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Datura officinal, le sorci'hérisson
Date 11/11/2020
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Datura stamonium, Datura officinal, Poitiers quartier gare

Datura officinal : l'épouvantable épouvantail!


Datura stramonium (Datura officinal ou Stramoine) appartient une famille de Sauvages un peu sorcières, celle des Solanaceae, de la Mandragore (Mandragora officinarum), de la Belladone (Atropa belladonna) ou de la Morelle noire (Solanum nigrum). Autant de plantes réputées pour leur toxicité ou leur pouvoirs psychotropes, due aux alcaloïdes qu'elles synthétisent. Mais de la sorcellerie à la ratatouille, il n'y a qu'un tout petit chaudron: ce clan est aussi celui de nos chères Tomates, de la Pomme de terre, du Poivron ou de l’Aubergine.


Datura stamonium, Datura officinal, Île de Ré (17)

Floraison tardive (juillet à octobre) du Datura officinal: la «Trompette de la mort».

  A un moment, le sorcier s’est mis à nous menacer avec ses parties génitales.

(Kaamelott, Alexandre Astier)

Sorcier hérissé chez les Solanacées, le Datura officinal est précédé par son aura sulfureuse. En témoignent ses multiples surnoms: il est l'Herbe aux fous, l'Herbe du diable, l'Herbe aux sorcières, la Pomme poison ou la Trompette de la mort... Datura dérive de l'arabe tatorâh, où l'on retrouve la racine du mot tat, «piquer» : son surnom le plus célèbre est sans doute la Pomme épineuse, à cause de ses fruits gros comme des noix (des capsules) couverts de robustes épines.


Datura officinal, le sorci'hérisson! Sauvages du Poitou


Datura stamonium, Datura officinal, Île de Ré (17)

Datura officinal ou Pomme épineuse, Île de Ré (17)


Le Datura est une annuelle robuste qui pousse dans les champs cultivés, les friches, les décombres... Il aime les sols fraîchement retournés, de préférence frais et riches en nitrates (issus des amendements et/ou de la pollution). C'est une adventice bien connue des cultures maraichères, mal venue à cause de sa toxicité, car pouvant «contaminer» certaines récoltes (farines, conserves, maïs ensilé pour le bétail...).


Datura stamonium, Datura officinal, Vouneuil-sur-Vienne (86)

Datura officinal: 40 centimètres à 1 mètre de hauteur pour ce sorcier qui ne manque ni de force ni d'élégance.


L'évocation de la toxicité du Datura n'étonnera personne. Il n'est gère difficile de dénicher ici et là des citations qui évoquent les usages anciens du Sauvageon dans des rites magiques ou chamaniques: fumigation hallucinogène (en fait délirogène) sur le continent américain, charme magique en Afrique du nord (philtre d'amour) ou en Inde (breuvage abrutissant), potion «zombi» dans les rites vaudous en Haïti...! On retiendra surtout que la dangerosité du Datura est avérée, dans toutes les parties de la plante, et que sa consommation a généralement pour conséquence une hospitalisation. On ne joue pas plus avec le Datura qu'avec le feu.


Et puisqu'on parle de feu: ne brûlez pas les pieds arrachés, la fumée alors provoquée étant toxique si inhalée. L'histoire de France se souvient d'ailleurs d'un gang de vauriens connus sous le nom d'endormeurs (18ème siècle), qui offraient à leur victime un tabac coupé aux semences de Datura, profitant ensuite de leur délire ou de leur assoupissement pour les détrousser!


Datura stamonium, Datura officinal, Île de Ré (17)

Semences toxiques du Datura officinal.


On entend souvent que même les Doryphores, des coléoptères dont les larves raffolent des Solanacées (surtout des Pommes de Terre), s'intoxiqueraient en dévorant le Sauvageon... A vrai dire, cette légende potagère a peu de chance d'être fondée, le Datura officinal pouvant plus probablement servir de plante hôte (secondaire) à ces insectes «croque sorcières».


Bien sûr, il existe aussi des usages médicinaux (asthme, névralgies...) du Datura officinal, ancestraux ou contemporains (les feuilles de la plante sont inscrites à la liste A de la pharmacopée française). La dangerosité du Sauvageon les réserve toutefois au corps médical. Tous ces récits n'ont probablement rien de bien neuf pour vous: le Datura offcinal est une célébrité parmi les Sauvages, même s'il endosse le plus souvent un rôle de mauvaise graine. Mais il est une dernière histoire qui mérite d'être évoquée, celle des origines géographiques des Datura.


Datura stamonium, Datura officinal, Vouneuil-sur-Vienne (86)

Feuilles alternes, glabres, ovales, au bord irrégulièrement denté et au sommet pointu du Datura officinal.


L'aire originelle des diverses espèces de Datura n'est pas très claire: Amérique pour les uns (Carl von Linné), Europe (Antonio Bertoloni) ou Asie (William Darlington) pour les autres... On considère aujourd’hui que le genre est issu du nouveau monde, et que le Datura officinal trouve ses origines autour du Mexique. L'introduction européenne de ce vieux Cabrón serait une des conséquences de la conquête de l'Amérique par Christophe Colomb, Saint Patron du brassage des populations végétales. Mais rien n'est complètement tranché: l'examen d'ouvrages andalous (Muhammad ibn Aslam Al-Ghafiqi) et d’iconographies indiennes laissent penser que quelques espèces du genre foulaient peut-être le sol du vieux continent bien avant les expéditions de Colomb (confère les travaux de R. Geeta)...


Dans la partie de la France qui me concerne (Poitou-Charentes), le Datura officinal est considéré comme un voyageur suspect, une invasive potentielle à surveiller (Liste hiérarchisée des plantes exotiques envahissantes d’Aquitaine, 2016), même si sa capacité d'envahissement reste pour l'heure modérée, concentrée autour des zones urbaines ou cultivées (c'est près des cultures qu'il est le plus gênant). L'installation d'un sorcier exotique en ville s'accompagne forcément de son lot d'inquiétudes et de suspicions!


Pour aller plus loin:

- Datura officinal sur Tela-botanica

- Datura officinal : identification assistée par ordinateur

 

Insectes pollinisateurs (4): la Sauvage et l'abeille, première partie
Date 06/05/2020
Ico Bestioles

Halictus scabiosae, Halicte des scabieuses (crédit photo Olivier Pouvreau)

Halicte des scabieuses (Halictus scabiosae) butinant une Scabieuse? Non, un Dahlia!


Dans nos précédents articles consacrés aux insectes pollinisateurs, nous avons pu constater un progrès dans l’outillage des insectes pour le butinage des fleurs: nous sommes passés des coléoptères (lourdauds et parfois quelque peu barbares avec les fleurs) aux diptères, puis aux lépidoptères (plus délicats et sophistiqués envers les Sauvages). Au final, nous nous sommes peut-être posé une question: tout ce butinage permet-il une pollinisation efficace? En d’autres termes, scarabées, mouches et papillons sont-ils les insectes les mieux équipés pour polliniser les plantes? La réponse est négative: les champions, en la matière, ce sont les hyménoptères!


Cela dit, il faut nuancer notre propos. En effet, certains hyménoptères comme les guêpes, les tenthrèdes ou les fourmis, s’ils se comportent comme des insectes floricoles, s’apparentent plus à des pollinisateurs relativement «moyens». Non, la véritable pollinisation, la pollinisation scientifique, nous vient d’un insecte prolétaire, d’une petite tâcheronne obsédée par les fleurs: l’abeille.


Super Bee sur Sauvages du Poitou!

D’où lui vient cette passion florale? C’est que par rapport aux autres pollinisateurs attirés par le nectar, voire seulement par le pollen (chez les Cétoines par exemple), l’abeille dépend encore davantage des fleurs. En effet, si les abeilles mâles et femelles doivent consommer du nectar et du pollen pour se nourrir, les femelles doivent en plus récolter du pollen (source de lipides et de protéines), qu’elles mélangent à du nectar (source de sucres) pour confectionner des «pains de pollen». Pour quoi faire? Pour régaler leur couvain. Autrement dit, si les larves des coléoptères, diptères et lépidoptères ne dépendent pas des adultes pour survivre, c’est l’inverse chez l’abeille. Autant dire que chez elle, le butinage n’est pas qu’une bronzette sur fleur, paille au bec. Non, dans son cas, la fleur relève d’un enjeu de conservation intégral, de l’œuf à l’adulte. Il lui faut donc être beaucoup plus énergique et efficace dans ses visites florales que la moyenne des autres pollinisateurs.


Osmia cornuta, Osmie cornue (crédit photo Olivier Pouvreau)

Œuf d'Osmie cornue (Osmia cornuta) pondu sur pain de pollen... Et dans la coque plastique d’un taille-haie!


On peut ainsi considérer l’abeille comme une sorte de Charlot des «Temps modernes», version butinage à la chaîne. Et puisqu’il est question de rendement, voulez-vous des chiffres pour illustrer notre propos? Ils sont plutôt parlants:


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On estime que 75 à 80% de la flore sauvage européenne et près de 70% des espèces de plantes cultivées dans le monde (pommes, melons, courges, café, tournesols, etc.) dépendent en grande partie de la pollinisation par les abeilles. D’un point de vue quantitatif, cela ne représente qu'un tiers des aliments que nous consommons au quotidien car notre alimentation repose sur les céréales, lesquelles sont pollinisées par le vent. En revanche, ce tiers est composé de nombreux fruits et légumes qui contribuent à la diversification de notre alimentation, donc à notre santé.


Un dernier chiffre est éloquent: en 2005, la valeur économique annuelle mondiale des produits de la pollinisation par les abeilles s’élevait à environ 150 milliards d’euros. Fort de ce constat, la petite équipe de Sauvages du Poitou avoue avoir un faible pour cet insecte qui force le respect.

«Quand on parle pognon, à partir d’un certain chiffre, tout le monde écoute.»

(Le Pacha, Georges Lautner)

Mais avant de détailler les particularités de la pollinisation par ces «mouches à quatre ailes» (comme les appelait le naturaliste Réaumur au XVIIIème siècle), mesurons d’abord ce qui se cache derrière le nom «abeille». Force est de constater qu’il est excessivement réducteur: il renvoie essentiellement à l’Abeille mellifère, notre fameuse Abeille domestique, Apis mellifera. La vérité, c’est qu’il cache aussi une variété étonnante d’abeilles sauvages. En France, on en dénombre environ 970 espèces, et ce peuple est si discret et méconnu qu’on y découvre de nouvelles chaque année. Essayons ensemble d’y voir plus clair en brossant rapidement cette belle variété. En France, six familles sont présentes :


- Les Apidés: 19 genres, vaste famille, très variée, comprenant notamment notre célèbre Abeille domestique mais aussi les Bourdons (environ 50 espèces en France), les Xylocopes et autres genres moins connus.


Xylocopa violacea, Xylocope violet, Poitiers quartier Chilvert

Xylocope violet (Xylocopa violacea): un gros spécimen (jusqu'à 5cm d'envergure) chez les abeilles!


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- Les Megachilidés: les Mégachiles, les Osmies etc. Plus de 200 espèces en France. Cette famille forme là aussi un ensemble très vaste, avec des abeilles d’allure généralement compacte. Pour vous en donner une idée, peut-être connaissez-vous la très commune Osmie cornue (Osmia cornuta), une abeille qui apparaît fin mars dans nos contrées, qui niche souvent dans les trous de fenêtres et qui fréquente couramment les hôtels à insectes?


Osmia cornuta, Osmie cornue, Poitiers quartier Chilvert

Osmie cornue, la squatteuse des trous de fenêtre.


- Les Colletidés: les Collètes et les Hylaeus. Plus de 70 espèces en France. Les Collètes ont un air de ressemblance avec l’Abeille domestique tandis que les Hylaeus sont des petites abeilles dont les mâles présentent un masque facial jaune.


Colletes hederae, Collète du lierre, Poitiers bords de Clain

Collète du lierre (Colletes hederae), inséparable du Lierre grimpant en Automne.


- Les Andrenidés: les Andrènes, les Panurgus etc. Environ 160 espèces en France. Les Andrènes mesurent de 5 à 12 millimètres selon les espèces et certaines sont communes dans les parcs et jardins. De leur côté, les Panurgus sont des abeilles minuscules qui se plaisent à butiner en «nageant» sur le flanc dans les fleurs, notamment les pissenlits (elles sont très faciles à repérer).


Andrena flavipes, Andrène à pattes jaunes (crédit photo Olivier Pouvreau)

l'Andrène à pattes jaunes (Andrena flavipes), une espèce commune, ici sur Trèfle champêtre (Trifolium campestre).


- Les Halictidés: les Halictes, les Lasioglosses etc. Environ 160 espèces en France. Espèces de quelques millimètres seulement pour nombre d’entre elles et dont certaines sont communes dans les parcs et jardins, notamment l’Halicte des scabieuses (Halictus scabiosae), de la taille de l’Abeille mellifère.


Halictus scabiosae, Halicte des scabieuses, Biard (86)
Quatre femelles d'Halictes des scabieuses, une abeille groupie des Astéracées rose/violette.

- Enfin, les Melittidés: les Dasypoda, Macropis et Melitta,  15 espèces en France. Considérons ces espèces comme peu communes.

Dasypoda (crédit photo Olivier Pouvreau)
Ce pantalon XXL garni de pollen caractérise le genre Dasypoda.

Cela dit, si une grande diversité règne dans le monde des abeilles, celles-ci partagent entre-elles de nombreux points communs. D’abord, tout ce petit monde adore siroter le nectar niché au creux des fleurs. Par quels moyens? Grâce à une langue (ou glosse), long tube flexible et pointu permettant à l’insecte d'aspirer le divin breuvage.
«J'pris un homard sauce tomates, il avait du poil au pattes. Félicie… aussi.»
(Félicie, Fernandel)
On le voit, la manière qu’ont les abeilles d’accéder au nectar ne parait pas très difficile et, au fond, s’apparente à celle des mouches ou des papillons. Là où l’histoire se complique, c’est que l’abeille femelle doit aussi rassembler beaucoup de pollen pour sa descendance sans en perdre un grain entre deux inspections de fleurs. Heureusement, madame est remarquablement équipée de poils (appelées «brosses de récolte» ou «scopae») qui lui permettent d’emmagasiner le pollen. Selon les familles d’abeilles, ces brosses de récolte se situent soit sur les pattes postérieures (chez les Andrènes par exemple), soit sur la partie ventrale de l’abdomen (chez les Mégachiles).

Beelbo le Hobbit sur Sauvages du Poitou!

Andrena sp, Andrène (crédit photo Olivier Pouvreau)
Chez les Andrènes, les brosses de récolte se situent sur les pattes postérieures…

Megachile centuncularis (crédit photo Olivier Pouvreau)
… Tandis que chez les Mégachiles (ici Megachile centuncularis), les femelles emmagasinent le pollen sous l’abdomen.

Résumons: les abeilles mâles et femelles possèdent une langue pour sucer le nectar et les femelles ont des poils pour récolter le pollen afin de nourrir leur couvain. Il s’agit donc d’un attirail au service de l’abeille. Car la fleur, elle, qu’a-t-elle à gagner là-dedans? Non seulement on lui enlève du nectar mais en plus, le pollen accroché aux brosses de récolte de l’abeille ne parviendra pas (ou peu) aux pistils. Heureusement, la fleur compte sur une autre spécificité de l’abeille (mâle comme femelle) pour assurer sa pollinisation. Cette caractéristique réside dans l’existence d’une pilosité couvrant l’ensemble du corps de l’abeille, notamment le thorax et l’abdomen.

Chewbeeca sur Sauvages du Poitou!

Qui plus est, cette pilosité s’avère plus dense que la moyenne des autres insectes floricoles. Et ce n’est pas tout, ces poils forment des soies plumeuses (ou «poils branchus») agissant comme de véritables scratchs à pollen, supérieurs aux soies simples des autres pollinisateurs. En somme, notons que tout a été prévu pour que le pollen vienne en masse adhérer aléatoirement au corps de l’abeille qui peut dès lors jouer les entremetteuses entre fleurs.

Andrena sp, Andrène (crédit photo Olivier Pouvreau)
Les soies plumeuses distribuées sur l’ensemble du corps de cette Andrène lui ont permis d’accrocher involontairement les grains de pollen d'un Pissenlit.

Cela dit, il faut enlever un poil à cette règle de la pilosité absolue. Car dans ce petit monde vrombissant, il ne faut pas oublier un type d’abeille un peu spécial, celle que l’on désigne sous le nom d’«abeille coucou» (ou abeille cleptoparasite). Des abeilles qui se comportent comme le coucou? Eh oui, chers mélittophiles (=amis des abeilles)! Ces excentriques ont en effet la particularité de ne pas récolter de pollen pour leur couvain mais de pondre sur le pain de pollen des abeilles «récolteuses». Une abeille tire-au-flanc, en quelque sorte. Vous l’aurez compris, si ces dames aiment à licher le nectar, elles n’ont donc pas besoin de brosses de récolte. Cette exception à la règle leur donne une allure plus glabre, avec une tignasse plus clairsemée…

Nomada sp (crédit photo Olivier Pouvreau)
Exemple d'abeille coucou: les Nomadas (environ 90 espèces en France) qui ressemblent à des guêpes. Notez que malgré une pilosité bien moindre que chez les abeilles «récolteuses», celles-ci agrègent malgré tout du pollen, ce qui en fait des pollinisatrices incontestables.

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui! Car ce n’est pas fini: dans un prochain article, nous verrons comment les abeilles repèrent et choisissent les fleurs qu’elles visitent... Ce qui n’est pas si simple qu’il n’y paraît.

(Article par Olivier Pouvreau)

Les autres articles de Sauvages du Poitou consacrés aux insectes pollinisateurs:
- Insectes pollinisateurs (1): la Sauvage et le coléoptère
- Insectes pollinisateurs (2): la Sauvage et le diptère
- Insectes pollinisateurs (3): la Sauvage et le papillon
- Insectes pollinisateurs (5): la Sauvage et l'abeille, seconde partie

Beetman sur Sauvages du Poitou!

Pour aller plus loin:
- L’Observatoire des abeilles, association française ayant pour objet l’étude, l’information et la protection des abeilles sauvages françaises (et des régions voisines) et de leur habitat. Elle édite la revue «Osmia» depuis 2007.
FlorAbeilles, à la découverte des fleurs butinées par les abeilles.
- «Pollinisation et pollinisateurs», conférence de Benoît Geslin sur les abeilles sauvages, leur écologie et les menaces qui pèsent sur elles, IMBE TV, 2018.
Forum le Monde des insectes section Apocrites: forum d’identification des hyménoptères apocrites (dont les abeilles) sur la base de photographies.

Deux livres «coups de cœur» recommandés par Sauvages du Poitou:
Découvrir et protéger nos abeilles sauvages de Nicolas Vereecken, chez Glénat (2017).
Pollinisation, le génie de la nature de Vincent Albouy, chez Quae (2018).
 

Insectes pollinisateurs (2): la Sauvage et le diptère
Date 04/12/2018
Ico Bestioles
Ectophasia crassipennis et Daucus carota, Poitiers bords de Boivre
La Sauvage (Daucus carota) et la mouche (Ectophasia crassipennis)...


Les fleurs, comme on le sait, sont des êtres délicats. Or, dans notre premier article consacré aux insectes pollinisateurs, nous avons survolé un gang de rustres plus proches de la tondeuse à étamines que de la paille à nectar: les coléoptères. Nous avons vu que ceux-ci correspondent au stade le plus primitif des butineurs. Heureusement, l’évolution des espèces a donné vie à des amateurs de fleurs plus courtois, j’ai nommé les diptères, c’est-à-dire les mouches et les moustiques. Suceurs, piqueurs, casse-pieds, ces insectes n’ont pas bonne presse chez l’homme mais ce serait commettre un délit de faciès que de les rejeter d’un bloc car si les mouches et les moustiques nous font râler, les fleurs, de leur côté, les considèrent comme des alliés précieux.


Les diptères sont sur Sauvages du Poitou!


Comparés aux coléoptères, les diptères possèdent de nombreux avantages. D’abord, leur poids plume qui n’abîme pas les fleurs. Leur vol est souvent rapide et sûr, faisant d’eux des butineurs précis qui ne perdent pas de temps à chercher le nectar. D’autre part, leur corps est velu, mieux à même de fixer le pollen (certains coléoptères sont glabres). Enfin, leur appareil buccal les apparente plus à des siroteurs qu’à des vaches, ce qui leur évite de ravager l’intérieur des fleurs. Exit les bouches broyeuses, bonjour l’invention de la trompe, brevet qui sera repris par les papillons! Sur ce point, distinguons deux types de diptères:

  1. Les suceurs: leur langue (appelée labium ou proboscis) est terminée par une sorte de suçoir ou d’éponge (les labelles) capable d’humecter des substances solides. Cette langue est observable par exemple chez la célèbre Mouche domestique.
  2. Les piqueurs/suceurs: c’est le type de trompe que l’on rencontre par exemple chez les moustiques.

Stomorhina lunata et Hedera helix, crédit photo: Olivier Pouvreau

Le labium entièrement déployé de cette mouche (Stomorhina lunata) sur le disque nectarifère d’une fleur de Lierre grimpant lui permet de lever une patte tout en gardant l’équilibre!


Hélas pour l’ensemble de nos Sauvages, les diptères n’ont pas tous les mêmes performances de pollinisation. Certains sont même de piètres butineurs car s’ils savent tirer la langue, celle-ci est un poil courte. De fait, ils ne peuvent utiliser que des fleurs aux nectaires (glandes produisant le nectar) facilement accessibles comme celles de certaines Apiacées. A la belle saison, rapprochez vous des ombelles de la Carotte sauvage (Daucus carota) ou de l'Angélique des bois (Angelica sylvestris) pour observer de nombreuses mouches très affairées. Ou mieux: posez vous derrière un massif de Lierre grimpant en automne, les allées et venues autour de ses fleurs généreuses sont incessantes...


Diptères sur Lierre grimpant, crédit photo: Olivier Pouvreau

En l’automne, le nectar du Lierre grimpant attire une foule de diptères: ici un groupe de moucherons (Apiloscatopse flavicollis et des Chironomidae)...


Tachina sp. et Hedera helix, crédit photo: Olivier Pouvreau

...Là une mouche Tachinaire (Tachina sp., probablement Tachina fera)


Je serai toujours présent autour de toi, un peu comme un moucheron. Mais un moucheron bien membré alors.

(Californication, Tom Kapinos)

Parmi ces mouches, remarquons toutefois certaines un peu mieux outillées. Il s’agit de membres de la famille des Syrphidae. Les syrphes possèdent un labium un peu plus long (5-10 mm) que la moyenne des mouches, ce qui leur permet de sonder des fleurs plus profondes et d’élargir la gamme des Sauvages visitées: on les observe ainsi sur un grand nombre de familles de fleurs (Apiacées, Rosacées, Astéracées…). De plus, comme ils sont essentiellement floricoles (alors que de nombreux diptères sont polyphages), les syrphes sont des pollinisateurs plus assidus que les autres mouches. Autre particularité: ils consomment le nectar mais aussi le pollen, comportement plus rare chez les diptères. Tout le monde connaît les plus petits des syrphes, à l'abdomen fin rayé de noir et jaune, qui savent voler sur place, souvent à hauteur d’homme. Les autre syrphes, plus gros, sont souvent confondus avec les guêpes, les bourdons ou les abeilles qu’ils imitent pour dissuader leurs prédateurs.


Syrphe ceinturé, Episyrphus balteatus, crédit photo: Olivier Pouvreau

Le Syrphe ceinturé (Episyrphus balteatus) n’a rien à envier à la Patrouille de France : c'est un adepte du vol stationnaire et des pirouettes aériennes!


Eristalis tenax et Senecio inaequidens, crédit photo: Olivier Pouvreau

Parmi les syrphes, les éristales se font passer pour des abeilles… Ici: l’Éristale gluante, Eristalis tenax, sur une fleur de Séneçon du Cap.


Eristales sur Angléique sylvestre, crédit photo: Olivier Pouvreau

Les éristales se ruent vers ce bar à sirops qu’est l’Angélique sylvestre (Angelica sylvestris)!


Enfin, c’est parmi les prédateurs et les parasites - ceux dotés d’une langue bien développée - qu’on trouve les diptères les plus aptes au butinage: ils sont capables de trouver le nectar jusqu’au fond des fleurs à corolle étroite. Il en va ainsi de nos célèbres moustiques dont les mâles (qui ne nous piquent jamais) et les femelles (qui nous piquent à l’occasion) peuvent utiliser leur trompe pour aspirer le nectar au plus profond des fleurs. Toutefois, attention: ce n’est pas parce que l’outil de travail des moustiques est performant qu’ils comptent parmi les plus gros pollinisateurs, loin de là!


Parmi ces champions de l’aspiration en profondeur, la palme d’or revient aux bombyles, ces étranges mouches (et parasites d’autres insectes) à langue effilée (10-12 mm), ultra-réactives et capables de butiner en vol stationnaire comme les colibris! Contrairement à l’ensemble des diptères convoitant des nectars moyennement riches en sucres, syrphes et bombyles ont besoin de beaucoup d’énergie pour effectuer leurs vols virtuoses, ce qui en fait de grands amateurs de nectars concentrés.


Bombylius major et Muscari neglectum, crédit photo: Olivier Pouvreau

Un colibri en peluche (idéal pour ramasser le pollen) avec une épée en guise de bec? Non, un Grand Bombyle (Bombylius major) butinant un Muscari à grappe (Muscari neglectum).


Comment les fleurs font-elles pour attirer mouches et moustiques? Là encore, il faut distinguer deux écoles: celle du bonbon et celle de la crotte.


Myophilie et sapromyophilie, Sauvages du Poitou!


La première, la myophilie, est la plus répandue: c’est la relation entre diptères et fleurs parfumées. Ces dernières offrent souvent un nectar facile d’accès, sont bien ouvertes, plates, et exhalent des odeurs douces mais non sucrées. Elles sont de couleur blanche, jaune, verdâtre ou violette.

Un milliard de mouches ne peuvent pas se tromper: il faut manger de la merde.

(Road house, Rowdy Herrington)

L’autre école nous est ignoble, il s’agit de la sapromyophilie. Dans ce cas, l’attirance des diptères va aux fleurs qui offriront des odeurs similaires à leurs lieux de ponte, à savoir celles de la chair en décomposition, des excréments ou des champignons... Ces fleurs trompent les insectes (les piègent même parfois) car elles n'ont aucun nectar à offrir à leurs visiteurs. Il faut comprendre que de nombreux diptères (à l’exception de certains, strictement floricoles, telle la grande majorité des syrphes) apprécient autant le nectar que le sang (hématophagie, tels les  moustiques) ou que les excréments (coprohpagie, telles de nombreuses mouches). Pour en savoir davantage sur ces amateurs de pestilence, (re)lisez notre article consacré au Gouet d'Italie (Arum italicum), une Sauvage qui kidnappe de petites mouches de la famille des Psychodides pour assurer sa pollinisation.


Le Gouet d'italie ou l'art de kidnapper les mouche, Sauvages du Poitou
Le Gouet d'italie ou l'art de kidnapper les mouche, une histoire à suivre sur Sauvages du Poitou!


Par leur travail de pollinisation, l'apport qu'offrent les diptères à l'humanité et à la nature n’est pas mince. Certaines petites fleurs pauvres en nectar, boudées par les autres insectes, ne pourraient pas se reproduire sans l’aide de diptères minuscules. Par ailleurs, les diptères favorisent généreusement quelques pollinisations croisées comme celles des arbres fruitiers ou du colza (où les syrphes jouent un rôle important). Enfin, les diptères occupent une très large variété de milieux et de conditions climatiques défavorables à d’autres insectes pollinisateurs (altitude, froid...), ce qui leur permet d’atteindre des fleurs qui seraient bien seules sans eux. Alors à l’avenir, lorsque vous verrez une mouche sur la tarte ou un moustique près du lit… Faites comme vous voulez!


(article par Olivier Pouvreau)


Les autres articles de Sauvages du Poitou consacrés aux insectes pollinisateurs:

- Insectes pollinisateurs (1): la Sauvage et le coléoptère

- Insectes pollinisateurs (3): la Sauvage et le papillon

- Insectes pollinisateurs (4): la Sauvage et l'abeille, première partie

- Insectes pollinisateurs (5): la Sauvage et l'abeille, seconde partie


Les articles consacrés aux fleurs (botanique) sur Sauvages du Poitou:

- Vocabulaire de la botanique: fleurs régulières

- Vocabulaire de la botanique: fleurs irrégulières

- Vocabulaire de la botanique: inflorescences et capitules


Pour aller plus loin:

- Le Syrphe à ceinture (Episyrphus balteatus) sur le site Quel est cet animal?

- L’Éristale gluante (Eristalis tenax) sur le site Quel est cet animal?

- Le Grand Bombyle (Bombylius major) sur le site Quel est cet animal?

 

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