Pissenlit, Poitiers quartier Chilvert
Taraxacum sect. Ruderalia (Pissenlit, Pissenlit dent de lion ou Cochet en poitevin-saintongeais) appartient aux Asteraceae; tous les membres de ce clan possèdent une multitude de fleurs minuscules regroupées en capitule (ici, le capitule est ce qu'on considère habituellement comme la fleur jaune du Pissenlit, alors qu'il s'agit de 200 à 300 fleurs accolées les unes aux autres). Les «dents de lion» sont celles de ses feuilles, découpées comme les mâchoires du roi de la jungle.
Pissenlit, le roi de la pop au jardin : Can you feel it?
Les botanistes envisagent généralement les Pissenlits comme des groupes plutôt que des espèces, car plusieurs « micro » espèces distinctes (certaines ne comptent qu’une unique station connue), difficilement différenciables sur le terrain, se cachent derrière les taxons les plus connus. Pour faire simple, et parce qu'il y a déjà tellement à dire, nous considérerons ici les espèces rangées dans le tiroir Taraxacum sect. Ruderalia comme une seule et même sauvage… Et quelle sauvage !
Pissenlit: ce n'est pas la nature qui pousse sur la ville, mais la ville qui a poussé sur la nature! Notez les bractées (petites feuilles sous le capitule) caractéristiques, réfléchies après floraison.
Je suis un des rares mythes vivants du 21ème siècle.
(Alain Delon)
Le Pissenlit est assurément la star de nos jardins, prairies, chemins et terrains vagues... Présente sur les cinq continents, elle est sans doute la fleur la plus populaire de la planète. En France, elle est en tête du top 10 des Sauvages les plus observées dans nos cités (source: Sauvages de ma rue).
Avis aux voisins, agents municipaux et jardiniers! (Pissenlit)
Pour montrer ses premières fleurs de l'année, le Pissenlit prend en compte une multitude de facteurs: précipitations, ensoleillement, température, humidité atmosphérique... La Sauvage se révèle être un véritable ingénieur météo; les jardiniers peuvent se fier à sa floraison pour savoir que le printemps est de retour, quelle que soit la date affichée sur le calendrier.
Un des premiers visiteurs des établissements Pissenlit au sortir de l'hiver: le Citron (Gonepteryx rhamni)
A partir de là, la floraison se poursuit d'une manière continue, jusqu'à l'automne. Une étude en Allemagne a dénombré le nombre d’espèces visitant le capitule mellifère : 93 espèces d'insectes! C’est sans compter les oiseaux ou les petits mammifères qui picorent ses graines. Plus que sur la quantité ou la qualité de nectar, le succès des établissements «Pissenlit» repose surtout sur la longueur de la floraison au fil des saisons: il ouvre sa table à des périodes de l’année où les autres Sauvages gardent la porte close.
En guise d'île pour ce Robinson du Macadam (Pissenlit): des feuilles sessiles (rétrécies à la base), toutes radicales (en «rosette»), pennatifides ou pennatipartites en segments triangulaires.
Indéniablement, le Pissenlit se démarque parmi les herbes folles ; ne serait-ce qu'à cause des modes de reproduction variés de ses «micro» espèces sous-jacentes. Vivace, il peut se multiplier par bouturage de ses racines pivotantes (qui s'enfoncent jusqu'à 50cm — exceptionnellement 1m — dans les sols, d'où sa surprenante résistance face à la sécheresse et aux grands froids). Certains Pissenlits se reproduisent aussi par voix sexuée, grâce à la fécondation de leurs fleurons. Enfin, d’autres peuvent féconder leurs organes femelles sans avoir recours à des semences mâles. Ce phénomène rare (nommé parthénogenèse) revient à faire des bébés tout seul ! Il n'y a alors pas de brassage génétique, contrairement à la reproduction sexuée.
C'était dans ces années un peu folles
Où les papas n'étaient plus à la mode
Elle a fait un bébé toute seule(Jean-Jacques Goldman, Elle a fait un bébé toute seule)
Ce phénomène rare (nommé parthénogenèse) revient à un clonage (il n'y a pas de brassage génétique, contrairement à la reproduction sexuée). Ses fruits (des akènes), profilés pour assurer une bonne dispersion par le vent, peuvent voler jusqu'à 10km depuis leur tige de décollage. Avec un tel arsenal, le Pissenlit s'assure une belle descendance, quelles que soient les conditions rencontrées.
Cueillir un pissenlit en fruit pour souffler sur la boule floconneuse est un jeu aussi ancien qu'universel, dont l'objectif est de disperser les graines d'un seul souffle, tel les bougies d'un gâteau d'anniversaire. Les jeunes filles racontaient jadis que le nombre d'expirations nécessaires pour détacher l'ensemble des plumets correspondait au nombre d'années qu'elles devraient attendre pour se marier... Dans le Poitou, on pensait que les flocons s'envolaient dans la direction du futur bien-aimé!
Ah ! Ces jeunes tardent à se séparer du domicile familial... (Akène du Pissenlit, Poitiers quartier Chilvert)
Inutile de revenir sur les qualités gastronomiques du Pissenlit, elles sont connues de tous et surtout des amateurs des régimes de printemps «détox» et revitalisants. Le sauvageon est réputé diurétique: il est le «pisse au lit», inutile de vous faire un dessin ! Il semblerait pourtant qu'il n'ait jamais été domestiquée et cultivée avant le 19ème siècle; il était sans doute autrefois répandue et récoltée à l'état sauvage.
L'utilisation de ses épaisses racines est en revanche moins courante... Celles ci sont pourtant goûteuses et nutritives: découpées et grillées à la poêle, elles se révèlent être un excellent succédané de café. Cuites, elles peuvent compléter harmonieusement une purée de pommes de terre ou de topinambours. Ne cherchez pas, chez le Pissenlit il n'y a rien à jeter.
Pissenlit, la rock-star des herbes folles!
Taraxacum section Erythrosperma, une des autres sections (dont les membres se distinguent de par la petite protubérance accrochée à la pointe des bractées) de ce genre très fourni: la liste des espèces de Pissenlits (Taraxacum spp.) à travers le monde est longue et incertaine: 60 à 2000 selon les auteurs!
Pissenlit des marais (Taraxacum palustre), un Pissenlit des zones humides, aux feuilles étroites, peu dentées et aux bractées appliquées contre le capitule.
Gaillet gratteron, Poitiers chemin de la Cagouillère
Galium aparine (Gaillet gratteron ou Guifron en poitevin-saintongeais) appartient au clan Rubiaceae, dont fait partie le célèbre caféier (Coffea). Autrefois, on pensait certains Gaillets capables de faire cailler le lait; une croyance (invalidée aujourd'hui) qui aurait inspiré le nom de la plante, Gala signifiant «lait» en grec. Pour d'autres, l'origine du nom serait latine, Gallus signifiant «coq» et la forme des feuilles ressemblant aux pattes d'une poule.
Fleurs discrètes du Gaillet gratteron: corolle à 4 lobes pointus, 4 étamines libres autour d'un pistil à deux styles au centre.
Galium aparine est une annuelle qui aime les terrains riches en azote, en matière organique animale et végétale. Originaire des sous-bois, elle se plait aujourd'hui sur les terres amendées et cultivées, où sa présence concurrentielle aux céréales (qu'elle renverse en leur grimpant dessus) n'est pas la bienvenue.
Feuilles du Gaillet gratteron: sessiles, verticillées et mucronées.
Sa tige carrée et ses partie aériennes sont hérissées de petits aiguillons recourbés qui lui permettent de s'accrocher à tout ce qui lui tombe sous la feuille. Aparine en latin signifie littéralement «qui s'agrippe»; et pour agripper, Galium aparine agrippe! C'est un véritable tentacule végétale qui se colle aux plantes alentour pour s'élever et trouver la lumière; mais aussi aux fourrures des animaux et aux vêtements des promeneurs, qui en disséminent les graines malgré eux (les fruits, des diakènes, sont aussi munies de crochets).
Vous allez à Paris ? Hein ? A Lyon ? Oh oui, oh ben alors...
Ça me rapprochera toujours un petit peu. Bon allez va !(L'auto-stoppeur, Coluche)
Quand le Gaillet gratteron s'emmêle les tentacules : sans doute les conséquences de la présence du Phytopte du Gaillet (Cecidophyes galii), un acarien qui s'attaque aux feuilles de la Sauvage.
L’usage populaire du Gaillet gratteron veut qu’une infusion massée sur la peau soulage un coup de soleil, une brulure, un eczéma, ou fasse même office shampoing anti-pelliculaire… Les jeunes pousses (lorsqu’elles sont encore tendres) de Galium aparine sont comestibles, crues en salade ou cuites, bien que légèrement amères. Les petits fruits cueillis verts (bon courage pour le ramassage), grillés à sec, écrasés et finalement mis à bouillir dans de l'eau fournissent un excellent succédané de café. Pour rappel, Galium aparine est de la même fratrie que le caféier, peut-être est-ce là un goût de famille?
Je m’appelle John Caffé, comme le café sauf que ça s’écrit pas pareil !
(La Ligne Verte, Stephen King)
Gaillet gratteron, le café du shérif!
Et puis qui sait, garder la Sauvage près de soi augmente ses chances de pouvoir observer l'incroyable Moro sphinx (Macroglossum stellatarum), un papillon capable de vol stationnaire et d'une vitesse de déplacement ahurissante, au point d'être surnommé le Sphinx Colibri. Car c'est sur les Galium, mais aussi sur d'autre Sauvages collantes du clan Rubiaceae, comme la Garance voyageuse (Rubia peregrina), que le papillon pond et installe sa progéniture.
Chenille du Moro sphinx (ici sur Galium verum).
Crache sang (Timarcha tenebricosa), un coléoptère qui se nourrit exclusivement de Gaillets à feuilles tendres (ici Galium mollugo).
Si le Gaillet gratteron (Galium aparine) est le plus célèbre des Gaillets (peut être parce qu'il est le plus attachant!), on peut croiser d'autres membres de sa tribu dans les jardins et aux bords des routes. La liste n'est pas exhaustive, mais parmi les plus communs:
le Gaillet Mollugine (Galium mollugo) est une vivace à la taille plus modeste, mais dont la floraison blanche est plus généreuse (les fleurs sont regroupées en panicules étalés). Les tiges, les feuilles et les fruits glabres de ce dernier n'accrochent ni les pantalons, ni les mains qui les caressent...
Gaillet Mollugine (Galium mollugo), Biard (86)
Un peu moins urbains, les Gaillet jaune (Galium verum) et Gaillet croisette (Cruciata laevipes) sont deux vivaces qui fréquentent les prairies ou les bords des routes de campagne. Le Gaillet jaune dresse des feuilles très minces, non agrippantes, et des fleurs jaunes groupées en panicules le long de sa tige.
Gaillet jaune (Galium verum), Salilhès (15)
Le Gaillet croisette forme parfois d'importantes colonies qui dégagent une odeur de miel au printemps. Ses fleurs jaunes sont portées par des pédoncules bien plus courts que ses feuilles ovales, poilues, non agrippantes, et toujours groupées (verticillées) par quatre.
Gaillet croisette (Cruciata laevipes), Quinçay (86)
Pour aller plus loin:
- Norb de Sauvages du Poitou raconte le Gaillet gratteron au micro de France Bleu Poitou
- Galium aparine sur Tela-botanica
- Galium aparine: identification assistée par ordinateur
- Galium mollugo sur Tela-botanica
- Galium mollugo: identification assistée par ordinateur
- Galium verum sur Tela-botanica
- Galium verum: identification assistée par ordinateur
- Cruciata laevipes sur Tela-botanica
- Cruciata laevipes: identification assistée par ordinateur
- Le Gratteron, capitaine crochet de l'escalade sur le site Zoom Nature
Ornithogale en ombelle, Béceleuf (79)
Ornithogalum umbellatum (Ornithogale en ombelle ou Aillochon en poitevin-saintongeais) appartient à la famille contemporaine Asparagaceae (c'est la classification qui est récente, et non ses membres!), ce qui en fait la petite sœur des célèbres Asperges. Ornithos gala, en grec, est littéralement le «lait d'oiseau», à cause de sa couleur délicate, mais surtout parce que la Sauvage est fantastique(ment belle), comme le lait d'oiseau! Umbellatis en latin est bien sûr l'«ombrelle» ou le «parasol», une référence à ses fleurs étoilées qui apparaissent entre début avril et juin au dessus d'une rosette de feuilles linéaires couchées au sol.
Ornithogalum umbellatum est une vivace qui se multiplie efficacement via ses semences et ses bulbilles souterraines (si sa présence reste modérée dans le Poitou, elle est devenue depuis son introduction une véritable invasive en Amérique du Nord). Elle aime les terrains ensoleillés et argileux; ses colonies importantes peuvent être le signe d'un sol compacté et pauvre en vie microbienne aérobie.
Fleur de l'Ornithogale en ombelle: 6 tépales blancs dessus, verts dessous (moitié pétales, moitié sépales!), 6 étamines libres (au filet aplati) entourent le pistil au centre.
Il existe une confusion en France autour du genre Ornithogalum: on peut lire dans Flora Gallica, (la bible des botanistes), qu'il existe probablement plusieurs espèces confondues sur le terrain avec l'Ornithogale en ombelle (O.divergens, O.kochii, O.orthophyllum...). Le seul élément discriminant entre ces espèces serait l'extraction et l'observation minutieuse du bulbe, parfois à l'état juvénile, parfois à l'état adulte... La plupart des observateurs (dont je fais partie) se contentent de noter Ornithogalum umbellatum sur leurs relevés, histoire de ne pas prendre le risque de déterrer et de sacrifier la perle rare!
Dame d'onze heures, il est 11h00, et c'est l'heure de ne pas tondre la pelouse!
Ornithogalum umbellatum est souvent surnommée Dame d'onze heures... La faute à sa ponctualité: la Sauvage ouvre ses fleurs blanches lorsque l'ensoleillement est à sa plénitude, généralement vers 11 heures du matin. En réalité, par ciel couvert, quelle que soit l'heure affichée à notre montre, Ornithogalum umbellatum ne s'ouvre guère!
Toute la plante est toxique, pour l'homme comme pour le bétail et les animaux domestiques. Ornithogalum umbellatum est cependant utilisée sous forme d’élixir floral, les fameux élixirs du docteur Bach, pour soulager les personnes sous le coup d'un choc mental ou d'un deuil difficile... La méthode de fabrication, toute en poésie, consiste à récupérer les qualités «émotionnelles» de la fleur à travers la rosée matinale qui la recouvre; jusqu'à en extraire un peu de son aptitude à ouvrir les bras — ou plutôt les pétales — à la grande lumière!
Vous savez, on peut trouver du bonheur même dans les endroits les plus sombres. Il suffit de se souvenir d’allumer la lumière.
(Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban, J.K. Rowling)
Feuilles linéaires de l'Ornithogale en ombelle: comme de l'herbe.
Pour aller plus loin:
- Ornithogalum umbellatum sur Tela-botanica
- Identification assistée par ordinateur