Ornithogale en ombelle, Béceleuf (79)
Ornithogalum umbellatum (Ornithogale en ombelle ou Aillochon en poitevin-saintongeais) appartient à la famille contemporaine Asparagaceae (c'est la classification qui est récente, et non ses membres!), ce qui en fait la petite sœur des célèbres Asperges. Ornithos gala, en grec, est littéralement le «lait d'oiseau», à cause de sa couleur délicate, mais surtout parce que la Sauvage est fantastique(ment belle), comme le lait d'oiseau! Umbellatis en latin est bien sûr l'«ombrelle» ou le «parasol», une référence à ses fleurs étoilées qui apparaissent entre début avril et juin au dessus d'une rosette de feuilles linéaires couchées au sol.
Ornithogalum umbellatum est une vivace qui se multiplie efficacement via ses semences et ses bulbilles souterraines (si sa présence reste modérée dans le Poitou, elle est devenue depuis son introduction une véritable invasive en Amérique du Nord). Elle aime les terrains ensoleillés et argileux; ses colonies importantes peuvent être le signe d'un sol compacté et pauvre en vie microbienne aérobie.
Fleur de l'Ornithogale en ombelle: 6 tépales blancs dessus, verts dessous (moitié pétales, moitié sépales!), 6 étamines libres (au filet aplati) entourent le pistil au centre.
Il existe une confusion en France autour du genre Ornithogalum: on peut lire dans Flora Gallica, (la bible des botanistes), qu'il existe probablement plusieurs espèces confondues sur le terrain avec l'Ornithogale en ombelle (O.divergens, O.kochii, O.orthophyllum...). Le seul élément discriminant entre ces espèces serait l'extraction et l'observation minutieuse du bulbe, parfois à l'état juvénile, parfois à l'état adulte... La plupart des observateurs (dont je fais partie) se contentent de noter Ornithogalum umbellatum sur leurs relevés, histoire de ne pas prendre le risque de déterrer et de sacrifier la perle rare!
Dame d'onze heures, il est 11h00, et c'est l'heure de ne pas tondre la pelouse!
Ornithogalum umbellatum est souvent surnommée Dame d'onze heures... La faute à sa ponctualité: la Sauvage ouvre ses fleurs blanches lorsque l'ensoleillement est à sa plénitude, généralement vers 11 heures du matin. En réalité, par ciel couvert, quelle que soit l'heure affichée à notre montre, Ornithogalum umbellatum ne s'ouvre guère!
Toute la plante est toxique, pour l'homme comme pour le bétail et les animaux domestiques. Ornithogalum umbellatum est cependant utilisée sous forme d’élixir floral, les fameux élixirs du docteur Bach, pour soulager les personnes sous le coup d'un choc mental ou d'un deuil difficile... La méthode de fabrication, toute en poésie, consiste à récupérer les qualités «émotionnelles» de la fleur à travers la rosée matinale qui la recouvre; jusqu'à en extraire un peu de son aptitude à ouvrir les bras — ou plutôt les pétales — à la grande lumière!
Vous savez, on peut trouver du bonheur même dans les endroits les plus sombres. Il suffit de se souvenir d’allumer la lumière.
(Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban, J.K. Rowling)
Feuilles linéaires de l'Ornithogale en ombelle: comme de l'herbe.
Pour aller plus loin:
- Ornithogalum umbellatum sur Tela-botanica
- Identification assistée par ordinateur
Herbe à Robert, Poitiers bords de Boivre
Geranium robertianum (Herbe à Robert) appartient aux Geraniaceae, la famille des véritables géraniums «sauvages» (les célèbres fleurs de nos balcons étant en réalité des Pelargonium). Le terme Geranium dériverait du terme grec Geranos, la «grue», les fruits du Geranium présentant des petites pointes ressemblant au bec (ou à la tête) du volatile.
Geranium robertianum doit peut être son surnom à St Robert, évêque de Salzbourg, qui en découvrit les nombreuses vertus médicinales au 8ème siècle (selon d'autres sources, Robert serait simplement une déformation du mot latin ruber qui signifie «rouge»).
Duo de fleurs de l'Herbe à Robert: 5 sépales, 5 pétales roses ou rouges, 10 étamines pourpres (rangées selon deux cercles imbriqués de 5 étamines) autour d'un pistil composé de 5 carpelles soudés.
L'Herbe à Robert est annuelle; elle peut en certaines circonstances être bisannuelle, voire vivace, et se perpétuer depuis ses rhizomes stolonifères. Mais c'est généralement grâce à ses graines, disséminées depuis des capsules explosives, qu'elle assure sa multiplication. Elle fleurit entre avril et octobre; ses petites fleurs — qui s'épanouissent et flétrissent dans un laps de temps très court pour laisser place à des capsules poilues — apparaissent toujours deux par deux sur chaque pédoncule.
Duo de fruits (capsules) de l'Herbe à Robert: quand les Sauvages font leur Hellfest!
Il existe une espèce très proche souvent confondue, bien que moins commune, le Géranium pourpre, Geranium purpureum, dont la répartition en France se concentre au sud d'une diagonale allant de Normandie jusqu’en Savoie. Dans le Poitou, les deux espèces peuvent se côtoyer. Les fleurs du Géranium pourpre sont plus petites que celles de l'Herbe à Robert, rose-pourpre vif et leurs anthères sont jaunes, alors qu'elles sont rouge/orangé chez l'Herbe à Robert. Mais gare au piège: chez les deux espèces, les anthères une fois ouvertes sont couvertes d'un pollen jaune!
Le délicat Géranium pourpre, aux anthères jaunes d'or.
Géranium pourpre à gauche, Herbe à Robert à droite: une histoire de taille et d'étamines!
- Qui c’est lui?
- Lui? C’est la main du Diable.
- Lui aussi?
- Oui... mais lui c’est la gauche.
(On l’appelle Trinita, Enzo Barboni)
L'Herbe à Robert tolère tout type de sols et d'expositions (elle prolifère sur les sols forestiers riches en matière organique). Elle est à ce point capable d'adaptation que dans une situation de sécheresse (ou à l'approche de l'hiver), ses feuilles découpées se couvrent d'une pigmentation rouge-vermillon qui la protège de la déshydratation.
Dans le Poitou, l'Herbe à Robert est parfois surnommée Fourchette du diable, à cause des longues pointes qui terminent ses duo de fruits. Il faut reconnaitre que la Sauvage est rusée comme un diable : en séchant, par un effet ressort lié à l’enroulement de leurs parois, ses fruits explosent et projettent les semences à plusieurs dizaines de centimètres autour de la plante! On raconte que les sorcières plantaient jadis l'Herbe à Robert devant leur maison pour être averties de l'arrivée d'un visiteur, les fleurs se tournant en direction de l'intrus. Aujourd'hui, on plante parfois la Sauvage devant les fenêtres: son odeur repousserait les moustiques. On peut obtenir le même effet en frottant ses feuilles sur sa peau... Mais rien ne vaut la bonne vieille citronnelle!
Feuilles de l'Herbe à Robert: opposées, palmatiséquées en des segments petiolulés (comme munis d'un petit pétiole), eux mêmes pennatifides.
Il n'est pas une partie de l'Herbe à Robert qui n'est été utilisée par l'homme (elle a sans doute été introduite en Europe en tant qu'herbe médicinale): la plante est très tannique et donc astringente. En infusion, elle permet de lutter contre diarrhée, dysenterie et soulage les inflammations de l'estomac, des intestins ou des reins (néphrites); en gargarisme, elle permet de traiter les angines et les inflammations des amygdales; en usage externe, elle est cicatrisante, soulage les maux de dents... Autrefois, sa racine était utilisée pour tanner les cuirs.
- Vous me prenez pour le diable ?
- Vous en avez la beauté.
(Arsène Lupin, Jean-Paul Salomé)
Herbe à Robert, diaboliquement belle! Même un ange comme la Piéride du navet (Pieris napi) s'y laisse prendre...
Pour aller plus loin:
- D'autres espèces citadines de Géraniums sur Sauvages du Poitou
- Norb de Sauvages du Poitou raconte l'Herbe à Robert au micro de France Bleu Poitou
- Geranium robertianum: identification assistée par ordinateur
- Geranium robertianum sur Tela-botanica
- l'Herbe-à-Robert sur le site de Zoom Nature
- Geranium purpureum sur Tela-botanica
La naissance de Robert (Herbe à Robert et ses cotylédons caractéristiques en forme de rein)
Myosotis des champs, Poitiers bords de Boivre
Myosotis arvensis (Myosotis des champs ou Aimemou — pour Myosotis — en poitevin-saintongeais) appartient aux Boraginaceae (c'est le clan de la Bourrache). Myosotis vient des termes grecs myos et ous, et signifie littéralement «oreille de souris»; une référence à la forme et au duvet de ses feuilles lancéolées.
Myosotis des champs au printemps, Poitiers bords de Clain
Myosotis arvensis est parfois annuelle, souvent bisannuelle. Elle affectionne les sols sablonneux, pauvres en argile, en humus et en matière organique. Dans son milieu naturel originel, Myosotis Arvensis pousse sur les dunes, ou sur les rives ensablées des fleuves et des rivières. Trouver des colonies importantes de la plante en dehors de ce contexte peut être le signe inquiétant d'un sol lessivé, usé, maltraité, en perte grave de cohésion.
Myosotis rameux, Poitiers sous Blossac
On peut croiser plusieurs Myosotis de petite taille dans le même genre de milieu. Le Myosotis des champs (Myosotis arvensis) s'en distingue essentiellement par les longs pédicelles qui portent ses fleurs à maturité, nettement plus longs que ses calices. Chez le Myosotis rameux (Myosotis ramosissima), le plus velu, les pédicelles égalent au plus les calices. Les pédicelles du Myosotis raide (Myosotis stricta) ne sont quasiment pas visibles, comme si ses minuscules fleurs (2mm au plus) étaient directement fixées sur la tige. Enfin, le Myosotis bicolore (Myosotis discolor) est le seul a présenter des fleurs de différentes couleurs, allant du blanc au bleu, en passant par le jaune.
Les minuscules fleurs aux couleurs variées du Myosotis bicolore, Biard aérodrome (86)
Chez tous ces Myosotis, l'inflorescence (la partie haute de l'ensemble des fleurs sur la tige) est courte lorsque les fleurs sont encore en bouton, enroulée en spirale. Elle se déplie et se redresse au fil du temps, à l'image d'une queue de scorpion... D'où l'un des nombreux surnoms des Myosotis: «herbe aux scorpions».
Inflorescence caractéristique (cyme scorpioïde) du Myosotis des champs, alias «Herbe aux scorpions».
Mais le surnom le plus célèbre des Myosotis est sans doute «Ne m’oublie pas». Ils sont le symbole du souvenir et de la mémoire, et pas seulement en France; les allemands les appellent «Vergissmeinnicht», les anglais «forget-me-not»!
On raconte l'histoire suivante: un jour, un chevalier en armure voulut offrir une fleur sauvage à l'élue de son cœur. Il se pencha au bord d'une rivière pour cueillir un Myosotis, mais le poids de l'armure le fit basculer dans l'eau... Alors qu'il se noyait, le chevalier amoureux lança toutefois la fleur bleu azur à sa dame en lui criant: ne m'oublie pas! La belle, dans sa candeur, s'imagina que le vaillant en détresse lui criait le nom de la fleur!
Au bord de l'eau, un Myosotis de belle taille, le Myosotis des marais (Myosotis scorpioides), une vivace aux fleurs pâles de 5 à 10mm, les sépales recouverts de poils appliqués.
Myosotis des champs: la Sauvages qui murmurait à l'oreille des butineurs...
Un Myosotis taille XL (jusqu'à 50cm): le Myosotis des forêts (Myosotis sylvativa), une vivace aux fleurs bleu intense de 5 à 10mm, les sépales couverts de poils crochus, les feuilles du bas rétrécies à leur base en un pétiole ailé.
Pour aller plus loin:
- Norb de Sauvages du Poitou raconte le Myosotis au micro de France Bleu Poitou
- Myosotis arvensis sur Tela-botanica
- Myosotis arvensis: identification assistée par ordinateur
- Myosotis ramosissima sur Tela-botanica
- Myosotis ramosissima: identification assistée par ordinateur
- Myosotis stricta sur Tela-botanica
- Myosotis discolor sur Tela-botanica
- Myosotis discolor: identification assistée par ordinateur
- Myosotis sylvatica sur Tela-botanica
- Myosotis scorpioides sur Tela-botanica
- Myosotis scorpioides: identification assistée par ordinateur
- Comment le Myosotis communique avec les insectes sur le blog Des fleurs à notre porte