de terre au potager, le parfum du Lamier blanc a la réputation de repousser les doryphores.
«Ortie blanche», Persac (86)
Et si le Lamier blanc prend trop ses aises, reste à en faire la récolte! Il est une riche comestible (au goût peu marqué cependant): ses feuilles peuvent être consommées crues en salade, ou cuites (comme des épinards).
Feuilles du Lamier blanc: opposées décussées, fortement dentées, de forme générale ovale, deltoïdes ou cordées.
- C’est pour quel type de cheveux?
- Euh... cheveux sales!
(Chouchou, Merzak Allouache)
En médecine populaire, le Lamier blanc était recommandé (en décoction ou en infusion) pour remédier à des problèmes intimes et féminins, tels que les règles trop abondantes, douloureuses ou irrégulières, ainsi que les leucorrhées (pertes blanches).
Le Sauvageon est également apprécié au rayon cosmétique: il permet de confectionner des shampoings «maison», utiles face aux problèmes de séborrhée du cuir chevelu (cheveux gras, démangeaisons, pellicules...). L'infusion filtrée d'un bouquet de Lamier blanc peut s'appliquer directement, comme en shampoing. Son parfum n'étant pas spécialement sexy, on peut agrémenter de quelques clous de girofle. On peut aussi épaissir la solution avec de l'agar-agar en poudre, c'est plus pratique! (Comme toute préparation végétale, conserver au frigo, mais jamais au delà d'une semaine).
Pour aller plus loin:
- Lamium album: identification assistée par ordinateur
- Lamium album sur Tela-botanica
Mélisse officinale: un parfum de citron au bord de la route.
Melissa officinalis (Mélisse officinale) appartient à la famille Lamiaceae, les plantes à tige carrée et à fleurs en forme de gueule ouverte (lamia est une «ogresse» dans la mythologie grec). La Mélisse officinale tire son nom du grec melissa, l’abeille (qui vient de meli, le miel). Restons dans le domaine haut en couleur de la mythologie grec: Mélissa est le prénom d'une nymphe - fille du roi de Crète Melissos - qui inventa l’apiculture et éleva Zeus, le roi des dieux, en le nourrissant de miel. Il est vrai que la Sauvage est mellifère. Les butineurs affectionnent ses feuilles au parfum citronné (les moustiques moins il parait), à tel point que certains apiculteurs frottent la plante dans leurs ruches pièges pour attirer les essaims en quête de logis.
Melissa officinalis est une vivace. Sa présence à l'état sauvage, loin des villes, nous raconte que l'homme a habité autrefois là où se dressent ses touffes citronnées, parfois de véritables buissons: en France, la belle n'est indigène qu’en région méditerranéenne (Corse). Les spécimens les plus intéressants (le parfum de la Mélisse «originelle» n’a rien d’agréable) furent invités dans les jardins de tout le pays, depuis des temps anciens. Sa rusticité lui a parfois permis de perdurer après la disparition des habitations. Melissa officinalis intéressera donc les archéologues en quête d’indices de présence humaine, autant que les gourmands!
Tu appelles ça de l’archéologie?
(Indiana Jones et la dernière croisade, Steven Spielberg)
Fleur de Mélisse officinale: une corolle blanche formée d'une lèvre supérieure concave et échancrée et d'une lèvre inférieure trilobée (en 3 lobes inégaux).
Car Melissa officinalis est terriblement rustique: elle tolère tous les sols. Sa faculté à drageonner (reproduction végétative) et à se ressemer spontanément, couplée à sa capacité d'adaptation, en font une invité exubérante au jardin. Ceci dit, il y a des invasions plus désagréables que celle de Melissa officinalis qui embaume l'atmosphère et régale les abeilles!
Mélisse officinale, Poitiers bords de Boivre
Les feuilles de Melissa officinalis s'abîment dans le courant de l'été, dégageant une odeur de moins en moins avenante. Si vous tentez d'apprivoiser la Sauvage au jardin ou au balcon, c'est le moment pour la tailler; elle donnera de nouvelles feuilles saines, et vous couperez court à ses nombreux semis spontanés, limitant ses débordements.
Feuilles de la Mélisse officinale en été: opposées, ovales, largement crénelées ou dentées.
Quand je suis avec toi je suis plus calme, je respire plus lentement, même si mon cœur bat plus vite.(Ma première fois, Marie-Castille Mention-Schaar)
Pour aller plus loin:
- Melissa officinalis sur Tela-botanica
- La Mélisse à travers l'histoire sur le blog Books of Dante
- La Mélisse par Nathalie Ronat (thèse de la Faculté de Pharmacie)
Mélisse officinale en graine, Poitiers bords de Boivre