Buglosse toujours verte, Poitiers bords de Clain
- Quoi la vache ? C’est toi la vache !
(La Haine, Mathieu Kassovitz)
Pentaglottis sempervirens (Buglosse toujours verte) appartient aux Boraginaceae, le clan de la Bourrache ou de la Consoude. Pentaglottis sempervirens partage d'ailleurs avec ses deux sœurs le goût de la majesté, puisqu'à maturité, elle peut atteindre un bon mètre de hauteur. Son nom courant, Buglosse, tire son origine du grec et signifie «langue de bœuf», une référence à la forme de ses feuilles raides et longues (jusqu'à 30cm de long), ovales, acuminées (se terminant brusquement en pointe à leur extrémité), sessiles en haut de la tige et longuement pétiolées à la base.
La Buglosse toujours verte apprécie les terres humides, ombragées et riches en azote. Ses grappes de fleurs bleues apparaissent entre avril et septembre. C'est une vivace qui se multiplie abondamment chaque année par semis spontanés et par bourgeonnement des racines. Et pourtant... Vous n'en croiserez pas à tout bout de champs.
Feuille de Buglosse toujours verte: un air de Consoude... Poitiers bords de Clain
Si la Buglosse toujours verte est assez courante dans le nord ouest de notre pays et en Bretagne, sa présence est moins marquée dans le Poitou. Chez nos voisins des Pays de Loire, elle est devenue si rare qu'un arrêté (1993) l'a placée en espèce protégée. Dans le sud ouest, il faut être un sacré veinard pour la croiser; quand aux promeneurs de l'est de la France, ils n'ont quasiment aucune chance de rencontrer la belle...
Petites fleurs bleues de la Buglosse toujours verte, Poitiers bords de Clain
Tu as la main, verte, mais de quelle couleur est le reste ?
(Batman & Robin, Joel Schumacher)
On nomme Pentaglottis sempervirens la «toujours verte» à cause de ses feuilles (les plus jeunes sont agréables en salade ou en potage), mais c'est de la teinture rouge qu'on peut fabriquer à partir de ses racines. Ses fleurs bleues comestibles sont parfois utilisées dans la cuisine sauvage comme décorations; leur goût séduit cependant bien moins que celui de sa sœur de sève, la Bourrache.
Buglosse toujours verte, Poitiers bords de Clain
Pour aller plus loin:
- Pentaglottis sempervirens sur Tela-botanica
Gaillet gratteron, Poitiers chemin de la Cagouillère
Galium aparine (Gaillet gratteron ou Guifron en poitevin-saintongeais) appartient au clan Rubiaceae, dont fait partie le célèbre caféier (Coffea). Autrefois, on pensait certains Gaillets capables de faire cailler le lait; une croyance (invalidée aujourd'hui) qui aurait inspiré le nom de la plante, Gala signifiant «lait» en grec. Pour d'autres, l'origine du nom serait latine, Gallus signifiant «coq» et la forme des feuilles ressemblant aux pattes d'une poule.
Fleurs discrètes du Gaillet gratteron: corolle à 4 lobes pointus, 4 étamines libres autour d'un pistil à deux styles au centre.
Galium aparine est une annuelle qui aime les terrains riches en azote, en matière organique animale et végétale. Originaire des sous-bois, elle se plait aujourd'hui sur les terres amendées et cultivées, où sa présence concurrentielle aux céréales (qu'elle renverse en leur grimpant dessus) n'est pas la bienvenue.
Feuilles du Gaillet gratteron: sessiles, verticillées et mucronées.
Sa tige carrée et ses partie aériennes sont hérissées de petits aiguillons recourbés qui lui permettent de s'accrocher à tout ce qui lui tombe sous la feuille. Aparine en latin signifie littéralement «qui s'agrippe»; et pour agripper, Galium aparine agrippe! C'est un véritable tentacule végétale qui se colle aux plantes alentour pour s'élever et trouver la lumière; mais aussi aux fourrures des animaux et aux vêtements des promeneurs, qui en disséminent les graines malgré eux (les fruits, des diakènes, sont aussi munies de crochets).
Vous allez à Paris ? Hein ? A Lyon ? Oh oui, oh ben alors...
Ça me rapprochera toujours un petit peu. Bon allez va !(L'auto-stoppeur, Coluche)
Quand le Gaillet gratteron s'emmêle les tentacules : sans doute les conséquences de la présence du Phytopte du Gaillet (Cecidophyes galii), un acarien qui s'attaque aux feuilles de la Sauvage.
L’usage populaire du Gaillet gratteron veut qu’une infusion massée sur la peau soulage un coup de soleil, une brulure, un eczéma, ou fasse même office shampoing anti-pelliculaire… Les jeunes pousses (lorsqu’elles sont encore tendres) de Galium aparine sont comestibles, crues en salade ou cuites, bien que légèrement amères. Les petits fruits cueillis verts (bon courage pour le ramassage), grillés à sec, écrasés et finalement mis à bouillir dans de l'eau fournissent un excellent succédané de café. Pour rappel, Galium aparine est de la même fratrie que le caféier, peut-être est-ce là un goût de famille?
Je m’appelle John Caffé, comme le café sauf que ça s’écrit pas pareil !
(La Ligne Verte, Stephen King)
Gaillet gratteron, le café du shérif!
Et puis qui sait, garder la Sauvage près de soi augmente ses chances de pouvoir observer l'incroyable Moro sphinx (Macroglossum stellatarum), un papillon capable de vol stationnaire et d'une vitesse de déplacement ahurissante, au point d'être surnommé le Sphinx Colibri. Car c'est sur les Galium, mais aussi sur d'autre Sauvages collantes du clan Rubiaceae, comme la Garance voyageuse (Rubia peregrina), que le papillon pond et installe sa progéniture.
Chenille du Moro sphinx (ici sur Galium verum).
Crache sang (Timarcha tenebricosa), un coléoptère qui se nourrit exclusivement de Gaillets à feuilles tendres (ici Galium mollugo).
Si le Gaillet gratteron (Galium aparine) est le plus célèbre des Gaillets (peut être parce qu'il est le plus attachant!), on peut croiser d'autres membres de sa tribu dans les jardins et aux bords des routes. La liste n'est pas exhaustive, mais parmi les plus communs:
le Gaillet Mollugine (Galium mollugo) est une vivace à la taille plus modeste, mais dont la floraison blanche est plus généreuse (les fleurs sont regroupées en panicules étalés). Les tiges, les feuilles et les fruits glabres de ce dernier n'accrochent ni les pantalons, ni les mains qui les caressent...
Gaillet Mollugine (Galium mollugo), Biard (86)
Un peu moins urbains, les Gaillet jaune (Galium verum) et Gaillet croisette (Cruciata laevipes) sont deux vivaces qui fréquentent les prairies ou les bords des routes de campagne. Le Gaillet jaune dresse des feuilles très minces, non agrippantes, et des fleurs jaunes groupées en panicules le long de sa tige.
Gaillet jaune (Galium verum), Salilhès (15)
Le Gaillet croisette forme parfois d'importantes colonies qui dégagent une odeur de miel au printemps. Ses fleurs jaunes sont portées par des pédoncules bien plus courts que ses feuilles ovales, poilues, non agrippantes, et toujours groupées (verticillées) par quatre.
Gaillet croisette (Cruciata laevipes), Quinçay (86)
Pour aller plus loin:
- Norb de Sauvages du Poitou raconte le Gaillet gratteron au micro de France Bleu Poitou
- Galium aparine sur Tela-botanica
- Galium aparine: identification assistée par ordinateur
- Galium mollugo sur Tela-botanica
- Galium mollugo: identification assistée par ordinateur
- Galium verum sur Tela-botanica
- Galium verum: identification assistée par ordinateur
- Cruciata laevipes sur Tela-botanica
- Cruciata laevipes: identification assistée par ordinateur
- Le Gratteron, capitaine crochet de l'escalade sur le site Zoom Nature
Giroflée des murailles, Poitiers sous Blossac
Erysimum cheiri (Giroflée des murailles ou Giroflée ravenelle) appartient à la famille Brassicacea dont les membres présentent généralement des fleurs à quatre pétales. On raconte que ce sont les croisés qui rapportèrent la Giroflée de Méditerranée orientale pour décorer leurs châteaux, la croix dessinée par ses quatre pétales faisant écho à leur quête sacrée. La sauvage brandit ses siliques allongées à la fin de l’été comme une armée d’épées: elle est la croix, mais aussi le glaive.
Siliques en épée (de croisés) de la Giroflée des murailles, Poitiers quartier Chilvert
La Sauvage doit son nom, Giroflée, à l'odeur de ses fleurs qui rappelle celle du clou de Girofle. Elle fut une plante très utilisée en parfumerie, au même titre que la célèbre Violette odorante (Viola odorata).
Fleur en grappes de la Giroflée des murailles: 4 sépales étroits enserrent le tube de la corolle à 4 pétales, 6 étamines inégales (abeille solitaire, Anthophora sp).
Erysimum cheiri est vivace, bien que sa durée de
vie soit brève (les jardiniers la considère comme bisanuelle, car elle perd de son intérêt floral dès la troisième année). Elle se ressème spontanément
à la fin de l'été, se multipliant
d'autant plus facilement qu'elle s'installe là où peu d'autres plantes
seraient capables de pousser. Les limaces et les escargots qui sont friands des jeunes pousses se chargeront toutefois d'en limiter la prolifération (en ce qui nous concerne, elle est toxique).
Comment avez-vous fait pour grimper la haut? Oh mon dieu!
(La princesse et la grenouille, Walt Disney)
Erysimum cheiri est capable de planter sa tige ligneuse et ses maigres racines sur les sols les plus secs et les plus ingrats; on la rencontre parfois dans des situations étonnantes, accrochée à mi-falaise, ou dressée entre les tuiles d'un vieux toit. Perchée, elle abandonne ses graines dans le moindre interstice de mur alentour. Elle fleurit très tôt (de mars à avril), annonçant le printemps et faisant le bonheur des premiers butineurs (essentiellement de petits diptères) au sortir de l'hiver.
Giroflée des murailles, Saint Benoît (86)
«Voici que s'élancent vers le visiteur d'incohérentes figures blêmes de poussière (…). Et la rude main présente un bouquet de fleurs crayeuses, augustes de misères et flamboyantes de volonté. Ah! Ces frêles tiges desséchées! La Vendée les verra, car j'ai promis qu'elles iraient dormir avec moi.» George Clémenceau, discours du 1er octobre 1921 lors de l'inauguration du monument de Sainte-Hermine.
Les croisés en avaient fait leur égérie, mais c’est une toute autre guerre qui planta la Giroflée sur le devant de la scène. George Clémenceau est considéré comme un des leaders qui menèrent la France à la victoire en 1918. Surnommé «le Tigre» pour sa férocité politique (puis finalement «Père la Victoire» à l’issue de la grande guerre), Clémenceau était aussi réputé pour son amour des fleurs qu’il cultivait autour de sa maison vendéenne. Lorsque ce chef de guerre rend visite aux troupes sur les tranchées en juillet 1918, les poilus lui offrent un petit bouquet poussiéreux cueilli à la hâte sur le champ de bataille. Ce bouquet deviendra célèbre, et Clémenceau l’emportera jusque dans sa tombe selon ses volontés (ainsi qu’une douille d’obus en guise de vase!). Les historiens comme les botanistes ne s’entendent pas sur la nature des fleurs qui furent offertes au Tigre ce jour-là, mais la légende populaire raconte qu’il s’agissait d’un bouquet de Giroflée des murailles; une sauvage capable de vaincre l’hiver et de refleurir à même la misère, toute une promesse!
Feuilles lancéolées et entières de la Giroflée des murailles
Pour aller plus loin:
- Erysimum cheiri sur Tela-botanica
Les «Crucifères» sont régulièrement foulées par les armées croisées de la Punaise ornée (Eurydema ornata). Cette punaise aux colorations variables – elle peut être confondue avec d’autres espèces proches – choisit pour plante hôte larvaire de nombreuses Brassicacées sauvages ou cultivées, pouvant causer d’importants dommages aux cultures.