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Promenade au pays des Véroniques
Date 08/01/2019
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Veronica persica, Véronique de Perse, Poitiers bords de Boivre

Véronique de Perse, Poitiers bords de Boivre


Veronica persica (Véronique de Perse ou Arrouil en poitevin-saintongeais) appartient aux Plantaginaceae. Ce clan réunit des sauvages très diverses sous la houlette des Plantains qui font office de chefs de famille. Au delà du patrimoine génétique, difficile de trouver des points communs entre une Véronique, un Plantain, une Digitale, une Linaire ou la belle Cymbalaire des murs... L'exercice serait peut-être plus évident si nous étions des papillons: la Mélitée du Plantain  abandonne ses chenilles aux Plantains comme à quelques Véroniques, la Mélitée orangée oscille entre Plantains, Linaires, Digitales ou Véroniques. Comme quoi, dans le domaine de la botanique, les insectes possèdent un feeling qui nous fait parfois défaut!


La Véronique de Perse est probablement la plus répandue et la plus connue de son genre. Annuelle, elle fleurit presque toute l'année (de mars à octobre, parfois au-delà lors des hivers doux), de partout, même si sa préférence va aux sols riches en azote et en matière organique comme les potagers et les terres cultivées.


Veronica persica, Véronique de Perse, Poitiers bords de Boivre

Feuilles larges, rondes à ovales et dentées de la Véronique de Perse.

L’évasion est un droit, je dirais même plus, un devoir!

(Mesrine: l’Instinct de mort, Jean-François Richet)

L'introduction de la Véronique de Perse en Europe est pourtant récente, située autour du 19ème siècle. Originaire du Sud-Ouest de l'Asie, on raconte qu'elle se serait évadée du célèbre jardin botanique de Karlsruhe en Allemagne (les jardins botaniques du monde entier sont de formidables vecteurs de propagations pour nos indomptables Sauvages). Sa naturalisation rapide et sa prolifération repose sur sa capacité à fleuri, à grainer et à germer quatre saisons sur quatre, en toutes circonstances.


Plusieurs éléments peuvent nous aider à identifier la fugitive: la Véronique de Perse présente un port couché sur le sol. Ses fleurs solitaires, d'un bleu délavé, sont perchées au bout d'un long pédoncule qui dépasse largement les feuilles. Finalement, les fruits (composés de deux lobes très divergents) sont aplatis, velues (non glanduleuses), plus larges que longs.

Veronica persica, Véronique de Perse, Poitiers Rochers du Porteau
Fruits (capsules) en cœur de la Véronique de Perse: une déclaration d'amour.

Véroniques, Sauvages du Poitou!

Les Veroniques sont des plantes basses qui affichent le plus souvent ce type de fleurs à quatre pétales inégaux, d'où pendent deux étamines comme une jolie paire de boucles d'oreille. On recense une quarantaine d’espèces sur le territoire français, dont la détermination n'est pas toujours aisée. Le temps passé à dénicher et à reconnaitre les Veronica est largement récompensé par le spectacle de leurs floraisons. Parmi les plus célèbres (ou les plus communes):


Veronica officinalis, Véronique officinale, Biard (86)

Véronique officinale, la médicinale.


La Véronique officinale (Veronica officinalis) est une vivace qui pousse sur les sols secs et pauvres, dans les prairies ou les cultures. Ses feuilles ovales ou obovales sont mollement velues et finement dentées en scie; ses fleurs sont réunies en grappes grêles (presque en épis).


Au 18ème siècle, la Véronique officinale se substitue au thé chinois, le temps d'une mode, d'où son surnom de Thé d'Europe. Sur ce dernier point, les avis divergent: c'est peut-être la Véronique petit-chêne (Veronica chamaedrys, voir ci-dessous) qui fut un breuvage tendance, à moins que ce ne soit la Véronique des montagnes (Veronica montana) qui dégage une odeur de thé en séchant. Le manque de précision anatomique des documents d'époque ne permet malheureusement pas de faire le tri dans notre tasse.

De nos jours, la Véronique officinale est pourtant la seule de son genre à être considérée comme plante médicinale par la pharmacopée française. L'infusion de ses sommités fleuries est réputée tonique, expectorante, diurétique et surtout digestive. Autrefois, elle fut utilisée en application externe pour soigner les plaies ou les maladies de peau chroniques, comme la gale ou la lèpre. C'est d'ailleurs à Sainte Véronique que les toutes les Veronica empruntent leur nom: la légende raconte que Véronique, une femme pieuse de Jérusalem, essuya à l'aide d'un tissu le visage du Christ lors de son ascension au Calvaire. Le visage du Christ s'imprima sur le linge, devenu relique sacrée (la «Sainte face»). Véronique aurait ensuite guérit miraculeusement l'empereur Tibère de la lèpre en lui révélant le tissu...


Sainte Véronique, Sauvages du Poitou!


Veronica chamaedrys, Véronique petit-chêne, Poitiers bords de Boivre

Véronique petit-chêne, la forestière.


La Véronique petit-chêne (Veronica chamaedrys) colonise les bords des routes ombragés, les haies et les forêts, car elle affectionne les sols frais. C'est une vivace qui fleurit à la belle saison, entre mai et juillet. Son port est rampant, mais ses tiges, parcourues par deux lignes de poils opposées, se redresse lors de la floraison. Ses larges feuilles rondes à ovales sont opposées, sessiles, grossièrement dentées (certains auteurs les décrives comme étant sinuées, à la manière des feuilles d'un chêne). Le contraste du bleu intense de ses pétales avec le blanc de la collerette blanche au centre de la fleur et sa paire d'étamines ostentatoires suffisent généralement à épater le promeneur tout en nous mettant sur la bonne piste.

Veronica arvensis, Véronique des champs, Poitiers le Porteau
Véronique des champs, la lilliputienne.

La Véronique des champs (Veronica arvensis) est une petite annuelle qui fréquente le plus souvent les sols riches et sarclés, les jardins, les potagers, mais parfois aussi les rochers ou les trottoirs. Elle fleurit une grande partie de l'année, d'avril jusqu'à octobre. La discrète se distingue avant tout par la miniaturisation de ses fleurs bleues, souvent réunies par grappes en haut de la tige: 2 à 3mm seulement, une taille de fourmi et une merveille qu'il convient de découvrir à la loupe.

Veronica arvensis, Véronique des champs, Angles-sur-l'Anglin (86)
Véronique des champs, Angles-sur-l'Anglin (86)

La taille des fleurs de la Véronique des champs est un handicap pour attirer les butineurs, mais la Sauvage compense le manque de visites par sa capacité d'auto-fécondation (autogamie). Elle assure également une impressionnante production de graines: chaque fleur deviendra une capsule à maturité, contenant une vingtaine de graines... Un plant à pleine maturité pouvant porter jusqu'à une bonne centaine de capsules! Ses larges feuilles rondes à ovales sont dentées, poilues, les supérieures sessiles et embrassantes. Dans la grappe terminale (qui s'allonge au cours du temps) se mélangent des bractées entières et lancéolées qui dépassent largement les fleurs.

Veronica hederifolia, Véronique à feuilles de Lierre, Poitiers bords de Clain
Véronique à feuilles de Lierre, l'imitatrice.

La Véronique à feuilles de Lierre (Veronica hederifolia) est une petite annuelle qui aime les sols forestiers riches en matière organique végétale et les cultures amendées. Ceci dit, au regard de sa taille, un bout de mur mousseux peut tout à fait lui suffire! Ses feuilles sont découpées en 3 ou 5 lobes, avec un lobe terminal proéminent: elle ressemble à une sorte de feuille de Lierre grimpant dans une version bonzaï. Depuis sa tige rampante, elle dresse de minuscules fleurs solitaires (une fleur par pédoncule), à la gorge blanche, entre mars et juillet.

A l'image de la Véronique des champs, la Véronique à feuilles de Lierre compense la discrétion de ses fleurs par l'auto-fécondation. Le pédoncule qui porte la fleur se recourbe vers le sol à maturité pour rapprocher le fruit du sol et de le rendre accessible aux fourmis. Ces dernière emportent les graines (équipées d'un appendice huileux et nutritif), les dispersant sur le territoire. Ce mode de propagation (myrmécochorie) est répandu chez les Véroniques.

Les Véroniques sur Sauvages du Poitou !


Terminons notre promenade en un bouquet final de Véroniques qui, loin d'être exhaustif, illustre la richesse, la diversité et la beauté du genre. A vous de jouer, «attrapez-les toutes» comme le propose la devise des chasseurs de Pokémon! Un conseil avant de partir: pensez à photographier les capsules et à observer de près la pilosité de la plante avant de consulter votre flore préférée, ce sont souvent des critères discriminants pour les cas les plus ardus.


Veronica cymbalaria, Véronique cymbalaire, Poitiers centre

Véronique faux mouron d'eau (Veronica anagalloides), une locataire des zones humides, et Véronique cymbalaire (Veronica cymbalaria), une habituée des littoraux atlantiques et méditerranéens, ici égarée sur un trottoir à Poitiers!


Veronica spicata, Véronique en épi, Chaumont sur Loire (41) Veronica polita, Véronique luisante, Poitiers bords de Clain

Véronique en épi (Veronica spicata), plutôt montagnarde en France à l'état naturel, aux inflorescences spectaculaires, et Véronique luisante (Veronica polita), une adventice plus discrète que la Véronique de Perse, aux feuilles presque luisantes, aux capsules non aplaties recouvertes de poils glanduleux.


Veronica prostrata, Véronique couchée, Vouneuil-sous-Biard (86) Veronica serpyllifolia, Véronique à feuilles de serpolet, Biard (86)

Véronique couchée (Veronica prostrata), une locataire des pelouses calcaires sèches, et Véronique à feuilles de serpolet (Veronica serpyllifolia), une belle adventice des jardins.


Pour aller plus loin:

- Veronica persica sur Tela-botanica

- Veronica persica : identification assistée par ordinateur

- Lusus floral dans le genre Veronica sur le blog du Corbeau curieux (d'autres articles consacrés au genre Veronica sur ce site)
- La Véronique officinale à travers l'histoire sur le blog Books of Dante
- Le thé de l'Europe, ou les propriétés des Véroniques par Nicolas Andry de Boisregard (1704)
 

Carotte Sauvage: le palace à insectes
Date 28/07/2018
Ico Prairies

Daucus carotta, Carotte sauvage, Poitiers bords de Boivre

Bractées caractéristiques de la Carotte Sauvage, Poitiers bords de Boivre


Daucus carota (Carotte sauvage ou Pascanade en poitevin-saintongeais) appartient aux Apiaceae (ex Ombellifères), le clan des Sauvages aux fleurs à cinq pétales disposées en «ombelles». Une famille mi ange mi démon, dans laquelle on croise de nombreuses autres espèces domestiquées par l'homme comme le Céleri (Apium graveolens), le Panais (Pastinaca sativa), le Persil (Petroselinum crispum) ou la divine Angélique officinale (Angelica archangelica)... Mais aussi quelques terreurs comme la titanesque et brûlante Berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum) ou la Grande Ciguë (Conium maculatum), une célèbre empoisonneuse.


Daucus carotta, Carotte sauvage, Poitiers bords de Boivre

Feuille alternes et généralement bipennatiséquées de la Carotte sauvage qui dégagent une odeur typique de carotte au froissement.


La Carotte sauvage affectionne les sols riches, chauds (elle est nettement thermophile), baignés de soleil. Elle brandit ses fleurs en parasol en été, jusqu'à un bon mètre de hauteur, puis compte sur les animaux de passage pour disséminer ses fruits crochus (des diakènes) qui s'accrochent aux fourrures ou vêtements des animaux de passage (epizoochorie). Chétive à flanc de mur ou de falaise, basse en terrain régulièrement fauché: la Sauvage est très polymorphe et possède une surprenante capacité d'adaptation à son environnement.


Daucus carotta, Carotte sauvage, Poitiers bords de Boivre
Carotte sauvage en été: un joli panier rempli de fruits crochus.

Il resterait pas dans cette ville un genre d’hôtel trois étoiles avec des draps propres, de bons oreillers et un room service?

(Il faut sauver le soldat Ryan, Steven Spielberg)

Au jardin, Daucus carota est le centre de toutes les attentions: elle abrite ou nourrit guêpes, abeilles solitaires, syrphes, coléoptères (leptures, œdémères, téléphores), araignées en embuscade... Ses fleurs offrent un nectar et un pollen abondants et faciles d'accès.


Le petit monde de la Carotte sauvage, Daucus carota, Poitiers bords de Boivre
L'heureuse clientèle de la Carotte sauvage! De haut en bas et de gauche à droite:  Sauterelle ponctuée (Leptophyes punctatissima), Ectophasia crassipennis, Téléphore fauve (Rhagonycha fulva) et Thomise variable (Misumena vatia).


L'inflorescence de la Carotte Sauvage se replie à maturité pour former un panier miniature. Un nid douillet dans lequel se cache (entre autres) la Punaise arlequin (Graphosoma italicum), rayée de rouge et noir, qui se régale de la sève de l'Ombellifère. De leur côté, les oiseaux apprécient les graines de la Sauvage et boulottent au passage quelques locataires à six pattes sur les tables dressées en ombelles. Les volatiles délaissent cependant les Punaises arlequin à cause de leur tenue de groom, le rouge évoquant une certaine toxicité et les rayures un danger potentiel (guêpes, frelons...).


Graphosoma italicum et Daucus carota, Poitiers bords de Boivre

Une tenue rouge et noir pour la Punaise arlequin sur son luxueux lit de Carotte sauvage!

Palace, la vie en première classe,
Palace, moins de stress, plus de strass, (...)
Eh oui, ça c'est Palace!
(Palace, Jean-Michel Ribes)
On a donc grand intérêt à tolérer la belle au jardin, où elle est un véritable palace pour la faune et où elle se ressème naturellement. De mon expérience, le contrôle de son expansion — c'est à dire son arrachage au besoin — reste plutôt aisé (en tout cas guère plus compliqué que de récolter des Carottes).

Daucus carota, le palace à insectes! Sauvages du Poitou

Comme toute destination touristique qui se respecte, la Carotte sauvage arbore fièrement son enseigne: on observe parfois au cœur de ses inflorescences une minuscule fleur sombre (rouge, bordeaux ou brune), surnommée la «Mouche de la Carotte», chargée d'attirer la clientèle des butineurs (rien à voir avec la véritable Mouche de la Carotte, Psila rosae, une ravageuse redoutée des jardiniers).


Au centre des inflorescences de la Carotte sauvage: la (fausse) «Mouche de la Carotte».

Au potager, la Sauvage côtoiera peut-être ses semblables domestiquées. L’espèce Daucus carota regroupe de nombreuses sous-espèces diversifiées: si Daucus carota, la Sauvage, est souvent annuelle (pas toujours), les carottes cultivées par les jardiniers (Daucus carota subsp. sativus var sativus, une des 12 sous-espèces) sont bisannuelles. Elles produisent leur délicieuse partie souterraine la première année, puis fleurissent l'année suivante pour assurer leur reproduction... Ce qui arrive rarement dans la mesure où elles se font croquer entre temps. La carotte cultivée est le résultat de nombreuses années de recherche et de tâtonnement par l'homme qui a sélectionné les spécimens les plus intéressants par pollinisations croisées.


Daucus carota, Carotte sauvage, Poitiers gare

Carotte sauvage sur un mur perchée, Poitiers quartier gare.

Tu vois, la liberté c’est de pouvoir manger des carottes râpées dans l’emballage.

(Camping, Fabien Onteniente)

La racine de Daucus carota est comestible (bien qu'un peu plus fibreuse et amère que la carotte cultivée). Elle n'a d'intérêt gustatif que si elle est récoltée avant floraison. Malheureusement, sans ses fleurs caractéristiques, il est difficile de distinguer les Carottes sauvages de ses consœurs ombellifères mortelles (Ciguë...). L'odeur agréable et les poils hirsutes (recouvrant la tige et les feuilles) sont des indices pour identifier le bon légume, mais d'une manière générale, la cueillette des ombellifères est un sport extrême (et donc dangereux) qui exige une certaine expertise botanique.


Daucus carota, Carotte sauvage, Poitiers bords de Boivre

Les ombelles d'ombellules de la Carotte sauvage, Poitiers bords de Boivre


Daucus carota, la Sauvage, a été introduites dans les jardins bien avant l'«invention» (conjointe de l'homme et de la nature) des célèbres légumes oranges. A l'époque, il n'était pas tant question d'en faire son menu, mais plutôt de profiter de ses vertus médicinales: une infusion de graines de carotte serait diurétique, faciliterait la digestion et régulerait les fonction intestinales.


Tout le monde connait la réputation des carottes: elles donneraient un teint hâlé à la peau et rendraient aimable. Il est vrai que la racine est riche en carotène (qui stimule la mélanine qui protège la peau de l'exposition au soleil), mais il faudrait un régime sévère sur plusieurs mois pour voir apparaître un début de bronzage; quant à sa faculté à rendre aimable, elle vient sans doute de cette vieille tradition qui consiste à montrer une carotte à un âne bougon pour le faire avancer, tout sourire!


Daucus carota, Sauvages du Poitou !


Finalement, un palace ne mérite cette appellation que si la population qui le fréquente est à la hauteur du décorum. Confions le mot de la fin à Olivier Pouvreau, le lépidoptériste de Sauvages du Poitou vêtu pour l'occasion de son costume de majordome, pour nous présenter un des clients les plus prestigieux des établissements Daucus Carota...



Le petit monde de Daucus carota


Il vous est déjà peut-être arrivé de trouver une splendide chenille verte à rayures noire et orange boulottant vos pieds de carottes. Si c’est le cas, il s’agit de celle du Machaon (Papilio machaon), un papillon tout aussi spectaculaire de par sa taille et ses motifs. Le Machaon appartient au genre Papilio, un gang de Sauvages constamment sur son 31. Son crédo? La classe sinon rien!


Machaon, Papilio machaon (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Chenille de Machaon avant la nymphose.


A le voir voler, le Machaon me fait penser à la réunion d’un insecte et d’un oiseau. Il déambule d’un vol plutôt tranquille, toujours élégant, avec des battements d’ailes amples et, me semble-t-il, sans ces courts planés typiques du Flambé (Iphiclides podalirius), son cousin classieux avec qui on le confond souvent.


Machaon, Papilio machaon (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Le Machaon: quelque part entre l’insecte et l’oiseau.


Pour pondre, la femelle Machaon inspecte les Carottes, mais aussi le Fenouil, le Persil, l’Aneth… Plantes les plus souvent choisies dans nos régions parmi plus de 40 espèces d’Apiacées recensées en Europe. La chenille qui s’en nourrira, outre sa tenue de spectacle toujours impeccable, se fait aussi prestidigitatrice: si on la dérange, elle déploie un appendice orange exhalant une odeur fétide situé à l’arrière de sa tête… Ce curieux organe s’appelle osmétérium. Notre magicienne peut même aller jusqu’à baver un liquide noir pour repousser les casse-pieds environnants. Vous me direz que, pour une fois, le Machaon ne verse pas dans le standing de l’entomologie chic.


Machaon, Papilio machaon (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Œuf de Machaon: aux racines de l'élégance...


En Poitou, le Machaon papillonne en deux générations d’avril à septembre. Cet endimanché permanent n’est pas très exigeant dans le choix de ses lieux de vol mais semble préférer les biotopes chauds et secs, les milieux ouverts, les allées forestières, les jardins. Alors si vous criez haro sur une chenille de machaon mâchouillant une feuille de vos chères carottes, n’oubliez pas cet aphorisme que les machaons aiment à se rappeler de génération en génération: «jardinier, dans ton code de bonne conduite, ne nous fait pas croire que les carottes sont cuites!»


Machaon, Papilio machaon (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Parmi les nombreuses fleurs butinées, le Machaon préfère celles de couleur pourpre, rose ou bleue. Ici, on dirait qu'il tente de séduire un Trèfle des prés !




Pour aller plus loin:
- Identification assistée par ordinateur
- Daucus carota sur Tela-botanica


Daucus carota, Carotte sauvage, Poitiers bords de Boivre

La tendresse chez les Carottes sauvages...

 

Mélampyre des champs: le Blé noir
Date 04/06/2018
Ico Prairies

Melampyrum arvense, Mélampyre des champs, Buxerolles (86)

Mélampyre des champs, Buxerolles (86)


Melampyrum arvense (Mélampyre des champs) appartient à la famille des Orobanchaceae, un clan qui regroupe nombre de Sauvages aux allures excentriques, plus ou moins parasitaires. Tel est le cas du Mélampyre des champs, qui conserve des fonctions chlorophylliennes tout en tirant sa subsistance des racines d'autres plantes autour de lui (essentiellement des Poacées ou Graminées). On dit qu'il est hémiparasite: comprenez à moitié pickpocket.


Melampyrum arvense, Mélampyre des champs, Buxerolles (86)

Mélampyre des champs : un compagnon que les Poacées préfèrent avoir en photo qu'en pension!

Ils font un pain dégueulasse... On se pète les dents dessus!

(Kaamelott, Alexandre Astier)

Le Mélampyre des champs est une annuelle qu'on croisera à l'occasion autour des champs et des prairies calcaires. L'affection que porte la Sauvage au clan Poaceae l'incite à fréquenter les céréales: elle vampirise parfois les champs de blés, où sa présence est modérément appréciée malgré sa belle allure. Non pas tant pour pour ses talents de suceuse de sève, mais parce que ses graines sombres se confondent et se mélangent avec celles du blé à l'heure des moissons. Lorsque c'est le cas, les semences du Mélampyre des champs donnent au pain des taches peu appétissantes, violacées-rougeâtres; une mie bigarrée un brin toxique pour certains auteurs, inoffensive pour d'autres... Difficile de trancher quant à la dangerosité de la baguette à pois rouges. Reste que la Sauvage doit à cette réputation son nom de baptême: Mélampyre vient du grec mélas, noir, et pyros, le blé, littéralement le «Blé noir».


Mélampyre des champs, le Blé noir (Sauvages du Poitou)


Melampyrum arvense, Mélampyre des champs, Buxerolles (86)

Moue boudeuse de la fleur du Mélampyre des champs... Le dessin lui a déplu?


Si gâcher le pain est un méfait difficile à pardonner pour un esprit français, parcourons tout de même les travaux de Gerard Ducerf: le botaniste nous apprend (Encyclopédie des plantes bio-indicatrices volume 3) que c'est précisément la carence en azote du sol qui lève la dormance du Mélampyre des champs. En parasitant et en freinant les ardeurs des Poacée — de grandes consommatrices d'azote — notre vampire végétal enraye la dégradation des sols dans lesquels on aurait trop puisé... Ainsi, le Mélampyre des prés assure un contrepouvoir salutaire face aux graminées et aux céréales lorsque celles-ci risquent d’appauvrir le milieu à l'excès; encore une fois, la nature est bien faite, et rien n'est jamais strictement mauvais ou nuisible à l'échelle de l'interdépendance.


Melampyrum arvense, Mélampyre des champs, Buxerolles (86)

Feuilles rudes du Mélampyre des champs: opposées, sessiles, lancéolées, linéaires.


Plutôt que de finir dans une boulangerie, Le Mélampyre des champs préfère l'assistance du peuple fourmi pour disperser ses graines sur le territoire (myrmécochorie). Les semences, équipées d'une substance nourricière (élaïosome) pour appâter les insectes, sont embarquées jusque dans les fourmilières ou abandonnée en cours de route.


Melampyrum arvense, Mélampyre des champs, Buxerolles (86)

Fruits (capsules) du Melampyre des champs: le «Blé noir», ou le côté obscur de la baguette.


Et pour susciter au plus tôt la compagnie des fourmis autour de ses fleurs, le Melampyre des champs affiche un autre festin très généreux à leur destination: des petites glandes noires (nectaires) chargées d'un précieux nectar sont parsemées sur ses bractées flamboyantes.


Melampyrum arvense, Mélampyre des champs, Buxerolles (86)

Nectaires sur les bractées du Melampyre des champs: un restaurant trois étoiles pour le peuple fourmi.


Le genre Mélampyre est riche d'une petite dizaine d’espèces, tous hémiparasites. On reteindra pour les plus courants sur le sol français:


Melapyrum cristatum, Mélampyre à crête, Saint Benoît (86)


Le Mélampyre à crête (Melapyrum cristatum), une annuelle aux bractées dentées comme des crêtes qui fréquente les lisière et les clairières forestières. Commun dans l'est du pays, il se fait de plus en plus rare au fur et à mesure qu'on se rapproche de la côte ouest.


Melampyrum pratense, Mélampyre des prés, Saint-Auvent (87)


Le Mélampyre des prés (Melampyrum pratense), une annuelle au longues fleurs jaunes pâles (blanches en fin de floraison) disposées par paires, qu'on rencontre dans tout le pays à l'ombre des sous bois. Le Mélampyre des prés a aussi pour habitude de côtoyer les fourmis (qui dispersent ses graines); mais un autre spectacle attend l'observateur chanceux près de ses colonies, comme pourrait le raconter Olivier Pouvreau, le lépidoptériste de Sauvages du Poitou :



Le petit monde de Melampyrum pratense


Melitaea, Sauvages du Poitou !


Quand la belle saison s’installe en Poitou, les prairies et lisières forestières s’égaient des papillons aux ailes orangées quadrillées de noir. Ils appartiennent au genre Melitaea (plus connu sous le nom de «Mélitées») dont l’étymologie vient de «miel», une référence non pas tant à leur couleur qu’à leur goût prononcé pour le nectar. Au sein de leur monde, l’une de ces Mélitées va nous occuper en particulier. Il s’agit de Melitaea athalia, appelée Damier Athalie ou justement, la Mélitée du mélampyre.


Melitaea athalia, Mélitée du mélampyre, Forêt de Moulière (photo Olivier Pouvreau)

Mélitée du mélampyre (Melitaea athalia), Forêt de Moulière (86)


S’il arrive de la trouver sur coteau calcaire, la Mélitée du mélampyre est avant tout familière des allées forestières où elle butine ronces, marguerites, renoncules, bruyères… En Poitou, c’est une bête de juin-juillet dont les émergences peuvent être par endroits assez spectaculaires. Le 29 juin 2016, une randonnée en forêt de Moulière m’amena à en rencontrer une, puis deux, puis des dizaines! Je compris la cause de leur concentration: elle correspondait à la présence de belles stations de Mélampyre des prés, notre Sauvage servant de plante-hôte aux chenilles. Dans les faits, sur le revers des feuilles basses des Mélampyres, les Mélitées femelles vont déposer jusqu’à 400 œufs en plusieurs pontes. Les chenilles, assez grégaires, passeront l’hiver dans une feuille sèche à même la litière pour se nymphoser au printemps suivant, jamais loin de leurs Mélampyres chéries. Les Mélitées forment un genre complexe qui fait s’arracher les cheveux aux lépidoptéristes. Aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos clichés de ces papillons (si possible poitevins), l’équipe de Sauvage du Poitou se fera un plaisir tout capillaire de (tenter de) les identifier!


Melampyrum pratense, Mélampyre des prés, Forêt de Moulière (photo Olivier Pouvreau)

Colonie de Mélampyre des prés, Forêt de Moulière (86)




Pour aller plus loin :

- Melampyrum arvense sur Tela-botanica

- Melampyrum arvense : identification assistée par ordinateur

- Melampyrum cristatum sur Tela-botanica

- Melampyrum cristatum : identification assistée par ordinateur

- Melapyrum pratense sur Tela-botanica

- Melampyrum pratense : identification assistée par ordinateur

 

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