Liseron des champs, David et Goliath? (Couhé, 86)
Convolvulus arvensis (Liseron des champs ou Veuriée en poitevin-saintongeais) appartient au clan Convolvulaceae, dont les membres sont principalement des plantes grimpantes, des rampantes ou des lianes. Convolvere en latin signifie «enrouler»; une discipline dans laquelle le Liseron est un champion!
Le Sauvageon s'enroule autour des végétaux alentours (ou tout autre support) pour s'élever vers la lumière. La tige du Liseron tournoie — cherchant quelque chose à agripper — à une vitesse ahurissante pour un végétal: à pleine croissance, le lasso décrit une rotation complète (dans le sens inverse des aiguilles d'une montre) en 1h 30!
Je voudrais te serrer encore et encore, jusqu’à ne plus savoir si je suis toi ou moi.
(Wild Child, Nick Moore)
Feuilles du Liseron des champs: alternes, entières, sagittées ou hastées.
Sa réputation d'étrangleuse de végétaux est peut-être la raison pour laquelle le Liseron des champs a rejoint les limaces dans le hit-parade des mal-aimés au jardin. Ça et le fait que les jardiniers qui lui déclarent la guerre se sentent vite démunis face à sa ténacité... le Liseron des champs est une vivace infatigable, capable de ressusciter à partir du moindre fragment de son rhizome profondément enfoui: le travail du sol à la bêche ou au motoculteur dissémine ses parties souterraines, la multipliant.
Coucou végétal, le Liseron des champs adore planter ses fleurs dans des nids qui ne lui appartiennent pas ! (ici sur Daucus carota)
L'homme a dépensé beaucoup d'énergie dans l'invention d'herbicides anti-liserons. Il faut dire que le Sauvageon en a sous la feuille: ses semences, protégées par une épaisse enveloppe, peuvent patienter dans le sol terrestre une cinquantaine d'années avant de germer. Exposées à des doses d'UV plusieurs millions de fois supérieures à celles qui permettent de stériliser l'eau, ses graines sont les seules à conserver leur aptitude a germer! (voir Garance voyageuse n°119). A tel point que la situation commence à se retourner, certaines personnes avisées envisagent d'utiliser le Liseron des champs pour dépolluer des sols contaminés par les métaux lourds et les hydrocarbures (phytoremédiation).
Fleurs du Liseron des champs: corolle composée d'une unique pièce en «entonnoir» (qui semble esquisser cinq pétales), 5 étamines soudées à la corolle entourent 2 carpelles soudés.
Car il se trouve que le Liseron des champs est loin d'être une malédiction. A commencer par ses fleurs mellifères qui savent attendrir même le plus fâché des jardiniers, et dont raffolent les syrphes, gros prédateurs du puceron.
Un Ptérophore commun (Emmelina monodactyla) se pose sur ma feuille à dessin... Ses chenilles boulotent divers Liserons (Convolvulus sp, Calystegia sp, Ipomoea sp), je connais des jardiniers qui ne s'en plaindront pas!
Grâce à ses racines, le Liseron des champs préserve certains types de champignons (les mycorhizes, indispensables à la vie des sols) des terres labourées puis laissées à nue pendant l'hiver. Ses partie souterraines traversent les sols compactés, engorgés d'azote et de fumure (au point d'en devenir indigestes), jusqu'à la couche rocheuse d'où elles remontent les bons oligo-éléments en surface (lorsqu'on l'arrache, on peut utiliser les parties aériennes séchées de la plante pour nourrir le sol). Les jardiniers qui ne ratent jamais une occasion de dire du mal de la Hors-la-loi racontent d'ailleurs que sa racine descend jusqu'aux enfers!
Liseron des champs, Poitiers quartier Bellejouanne
Convolvulus arvensis est impropre à la consommation, car fortement laxative; les parties aériennes, en infusion, peuvent d'ailleurs être utilisées comme purgatif (pour activer un transit intestinal bloqué)... Comme quoi, le Liseron a l’art de décoincer les situations stagnantes et pathogènes, pour le sol comme pour l’homme !
Je crois que tu es constipé dans ton cerveau à la con... Ouais. À mon avis t’as un méchant caca bien épais qui t’obstrue l’âme, qui fait bouchon dans ta tête.
(Une arnaque presque parfaite, Rian Johnson)
Fleurs blanches et immaculées du Liseron des haies (Convolvulus sepium), un autre Liseron, qui préfère les sols frais et humides. On le distingue du Liseron des champs de par sa grande taille, et de par les deux bractées lancéolées qui recouvrent le calice à la base des fleurs (absentes chez le Liseron des champs).
Carte postale de vacances avec le Liseron des dunes (Convolvulus soldanella), une belle Sauvage aux feuilles réniformes et charnues, locataire des sables maritimes de la Manche, de l'Océan et de la Méditerranée.
Pour aller plus loin:
- Convolvulus arvensis sur Tela-botanica
- Convolvulus arvensis: identification assistée par ordinateur
- Convolvulus sepium sur Tela-botanica
- Convolvulus sepium: identification assistée par ordinateur
- Convolvulus soldanella sur Tela-botanica
Pour se débarrasser définitivement du Liseron au jardin, priver la Sauvage de lumière en recouvrant chaque pousse avec un cul de canette...
Gaillet gratteron, Poitiers chemin de la Cagouillère
Galium aparine (Gaillet gratteron ou Guifron en poitevin-saintongeais) appartient au clan Rubiaceae, dont fait partie le célèbre caféier (Coffea). Autrefois, on pensait certains Gaillets capables de faire cailler le lait; une croyance (invalidée aujourd'hui) qui aurait inspiré le nom de la plante, Gala signifiant «lait» en grec. Pour d'autres, l'origine du nom serait latine, Gallus signifiant «coq» et la forme des feuilles ressemblant aux pattes d'une poule.
Fleurs discrètes du Gaillet gratteron: corolle à 4 lobes pointus, 4 étamines libres autour d'un pistil à deux styles au centre.
Galium aparine est une annuelle qui aime les terrains riches en azote, en matière organique animale et végétale. Originaire des sous-bois, elle se plait aujourd'hui sur les terres amendées et cultivées, où sa présence concurrentielle aux céréales (qu'elle renverse en leur grimpant dessus) n'est pas la bienvenue.
Feuilles du Gaillet gratteron: sessiles, verticillées et mucronées.
Sa tige carrée et ses partie aériennes sont hérissées de petits aiguillons recourbés qui lui permettent de s'accrocher à tout ce qui lui tombe sous la feuille. Aparine en latin signifie littéralement «qui s'agrippe»; et pour agripper, Galium aparine agrippe! C'est un véritable tentacule végétale qui se colle aux plantes alentour pour s'élever et trouver la lumière; mais aussi aux fourrures des animaux et aux vêtements des promeneurs, qui en disséminent les graines malgré eux (les fruits, des diakènes, sont aussi munies de crochets).
Vous allez à Paris ? Hein ? A Lyon ? Oh oui, oh ben alors...
Ça me rapprochera toujours un petit peu. Bon allez va !(L'auto-stoppeur, Coluche)
Quand le Gaillet gratteron s'emmêle les tentacules : sans doute les conséquences de la présence du Phytopte du Gaillet (Cecidophyes galii), un acarien qui s'attaque aux feuilles de la Sauvage.
L’usage populaire du Gaillet gratteron veut qu’une infusion massée sur la peau soulage un coup de soleil, une brulure, un eczéma, ou fasse même office shampoing anti-pelliculaire… Les jeunes pousses (lorsqu’elles sont encore tendres) de Galium aparine sont comestibles, crues en salade ou cuites, bien que légèrement amères. Les petits fruits cueillis verts (bon courage pour le ramassage), grillés à sec, écrasés et finalement mis à bouillir dans de l'eau fournissent un excellent succédané de café. Pour rappel, Galium aparine est de la même fratrie que le caféier, peut-être est-ce là un goût de famille?
Je m’appelle John Caffé, comme le café sauf que ça s’écrit pas pareil !
(La Ligne Verte, Stephen King)
Gaillet gratteron, le café du shérif!
Et puis qui sait, garder la Sauvage près de soi augmente ses chances de pouvoir observer l'incroyable Moro sphinx (Macroglossum stellatarum), un papillon capable de vol stationnaire et d'une vitesse de déplacement ahurissante, au point d'être surnommé le Sphinx Colibri. Car c'est sur les Galium, mais aussi sur d'autre Sauvages collantes du clan Rubiaceae, comme la Garance voyageuse (Rubia peregrina), que le papillon pond et installe sa progéniture.
Chenille du Moro sphinx (ici sur Galium verum).
Crache sang (Timarcha tenebricosa), un coléoptère qui se nourrit exclusivement de Gaillets à feuilles tendres (ici Galium mollugo).
Si le Gaillet gratteron (Galium aparine) est le plus célèbre des Gaillets (peut être parce qu'il est le plus attachant!), on peut croiser d'autres membres de sa tribu dans les jardins et aux bords des routes. La liste n'est pas exhaustive, mais parmi les plus communs:
le Gaillet Mollugine (Galium mollugo) est une vivace à la taille plus modeste, mais dont la floraison blanche est plus généreuse (les fleurs sont regroupées en panicules étalés). Les tiges, les feuilles et les fruits glabres de ce dernier n'accrochent ni les pantalons, ni les mains qui les caressent...
Gaillet Mollugine (Galium mollugo), Biard (86)
Un peu moins urbains, les Gaillet jaune (Galium verum) et Gaillet croisette (Cruciata laevipes) sont deux vivaces qui fréquentent les prairies ou les bords des routes de campagne. Le Gaillet jaune dresse des feuilles très minces, non agrippantes, et des fleurs jaunes groupées en panicules le long de sa tige.
Gaillet jaune (Galium verum), Salilhès (15)
Le Gaillet croisette forme parfois d'importantes colonies qui dégagent une odeur de miel au printemps. Ses fleurs jaunes sont portées par des pédoncules bien plus courts que ses feuilles ovales, poilues, non agrippantes, et toujours groupées (verticillées) par quatre.
Gaillet croisette (Cruciata laevipes), Quinçay (86)
Pour aller plus loin:
- Norb de Sauvages du Poitou raconte le Gaillet gratteron au micro de France Bleu Poitou
- Galium aparine sur Tela-botanica
- Galium aparine: identification assistée par ordinateur
- Galium mollugo sur Tela-botanica
- Galium mollugo: identification assistée par ordinateur
- Galium verum sur Tela-botanica
- Galium verum: identification assistée par ordinateur
- Cruciata laevipes sur Tela-botanica
- Cruciata laevipes: identification assistée par ordinateur
- Le Gratteron, capitaine crochet de l'escalade sur le site Zoom Nature
Giroflée des murailles, Poitiers sous Blossac
Erysimum cheiri (Giroflée des murailles ou Giroflée ravenelle) appartient à la famille Brassicacea dont les membres présentent généralement des fleurs à quatre pétales. On raconte que ce sont les croisés qui rapportèrent la Giroflée de Méditerranée orientale pour décorer leurs châteaux, la croix dessinée par ses quatre pétales faisant écho à leur quête sacrée. La sauvage brandit ses siliques allongées à la fin de l’été comme une armée d’épées: elle est la croix, mais aussi le glaive.
Siliques en épée (de croisés) de la Giroflée des murailles, Poitiers quartier Chilvert
La Sauvage doit son nom, Giroflée, à l'odeur de ses fleurs qui rappelle celle du clou de Girofle. Elle fut une plante très utilisée en parfumerie, au même titre que la célèbre Violette odorante (Viola odorata).
Fleur en grappes de la Giroflée des murailles: 4 sépales étroits enserrent le tube de la corolle à 4 pétales, 6 étamines inégales (abeille solitaire, Anthophora sp).
Erysimum cheiri est vivace, bien que sa durée de
vie soit brève (les jardiniers la considère comme bisanuelle, car elle perd de son intérêt floral dès la troisième année). Elle se ressème spontanément
à la fin de l'été, se multipliant
d'autant plus facilement qu'elle s'installe là où peu d'autres plantes
seraient capables de pousser. Les limaces et les escargots qui sont friands des jeunes pousses se chargeront toutefois d'en limiter la prolifération (en ce qui nous concerne, elle est toxique).
Comment avez-vous fait pour grimper la haut? Oh mon dieu!
(La princesse et la grenouille, Walt Disney)
Erysimum cheiri est capable de planter sa tige ligneuse et ses maigres racines sur les sols les plus secs et les plus ingrats; on la rencontre parfois dans des situations étonnantes, accrochée à mi-falaise, ou dressée entre les tuiles d'un vieux toit. Perchée, elle abandonne ses graines dans le moindre interstice de mur alentour. Elle fleurit très tôt (de mars à avril), annonçant le printemps et faisant le bonheur des premiers butineurs (essentiellement de petits diptères) au sortir de l'hiver.
Giroflée des murailles, Saint Benoît (86)
«Voici que s'élancent vers le visiteur d'incohérentes figures blêmes de poussière (…). Et la rude main présente un bouquet de fleurs crayeuses, augustes de misères et flamboyantes de volonté. Ah! Ces frêles tiges desséchées! La Vendée les verra, car j'ai promis qu'elles iraient dormir avec moi.» George Clémenceau, discours du 1er octobre 1921 lors de l'inauguration du monument de Sainte-Hermine.
Les croisés en avaient fait leur égérie, mais c’est une toute autre guerre qui planta la Giroflée sur le devant de la scène. George Clémenceau est considéré comme un des leaders qui menèrent la France à la victoire en 1918. Surnommé «le Tigre» pour sa férocité politique (puis finalement «Père la Victoire» à l’issue de la grande guerre), Clémenceau était aussi réputé pour son amour des fleurs qu’il cultivait autour de sa maison vendéenne. Lorsque ce chef de guerre rend visite aux troupes sur les tranchées en juillet 1918, les poilus lui offrent un petit bouquet poussiéreux cueilli à la hâte sur le champ de bataille. Ce bouquet deviendra célèbre, et Clémenceau l’emportera jusque dans sa tombe selon ses volontés (ainsi qu’une douille d’obus en guise de vase!). Les historiens comme les botanistes ne s’entendent pas sur la nature des fleurs qui furent offertes au Tigre ce jour-là, mais la légende populaire raconte qu’il s’agissait d’un bouquet de Giroflée des murailles; une sauvage capable de vaincre l’hiver et de refleurir à même la misère, toute une promesse!
Feuilles lancéolées et entières de la Giroflée des murailles
Pour aller plus loin:
- Erysimum cheiri sur Tela-botanica
Les «Crucifères» sont régulièrement foulées par les armées croisées de la Punaise ornée (Eurydema ornata). Cette punaise aux colorations variables – elle peut être confondue avec d’autres espèces proches – choisit pour plante hôte larvaire de nombreuses Brassicacées sauvages ou cultivées, pouvant causer d’importants dommages aux cultures.