Petite Primprenelle: la mignonitude au jardin.
Poterium sanguisorba (Pimprenelle à fruits réticulés ou Petite Pimprenelle) appartient à la famille Rosaceae, où elle évolue entre les Roses et les Ronces, mais aussi les célèbres Cerisiers, Pommiers, Poiriers et autres géants; une famille assurément généreuse pour l'homme. Comme bon nombre de ses sœurs de sève (ce n'est pas une règle absolue), la Petite Pimprenelle présente des feuilles alternes, composées et nettement stipulées.
Feuilles de la Petite Pimprenelle, composées imparipennées en 9 à 25 folioles dentées.
Les fleurs des Rosacées choisissent souvent d'arborer cinq pétales et cinq sépales, mais la Petite Pimprenelle joue la carte de l'originalité: ses fleurs regroupées en tête sont dénuées de pétales. Strictement mâles, strictement femelles ou hermaphrodites, elles n'en sont pas moins belles! Les fleurs femelles dominent au sommet (elles ressemblent a de minuscules anémones de mer rouges), les fleurs mâles pendouillent en bas, quelques fleurs hermaphrodites (aux étamines jaunes et courtes) assurent parfois la frontière entre dames et messieurs. Le tout formant un brushing rastafari plus flashy que le chignon de Lady Gaga un soir de bal.
Inflorescence de la Petite Pimprenelle : depuis leur calice à quatre sépales verts bordés de blanc, se dressent des stigmates rouges en haut (fleurs femelles). De longues étamines pendent en bas (fleurs mâles).
Alors que la plupart des Rosacées dépendent des insectes pour assurer leur pollinisation, la Petite Pimprenelle compte surtout sur le vent qui caresse ses cheveux (tous les insectes ne la boudent pas pour autant). Vous l'aurez compris : en séparant ainsi ses fleurs mâles et ses fleurs femelles, la Sauvage favorise la pollinisation croisée. D'autant plus que fleurs mâles et femelles n'arrivent pas forcément à maturité en même temps sur un même pied.
Love story de la Petite Pimprenelle: Monsieur au dessus, Madame en dessous, ne manque plus que le souffle du vent pour que ça matche!
La Petite Pimprenelle est une vivace commune qui pousse dans les prairies sèches, au bord des chemins ou dans les rocailles. Elle adapte sa prestance à la richesse de son milieu, se dressant entre 20 et 60 centimètres de hauteur entre mai et septembre. A titre de comparaison, sa grande sœur, la Grande Primprenelle (Sanguisorba officinalis), peut dépasser le mètre et se rencontre dans les milieux humides, avec une répartition très confidentielle en plaine. La Grande Pimprenelle est une espèce rare et déterminante pour tout le Poitou (elle est parfois introduite volontairement dans les jardins d'ornement).
En latin, Sanguisorba pourrait se traduire par «absorber le sang». Ce sont les parties souterraines de la Grande Pimprenelle qui sont inscrites à la liste la liste A de la Pharmacopée française. On leur reconnait des propriétés hémostatique, dues aux tanins concentrés dans les racines.
La Petite Pimprenelle ravira toutefois les amateurs de salade ou de pesto sauvages: ses feuilles fraiches, comestibles, présentent un léger goût de concombre. On peut éventuellement les laisser infuser à froid toute une nuit (une infusion normale, ou un séchage, risquerait d’anéantir sa saveur délicate) pour obtenir une boisson rafraîchissante et astringente, ses feuilles étant assez tanniques.
Petite Pimprenelle: l'envol d'une fée au jardin!
Tante Flora, Tante Pâquerette Tante Pimprenelle!
(La Belle au bois dormant, Walt Disney)
Surtout, son seul (pré)nom invoque à table ou au jardin une touche indéniable de poésie. Les plus anciens se souviendront de Nounours et de Pimprenelle, la poupée aux cheveux de laine, héroïne de la série Bonne nuit les petits. D'autre penseront à l'une des trois fées (celle qui porte une robe bleue) dans la Belle au bois dormant. Le calendrier républicain lui rend hommage vers le début du mois de mai, le 17ème jour du mois de Floréal. A l'heure où des prénoms comme Rose, Cerise ou Prune (d'autres Rosacées) ont le vent en poupe, Pimprenelle reste un prénom trop rare, fêté le jour de Sainte Fleur, le 5 octobre (ça ne s'invente pas). Alors si ce prénom est le votre, permettez moi de vous féliciter - considérez-vous comme une espèce protégée - et de vous dédicacer ce modeste article!
Orfèvrerie des fruits de la Petite Pimprenelle (akènes tétragones).
Pour aller plus loin:
- Poterium sanguisorba: identification assistée par ordinateur
Érodium à feuilles de ciguë ou Bec de grue, Brenne (36)
Après nos aventures capillaires parmi les Géraniums, invitons d'autres membres de la famille Geraniaceae dans ces pages: les Érodiums, alias «Becs de grue». Pour rappel, les Géraniacées doivent leur nom au grec geranos, la grue. C'est pourtant à un autre oiseau que les Érodiums empruntent leur nom de genre: le héron, erodios en grec. Grue, héron, cigogne même (pour les Pélargoniums de nos balcons, pelargos en grec), les Geranciacées ne manquent pas de becs, à l'image de leurs longs fruits pointus.
Bec-de-grue musqué, Poitiers le Porteau
La féérie d'une praire à Érodium à feuilles de ciguë au printemps!
Le Bec-de-grue musqué est une annuelle un peu plus imposante que l’espèce précédente (10 à 60 centimètres de hauteur) qui fréquente les mêmes milieux. Sa répartition se concentre cependant dans l'ouest et le sud du pays. Ses premières fleurs peuvent apparaitre dès la fin du mois de février en Poitou, les dernières pouvant pointer jusqu'au début de l'automne. Dans son inventaire poitevin (Les plantes sauvages & leurs milieux en Poitou-Charentes, 2010), le botaniste Yves Baron le considère comme rare dans les terres. J'imagine que le sauvageon progresse efficacement vers l'intérieur du pays: on le croise sans peine aujourd'hui, du cœur de Poitiers jusqu'à l'est de la Vienne.
Feuilles collantes, composées imparipennées en des folioles dentées du Bec-de-grue musqué
A maturité, les folioles des feuilles de I'Érodium à feuilles de ciguë sont généralement incisées plus profondément que celles du Bec-de-grue musqué, mais sur un bout de trottoir, les deux espèces peuvent présenter des aspects chétifs assez trompeurs.
Parle moi des glandes...(Las Vegas Parano, Terry Gilliam)
Un critère peut cependant vous aider à trancher d'un coup de bec entre ces deux espèces. Ce détail intime exige le recours à une loupe de botaniste (si vous vous lancez dans l'aventure végétale, ça reste un excellent investissement d'une dizaine d'euros).
Bec-de-grue musqué : méricarpes à sillon infrafoveolaire très large, parsemé de glandes subsessiles ainsi que la fovéole (!!!) [extrait de Flora Gallica chez Biotope éditions, 2014]
J'en vois certains qui baillent aux corneilles devant autant de gros mots. Je me risque donc à un sous titrage plus personnel du cliché ci dessus, en français courant: attrapons notre Érodium par le bec, dépiautons le afin d'observer à la loupe l'intérieur des petites dépressions disposées à la base de l'arrête. Si vous notez la présence de petites glandes sphériques, c'est moschatum. (ces glandes ne sont pas présentes chez cicutarium). Attention, les glandes pouvant disparaitre sur les fruits matures, vérifiez plusieurs spécimens plutôt qu'un seul.
Fleurs du Bec-de-grue musqué: 5 pétales de tailles parfois légèrement différentes, un coquetterie subtile du genre.
Pour aller plus loin:
- Erodium cicutarium sur Tela-botanica
- Erodium cicutarium : identification assistée par ordinateur
- Erodium moschatum sur Tela-botanica
- Erodium moschatum : identification assistée par ordinateur
- Taxonomie des Érodiums dans le bassin méditerranéen: un aperçu sur la richesse du genre!
L'incroyable fruit (akène) qui se prenait pour une perceuse! (Bec-de-grue musqué, Poitiers)
Vesce cultivée: moitié fleur, moitié papillon!
Vicia sativa (Vesce cultivée) appartient à la famille Fabaceae dont les membres dressent généralement des feuilles composées et des fleurs irrégulières caractéristiques qu'on dit «papilionacées». On trouve parmi les Fabacées des stars du potager, à la culture aisée, comme les haricots ou les pois. La Vesce cultivée n'est pas en reste: elle est souvent semée comme «engrais vert». A l'image d'autres Fabacées (voir notre article sur la Luzerne tachetée), la Vesce cultivée possède sur ses racines de petites boules blanches nommées nodosités. Celles-ci logent des bactéries très utiles, capables d'utiliser l'azote atmosphérique pour fabriquer des ressources qu'elles partagent volontiers avec leur hôte. Ainsi, la Vesce cultivée est une pionnière à l'aise en toute circonstance, quelle que soit la misère ou la richesse du sol. On croisera cette annuelle en tous lieux, de préférence près des cultures et des jardins où l'homme la sème volontiers.
Feuille imparipennée (n'oubliez pas que la vrille compte pour une foliole!) de la Vesce cultivée.
Dent cassée ne vaut pas fève.Le distrait, Pierre Richard
Mais laissons veaux, vaches, cochons et pigeons pour se pencher sur les insectes. Les fleurs mellifères de la Vesce cultivée enchantent les butineurs et de par la même les apiculteurs. C'est pourtant avec d'autres créatures que la Sauvage a signé un pacte ancestral: des nectaires situées à la base de ses feuilles entretiennent la présence des fourmis qui s'en régalent. En contrepartie, ces dernières patrouillent sur les tiges, assurant la garde rapprochée de la plante et tenant à l'écart les insectes parasites ou autres prédateurs. On désigne ce genre de contrat amical avec le peuple fourmi par le terme myrmécophilie.
Vicia sativa subsp. sativa et compagnie: gare au sac de nœuds!
Plus généralement, le genre Vicia compte une quarantaine d’espèce en France; la moitié d'entre elles sont méditerranéennes. Avec la «petite» quinzaine d’espèces recensée en Poitou, je dois me rendre à l'évidence: entre Poitiers et Marseille, en botanique comme en football, on ne joue pas dans la même division! On ne citera ici que quelques spécimens communs:
Vesce hérissée (Vicia hirsuta, aujourd'hui Ervilia hirsuta), une annuelle discrète des friches et des terrains vagues. Ses petites fleurs sont blanches et ses nombreux folioles (4 à 10 paires) linéaires.
Vesce des haies (Vicia sepium), une vivace qui fréquente les sols frais et riches. Ses fleurs, regroupées par quatre ou plus, sont d’un violet «sale». Ses folioles (3 à 9 paires) sont oblongues à elliptiques; leur extrémité est obtuse. Elle aussi cache des nectaires à la base de ses feuilles, principalement fréquentées par les fourmis.
Vesce cracca (Vicia cracca), une vivace qui forme des colonies denses dans les prairies, près des cultures ou des haies, aux nombreuses folioles (8 à 12 paires). Ses fleurs bleues sont réunies en grappes, toutes situées du même côté de la tige. De même que pour Vicia sativa, le cas Vicia cracca demande un examen attentif pour départager plusieurs espèces proches (V.benghalensis, V.villosa ou V.tenuifolia). On n'en attendait pas moins de la part de Sauvages dont le sport principal consiste à faire des nœuds et à s’emmêler les vrilles!
Pour aller plus loin:
- Vicia sativa sur Tela-botanica
- Vicia sativa : identification assistée par ordinateur