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Hellébore fétide, le psychiatre
Date 04/03/2016
Ico Haies & forêts

Helleborus foetidus, Hellébore fétide, Vouneuil-sous-Biard (86)

Hellébore fétide, Vouneuil-sous-Biard (86)


Helleborus foetidus (Hellébore fétide, Pied-de-griffon ou Herbe-à-pointes en poitevin saintongeais) appartient au vaste clan Ranunculaceae, dont les membres sont souvent réputés pour leur toxicité. Le Sauvageon fait honore au clan jusque dans son nom, puisque Helleborus vient du grec helein, «faire périr» et bora, «pâture» ou «nourriture»: il est potentiellement mortel pour l'homme. D'un autre côté, le «fétide» ne risque guère de tromper les gourmands, ses feuilles froissées dégageant une odeur peu amène.


Helleborus foetidus, Hellébore fétide, Vouneuil-sous-Biard (86)

Hellébore fétide, Poitiers quartier Bellejouanne


Helleborus foetidus est une vivace qui s'affiche en hiver, dans les forêts clairsemées, les lisières forestières, les haies... Bref, les sols riches en matière organique, plutôt secs, où percent un minimum de lumière. Au cœur des paysages dégarnis de la basse saison, le Sauvageon attire inévitablement les regards; il faut dire que son allure excentrique et ses fleurs pendues comme des clochettes détonnent (ses fleurs en cloches sont un moyen de prémunir ses organes sexuels des dégâts que pourraient causer les chutes de neige).

L'hiver s'installe doucement dans la nuit,

La neige est reine à son tour.

Un royaume de solitude,

Ma place est là pour toujours...

(La Reine des neiges, Disney)

Helleborus foetidus, Hellébore fétide, Poitiers Bellejouanne

Feuille composée pédalée et dentée de l'Hellébore fétide, Poitiers quartier Bellejouanne


Les fleurs d'Helleborus foetidus, observées à la loupe, affichent un ensemble peu conforme: la partie extérieure de la «clochette» est constituée en réalité de cinq sépales (bordés de rouge), c'est à dire de cinq petites feuilles particulières jouant un rôle de protection. Le reste de la fleur se trouve à l'intérieur, bien à l’abri.

La fleur présente cinq courts pétales en forme de «cornet», qui renferment tous un précieux nectar, ainsi qu’une levure qui en fermentant assure une température supérieure de six degrés dans la clochette par rapport à l’extérieur. Chez les Sauvages, les pétales servent généralement à attirer les butineurs, de par leurs formes et leurs couleurs (lorsque les fleurs sont vertes pour l'homme, elles paraissent jaunes pour une abeille). Les pétales d'Helleborus foetidus ne sont guère visibles vus du ciel; ils remplissent tout de même leur rôle d’appât, offrant le chauffage et se comportant comme de véritables cornes d'abondance!
Ah? Parce que vous comptez organiser un grand festin ici?
(Le grand chef, Henri Verneuil)

Helleborus foetidus, Hellébore fétide, Poitiers Bellejouanne
Les incroyables pétales de l'Hellébore fétide

Si les fleurs vertes d'Helleborus foetidus étonnent plus qu'elles ne séduisent, celles-ci s'avèrent très mellifères. Leur présence hors saison est importante pour nombre d'insectes, le Sauvageon étant visité en premier lieu par des diptères (mouches, moucherons, syrphes, moustiques, taons...). Helleborus foetidus ne fleurit qu'à partir de sa seconde année (le plus souvent lors de sa cinquième année). Il ne refleurit ensuite qu'une seule année supplémentaire... Avant de se faner définitivement.

Helleborus foetidus, Hellébore fétide, Poitiers Chilvert

Hellébore fétide: pas besoin de moon boots!


Les fruits qui pointent au cœur des sépales sont équipés d'une excroissance (élaïosome) dont raffolent les fourmis. Ces dernières emportent les graines jusque dans leur fourmilière (ou abandonnent leur fardeau en cours de route) pour en extraire la manne; le Sauvageon profite du voyage pour propager ses rejetons sur le territoire.


Helleborus foetidus, Hellébore fétide, Poitiers bords de Boivre

Fruits (follicules) de l'Hellébore fétide, Poitiers bords de Boivre


En un temps où l'homme n'était guère à un empoisonnement près, Helleborus foetidus aurait été utilisé pour traiter les cas de démence (ainsi que dans certains rituels d'exorcisme)... Peut-être que certains d'entre vous se souviennent avoir récité un jour ces quelques vers:

Rien ne sert de courir; il faut partir à point:

Le lièvre et la tortue en sont un témoignage.

«Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point

Sitôt que moi ce but. - Sitôt? Êtes-vous sage?

Repartit l'animal léger:

Ma commère, il vous faut purger

Avec quatre grains d'ellébore.

- Sage ou non, je parie encore.»

(Le Lièvre et la tortue, Jean de La Fontaine)

Le Lièvre utilise sans doute une expression en vogue à l'époque, «il vous faut purger avec quatre grains d'ellébore», invitant la tortue à soigner ses folles ambitions via une thérapie végétale lourde (avec quatre grains — ou quatre mesures — d'une telle potion, la tortue risque surtout de reposer d'un sommeil raisonnable et définitif!).

Helleborus foetidus, Sauvages du Poitou!

Même le génial Peyo y va de sa référence dans Les Schtroumpfs noirs, où le Grand Schtroumpf tente de guérir, à l'aide de la Sauvage, un mal mystérieux et contagieux qui rend fou les habitants de son village!


Le grand schtroumpf et l'hellebore! (Peyo, D.R.)

Les Schtroumpfs noirs (Peyo, 1963)


A vrai dire, il est difficile de savoir à quoi faisait référence nos ancêtres (et le Grand Schtroumpf) lorsqu'ils parlaient d'«Ellebore»: Helleborus foetidus (Hellébore fétide), Helleborus viridis (Hellébore vert), Helleborus niger (Hellébore noir, la célèbre Rose de Noël) ou même Veratrum album (Varaire, parfois surnommé Hellébore blanc)? Et quelle que soit la plante qu'ils récoltaient, il est encore plus difficile de comprendre en quoi la médication pouvait soulager la folie. Le voyageur et botaniste français Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708) proposait une hypothèse malicieuse: les documents les plus anciens racontent que c'est autour de la ville d'Anticyre que les grecs récoltaient l’Hellébore pour soigner les mélancoliques (on dit aussi qu'un habitant de cette cité soigna Hercule de la démence grâce à la plante). Pour Tournefort, la guérison ne venait peut être pas du végétal: la beauté enchanteresse d'Anticyre et la magnificence du paysage alentour suffisaient sans doute à influencer positivement les esprits qui s'y promenaient!

Si vous avez de la peine, si la vie est méchante avec vous, réfugiez-vous au cœur de la forêt, elle ne vous décevra jamais.

(Sissi, Ernst Marischka)

Si son usage médical périlleux est vite tombé aux oubliettes, Helleborus foetidus a longtemps conservé une aura de magie. Avec sa dégaine abracadabrante, le Sauvageon a alimenté nombre de superstitions croustillantes: on le pendait dans les porcheries, les étables ou les bergeries pour éloigner les maladies, les serpents, les rats ou les crapauds (accusés de téter les chèvres!); on disait de la poudre confectionnée à partir de ses racines qu'elle pouvait rendre invisible le sorcier qui la piétinait... Mais gare aux apprentis mages: c'est dans les racines que se concentre la plus grande dangerosité (70g de racine sèche suffisent à tuer un bœuf... Et je vous laisse consulter les commentaires sous cet article quant aux risques de contact avec sa sève).


Helleborus foetidus, Hellébore fétide, Poitiers bords de Boivre

Hellébore fétide, un forestier qui apprécie la lumière.



Pour aller plus loin:

- Norb de Sauvages du Poitou raconte l'Hellébore fétide au micro de France Bleu Poitou

- Helleborus foetidus sur Tela-botanica

 

Lierre grimpant, l'irremplaçable
Date 18/02/2016
Ico Haies & forêts

Hedera helix, Lierre grimpant, Poitiers bords de Clain

Lierre grimpant, Poitiers bords de Clain


Hedera helix (Lierre grimpant ou Herre en poitevin-saintongeais) appartient au clan Araliaceae. Si cette famille exotique compte 1300 espèces à travers le monde (essentiellement des arbres, des buissons et des lianes, dont le célèbre Ginseng), elle ne disposait jusqu’ici que d’une unique espèce indigène sur le sol français, mais pas des moindres : le Lierre grimpant. La classification récente lui accorde la compagnie de quelques Hydrocotyles, des plantes aquatiques ou semi-aquatiques.


Hedera vient du latin hedea, la «corde»; helix est la «spirale». Hedera helix évoque le lasso tournoyant des jeunes rameaux à la recherche d'un support à cramponner. Car il n'aura échappé à personne qu'Hedera helix est une liane grimpante. Pour certains, c'est une liane arbustive, pour d'autres, une liane arborescente. Alors, le Lierre grimpant: arbuste ou arbre? Le suspens repose sur les caractéristiques étonnantes du sauvageon... Difficile, à première vue, de le considérer comme un arbre: il est incapable de tenir debout tout seul. Et pourtant, Hedera helix  peut atteindre une hauteur de 30 mètres de haut. La durée de vie d'un seul pied peut dépasser le siècle! Dans les bois, notre regard admiratif se pose généralement sur les grands arbres centenaires, plutôt que sur le Lierre grimpant, omniprésent... Mais derrière un pied de Lierre se cache peut être un des grands doyens de la forêt.


Hedera helix, Sauvages du Poitou!


Ses tiges ligneuses peuvent épaissir jusqu'à 20cm de diamètre... C'est beaucoup et c'est peu, si  on considère la longueur potentielle du végétal (jusqu'à 30 mètres). Son bois blanc, dur et léger, fournit une ressource honorable en ébénisterie ou en vannerie.


Hedera helix, Lierre grimpant, Migné-Auxance (86)

Pied ligneux et épais du Lierre grimpant, Migné-Auxance (86)


Les hommes ont longtemps porté un regard accusateur sur le Sauvageon (de vieilles croyances erronées subsistent encore). Jadis, on pensait jadis le Lierre capable d'étouffer un arbre, jusqu'à ce que mort s'en suive. Aujourd'hui, on comprend mieux son rôle, et on comprend surtout qu'il est un des maillons indispensables à l'équilibre de nos campagnes et de nos forêts.

Pour commencer, le Lierre n'est pas un parasite. Si ses solides crampons s'agrippent aux arbres, ce n'est pas pour en sucer la moelle, mais simplement pour s'ériger vers la lumière.

Hedera helix, Lierre grimpant, Poitiers gare
Crampons du Lierre grimpant, Poitiers quartier gare

En recouvrant l'arbre, le Lierre grimpant assure à celui ci une protection thermique (les écarts thermiques peuvent mettre les troncs à rude épreuve). Mais surtout, son feuillage persistant abrite une faune riche et variée en toute saison. La biodiversité qu'il protège est profitable à tous: à commencer par les oiseaux qui y trouvent un garde-manger toujours rempli et qui assurent de par la même la régulation des populations parasitaires néfastes aux arbres.

Non seulement le Lierre grimpant ne nuit pas aux forêts qu'il envahit, mais celui ci pallie à la rudesse du milieu à la saison froide. On a vu que son feuillage assurait en tout temps un couvert précieux, au sol comme dans les airs. Cerise sur le gâteau, le sauvageon choisit de fleurir après tout le monde, vers la fin de l'automne. Ses fleurs pourvoient les dernières réserves de nourriture aux insectes pollinisateurs avant d'entrer dans le dur de l'hiver.

Hedera helix, Lierre grimpant, Poitiers bords de Cain
Fleurs en étoile à cinq pétales du Lierre grimpant, Poitiers bords de Clain


Si le Lierre grimpant est une bénédiction pour les campagnes et les forêts, c'est encore en ville que sa générosité s'exprime le mieux.

La protection thermique de son couvert fonctionne aussi sur les façades: son feuillage protège les murs de l'érosion des intempéries et régule les écarts de températures usants pour les revêtements (attention, il faut le contrôler près des toitures, car il est capable de soulever des tuiles!). Dans un même ordre d'idée, le Lierre grimpant verdit les vastes surfaces minérales de nos villes qui agissent comme autant de «réservoirs» à chaleur en été et qui sont la cause de micro climats caniculaires.


Hedera helix, Lierre grimpant, Rochefort (17)

Lierre grimpant, une explosion de vie au cœur des villes (Rochefort, 17)


Hedera helix est une Sauvage coriace, qui se contente de trois fois rien (elle a toutefois besoin de soleil et d'un sol riche pour fleurir). Son développement aisé sur terre ou en l'air, en tout lieu, crée des couloirs de circulation et d'échange pour la faune urbaine entre les diverses zones de nature (parcs, jardins, friches, etc.).


Enfin, le Lierre grimpant est une plante dépolluante, capable d’absorber dans l'air des éléments dangereux pour l'homme (comme le benzène des gaz d'échappement).

C’est comme si je ne pouvais pas respirer sans toi.

(Grey’s Anatom, Shonda Rhimes)

Parmi les nombreux butineurs qui comptent sur les fleurs tardives du Lierre grimpant, la Collète du lierre (Colletes hederae), une abeille solitaire qui porte le nom de sa plante favorite, en récolte le pollen pour garnir les loges souterraines qui accueilleront ses larves.


S'il est une caractéristique qui illustre la formidable capacité d'adaptation d'Hedera helix, c'est son feuillage aux mille visages. Le Lierre grimpant est une inépuisable source de divertissement pour celui qui cherche des formes inattendues. Souvenez-vous de notre série d'articles sur la reconnaissance des formes foliaires en botanique: plantez-vous devant un vieux pied de Lierre grimpant et vous aurez toute la matière nécessaire pour commencer un entrainement intensif!


Hedera helix, Lierre grimpant, Poitiers

Échantillon de la palette infiniment variée des feuilles du Lierre grimpant, Poitiers


On considère deux grands types de feuilles du Lierre grimpant (toutes les nuances intermédiaires sont possibles): les feuilles juvéniles, palmées (3 ou 5 lobes plus ou moins prononcés), et les feuilles des rameaux florifères, ovales et aiguës, voir lancéolées.


Les feuilles palmées optimisent la captation de lumière en zone ombragée: pour rappel, le Lierre grimpant a besoin pour fleurir d'une terre riche en matière organique (un sol de type forestier) et surtout d'un bonne dose de soleil (sans expositions aux photons, le pied reste stérile). Au sommet de son escalade, les feuilles lancéolées offrent une moindre prise au vent, et laissent passer la lumière vers les étages inférieures.

Laissons entrer le soleil, la terre vous dit : hello!

(Charlie et la Chocolaterie, Tim Burton)

Les fruits charnus (des drupes), d'abord verts, murissent en hiver et deviennent noirs; les oiseaux, en attendant le retour du printemps, s'en régalent. Les graines germeront au cour de l'été suivant, une fois tombée au sol.


Hedera helix, Lierre grimpant, Poitiers bords de Boivre

Fruits charnus (drupes) du Lierre grimpant à la fin de l'automne: les décorations de Noël sont déjà de sortie?


Chez Hedera helix, les fruits et les feuilles (dans une moindre mesure) sont toxiques. Ce n'est pas une des Sauvage les plus virulentes de la forêt; ses feuilles ont même été utilisées autrefois en tant que remède purgatif. À mois d'être un spécialiste en la matière, on s'abstiendra de consommer la Sauvage, sous quelle que forme que ce soit.


Lasiocampa quercus sur Hedera helix, Poitiers bords de Boivre

Toxique pour l'homme, le Lierre grimpant n'en reste pas moins une aubaine pour la chenille du Bombyx du chêne (Lasiocampa quercus) au cœur de l'hiver !


Pour rendre un hommage en fanfare au merveilleux Lierre grimpant, et avant de lever le rideau sur une bien curieuse scène de théâtre, je vous propose une toute autre utilisation, garantie 100% inoffensive (à moins que le ridicule tue, mais au dernière nouvelle, ce n'était pas le cas)!


Le sifflet du shérif! (nunus)

Le sifflet du Shérif (ou nunu en poitevin saintongeais)!

Réunir le matériel suivant:

- Un morceau de branche de Noisetier (15 cm de long sur 1,5 cm de diamètre)

- 3 belles feuilles de Lierre grimpant

- Une étoile de shérif (ingrédient optionnel)

Fendre la branche de noisetier sur 4 cm dans le sens de la longueur. Insérer dans la fente 3 belles feuilles de Lierre grimpant superposées. A l'aide d'une lame tranchante, couper très proprement la partie des feuilles qui dépasse de la branche. Souffler de toutes ses forces! Si le sifflet ne produit aucun son, c'est que nos trois «anches» de Lierre grimpant ont été mal taillées; recommencer, et s'appliquer à une découpe nette et précise. Prêts pour une démonstration?



Le petit monde d'Hedera helix


Personnages:

Lierre grimpant centenaire (rôle tenu par Hedera helix).

Azuré des nerpruns femelle (rôle tenu par Celastrina argiolus).


La scène se déroule dans une haie, l'été, quelque part dans le Poitou.


Celastrina argiolus sur Hedera helix, Saint Benoît (86), crédit photo : Olivier Pouvreau


SCÈNE UNIQUE


LIERRE GRIMPANT

Madame, vous revoilà! Sommes-nous déjà en septembre?


AZURÉ DES NERPRUNS

Eh oui, comme toutes les fins d’été, au moment où vous allez fleurir, je viens vous rendre visite!


LIERRE GRIMPANT

Vous ne me manquiez pas!


AZURÉ DES NERPRUNS, ironique

Vous, si. Savez-vous que vous êtes à croquer, même si pour beaucoup, vous n'êtes qu'un infect poison?


LIERRE GRIMPANT

Ce sont vos flatteries qui sont infectes! Il se dit d'ailleurs que vous pondez sur des dizaines de plantes réparties sur quinze familles!


AZURÉ DES NERPRUNS

Dont vous...


LIERRE GRIMPANT

Trop souvent!


AZURÉ DES NERPRUNS

Mais je vous aime!


LIERRE GRIMPANT

Aimez les autres, faites tourner la liste, dispersez-vous, fichez-moi la paix!


AZURÉ DES NERPRUNS

Allons, raisonnons: vos fleurs et votre feuillage sont si luxuriants et mes larves si modestes que mes affaires à votre égard ressemblent davantage à des chatouilles qu'à de cruelles morsures.


LIERRE GRIMPANT
Diable, Madame, que me valent ces raisonnements puisqu'à la fin, c'est moi qu'on mange? Mais, que vois-je, coquine, voici que vous pondez sur mes boutons floraux!

AZURÉ DES NERPRUNS
C'est que je suis pressée! Nous autres, papillons, ne vivons pas des siècles comme vous mais une saison seulement. Alors pestez tant que vous voulez: quoi qu'il advienne, votre immobilité toute végétale vous obligera à souffrir ma descendance!

Elle s'envole.

Celastrina argiolus sur Hedera helix, Saint Benoît (86), crédit photo : Olivier Pouvreau
Azuré des nerpruns pondant sur Lierre grimpant, œuf sur bouton floral



Pour aller plus loin:

- Norb de Sauvages du Poitou raconte le Lierre grimpant au micro de France Bleu Poitou

- Hedera helix sur tela-botanica

- Hedera helix: identification assistée par ordinateur


Lecture recommandée:

- La Hulotte numéro 106 et 107, entièrement consacré au Lierre grimpant


Hedera helix, Lierre grimpant, Ile d'Aix (17)

Le Lierre grimpant, ou comment transformer un piquet de clôture en hôtel-restaurant 5 étoiles pour insectes et oiseaux!



 

Salicaire commune, la conquistador
Date 03/12/2015
Ico Zone humide

Lythrum salicaria, Salicaire commune, Poitiers bords de Boivre

Fleurs en épis de la Salicaire commune


Lythrum salicaria (Salicaire commune) appartient à la famille Lythraceae, dont certains membres sont des plantes aquatiques, comme la célèbre Châtaigne d'eau (Trapa natans). C'est sur terre que pousse la Salicaire, même si va falloir se rapprocher dangereusement du bord de la rivière pour l'observer.

- Ah non messire, j’ai déjà pris un bain y a deux mois dans la rivière!

(Les Visiteurs, Jean-Marie Poiré)

Lythrum salicaria, Salicaire commune, Poitiers bords de Boivre

Son nom, elle le signe à la pointe de la fleur, d'un L qui signifie Lythrum! (Salicaire commune, Poitiers bords de Boivre)

La Salicaire commune est une vivace robuste qui s’installe au bord des lacs, des rivières, dans les marécages et sur les sols riches et gorgés d'eau des forêts humides. C'est à ses feuilles lancéolées que la Sauvage doit son nom, car celles ci ressemblent à celles du Saule (Salix).


Lythrum salicaria, Salicaire commune, Poitiers bords de Clain

Feuilles de la de la Salicaire commune: opposées (les supérieurs alternes), sessiles, lancéolées et cordées à leur base.


Ses fleurs mellifères pourpres (Lythrum est tiré du grec lythron, «sang», pour la couleur), regroupées en épis, se dressent jusqu'à un bon mètre de hauteur entre juin et septembre. Le biologiste Charles Darwin mit en avant (dans Forms of Flowers, 1877) la particularité des fleurs de la Salicaire commune. A vos loupes... Prêts? Observez!

- Je suppose que vous n’avez pas la moindre compétence dans le domaine scientifique!

- J’ai disséqué une grenouille, une fois...

(Avatar, James Cameron)

Les colonies de la Sauvage présentent trois type de pieds (répartis dans des proportions équilibrées): certains présentent au centre de leurs fleurs un style (partie allongée de l'organe reproducteur femelle) long, d'autres un style moyen et les derniers un style court. Les étamines (organes reproducteurs mâles) suivent un schéma opposé: un style long est entouré d'étamines courtes (6) et moyennes (6), un style moyen est entouré d'étamines courtes (6) et longues (6), et enfin, un style court est entouré d'étamines moyennes (6) et longues (6)...


Accrochez vous, la mécanique est ingénieuse: une fleur peut difficilement s'autoféconder, les organes reproducteurs mâles et femelles étant placés à des hauteurs différentes. Mieux encore: Charles Darwin observa qu'un style long n'est réceptif que pour les grains de pollens issus d'une étamine de même longueur que lui. De même, un style moyen n'est réceptif que pour les grains de pollens issus d'une étamine moyenne, etc. La pollinisation s'opère donc à partir d'individus distincts et le brassage génétique (et donc la capacité d'adaptation sur le terrain) de la Salicaire commune est garanti.


Lithrum salicaria, Sauvages du Poitou


Cette arrangement complexe ne freine pas sa propagation: La Salicaire commune peut produire jusqu'à deux millions de graines par pied. Ce sont les oiseaux aquatiques et le fil du courant qui dispersent les semences le long des berges, les graines collantes adhèrant aux pattes et aux plumes des volatiles (zoochorie).


Lythrum salicaria et Polyommatus coridon, Poitiers bords de Boivre

Fleurs de la Salicaire communecalice en tube à 12 dents inégales, 4 à 6 pétales chiffonnés, 10 à 12 étamines inégales autour du pistil.


La Salicaire commune est comestible: ses jeunes pousses et ses feuilles peuvent se consommer crues ou cuites, alors que ses fleurs peuvent servir à décorer les plats. Jadis, celles ci ont été utilisées comme colorant rouge dans la confection de confiseries.


En médecine populaire, on lui reconnait des qualités astringentes, antidiarrhéiques (elle est tannique); on prescrivait autrefois la décoction de ses sommités fleuries contre la colique des nourrissons, d'où son surnom d'«Herbe aux coliques». Ses fleurs et ses feuilles ont été consommées comme substitut au thé; c'est pourquoi en poitevin-saintongeais, on la connait surtout sous le nom de Thé des marais.


Lythrum salicaria, Salicaire commune, Poitiers bords de Clain

Calices persistants qui renferment les fruits de la Salicaire commune


La Sauvage évoque dans le Poitou la douceur des promenades au bord de l'eau; en Allemagne, on aime raconter qu'elle est le refuge des Kobolds, les lutins gardiens des mines d'or. Mais de l'autre côté de l'Atlantique, Lythrum salicaria (alias Purple Loosestrife en V.O.) est l'actrice principale d'un western bien moins sympathique...

Lythrum salicaria, Sauvages du Poitou


Importée sur le sol nord américain pour ses qualités ornementales et apicoles au milieu du 19ème siècle, La Salicaire commune bouleverse aujourd'hui l'équilibre des zones humides qu'elle conquiert (elle peut y atteindre une densité de 200 tiges à l'hectare!).


Aux États-Unis, on estime que sa propagation effrénée représente un coût de 45 millions de dollars par an pour le contribuable! Pour comparaison, c'est plus que le coût (38 millions d'euros par an) estimé pour la lutte et la réparation des dommages causés par l'ensemble des espèces invasives dans notre pays (Renouée du Japon, Moustique tigre, Écrevisse de Californie…); mais nous ne vivons pas sur les même échelles territoriales. Au delà des considérations pécuniaires, la Salicaire commune concurrence fortement les espèces locales, comme Lythrum alatum (la Salicaire ailée), jugée moins appétissante par les butineurs Yankee, et battue dans le petit jeu des hybridations et des brassages génétiques.


Lythrum salicaria, Salicaire commune, Coulombiers (86)

Salicaire commune, Coulombiers (86)


Le scénario est bien connu: après sa traversée forcée outre-Atlantique, la Salicaire commune s'est retrouvée loin de ses ennemis biologiques (essentiellement des Chrysomèles, des Charançons et diverses chenilles de papillons de nuit), restés sur le vieux continent. Malheureusement, la réaction naturelle d'un milieu face à l'arrivée d'une nouvelle espèce peut parfois se faire attendre. En attendant le retour à l'équilibre, les cartes sont forcément redistribuées pour les espèces autochtones. Pour l'heure, un programme d'introduction de quelques prédateurs naturels de la Salicaire commune sur le continent américain semble commencer à porter ses fruits...

- Combien t’a-t-il payé pour m’abattre?

- Pas loin de mille dollars...

- Tiens, en voilà deux mille pour toi.

- Deux mille dollars... La moitié en or! Plutôt intéressant. Mais... L’ennui, c’est que j’finis toujours l’travail pour l’quel on m’paie...

(Le bon, la brute et le truand, Sergio Leone)

Pour aller plus loin:

- Lythrum salicaira: identification assistée par ordinateur

- Lythrum salicaria sur Tela-botanica


Lythrum hyssopifolia, Salicaire à feuilles d'hyssope, Vouneuil-sur-Vienne (86)

Salicaire à feuilles d'hyssope (Lythrum hyssopifolia), une autre Salicaire annuelle et discrète (10 à 40 cm) qui colonise les sols et les fossés humides.

 

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