Alliaire, Poitiers bords de Boivre
Alliaria petiolata (Alliaire) appartient à la famille Brassicaceae, dont les membres, souvent cultivés par l'homme, se démarquent par leurs saveurs remarquables et recherchées (choux, navet, moutarde, raifort, roquette, cresson...).
Rien ne vaut le chou pour accompagner le chou.
(Charlie et la chocolaterie, Tim burton)
Alliaire, Poitiers le Porteau
Les feuilles dentées et cordées à son sommet (mais réniformes et crénelées à la base de la plante) pourraient, faute d'attention, faire penser à la piquante Ortie... Ses petites fleurs blanches à quatre pétales empêchent toute confusion, de même que l'odeur d'ail dégagée par ses feuilles lorsqu'elles sont froissées entre les doigts. En effet, Allium en latin, c'est l'ail. Dans le Poitou, on fait preuve de simplicité quand il s'agit de nommer la belle: Alliaria petiolata est l'«Herbe à l'ail».
Grappes de fleurs de l'Alliaire: 4 sépales, 4 pétales, 6 étamines autour du pistil.
L'Alliaire est une bisannuelle qui colonise les terres fraîches, ombragées, riches en matière organique végétale. Elle laisse ses feuilles seules apparaître la première année. La seconde année, elle montre ses fleurs puis ses longs fruits (siliques) porteurs des générations à venir; à la suite de quoi elle entame une dernière phase de reproduction via un bourgeonnement sous-terrain. La méthode s'avère efficace, lui permettant de s'installer durablement sur de vastes territoires. A tel point qu'aux États-Unis, à la suite de son introduction par l'homme, et en l'absence de ses prédateurs naturels européens (insectes, herbivores...), l'Alliaire est devenue une invasive redoutée.
Toi tu commences à me baver sur les rouleaux...
(Invasion U.S.A., Joseph Zito)
Colonie d'Alliaire, Poitiers bords de Boivre
A l'image de l'Ail, on lui reconnait des vertus antiseptiques (désinfectantes) lorsqu'elle est appliquée en cataplasme, sur des plaies mineures ou des piqures d'insectes. Mais c'est surtout en bouche que la Sauvage se démarque.
J’aime bien votre haleine, mais vous aurez la même demain?
(RRRrrrr, Alain Chabat)
Jeune feuille (réniforme et cordée) d'Alliaire la première année,
à ne pas confondre avec le Lierre terrestre! (Poitiers bords de Boivre)
Les graines contenues dans ses longs fruits (siliques), une fois écrasées, peuvent également remplacer les graines de moutarde dans la préparation de sauces. La recette est connue de longue date, puisqu'on a retrouvé des semences d'Alliaire, sous forme de micro-fossiles de cellules végétales, dans des poteries préhistoriques qui servaient à stocker la nourriture il y a environ 6000 ans!
La recette du shérif : Beurre d'Alliaire
- Mixer 100 grammes de feuilles crues (sans le pétiole) avec 200 grammes de beurre. Rajouter huile d'olive, jus de citron et sel à votre convenance... Tartinez et dégustez!
Dans la famille des Piérides (papillons diurnes de taille moyenne, souvent blancs tachetés de noir), certaines espèces se nourrissent de divers «choux», autrement dit, de crucifères, parmi lesquelles se trouve notre Alliaire...
Personnages:
Madame Piéride du navet (Pieris napi), Madame Piéride de la rave (Pieris rapae), Madame Aurore (Anthocharis cardamines).
La scène se déroule dans un fossé humide au mois d'avril.
Madame Piéride du navet en tenue estivale (les nervures des ailes postérieures sont moins soulignées de gris que pour les individus de printemps)
SCÈNE UNIQUE
Madame Piéride du navet, rencontrant Madame Aurore
Tiens! Comment va?
Madame Aurore
Mission réussie! Pas moins de trois messieurs pour me courtiser! J'ai finalement accepté les avances de celui dont le parfum m'a le plus grisé. Ah, ces phéromones! Les deux autres m'ont poursuivi mais j'ai utilisé ma technique habituelle pour les dissuader de m'approcher: je lève l'abdomen pour leur signifier «halte-là!»
Madame Piéride du navet
Vous avez bien de la chance. Pour ma part, je viens juste d'émerger et j'attends que des messieurs viennent me tourner autour mais... (un vol vif la surprend)
Madame Piéride de la rave
Hello les filles! Je suis un peu essoufflée car je viens d'échapper à deux mâles harcelants. Entre nous, l'un d'eux a été plus gentil que l'autre, hi hi!
Madame Aurore
Je vois... Cela dit, je suis comme toi, fécondée! Ça te dit de suivre le fossé? J'irais bien pondre sur l'Alliaire, son goût d'ail ravit les chenilles.
Madame Piéride de la rave
Bonne idée! (S'adressant à Madame Piéride du navet) Tu viens? Tu trouveras peut-être ton adonis dans le coin?
Madame Piéride du navet
D’accord, allons chercher l'Alliaire, c'est la saison! Vous savez ce que chantent les piérides de mon espèce?
«Nous, Piérides,
Qui aimons les crucifères
Par dessus tout,
Nous sommes vraiment
Trop chou!»
À gauche, Madame Aurore en train de se refuser à un mâle; à droite, Monsieur Piéride de la rave, faute d'avoir réussi à photographier Madame! (ce papillon, bien que commun, ne se pose presque jamais et est extrêmement farouche)
Chenille d'Aurore boulottant une silique d'Alliaire: tout le génie de la nature dans ce mimétisme.
Pour aller plus loin:
- Norb de Sauvages du Poitou raconte l'Alliaire au micro de Sauvages du Poitou
- Identification assistée par ordinateur
- Alliaria petiolata sur Tela-botanica
Siliques de l'Alliaire, Poitiers bords de Boivre
Mais quelle est cette Sauvage qui envahit les murs et les trottoirs de la ville? (Pariétaire de Judée)
Parietaria judaica (Pariétaire de Judée) appartient aux Urticaceae, la famille des piquantes Orties. C'est une Sauvage qui vous est certainement familière — au moins de visu — si vous vivez à proximité de falaises ou de vieux remparts... Son nom vient du latin Paries, c'est à dire «mur» ou «paroi». C'est là qu'elle préfère s'installer et pousser. Plus généralement, elle est très courante au cœur des villes; elle fait partie du prestigieux top 10 des Sauvages les plus observées dans nos cités (source: Sauvages de ma rue).
Pariétaire de Judée: la Garde de Nuit veille au pied du Mur...
Parietaria judaica est une vivace au port ramifié et couché (ou partiellement dressé). Ses racines sécrètent une substance capable de dissoudre la roche pour s'y enfoncer d'avantage et y puiser sa maigre nourriture. C'est peut-être ce qui lui vaut son appellation local: dans le Poitou, elle est surnommée la Perce-pierre.
Des clôtures de pierres ne sauraient barrer la route à l’amour.
(Roméo + Juliette, Baz Luhrmann)
Jeunes feuilles de la Pariétaire de Judée: alternes, ovales ou obovales, acuminées.
Il faut ramener le forage de Parietaria judaica à la juste échelle végétale, lente et discrète, pas de quoi écrouler des châteaux forts! Plus que ses racines, ce sont les fleurs de la Sauvage qui lui cause une mauvaise presse: son pollen fait partie des grands allergisants de notre temps. Il peut être la cause d’asthmes, de démangeaisons, de rhinites... Transporté par le vent, celui ci ne va toutefois généralement pas bien loin, et c'est à proximité des plantes que les symptômes se font le plus sentir.
Atchoum! Oh je suis désolé, je suis allergique aux conneries!
(I, robot, Alex Proyas)
Fleurs discrètes de la Pariétaire de Judée, Poitiers quartier gare
Différencier la Pariétaire de judée de la Pariétaire officinale demande un examen minutieux des inflorescences à la loupe ou à la binoculaire (les bractées sont soudées chez la Pariétaire de Judée, libres entre elles chez l'officinale). La Pariétaire officinale, plus rare sur le territoire, préfère la proximité de l'eau. Elle présente à maturité un port plus haut, dressé, non ramifié et des feuilles plus longues (feuilles jusqu'à 10cm contre feuilles de 3 à 4 cm maximum pour la Pariétaire de Judée). La confusion n'est toutefois pas dramatique, les deux Sauvages étant d'excellentes comestibles, appréciées de l'homme comme des chenilles et des papillons (les vanesses vouent parfois une véritable passion aux urticacées, voir notre article sur la Grande Ortie).
Au même titre que l'Ortie (mais en beaucoup moins goûteuses), les jeunes pousses de Parietaria judaica sont bonnes en salade (crues), en gratin ou en soupe (cuites). Si elle manque un peu de caractère en bouche, il est bon de noter que son usage permet d'adoucir le goût prononcé d'autres plantes dans les recettes, tout en apportant sa richesse en mucilages (adoucissants), tanins (asséchants et usage externe) et nitrates de potassium (diurétiques).
Pour aller plus loin :
- Parietaria judaica sur Tela-botanica
- La Pariétaire: Ange ou démon? sur le site Zoom Nature
Pariétaire de Judée: un îlot de verdure sur un océan de macadam.
Gaillet gratteron, Poitiers chemin de la Cagouillère
Galium aparine (Gaillet gratteron ou Guifron en poitevin-saintongeais) appartient au clan Rubiaceae, dont fait partie le célèbre caféier (Coffea). Autrefois, on pensait certains Gaillets capables de faire cailler le lait; une croyance (invalidée aujourd'hui) qui aurait inspiré le nom de la plante, Gala signifiant «lait» en grec. Pour d'autres, l'origine du nom serait latine, Gallus signifiant «coq» et la forme des feuilles ressemblant aux pattes d'une poule.
Fleurs discrètes du Gaillet gratteron: corolle à 4 lobes pointus, 4 étamines libres autour d'un pistil à deux styles au centre.
Galium aparine est une annuelle qui aime les terrains riches en azote, en matière organique animale et végétale. Originaire des sous-bois, elle se plait aujourd'hui sur les terres amendées et cultivées, où sa présence concurrentielle aux céréales (qu'elle renverse en leur grimpant dessus) n'est pas la bienvenue.
Feuilles du Gaillet gratteron: sessiles, verticillées et mucronées.
Sa tige carrée et ses partie aériennes sont hérissées de petits aiguillons recourbés qui lui permettent de s'accrocher à tout ce qui lui tombe sous la feuille. Aparine en latin signifie littéralement «qui s'agrippe»; et pour agripper, Galium aparine agrippe! C'est un véritable tentacule végétale qui se colle aux plantes alentour pour s'élever et trouver la lumière; mais aussi aux fourrures des animaux et aux vêtements des promeneurs, qui en disséminent les graines malgré eux (les fruits, des diakènes, sont aussi munies de crochets).
Vous allez à Paris ? Hein ? A Lyon ? Oh oui, oh ben alors...
Ça me rapprochera toujours un petit peu. Bon allez va !(L'auto-stoppeur, Coluche)
Quand le Gaillet gratteron s'emmêle les tentacules : sans doute les conséquences de la présence du Phytopte du Gaillet (Cecidophyes galii), un acarien qui s'attaque aux feuilles de la Sauvage.
L’usage populaire du Gaillet gratteron veut qu’une infusion massée sur la peau soulage un coup de soleil, une brulure, un eczéma, ou fasse même office shampoing anti-pelliculaire… Les jeunes pousses (lorsqu’elles sont encore tendres) de Galium aparine sont comestibles, crues en salade ou cuites, bien que légèrement amères. Les petits fruits cueillis verts (bon courage pour le ramassage), grillés à sec, écrasés et finalement mis à bouillir dans de l'eau fournissent un excellent succédané de café. Pour rappel, Galium aparine est de la même fratrie que le caféier, peut-être est-ce là un goût de famille?
Je m’appelle John Caffé, comme le café sauf que ça s’écrit pas pareil !
(La Ligne Verte, Stephen King)
Gaillet gratteron, le café du shérif!
Et puis qui sait, garder la Sauvage près de soi augmente ses chances de pouvoir observer l'incroyable Moro sphinx (Macroglossum stellatarum), un papillon capable de vol stationnaire et d'une vitesse de déplacement ahurissante, au point d'être surnommé le Sphinx Colibri. Car c'est sur les Galium, mais aussi sur d'autre Sauvages collantes du clan Rubiaceae, comme la Garance voyageuse (Rubia peregrina), que le papillon pond et installe sa progéniture.
Chenille du Moro sphinx (ici sur Galium verum).
Crache sang (Timarcha tenebricosa), un coléoptère qui se nourrit exclusivement de Gaillets à feuilles tendres (ici Galium mollugo).
Si le Gaillet gratteron (Galium aparine) est le plus célèbre des Gaillets (peut être parce qu'il est le plus attachant!), on peut croiser d'autres membres de sa tribu dans les jardins et aux bords des routes. La liste n'est pas exhaustive, mais parmi les plus communs:
le Gaillet Mollugine (Galium mollugo) est une vivace à la taille plus modeste, mais dont la floraison blanche est plus généreuse (les fleurs sont regroupées en panicules étalés). Les tiges, les feuilles et les fruits glabres de ce dernier n'accrochent ni les pantalons, ni les mains qui les caressent...
Gaillet Mollugine (Galium mollugo), Biard (86)
Un peu moins urbains, les Gaillet jaune (Galium verum) et Gaillet croisette (Cruciata laevipes) sont deux vivaces qui fréquentent les prairies ou les bords des routes de campagne. Le Gaillet jaune dresse des feuilles très minces, non agrippantes, et des fleurs jaunes groupées en panicules le long de sa tige.
Gaillet jaune (Galium verum), Salilhès (15)
Le Gaillet croisette forme parfois d'importantes colonies qui dégagent une odeur de miel au printemps. Ses fleurs jaunes sont portées par des pédoncules bien plus courts que ses feuilles ovales, poilues, non agrippantes, et toujours groupées (verticillées) par quatre.
Gaillet croisette (Cruciata laevipes), Quinçay (86)
Pour aller plus loin:
- Norb de Sauvages du Poitou raconte le Gaillet gratteron au micro de France Bleu Poitou
- Galium aparine sur Tela-botanica
- Galium aparine: identification assistée par ordinateur
- Galium mollugo sur Tela-botanica
- Galium mollugo: identification assistée par ordinateur
- Galium verum sur Tela-botanica
- Galium verum: identification assistée par ordinateur
- Cruciata laevipes sur Tela-botanica
- Cruciata laevipes: identification assistée par ordinateur
- Le Gratteron, capitaine crochet de l'escalade sur le site Zoom Nature