Lamier blanc, Poitiers quartier Chilvert
Lamium album (Lamier blanc) appartient à la famille Lamiaceae, les plantes à tige carrée. Dans la mythologie grecque, la jeune Lamia était l'amante de Zeus. La femme du Dieu, Héra la jalouse, tua leur enfant illégitime. Lamia, inconsolable, décida qu'aucune mère n'avait le droit d'être heureuse, et se transforma en une ogresse qui mangeait les enfants des autres! Ainsi, les Lamiaceae doivent leur nom à la terrible dévoreuse et à leurs fleurs en forme de gueule ouverte, qui semblent avaler les butineurs qui les visitent!
De toutes les Lamiers (pourpre, maculé, jaune...), le Lamier blanc est celle qui souffre le plus du délit de faciès qui consiste à les confondre avec les piquantes Orties (et pour que la confusion soit complète, il n'est pas rare que le Sauvageon pousse au beau milieu des Orties). A tel point que le Lamier blanc est très souvent nommée Ortie morte (car elle ne pique pas) ou encore Ortie blanche, et donc Ortige blanche en poitevin-saintongeais. En l'absence de fleurs, la reconnaitre au milieu d'une colonie d'Ortie demande un peu de familiarisation!
Fleur du Lamier blanc: une corolle en tube recourbé, une lèvre supérieure entière, bordée de longs cils, une lèvre inférieure trilobée (les deux lobes latéraux ne forment guère plus que deux petites dents; le lobe médian, beaucoup plus large, sert de piste d’atterrissage pour le butineurs).
Le Lamier blanc est une vivace qui s'installe généralement sur les terres fraîches et riches en azote. A l'image des autres Lamiers (voir nos articles sur les Lamier pourpre et Lamier jaune), ce sont les fourmis qui disséminent ses graines et dispersent les générations à venir sur le territoire (les fruits du Lamier blanc contiennent huiles et substances appréciées des fourmis pour nourrir leur couvain). Autour du pied, le rhizome multiplie les rejets, assurant l'expansion de la colonie.
Malgré sa propagation efficace, le Sauvageon se montre plutôt sympathique à côtoyer au jardin. Ses fleurs agréablement à l'odeur de miel sont riches en nectar et régalent les bourdons d'avril à septembre. De plus, entre les rangs de pomme de terre au potager, le parfum du Lamier blanc a la réputation de repousser les doryphores.
«Ortie blanche», Persac (86)
Et si le Lamier blanc prend trop ses aises, reste à en faire la récolte! Il est une riche comestible (au goût peu marqué cependant): ses feuilles peuvent être consommées crues en salade, ou cuites (comme des épinards).
Feuilles du Lamier blanc: opposées décussées, fortement dentées, de forme générale ovale, deltoïdes ou cordées.
- C’est pour quel type de cheveux?
- Euh... cheveux sales!
(Chouchou, Merzak Allouache)
En médecine populaire, le Lamier blanc était recommandé (en décoction ou en infusion) pour remédier à des problèmes intimes et féminins, tels que les règles trop abondantes, douloureuses ou irrégulières, ainsi que les leucorrhées (pertes blanches).
Le Sauvageon est également apprécié au rayon cosmétique: il permet de confectionner des shampoings «maison», utiles face aux problèmes de séborrhée du cuir chevelu (cheveux gras, démangeaisons, pellicules...). L'infusion filtrée d'un bouquet de Lamier blanc peut s'appliquer directement, comme en shampoing. Son parfum n'étant pas spécialement sexy, on peut agrémenter de quelques clous de girofle. On peut aussi épaissir la solution avec de l'agar-agar en poudre, c'est plus pratique! (Comme toute préparation végétale, conserver au frigo, mais jamais au delà d'une semaine).
Pour aller plus loin:
- Lamium album: identification assistée par ordinateur
- Lamium album sur Tela-botanica
Vipérine commune, Poitiers bords de Boivre
Echium Vulgare (Vipérine commune) appartient aux Boraginaceae, dont la Bourrache fait office de chef de clan; on reconnait d'ailleurs chez Echium Vulgare des traits familiers (je pense à la Bourrache mais aussi à la Buglosse), à commencer par sa grandeur (jusqu'à 1m de hauteur), sa piquante pilosité (évitez de l'empoigner à pleines mains!) et ses abondantes fleurs bleues! Le nom Vipérine (Echium en grec) viendrait de ses fleurs en forme de gueules ouvertes de serpents. Pour d'autres, le nom vient plutôt de l'utilisation ancienne et fantasque de la plante comme remède contre les morsures des reptiles. De toute façon, vous avez infiniment plus de chances de vous faire poinçonner par la Vipérine que par une Vipère : la pilosité de la plante est piquante, évitez de l'empoigner à pleines mains !
T’as pas le choix, faut que tu pisses sur mon pied. Ça tuera le venin. S’il te plaît, pisse dessus! Pipi là, sur mon pied! Fais pipi sur mon pied! Vas-y sinon c’est l’amputation! Pisse dessus!
(Lost les disparus, J.J.Abrams, D.Lindelof et J.Lieber)
Grappe de fleurs de la Vipérine commune, décidément très reptilienne!
Echium Vulgare est bisanuelle. Lors de son premier été, elle développe une simple rosette de feuilles oblongues et lancéolées étalées au sol. Elle fleurit la seconde année, entre avril et août. Sa présence indique souvent un sol pauvre, peu profond, caillouteux, brûlé par le soleil, tant et si bien qu'on pourrait dire qu'elle est le signe (inquiétant ou non, suivant le contexte)... D'une absence de sol!
Jeune rosette de Vipérine commune, Poitiers quartier Chilvert
Echium Vulgare renferme un alcaloïde toxique (la cynoglossine, un paralysant proche du curare) en très petite quantité. Pas de quoi tirer la sonnette d’alarme, mais on évitera d'en faire recette, ne serait-ce qu’à cause de son piquant. Ses fleurs en infusion ont été utilisées pour soulager la toux, mais il faut noter que ses partie aériennes sont inscrites à la liste B de la pharmacopée française qui recense les plantes médicinales dont les effets indésirables potentiels sont supérieures au bénéfice thérapeutique attendu.
Étourdie, une Vipérine rompt avec le traditionnel bleu de son clan et enfile des chaussettes blanches! (un phénomène accidentel mais pas forcément rare)
Malgré son surnom, la Vipérine n'intéresse guère les serpents. Ses fleurs attirent en revanche une foule de butineurs: abeilles, bourdons, papillons... L’Osmie crochue pourrait présider ce fan club bien fourni: les femelles de cette abeille noire à pilosité blanche, au vol nerveux, récoltent exclusivement le pollen bleu de la Vipérine pour le stocker dans les cellules de leurs nids d’argile.
Osmie crochue (Hoplitis adunca, mâle), Poitiers quartier gare
Faites l'expérience de vous poser quelques minutes, à la belle saison, devant un pied de Vipérine en fleur: c'est décoiffant tant ça grouille de vie! La Sauvage est mellifère au possible, pendant des semaines durant. On considère qu'un hectare de Vipérines permet aux abeilles de produire 300 à 400 kg de miel!
Où sont les veaux, les rôtis, les saucisses? Où sont les fèves, les pâtés de cerf? Qu'on ripaille à plein ventre pour oublier cette injustice!
(Les Visiteurs, Jean-Marie Poiré)
Incroyable Echium vulgare qui transforme le désert en festin... Si vous disposez d'un coin de terrain sec, caillouteux, très exposé, semez la belle et régalez les butineurs!
Pour aller plus loin:
- Echium vulgare sur Tela-botanica
- Identification assistée par ordinateur
La Vipérine commune offre ses nombreux fruits (tétrakènes) à la fin de l'été, Buxerolles (86)
Trèfle des prés, Poitiers bords de Boivre
Trifolium pratense (Trèfle des prés ou Trifa en poitevin-saintongeais) appartient à la famille Fabaceae (c'est une Légumineuse). Cette Sauvage vivace est à l'origine de variétés appréciées et cultivées par l'homme; Trifolium pratense se démaque par ses capacités à capter l'azote de l'air pour le stocker dans le sol (engrais vert), à offrir un couvert tout en améliorant la capacité de drainage du sol, et surtout par la haute teneur en protéine de ses célèbres feuilles trifoliées (fourrage pour le bétail).
Inflorescence du Trèfle des prés, Poitiers bords de Boivre
Les fleurs de la Sauvage affichent naturellement une couleur rouge-violet très vive et un port bas ou rampant; les échappées des variétés cultivées sont généralement plus proches du rose pâle, avec un port haut et vigoureux (c'est un de leurs critères de sélection).
Feuilles trifoliées du Trèfle des prés, Poitiers bords de Boivre
On est les fils de pute les plus chanceux du monde !
(Titanic, James Cameron)
Les botanistes estiment qu'il existe un Trèfle à quatre feuilles, pour 10.000 Trèfles à trois feuilles (en fait des folioles). On peut même en trouver à cinq ou six feuilles, mais les études scientifiques ne nous disent pas si ces monstres rares ont également le pouvoir de porter chance à celui qui les déniche...
Jour de chance! Trèfle rampant (Trifolium repens) à cinq feuilles, Rilleux-la-Pape (69)
Si l'homme a trouvé avantage à domestiquer Trifolium pratense, la nature sait depuis longtemps les bienfaits de la Sauvage: ses massifs offrent un refuge de premier choix à une vingtaine de chenilles et autant de papillons. Ses fleurs mellifères sont butinées par les papillons et les bourdons; eux seuls — grâce à leur longue trompe — peuvent atteindre son nectar.
Mélitée du Plantain (Melitaea cinxia) surTrèfle des prés, Poitiers bords de Boivre
Dans son ouvrage L'origine des espèces, Charles Darwin propose une hypothèse étonnante pour expliquer la présence marquée de Trifolium pratense près des zones d'habitations: la Sauvage est pollinisée (et donc favorisée) par les bourdons. Or, les principaux prédateurs des bourdons sont les mulots qui en mangent les nids. Les mulots quant à eux sont chassés par les chats... Trifolium pratense est donc surtout présente là où patrouillent les chats domestiques, car qui dit chat dit pas de mulots, qui dit pas de mulots dit bourdons et au final qui dit bourdons dit Trèfle des prés!
A l'heure des histoires et du thé, les naturalistes anglais aiment poursuivre la démonstration en racontant qu'une abondance de trèfles permet de bien nourrir les vaches. La production de corned beef s’en trouve stimulée, cette manne servant de réserves dans les cales des bateaux et permettant les voyages au long court. Les hommes partis longtemps en mer laissent de nombreuses filles célibataires au pays... C'est bien connu, les vieilles filles aiment la compagnie des chats: plus de félins entrainent encore plus de fleurs et une marine anglaise toujours plus puissante et conquérante! Derrière l’humour so british, cette fable met en avant l’interdépendance et la complexité des relations au sein du vivant.
Trèfle des prés, Poitiers bords de Boivre
D'un point de vue médical, Trifolium pratense s'est rendu célèbre en tant que traitement d'accompagnement de la ménopause. Ses fleurs (fraîches ou séchées, en infusion) en soulagerait certains symptômes, à commencer par les bouffées de chaleur, la nervosité ou l'ostéoporose. Quoi qu'il en soit, les feuilles de Trifolium pratense sont comestibles et riches en protéines. Ses fleurs purpurines contiennent un nectar délicieusement sucré, ce qui en fait un excellent bonbon sauvage.
Les Orchidés sont des championnes de l'imitation: l'Orchis pyramidal (Anacamptis pyramidalis) reproduit précisément les couleurs du Trèfle des prés qui fleurit en même temps qu'elle pour attirer les butineurs vers ses fleurs pourtant pauvres (voir dénuées) en nectar!
Aux trois feuilles (folioles) typiques du trèfle, nous pouvons associer trois espèces d’azurés, ces petits papillons dont les mâles sont, comme leur nom l’indique, de couleur bleue. En effet, l’Azuré du trèfle (Cupido argiades), l’Azuré commun (Polyommatus icarus) et le Demi-argus (Cyaniris semiargus) sont des habitués des prairies tempérées (mésophiles) riches en Trèfles, et nos trois petits bleus s’en servent autant pour butiner que pour pondre. Notons qu’en mangeant du Trèfle (et d’autres plantes voisines, de la famille des Fabacées), les chenilles d’azurés ingèrent des flavonoïdes, des pigments responsables de la colorations des fleurs et des fruits. Ces substances vont ainsi se retrouver sur les écailles des ailes du papillon adulte, en densité plus importante chez les femelles. Ce sont d'ailleurs les femelles les plus fournies en flavonoïdes qui attireront d'avantage les mâles!
De gauche à droite: femelles d'Azuré commun, d'Azuré du trèfle et de Demi-argus pondant sur trèfles.
Gare, les mulots ne sont pas les seuls dangers qui guettent les bourdons et les papillons autour du Trèfle des prés! (Misumena vatia)
Pour aller plus loin:
- Trifolium pratense sur Tela-botanica
- Identification assistée par ordinateur
La France recense plus de 50 espèces de Trèfles; c’est un genre énorme, dans lequel il n’est pas évident de faire le tri! Le Trèfle rampant (Trifolium repens) est l'autre célébrité du genre, aux fleurs blanches à rosées.