Verveine officinale, Poitiers Porteau
Verbena officinalis (Verveine officinale ou Varvoine en poitevin-saintongeais) fait office de chef de clan chez les Verbenaceae. Elle est la vraie verveine, la verveine sauvage! Évidemment, il n'existe pas de «fausse» verveine, mais nos sachets d'infusions sont généralement confectionnés avec une toute autre plante: la Verveine citronnée (Aloysia citrodora), un arbrisseau aromatique importé des terres péruviennes et chiliennes, qui n'existe pas à l'état sauvage de notre côté du globe.
Verbena officinalis est le plus souvent considérée comme une simple «mauvaise herbe», même si les jardiniers font rarement preuve d'hostilité à la vue de sa silhouette fragile. Elle n'est bien sûr pas dénuée d'intérêt (voir plus bas), mais son goût amer et âpre n'en fait certainement pas un premier choix pour la tisane.
Fleurs sessiles (en épis) de la Verveine officinale, Poitiers bords de Boivre
Verveine : herbe sacrée dont on se servait (...) pour chasser des maisons les malins esprits (...). Les démonographes croient qu'il faut être couronné de verveine pour évoquer les démons.
(Dictionnaire infernal de Jacques Collin de Plancy, 1818)
Feuilles dentées ou pennatifides de la Verveine officinale, Poitiers bords de Boivre
Ou plutôt, elle enflammait les imaginations... Car aujourd'hui, sur son bord de route, Verbena officinalis semble bien insignifiante.
On est les enfants oubliés de l’histoire mes amis.
(Fight Club, David Fincher)
La belle est une petite vivace (15 à 40cm); à moins de profiter d'un abri hivernal (une serre par exemple), elle se comporte souvent comme une annuelle, tout en se resemant efficacement chaque année. Elle affectionne les décombres, les prairies piétinées et les bords des chemins baignés de soleil... Ses petites fleurs inodores, violettes ou bleuâtres, rangées en épis, se montrent à la belle saison (entre juin et octobre).
Verveine officinale, Poitiers bords de Boivre
L’utilisation à des fins thérapeutiques de Verbena officinalis reste d'actualité, même si sa célébrité n'arrive pas à la tige de l'autre verveine, la citronnée. L'infusion des sommités fleuries de Verbena officinalis est réputée digestive, anti-inflammatoire à la manière de l'aspirine... Elle aurait aussi une action positive sur le système nerveux (anxiété ou vertiges). Mais il y a des contre-indications: sa consommation est déconseillée aux femmes enceintes (ou qui allaitent), ainsi qu'au personne ayant des problèmes ou des traitements liés à la tension et au sang (insuffisance hépatique ou sous anticoagulants).
Bref, les précautions usuelles sont nécessaires: mieux vaut prendre conseil auprès d'un spécialiste avant se lancer dans une cure. Mais pour ce qui est d'invoquer Venus l'amoureuse, un brin de verveine à la main, pas besoin d'expert, il suffit de lever les yeux au ciel et de se jeter à l'eau!
Ton pouvoir m’a ensorcelé! Il me laisse sans défense! Allez viens je t’emmène ce soir, laisse moi te vénérer comme une déesse! Viens dans mes bras!
(Willow, Ron Howard)
Pour aller plus loin:
- Verbena officinalis sur tela-botanica
- La grande histoire de la Verveine sur le blog Books of Dante
Sus aux fleurs du Romarin officinal! (abeille solitaire, Anthophora sp.)
Rosmarinus officinalis (Romarin officinal ou Roumarin en poitevin saintongeais) est un arbrisseau appartenant au clan Lamiaceae, dont les membres montrent des fleurs en forme de gueule d'ogresse. Sa présence dans les pages du blog est particulière, car le Romarin n'est pas à proprement parler un «Sauvageon du Poitou», mais plutôt un vagabond des maquis méditerranéens. On peut au moins reconnaitre qu'il s'acclimate bien aux jardins et aux balcons du Poitou, comme du reste de la France, où nous sommes nombreux à le cultiver (pour peu qu'on lui trouve un coin de terre à l'abri des excès d'eau).
Le Romarin officinal à l'état spontané s'observe parfois à Poitiers, les long des falaises (au microclimat méditerranéen) sous Notre Dame des Dunes!
Rosmarinus est littéralement la rosée (ros en latin) marine (marinus en latin). Dans certaines légendes, cette «Rosée marine» n'est autre qu'une princesse qui pleure son galant noyé dans la mer et se transforme finalement en un arbuste dont les feuilles ont la forme et le goût amer de ses larmes... La saveur piquante du Romarin n'a pourtant rien de triste côté cuisine, où ses fleurs, ses feuilles et ses branches sont utilisées, fraiches ou séchées, pour relever les plats et les desserts.
Tronc du Romarin officinal, Poitiers quartier Chilvert
Le Romarin affectionne les rocailles, les sols calcaire ensoleillés et bien drainés. Son feuillage (sessile, linéaire à filiforme) coriace et persistant dégage un parfum camphré (l'odeur repousserait les mites, la mouche de la carotte et la piéride du chou).
Là où il y a Romarin officinal, la Chrysomèle américaine et ses reflets métalliques ne sont jamais bien loin (ce petit coléoptère se nourrit de ses feuilles)!
Par ses racines, l'arbuste semble avoir un effet inhibiteur sur les plantes annuelles: force est de constater qu'au pied d'un tronc de Romarin, la flore adventice est généralement assez pauvre.
Ses fleurs sont en revanche un hymne à la vie, car très mellifères. Le miel de Romarin - plus connu sous l’appellation de «miel de Narbonne» - est réputé pour son parfum et sa finesse. Une aubaine, car en Poitou, l'arbrisseau affichera ses fleurs avant l'arrivée du printemps: il est une manne pour les butineurs au sortir de l'hiver.
Fleur du Romarin officinal: la lèvre supérieure de la corolle forme un casque fendu. La lèvre inférieure possède trois lobes, le central plus large et concave: c'est la «piste d'atterrissage» pour les butineurs.
Son histoire la plus célèbre nous emporte en Europe centrale à la fin du 14ème siècle: Élisabeth, la reine pieuse de Hongrie alors âgée de 72 printemps, souffre de rhumatismes, à moins que ce ne soit de la terrible goutte. Pour la soulager, un ange (dans d'autres récit, c'est un moine) lui propose un élixir à base de plantes, dont le Romarin est l'ingrédient principal. La potion sacrée soigne la sainte reine, tout en lui redonnant jeunesse et beauté!
Le mythe de l'«Eau de Hongrie» fait le tour du vieux continent. En France, l’élixir devient un parfum prisé, de la cour du roi Charles V jusqu'à celle de Louis XIV, où la Marquise de Sévigné en fait promotion. Un onguent réputé pour ses vertus thérapeutiques, mais surtout pour ses pouvoirs esthétiques et revitalisants. Le Romarin entre dans la Légende, jusque dans les contes de Charles Perrault où l'Eau de Hongrie tente (sans succès) de réveiller la Belle au Bois Dormant:
«Elle n'eut pas plus tôt pris le fuseau, que comme elle était fort vive, un peu étourdie, et que d'ailleurs l'arrêt des fées l'ordonnait ainsi, elle s'en perça la main, et tomba évanouie. La bonne vieille, bien embarrassée, crie au secours: on vient de tous côtés, on jette de l'eau au visage de la princesse, on la délace, on lui frappe dans les mains, on lui frotte les tempes avec de l'eau de la reine de Hongrie; mais rien ne la faisait revenir.»
Le Xylocope violet (Xylocopa violacea) en quête de la jeunesse éternelle sur le Romarin officinal.
Le Romarin ne se cantonne pas seulement aux rayon des contes et légendes. Si «Eau de Hongrie» est de nos jours devenu le nom d'un parfum commercial (!), l'arbrisseau conserve une place de choix sur les étals des herboristeries.
Sa valeur cosmétique (anti-oxydant et donc anti vieillissement) est souvent mise en avant en usage externe comme en usage interne. Le Romarin est également considéré comme un stimulant cérébral: on raconte que pendant la Grèce antique, les intellectuels s'en tressaient des couronnes pour aiguiser leur réflexion et leur mémoire. La plante aurait aussi son utilité dans la prévention et l'accompagnement des douleurs rhumatismales, de la goutte, des troubles gastro-intestinaux et permettrait de lutter contre les états de fatigue en général... La liste n'est pas exhaustive, la palette thérapeutique du Romarin est aussi variée que sophistiquée dans ses modes d'administration (avec toutes les précautions d'usage habituelles): infusion légère, teinture alcoolique, huiles essentielles, etc. L'arbrisseau est décidément très plébiscité, par les hommes comme par les butineurs!
Si son parfum n’est plus dans l’air, à quoi bon encore respirer?
(Fanfan la Tulipe, Christian-Jaque)
Pour aller plus loin:
- Rosmarinus officinalis sur Tela-botanica
- Étude chimique pour une utilisation médicinale de la plante sur Phytomania
- Identification des Chrysomèles sur le site Les insectes
Saponaire officinale, Poitiers bords de Boivre
Saponaria officinalis (Saponaire officinale) appartient à la grande famille Caryophyllaceae, aux côtés des Silènes. Saponaria officinalis partage avec ces dernières un certain penchant pour la vie nocturne; entre juin et septembre, la Sauvage parfume agréablement ses fleurs roses pâles et active sa production de nectar après le coucher du soleil pour attirer les papillons de nuit qui participent à sa pollinisation.
La vie est tout de même une chose bien curieuse... Pour qui sait observer entre minuit et trois heures du matin.
(Le quai des brumes, Marcel Carné)
Fleur de la Saponaire officinale: un calice en tube à 5 dents, 5 pétales, 10 étamines libres autour d'un pistil à 2 styles.
Saponaria officinalis est une vivace dont les rhizomes et les semis spontanés assurent une expansion efficace sur les terres riches, humides et baignées de soleil.
Feuilles de la Saponaire officinale: opposées, ovales avec un sommet pointu, entières.
Son usage interne (en tant que médicament ou en tant qu'aliment) peut soulever des problèmes (elle est hémolytique, c'est à dire qu'elle détruit les globules rouges); par prudence, on retiendra qu'il convient d'éviter de consommer la belle en dehors d'un cadre botanique ou médical averti.
En revanche, on aurait tort de se priver des vertus astringentes de Saponaria officinalis en usage externe: les romains en mettaient des feuilles dans leur bain pour soigner les maladies de peau. La Sauvage était recommandée pour nettoyer les plaies des lépreux. Les chinois s'en servaient pour traiter la gale. Plus proche de nous, la décoction de Saponaria officinalis s'utilise en massage pour traiter les problèmes dermatologiques, comme l’eczéma, le zona, le psoriasis ou l’acné.
Saponaire officinale, Poitiers quartier Chilvert
Sapo en latin est le «savon»: la plante contient des saponines
en grande quantité, des substances qui permettent aux végétaux qui les
produisent de se protéger contre les insectes et les maladies... Et qui
ont la propriété, lorsque frottées avec de l'eau, de mousser comme du savon (la mousse est verte, forcément)! Dans le Poitou, la Sauvage est surnommée Savonnette!
Je fabrique et je vends du savon, l’objet qui indique le degré de civilisation.
(Fight Club, David Fincher)
Se laver les mains avec une poignée de feuilles de Saponaire officinale!
Une décoction (10mn à ébullition) de racines de Saponaria officinalis (les saponines y sont plus concentrées que dans les parties aériennes) permet de fabriquer un savon liquide qui a été utilisée autrefois pour se laver les mains, les cheveux, ou le linge délicat; il doit en revanche être utilisé rapidement. Pour une longue conservation, on préférera confectionner une poudre, en séchant les racines avant de les broyer. Celle ci pourra faire office de lessive dans le tambour de la machine à laver! La méthode est ancienne, mais le résultat risque de décevoir les habitués de la chimie moderne que nous sommes: le pouvoir détachant de la plante s'avère nettement moins efficace que celui des nouvelles lessives de synthèse.
Pour aller plus loin:
- Saponaria officinalis sur Tela-botanica
- Identification assistée par ordinateur
Fruits (capsules allongées) de la Saponaire officinale à la fin de l'été, Buxerolles (86)