Colonne vertébrale de la Stellaire holostée
Stellaria holostea (Stellaire holostée ou Herbe à la vierge dans le Poitou) appartient à la famille cosmopolite des Caryophyllaceae, dont les membres présentent généralement des fleurs à cinq pétales et des nœuds (intersections entre tige et feuille) marqués.
Le terme grec holos veut dire «entier» et osteum «os», holostea est donc «tout en os»; les longues tiges quadrangulaires, raides et cassantes de Stellaria holostea étant comme des chaînes de tibias. Jadis, selon la théorie des signatures qui voulait que l'aspect d'un végétal exprime ses vertus thérapeutiques, la plante était utilisée pour soigner les fractures.
Fleur de la Stellaire holostée: 5 sépales, 5 pétales échancrés jusqu'à la moitié, 10 étamines libres autour d'un pistil à 3 styles.
Stellaria holostea est une vivace à souche traçante qui s'étale (reproduction végétative) sur des sols riches et équilibrés. A la belle saison (printemps), elle dresse sa fleur astrale blanche (Stella est «l'étoile» en latin) à cinq pétales échancrés; les semences qui en résulte n'aboutissent que très rarement.
Le reste de l'année (hiver compris), Stellaria holostea subsiste en couchant sur le sol ses parties aériennes «osseuses» et ses feuilles opposées, minces et lancéolées.
Stellaria holostea est comestible en salade, mais peu tendre (ou alors sous forme de très jeunes pousses). Il ne faut pas en abuser à cause de sa qualité légèrement laxative.
Pour aller plus loin:
- Identification assistée par ordinateur
- Stellaria holostea sur Tela-botanica
Fruit en formation (capsule) de la Stellaire holostée: un vaisseau spatial en forme d'œuf au plat!
Stellaire graminée (Stellaria graminea), une petite vivace des prairie, comme une version miniature de la Stellaire holostée.
Grappes de fleurs de la Cardamine des prés, Poitiers bords de Boivre
Cardamine pratensis (Cardamine des prés) appartient à la famille Brassicacea (dites Crucifères), au même titre que sa petite sœur Cardamline hirsuta dont nous avons déjà parlé sur Sauvages du Poitou. Comme cette dernière, Cardamine pratensis produit de longs fruits (siliques) explosifs pour disperser ses graines; mais contrairement à Cardamine hirsuta, Cardamine pratensis est vivace (elle repousse chaque année depuis son court rhizome).
Cardamine des prés, Poitiers bords de Boivre
De plus, Cardamine pratensis possède l'étrange faculté de pouvoir se multiplier à partir d'une de des feuilles de sa rosette (à sa base): une feuille en contact avec un sol humide développe un réseau racinaire tout le long de son pourtour, donnant naissance à un clone de la plante (reproduction végétative).
Feuilles inférieures de la Cardamine des prés, Saint Benoît (86)
Cardamine pratensis s'installe près des marais, des lacs, des rivières, dans les prairies humides; elle est le signe d'un sol gorgé d'eau et riche de matière organique. Ses grandes fleurs blanches, roses ou violettes (jusqu'à 2cm pour les pétales) se montrent très brièvement entre avril et mai.
Cardamine des prés, la petite baigneuse!
Autrefois, on demandait aux enfants de ne jamais la cueillir, sous peine de se faire mordre par un reptile dans l'année à venir... C'était surtout le moyen d'inviter les plus jeunes à s'éloigner des zones humides où la belle prolifère. Derrière chaque légende se cache une bonne part de sagesse: j'ai pour ma part faillit perdre une basket dans la vase en voulant approcher la Sauvage pour la photographier!
A table avec le Grand Bombyle ! (Bombylius major sur Cardamine des prés, Poitiers bords de Boivre)
Cardamine pratensis est en réalité une comestible prisée (les cardamines étant parfois vendues sous le nom de Cressonnette sur les marchés poitevins), riche en vitamine C et en lipides; utilisée en condiment, elle apporte une délicieuse saveur piquante aux salades de printemps (les jeunes rosettes de feuilles à la base, cueillies juste avant floraison, sont les plus tendres).
Fleurs de la Cardamine des prés: 4 pétales, 6 étamines libres autour d'un pistil surmonté d'un style unique au centre.
C'est un bel après-midi d’avril, non loin de la grotte de Passelourdain à Saint Benoît (86). La nature peine à se réveiller mais déjà, les bords du Clain se parent ici et là de taches blanches ou parme. Blanches, pour les fleurs d’Alliaire; parme, pour la Cardamine des prés. Avril est le mois de notre Sauvage délicate! C’est donc aussi, par conséquent, le mois de la Cardamine en tant que plante-hôte d’un papillon qui exagère jusqu’à porter son nom: Anthocharis cardamines! Dit en français (et en plus poétique) : l’Aurore…
Perdu dans ces considérations, je repère une belle station de Cardamines des prés, au milieu des Orties. Là, sans trop de surprise, un mâle d’Aurore flâne et butine notre Sauvage. J'avance pour lui tirer le portrait. Je déclenche, m’approche trop près, il s’envole. J’inspecte alors chaque tige de la belle Sauvage et trouve un œuf, sorte de micro-pâtisserie en forme de cannelé orange… Appétissant!
Approchez le nez de l'écran: avez-vous trouvé l'oeuf de Madame Aurore?
Mais question goût, notre papillon laisse à désirer. Que les Mésanges et autres Rouge-gorges m’écoutent bien: l’Aurore, aussi appétissante soit-elle, se gave de diverses Crucifères (pas seulement les Cardamines) à l’état larvaire. Autrement dit, elle aurait un goût amer... de moutarde!
Monsieur Aurore sur Cardamine des prés, Saint Benoît (86)
Madame Aurore en train de pondre sur Cardamine des prés, Saint Benoît (86)
Pour aller plus loin :
- Identification assistée par ordinateur
- Cardamine pratensis sur Tela-botanica
Séneçon commun, Poitiers porte de Paris
Senecio vulgaris (Seneçon commun ou Sanisson — pour Séneçon — en poitevin-saintongeais) est une Asteraceae, une plante dont chaque fleur discrète est composée en réalité d’une multitude de petites fleurs accolées les unes aux autres (on parle alors de capitule).
Fleurons tubulés du Séneçon commun, Poitiers quartier gare
Senecio vulgaris apprécie les excès d’azote et donc les pots d’échappements, ce qui en fait une vagabonde commune des bords de routes. Elle fait partie du top 10 des Sauvages les plus communes de nos cités (source: Sauvages de ma rue)!
Séneçon commun: le vent l'emportera ! (akènes)
Pionnière, sauvage et solitaire, cette annuelle est mal à l’aise en présence d’autres végétaux et affectionne tout particulièrement les terrains découverts, les terra incognita que nulle racine n’a encore traversées. Elle adapte sa prestance au sol sur lequel elle pousse: fière et haute sur les sols fertiles, discrète et prostrée sur les sols misérables. C’est en hiver que la Sauvage se fait le plus remarquer, l’absence de concurrence végétale et de compagnie lui permettant de s’exprimer pleinement.
Séneçon commun : à la conquête du parking du supermarché.
Je suis prêt à aller n'importe où, pourvu que ce soit en avant.
(David Livingstone)
Les fruits volants de Senecio vulgaris forment des petits «pompons» blancs, comme les têtes blanches d'une bande de vieillards : Senecio dérive du latin senex qui signifie «âgé». Dispersées par la bise, les semences ne craignent ni le froid — c’est une des rares plantes capable de germer et de fleurir au cœur de l’hiver —, ni la plupart des herbicides; une résistance héritée de nombreuses générations d’exploratrices. Son esprit de conquête assure sa présence dans toutes les zones tempérées du globe.
Vol au-dessus d'un nid de Sauvages pour cet akène de Séneçon commun.
A noter que les plantes anémochores comme Senecio vulgaris savent profiter d’autres moyens de transports que le vent : le passage des voitures, des camions et des trains peuvent leur permettre de prolonger le voyage. Ainsi, on voit le Senéçon du Cap (Senecio inaequidens), une sauvage sud-africaine nettement plus expansive, progresser peu à peu vers le nord de la France d’une gare à l’autre, avant que de conquérir les villes.
Séneçon commun, un aventurier timide, mais un aventurier quand même!
La légère toxicité du Séneçon commun le place à l’abri des cueillettes, son allure chétive à l’abri des bouquets et son enracinement peu profond à l’abri de la haine des jardiniers qu’il n’effraie guère. Bref, malgré son omniprésence et son goût de l’aventure, le Séneçon commun est un explorateur qui fait rarement la une des magazines !
Pour aller plus loin:
- Norb de Sauvages du Poitou raconte le Séneçon commun au micro de France Bleu Poitou.
- Identification assistée par ordinateur
- Senecio vulgaris sur Tela-botanica
On peut aussi rencontrer dans les milieux urbains et misérables (cimetières, parkings, trottoirs, graviers…) le Séneçon visqueux (Senecio viscosus). Contrairement au Séneçon commun, le Séneçon visqueux est poisseux au toucher et ses capitules possèdent de minuscules fleurons ligulés enroulés sur eux-mêmes.