Grande Chélidoine, Biard (86)
Chelidonium majus (Grande Chélidoine) appartient à la famille Papaveraceae, ce qui en fait la sœur des Pavots et autres Coquelicots, des plantes productrices de latex (substance toxique liquide, collante et coagulante) à la floraison souvent spectaculaire.
Fleurs groupées (presque en ombelles) de la Grande Chélidoine : 2 sépales (qui tombent après la floraison, on peut les voir ici sur les fleurs pas encore ouvertes), 4 pétales, nombreuses étamines autour d'un pistil surmonté de 2 stigmates.
Chelidonium signifie «Hirondelle», Chelidonium majus est donc littéralement la Grande hirondelle. Ses premières floraisons printanières coïncident avec l’arrivée des oiseaux migrateurs de retour d’Afrique (et le départ des oiseaux avec ses premières fanaisons), mais il existe une autre légende qui pourrait expliquer le nom de la Sauvage: on raconte que les hirondelles ouvrent les yeux de leurs oisillons avec une bectée de suc de la plante, ce qui n’est bien sûr que pure fantaisie. Il faut dire qu'en médecine populaire, la Grande Chélidoine était autrefois réputée pour traiter les affections ophtalmiques. Une fantaisie en entrainant une autre, certains lui accordaient même le pouvoir de rendre la vue aux aveugles. C’est en tout cas ce qui valut à la Grande Chélidoine son autre nom vernaculaire : la Grande Éclaire.
Feuilles de la Grande Chélidoine: «molles», alternes, pennatiséquées en segments plus ou moins lobés.
La Grande Chélidoine exige un sol basique — ou calcaire — pour pousser; c'est pourquoi on la retrouve fréquemment au pied des murs et des ruines (roches calcaires). Elle affectionne les excès d'azote et donc les bords de routes (pollution automobile).
Étant la seule représentante du genre Chelidonium, on peut se demander pourquoi la Grande Chélidoine est qualifiée de «Grande». Il faut se souvenir qu’autrefois, Chelidonium minus alias Petite Chélidoine désignait une Renonculacée, la Ficaire (aujourd’hui Ficaria verna). S’il n’existe aucun lien de parenté entre les deux sauvages, ces dernières partagent au moins le jaune d’or de leurs fleurs, ainsi qu’une alliance avec le peuple fourmi pour assurer le transport de leur graines.
Capsules allongées de la Grande Chélidoine, Poitiers bords de Clain
En effet, la Grande Chélidoine est une vivace qui colonise rapidement l'espace alentour grâce aux semences (regroupées dans une capsule ou silique) disséminées par les fourmis. Ces dernières sont attirées par l'excroissance charnue des graines (élaïosome) qu'elles abandonnent dans les fissures des murs ou qu'elles emportent sous terre jusque dans leurs fourmilières. Ainsi, ses colonies s’étendent d'un saut de fourmi à un autre.
Les graines de la Grande Chélidoine (munies d’un élaïosome blanc bien visible) attendent la fourmi qui les emportera (myrmécochorie)...
Jadis, les alchimistes utilisaient la Grande Chélidoine dans la
formule qui aurait permis de transformer les métaux en or... La quête
reste entière (ou du moins secrète) en ce jour, mais la Grande Chélidoine doit aujourd'hui sa célébrité au pouvoir supposé anti-verrues (antimitotique) de son latex jaune orangé — d'où son surnom d'«Herbe aux verrues». Bien que son efficacité ne soit pas prouvée, son usage reste répandu et il n'est pas difficile de trouver des témoignages élogieux, ou tout au contraire déçus, à son sujet!
- Si je peux juste me permettre...
- Tu ne te permets juste rien du tout. Tu vas d’abord me soigner cette mauvaise peau et ensuite tu te permets, ok ?
(C’est arrivé près de chez vous, Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoît Poelvoorde)
Pour aller plus loin:
- Identification assistée par ordinateur
- Chelidonium majus sur Tela-botanica
- Chélidoine, par delà les murs sur le site Zoom Nature
Capitule de la Pâquerette: joyeuses Pâques!
Bellis perennis (Pâquerette ou Margarite en poitevin-saintongeais) appartient à la famille Asteracea (dites Composées), dont tous les membres présentent une multitude de fleurs minuscules regroupées en un capitule (ici par exemple, le cœur jaune de Bellis perennis est composé de nombreuses fleurs jaunes miniatures en tube, entourées de fleurs blanches imitant la forme de pétales).
Jour de pluie: la Pâquerette refuse d'ouvrir les volets...
En latin, Bellis perennis est, littéralement, la beauté éternelle... Une référence à la vierge Marie; c'est la fleur de l’innocence. Les chrétiens aiment à raconter une histoire à son sujet: Un jour, Marie voulut consoler son fils Jésus qui s'était piqué avec une épine en lui offrant Bellis perennis. Une goutte de sang du christ tomba sur les pétales, laissant depuis à leur extrémité un léger ton rosé.
Tous les pays qui n'ont plus de légende seront condamnés à mourir de froid.
(La Quête de joie, Patrice de La Tour du Pin)
Bellis perennis, à jamais la plus belle!
Poitiers quartier Chilvert
Bellis perennnis montre ses fleurs blanches toute l'année durant, en dehors des périodes de gel, mais son nom Pâquerette vient de ses floraisons particulièrement massives autour des fêtes de Pâques. Elle pousse sur tous les types de sols, jusqu'à 2200 mètres d'altitude. Le vent ressème spontanément ses fruits (cependant dépourvus de soies pour le vol, ils ne vont guère loin), pendant que la plante d'origine se propage grâce à ses stolons (elle est vivace).
La Sauvage supporte bien le piétinement; elle s’adapte aux tontes régulières, ses tiges florifères repoussant rapidement après le passage des tondeuses… Bref, la Sauvage est toute à son aise en compagnie de l’homme et l'affection est généralement réciproque.
Fruits de la Pâquerette: des akènes dépourvus de soies (les plumes pour voler), plutôt rare chez les Astéracées...
Bellis perennis ferme ses fleurs à la tombée de la nuit, et s'ouvre avec l'apparition du soleil. Elle se ferme également lors des averses, voir légèrement avant selon la légende; elle permettrait ainsi d'annoncer les pluies juste avant l'arrivée de celles-ci, telle une grenouille météo!
Jeunes feuilles spatulées disposées en «rosette»,
Pâquerettes, Poitiers quartier Chilvert
Bellis perennis est une comestible riche en calcium, mais crue, sa saveur est âcre. C’est pourquoi ses capitules ne servent le plus souvent qu’à décorer les plats. Ses propriétés médicinales sont évoquées depuis la renaissance : elle serait antalgique (en usage externe ou interne) au même titre de que la célèbre Arnica des montagnes (Arnica montana), mais la pharmacopée française ne la retient pas en tant que plante médicinale.
Une fausse jumelle: La Vergerette de Karvinski
La Vergerette de Karvinski (Erigeron karvinskianus), aussi surnommée Pâquerette des murailles, est une vivace rustique originaire du Mexique, cultivée dans les rocailles. Elle s’ensauvage peu à peu en France, quittant les jardins d’ornement pour vagabonder sur les trottoirs et les murs de nos cités. Si ses capitules ressemblent à ceux de la célèbre Pâquerette, ses tiges ramifiées dressent des feuilles très différentes, souvent trilobées.
Pour aller plus loin:
- Norb de Sauvages du Poitou raconte la Pâquerette au micro de France Bleu Poitou
- Identification assistée par ordinateur
- Bellis perrennis sur Tela-botanica
La Mélitée du Plantain (Melitaea cinxia) devant son bol de Pâquerette au petit déjeuner
Luzerne tachetée: une adepte des tatouages?
Medicago arabica (Luzerne tachetée ou Jerzas — pour Luzerne ou Vesce — en poitevin-saintongeais) appartient à la famille Fabaceae (et plus précisément un membre de la sous famille des Papilionacées — Papilionaceae — dont les membres montrent des fleurs en forme de papillon, voir l'article complet sur le sujet).
Le nom Medicago renvoie à la Médie, une région d’Asie Mineure située au nord-ouest de l’Iran actuel, entre la mer Caspienne et le Golfe Persique, qui était habitée par les Mèdes pendant l'antiquité. Medicago arabica serait donc une étrangère originaire du bassin méditerranéen.
Fleurs de la Luzerne tachetée: une corolle jaune typique des «Papilionacés», formée d'un étendard au dessus, de deux ailes recourbées à gauche et à droite et d'une carène en bas.
Medicago arabica est une
annuelle qui préfère les sols bien exposés, riches en matière organique (prairies
alluviales) et en azote (bords de route et terres cultivées). Année après année, ses colonies semblent s'étendre de manière «circulaire», fleurissant dès le mois de mai, resemant généreusement ses gousses épineuses et spiralées, et dépérissant (curieusement) du centre vers la périphérie, un peu avant l'été.
Fruits (gousses) de la Luzerne tachetée, Saint Benoît (86)
Ses folioles (chaque feuille est constituée de trois parties distinctes ou folioles) sont souvent marquées en leur centre d'une tache noirâtre.
Feuilles de la Luzerne tachetée: alternes, trifoliées, folioles obcordées, dentées au sommet.
Comme toutes les légumineuses, Medicago arabica est riche et généreuse: de petites boules blanches (nodosités) sur ses racines abritent des bactéries locataires. Ces dernières sont capables d'utiliser l'azote atmosphérique pour fabriquer des ressources qu'elles partagent volontiers avec la plante hôte. Dès lors, on comprend pourquoi les légumineuses parviennent à pousser sur les sols les plus misérables; faute de sol, un peu d'air et d'amour leur suffisent. Les jardiniers le savent bien: la culture des fèves, des haricots ou des pois est aisée au potager, quelles que soient la nature et les qualités du sol.
Medicago arabica est donc un bon engrais vert: une fois fauchée, elle laisse racines, nodosités et (surtout) parties aériennes comme autant de provisions d'azote dont peuvent profiter les autres plantes alentours.
Nodosités de la Luzerne tachetée.
Medicago arabica fait un bon fourrage pour le bétail. La littérature quant à sa comestibilité pour l'homme n'abonde malheureusement pas. Les Luzernes ne présentent généralement pas de grands dangers, mais mieux vaut jouer la carte de la prudence. Quoi qu'il en soit, la bouloter ne nous rendra surement pas plus riche!
Collier-de-corail (Aricia agestis) et Luzerne tachetée au printemps (Biard)
Pour aller plus loin:
- Identification assistée par ordinateur
- Medicago arabica sur Tela-botanica