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Jacinthe des bois, le trésor

13/04/2020

Jacinthe des bois, Poitiers bords de Boivre
Hyacinthoides non-scripta (Jacinthe sauvage ou Jacinthe des bois) appartient à la famille Liliaceae dans la classification classique, ou Asparagaceae dans la classification contemporaine. Elle rejoint donc le clan des Asperges (Asparagus, le genre type), du Muguet de mai, des Sceaux de Salomon, des Ornithogales («Dame d'onze heures» et «Aspergette») ou encore du Fragon.
Tous les trésors ne sont pas d'argent et d'or mon ami!
(Pirates de Caraïbes, Gore Verbinski)
La Jacinthe des bois est une Sauvage à la répartition typiquement atlantique: son aire se concentre sur la partie centre, nord et ouest de la France, et bien sûr au-delà sur les Iles Britanniques et en Belgique. Absente dans l'est du pays, rare aux frontières de ses limites de répartition, elle est une espèce déterminante, voire protégée dans plusieurs départements (en Nouvelle Aquitaine, elle est déterminante en Gironde ainsi que dans le Lot-et-Garonne). On retiendra surtout qu'elle est un trésor - le mot hyacinthe désigne également une pierre précieuse - et que par précaution, mieux vaut ne pas la cueillir pour en faire des bouquets, où que l'on soit!

La
Botanical Society of Britain and Ireland, la plus prestigieuse société botanique des Iles Britanniques, en a d'ailleurs fait sa mascotte (à travers un logo certes très stylisé). Il faut dire que la Jacinthe des bois, alias
Bluebell outre Manche (la «clochette bleue»), est la chouchoute du peuple anglais. En 2004,
Plantlife (un organisme de bienfaisance pour la conservation des plantes sauvages) organise une enquête visant à déterminer la fleur préférée de chaque grande ville des Iles Britanniques. Les organisateurs décident d'exclure la Jacinthe des bois du concours: sa cote de popularité est telle qu'elle anéantirait toute surprise ou variété dans les résultats!
Jacinthe des bois: lorsque sonnent les clochettes bleues!
La Jacinthe des bois est une
vivace (de par son
bulbe) qui colonise les sous bois frais, en plaine uniquement (sous 500m d'altitude). Elle fait parties du gang des
vernales, des forestières qui profitent du début de printemps pour fleurir, profitant des premiers rayons de soleil avant que le milieu ne se ferme avec le retour du feuillage des arbres.
Il n'est guère de spectacle plus réjouissant que le défilé des vernales au sortir de l'hiver, qui se succèdent selon un ordre rituel au fil des semaines:
Ficaires (parmi les plus pressées),
Pervenches,
Anémones,
Primevères, Jacinthes et finalement
Ail des ours,
Aspergettes... Un ballet très (trop!) éphémère, ces Sauvages disparaissant rapidement de la surface du sol pour roupiller sous terre jusqu'au printemps suivant.
Feuilles linéaires dressées puis recourbées de la Jacinthe des bois.
La Jacinthe des bois peut-être confondue avec une autre espèce très appréciée au jardin d'ornement: la Jacinthe d'Espagne (Hyacinthoides hispanica). Il faut dire que cette espèce horticole saute parfois la clôture pour s'ensauvager, répondant peut-être à l'appel de la forêt (dans les faits, la Jacinthe d'Espagne reste souvent à proximité des parcs et des habitations).
Jacinthe d'Espagne: une Jacinthe des jardins qui se prend parfois pour une Sauvage.
Cette fausse sauvageonne se distingue de la véritable forestière par ses touffes denses, ses feuilles plus larges, ses inflorescences non odorantes réparties en tout sens (l'inflorescence est plutôt unilatérale chez la Jacinthe des bois) et la pointe de ses pétales (
tépales) peu récurvés (ceux de la Jacinthe des bois sont franchement retroussés). Les deux espèces peuvent s’hybrider à l'occasion, donnant naissance à un spécimen stérile dépourvu de fruits (
Hyacinthoides × massartiana), délicat à distinguer de la Jacinthe d'Espagne mais empruntant quelques caractéristiques de sa parente sauvage: pétales plus recourbés, inflorescence plus ou moins unilatérale...
Les pétales (en fait des tépales) complètement recourbés de la Jacinthe des bois, la «Sauvage».
Dieu, c’est un type hyper jaloux.
(P.S. I Love You, Richard LaGravenese)
Toutes les Jacinthes empruntent leur nom à la mythologie grecque: Hyacinthe est un jeune et beau garçon. On peut imaginer qu'il incarne le charme sans égal du retour de la végétation au printemps. Il attise les désirs autour de lui, à commencer par ceux de Zéphyr (qui personnifie le vent) et d'Apollon (dieu de la beauté et de la pleine lumière, il est le soleil d'été). A cause de leur rivalité et de leur jalousie, Hyacinthe est tué... Afin que le pauvre garçon ne soit pas emporté au royaume des morts, Apollon le change finalement en fleur. Générique. Applaudissements!
Coffres à trésor (capsules trigones) de la Jacinthe des bois à la fin du printemps.
Pour aller plus loin:
Vocabulaire de la botanique (4): fleurs régulières

07/09/2017

Fleur régulière (en tout point symétrique par rapport à son centre) du Nénuphar blanc (Nymphaea alba).
Après la trilogie consacrée à l'étude du vocabulaire relatif aux feuilles en botanique, je vous propose de ressortir nos dictionnaires pour nous intéresser à la partie la plus spectaculaire de nos Sauvages: la fleur.
Tout ce qui est vert ne présente forcément de véritables fleurs. Une fleur «vraie» est une fleur qui regroupe à la fois les organes de reproduction, mais aussi tous les accessoires — que nous allons énumérer dans cet article — qui les accompagnent (l'invention la plus importante étant celle du carpelle/fruit).

Bien avant l’apparition des plantes à fleurs vraies, les gymnospermes (aujourd’hui représentés par les pins, les sapins, les épicéas, les cèdres, les mélèzes…) initièrent une sexualité aérienne via des «ébauches» de fleurs, s’en remettant au vent plutôt qu’à l’eau pour accompagner leur reproduction. A travers cette révolution sexuelle, les plantes prenaient un peu plus leur distance vis-à-vis du milieu marin originel. Mais les fleurs des gymnospermes restaient assez rudimentaires, se résumant à des appareils sexuels nus strictement mâles ou femelles, dépourvus d’accessoires sophistiqués, portés par de simples écailles (formant les fameux cônes de nos conifères).

Les «fausses » fleurs d’un escroc de taille : le Cèdre du Liban (Cedrus libani). A gauche, les cônes mâles chargés de pollen. A droite, sur une autre branche, les cônes femelles qui murissent puis se désagrègent pour libérer leurs graines en trois années.
Ça, c'est de l'évolution !
(L'Âge de glace, Chris Wedge)
Les plantes à fleurs vraies, nommées les angiospermes, n'apparaissent que récemment dans la grande histoire de la vie, les premières remontant peut-être au Crétacé, il y a environ 140 millions d'années.
Si les cônes des gymnospermes choisissent forcément leur camp — fille ou garçon — les fleurs vraies des angiospermes présentent en grosse majorité des organes à la fois mâles et femelles (lorsque c'est le cas, la fleur est dite «hermaphrodite»). Aussi, pour commencer notre exploration, emportons un couple de mots dans notre besace : Madame pistil et Monsieur étamine.
Le pistil est l'appareil reproducteur femelle de la fleur, les étamines en sont les organes mâles. La langue française n'étant pas à un traquenard près, notez que le pistil (femelle) est un nom masculin, alors que l'étamine (mâle) est un nom féminin. A ce point, deux voies s'offrent à vous: soit le simple souvenir de ce piège vous aide à retenir qui est qui, soit vous vous perdez définitivement! Reste à espérer que cette astuce orientera votre esprit dans la bonne direction...

Chaque fleur présente ses particularités, mais nous pouvons déjà imaginer une fleur «théorique», simple, comme la dessinerait un enfant:

Pédoncule: petite tige ou «queue» qui porte la fleur ou l’inflorescence.
Réceptacle: sommet élargi du pédoncule sur lequel sont insérées les pièces florales.
Sépales: feuilles spécialisées qui supportent et protègent la fleur.
Pétales: pièces chargées de protéger la fleur et surtout de la rendre attrayante pour les butineurs.
Quel que soit le degré de sophistication d'une fleur vraie, celle-ci n’est jamais qu’un court rameau munis de feuilles modifiées pour la sexualité (
voir notre article consacré aux bourgeons). Ainsi, les
sépales sont des petites feuilles spécialisées (le plus souvent vertes) qui supportent et assurent
un rôle de protection vis à vis du reste de la fleur, avant et parfois même après l'ouverture de celle ci.
Les
pétales sont aussi des feuilles spécialisées, aux formes variées et colorées.
Leur rôle principal est d'attirer les insectes. Chaque pétale est un panneau publicitaire à destination des butineurs! C’est là une des caractéristiques fortes des angiospermes, les plantes à fleurs vraies s’en remettant souvent aux animaux, principalement les insectes, pour assurer leur reproduction (voir
notre série d'articles consacrée aux insectes pollinisateurs). La couleur et les motifs des pétales ne sont pas les fruits du hasard, mais plutôt ceux de l’évolution, chaque fleur choisissant sa tenue en fonction des goûts (et du champ de vison) de ses pollinisateurs préférés : tendance jaune ou bleue pour les abeilles, rose ou bleu lavande pour les papillons diurnes, blanche pour les papillons de nuit…
L’ensemble des sépales forme le calice, l’ensemble des pétales la corolle. Calice et corolle réunis sont le périanthe, c’est-à-dire tout ce qui dans la fleur enveloppe et protège les organes sexuels.
Si l'on se penche d'un peu plus près sur ce puzzle, on observe d'autres pièces: les
étamines (également appelées
androcée, littéralement
andros oikos «la maison de l'homme» en grec) sont composées d'une sorte de tige, appelée
filet, au bout de laquelle se dresse l'
anthère, un réservoir à
pollen (le pollen est une sorte de véhicule dans lequel voyagent les spermatozoïdes, grâce au vent ou aux insectes).
Au centre de la fleur se trouvent un ou plusieurs carpelles. C'est l'ensemble des carpelles (libres ou soudés entre eux) qu'on appelle pistil (ou gynécée, littéralement gunè oikos, «la maison de la femme»). Un carpelle/pistil se compose d'un ovaire (qui deviendra le fruit) contenant les ovules (qui deviendront les graines), surmonté d'un tube, le style. Ce dernier se termine en une extrémité visqueuse, le stigmate, chargé de capturer les grains de pollen qui lui passent sous le nez.
Résumons en image:
L'ovaire peut être disposé au dessus des sépales et des pétales, auquel cas on dit qu'il est supère (et non pas super!). S'il est disposé en dessous, il est infère.
Elles sont belles mes tomates (fruit issu d'un ovaire supère), elles sont belles mes courgettes (fruit issu d'un ovaire infère)!
La Rue fétide (Ruta graveolens) dresse au centre de ses inflorescences des fleurs à quatre ou cinq pétales oblongs. Lentement, les étamines se redressent les unes après les autres pour féconder le pistil trapu au centre de la fleur. En atteignant le centre, chaque étamine heurte l'étamine qui la précède, lui commandant de revenir à sa place. C'est un peu comme si les étamines battaient un tambour!
Les grosses « clochettes » de l’Hellébore fétide (Helleborus foetidus) sont constituées de cinq sépales protecteurs. A l’intérieur, les organes sexuels sont à l'abri de la neige et des rigueurs hivernales. Ces sépales ressemblent fort à des pétales ; on les qualifie pour cette raison de pétaloïdes. Les véritables pétales se cachent sous les sépales. Ils ressemblent à des « cornets » et sont tous remplis d'un précieux nectar ainsi que d’une levure qui en fermentant assure une température supérieure de six degrés dans la clochette par rapport à l’extérieur!
Les six pétales libres (c’est-à-dire non soudés entre eux) de l’Ornithogale en ombelle (Ornithogalum umbellatum) sont blancs dessus, verts « feuille » dessous. Difficile de dire s'il s'agit de pétales ou de sépales… Lorsque pétales et sépales sont indifférenciés, les botanistes ne tranchent pas, mais parlent plutôt de tépales. On peut aussi noter les filets aplatis des six étamines qui entourent le pistil.
Suite des leçons de botanique consacrées aux fleurs sur Sauvages du Poitou:
- Le vocabulaire de la botanique (5): les fleurs irrégulières
- Le vocabulaire de la botanique (6): inflorescences et capitules
- Le vocabulaire de la botanique (7): Poacées, herbes, céréales, pelouses et gazons
Articles consacrés à la pollinisation par les insectes sur Sauvages du Poitou:
- Insectes pollinisateurs (1): la Sauvage et le coléoptère
- Insectes pollinisateurs (2): la Sauvage et le diptère
Pour aller plus loin:
- La fleur sur Wikipedia
- La fleur sur Tela-botanica
Ornithogale des Pyrénées: le bon lait d'oiseau!

17/06/2017

Ornithogale des Pyrénées, Vouneuil-sous-Biard (86)
Loncomelos pyrenaicus (ex Ornithogalum pyrenaicum, Ornithogale des Pyrénées) appartient à la famille Asparagaceae (ex Liliaceae), au côté des Asperges, mais aussi du Muscari à Toupet, de la Dame d'Onze heures, du célèbre Muguet de mai ou de l’inénarrable Fragon déjà croisés dans les pages de Sauvages du Poitou.
L'Ornithogale des Pyrénées est une espèce d'ombre ou de demi ombre qui colonise les sols riches et forestiers. Elle apparait après le tiercé gagnant des fleurs vernales, à savoir (dans l'ordre d'arrivée): Petite pervenche (Vinca minor), Anémone des bois (Anemone nemorosa) et Jacinthe des bois (Hyacinthoides non-scripta). Comme ces dernières, le spectacle de l'Ornithogale des Pyrénées est éphémère: ses parties aériennes disparaissent en moins de deux mois, puis la Sauvage roupille sous terre (elle est vivace de par son bulbe) jusqu'au printemps suivant.

Inflorescence en boutons de l'Ornithogale des Pyrénées: la saison de l'Aspergette commence!
Les ornithogales empruntent leur nom à une expression grecque: ornithos est l'oiseau, gala le lait. Le lait d'oiseau étant chose fantastique, il désignait chez les grecs une chose rare et merveilleuse! Si la rareté de notre Ornithogale des Pyrénées varie considérablement d'une région à une autre, sa magie ne fait aucun doute, où que l'on soit...

L'Ornithogale des Pyrénées est une Asparagacée, et c'est d'ailleurs en tant qu'«Asperge» qu'elle est le plus souvent connue, même si, botaniquement parlant, elle n'en est pas une (les Asperges appartiennent au genre Asparagus). Surnommée Aspergette ou Asperge des bois, l'Ornithogale des Pyrénées est une excellente comestible: ses jeunes pousses, crues ou cuites (plongées 5 minutes dans de l'eau bouillante), ont un goût agréable, bien que peu prononcé. Mais ceux qui ont eu la chance de goûter l'Aspergette se souviennent surtout de sa texture: tendre et croquante. Sous la dent, la Sauvage donne envie de crier à la merveille, ô lait d'oiseau!

Les récoltes toujours abondantes d'Ornithogale des Pyrénées en Poitou, région bénie des Dieux de l'Aspergette!

Quiche à l'Aspergette (journée Botanique & Cuisine avec Sauvages du Poitou et What's for dinner)
Je peux pas manger: j’ai les dents qui poussent.
(Marche à l’ombre, Michel Blanc)
Malheureusement pour nos assiettes (et heureusement pour notre Sauvage), l'Ornithogale des Pyrénées est protégée dans bon nombre de régions en France (liste complète sur Tela-botanica). Reste alors les étals des marchés au mois de mai, où l'Aspergette d'importation peut se vendre jusqu'à 10 euros le kilo (le lait d'oiseau est à ce prix). On peut aussi se procurer quelques bulbes en jardinerie, mais l’expansion des colonies d'Ornithogale reste lente (même si sa culture est plutôt facile), et les récoltes risque d'être maigres pendant plusieurs années.

Fleurs à six tépales de l'Ornithogale des Pyrénées, Vouneuil-sous-Biard (86)
Faute de pouvoir cueillir l'Aspergette pour la croquer, reste à admirer sa floraison atypique: ses longues
grappes affichent des fleurs verdâtres à six
pétales, ces derniers faisant également office de
sépales (lorsque la frontière entre le pétale et le sépale s'étiole, on parle alors de
tépale). Si les grands arbres laissent passer quelques rayons de soleil, ou si, tordant son long cou, l'Ornithogale des Pyrénées parvient à trouver la lumière, on observera le manège des butineurs qui récoltent le pollen de la Sauvage et boivent son nectar comme du petit lait!

Fruits (capsules à trois loges) de l'Ornithogale des Pyrénées, Béruges (86)
Les longues feuilles étalées en rosette basale disparaissent généralement dès la floraison. Au mois de juin, ne restent plus que les hampes tordues (le prix de la course à la lumière) garnies des capsules. Puis, longtemps, les tiges sèches perdurent seules, discrètes, mais ne manquant pas de rappeler au promeneur éclairé le goût du lait d'oiseau, et de lui promettre d'autres festins à venir!
Pour aller plus loin:
- Loncomelos pyrenaicus sur Tela-botanica
- Aspergette: des idées et des recettes sur le blog Sauvagement bon
- Salade de pâtes aux asperges des bois: une recette originale de La Cuisine de Gin