Mouron rouge, Biard (86)
Anagallis arvensis (devenue aujourd’hui Lysimachia arvensis, alias Mouron rouge) appartient aux Primulaceae (selon la classification classique), au même titre que les Primevères (voir Primula vulgaris) ou les Coucous, des plantes à la floraison précoce et printanière (de mai jusqu'à la fin de l'été). Anagallis arvensis aime les terres remuées et riches en nitrates. C'est une annuelle qui ressème spontanément ses nombreuses graines (emmagasinées dans ses capsules). Ses fleurs sont trop discrètes pour tout miser sur l'aide des butineurs; l'évolution l'a donc pourvu d’organes reproducteurs hermaphrodites et autogames (capables de s'autoféconder).
Anagallis arvensis a parfois été surnommée «baromètre des pauvres»: on peut s'attendre, lorsqu'elle referme ses petites fleurs rouges dans la matinée, à de la pluie avant la fin de la journée. Les riches lui préféreront sans doute un véritable baromètre!
Fleur du Mouron rouge: 5 sépales, 5 pétales, 5 étamines autour de 5 carpelles soudés entre eux... Un joli carré de 5!
Tu prends la pilule rouge, tu restes au Pays des Merveilles.
(The Matrix, Lana Wachowski)
Jadis, on pensait Anagallis arvensis susceptible de soulager les hypocondriaques, les personnes crispées et anxieuses à l'excès quant à leur état de santé, ainsi que les ceux qui souffrent de mélancolie. Son nom Anagallis lui vient d'ailleurs du grec Anagelaô, qui signifie «je ris» ou «je chante»... Peut-être imaginait-on que la plante euphorisait ceux qui la mangeait, hommes ou oiseaux! La Sauvage a aussi été employées dans les traitements contre l'épilepsie.
En vérité, Anagallis arvensis renferme une bonne quantité de saponines; elle est légèrement toxique pour l'homme et mortelle pour les lapins et certains rongeurs (attention à ne pas à glisser dans leur nourriture). Son usage est aujourd'hui abandonné et il convient de ne pas la confondre avec sa fausse cousine aux fleurs blanches, la reine des salades, le Mouron des oiseaux (Stellaria media). En l'absence de fleurs, les petits points bruns sous les feuilles d'Anagallis arvensis peuvent nous aider à identifier la drôle, impropre à la consommation.
Fruits (capsules) et feuilles tachées du Mouron rouge: opposées, sessiles, ovales ou lancéolées.
Pour aller plus loin:
- Anagallis arvensis sur Tela-botanica
- Anagallis foemina sur Tela-botanica
Le Mouron rouge, parfois bleu, ne sait décidément pas choisir... Alors va pour le rose!
Liseron des champs, David et Goliath? (Couhé, 86)
Convolvulus arvensis (Liseron des champs ou Veuriée en poitevin-saintongeais) appartient au clan Convolvulaceae, dont les membres sont principalement des plantes grimpantes, des rampantes ou des lianes. Convolvere en latin signifie «enrouler»; une discipline dans laquelle le Liseron est un champion!
Le Sauvageon s'enroule autour des végétaux alentours (ou tout autre support) pour s'élever vers la lumière. La tige du Liseron tournoie — cherchant quelque chose à agripper — à une vitesse ahurissante pour un végétal: à pleine croissance, le lasso décrit une rotation complète (dans le sens inverse des aiguilles d'une montre) en 1h 30!
Je voudrais te serrer encore et encore, jusqu’à ne plus savoir si je suis toi ou moi.
(Wild Child, Nick Moore)
Feuilles du Liseron des champs: alternes, entières, sagittées ou hastées.
Sa réputation d'étrangleuse de végétaux est peut-être la raison pour laquelle le Liseron des champs a rejoint les limaces dans le hit-parade des mal-aimés au jardin. Ça et le fait que les jardiniers qui lui déclarent la guerre se sentent vite démunis face à sa ténacité... le Liseron des champs est une vivace infatigable, capable de ressusciter à partir du moindre fragment de son rhizome profondément enfoui: le travail du sol à la bêche ou au motoculteur dissémine ses parties souterraines, la multipliant.
Coucou végétal, le Liseron des champs adore planter ses fleurs dans des nids qui ne lui appartiennent pas ! (ici sur Daucus carota)
L'homme a dépensé beaucoup d'énergie dans l'invention d'herbicides anti-liserons. Il faut dire que le Sauvageon en a sous la feuille: ses semences, protégées par une épaisse enveloppe, peuvent patienter dans le sol terrestre une cinquantaine d'années avant de germer. Exposées à des doses d'UV plusieurs millions de fois supérieures à celles qui permettent de stériliser l'eau, ses graines sont les seules à conserver leur aptitude a germer! (voir Garance voyageuse n°119). A tel point que la situation commence à se retourner, certaines personnes avisées envisagent d'utiliser le Liseron des champs pour dépolluer des sols contaminés par les métaux lourds et les hydrocarbures (phytoremédiation).
Fleurs du Liseron des champs: corolle composée d'une unique pièce en «entonnoir» (qui semble esquisser cinq pétales), 5 étamines soudées à la corolle entourent 2 carpelles soudés.
Car il se trouve que le Liseron des champs est loin d'être une malédiction. A commencer par ses fleurs mellifères qui savent attendrir même le plus fâché des jardiniers, et dont raffolent les syrphes, gros prédateurs du puceron.
Un Ptérophore commun (Emmelina monodactyla) se pose sur ma feuille à dessin... Ses chenilles boulotent divers Liserons (Convolvulus sp, Calystegia sp, Ipomoea sp), je connais des jardiniers qui ne s'en plaindront pas!
Grâce à ses racines, le Liseron des champs préserve certains types de champignons (les mycorhizes, indispensables à la vie des sols) des terres labourées puis laissées à nue pendant l'hiver. Ses partie souterraines traversent les sols compactés, engorgés d'azote et de fumure (au point d'en devenir indigestes), jusqu'à la couche rocheuse d'où elles remontent les bons oligo-éléments en surface (lorsqu'on l'arrache, on peut utiliser les parties aériennes séchées de la plante pour nourrir le sol). Les jardiniers qui ne ratent jamais une occasion de dire du mal de la Hors-la-loi racontent d'ailleurs que sa racine descend jusqu'aux enfers!
Liseron des champs, Poitiers quartier Bellejouanne
Convolvulus arvensis est impropre à la consommation, car fortement laxative; les parties aériennes, en infusion, peuvent d'ailleurs être utilisées comme purgatif (pour activer un transit intestinal bloqué)... Comme quoi, le Liseron a l’art de décoincer les situations stagnantes et pathogènes, pour le sol comme pour l’homme !
Je crois que tu es constipé dans ton cerveau à la con... Ouais. À mon avis t’as un méchant caca bien épais qui t’obstrue l’âme, qui fait bouchon dans ta tête.
(Une arnaque presque parfaite, Rian Johnson)
Fleurs blanches et immaculées du Liseron des haies (Convolvulus sepium), un autre Liseron, qui préfère les sols frais et humides. On le distingue du Liseron des champs de par sa grande taille, et de par les deux bractées lancéolées qui recouvrent le calice à la base des fleurs (absentes chez le Liseron des champs).
Carte postale de vacances avec le Liseron des dunes (Convolvulus soldanella), une belle Sauvage aux feuilles réniformes et charnues, locataire des sables maritimes de la Manche, de l'Océan et de la Méditerranée.
Pour aller plus loin:
- Convolvulus arvensis sur Tela-botanica
- Convolvulus arvensis: identification assistée par ordinateur
- Convolvulus sepium sur Tela-botanica
- Convolvulus sepium: identification assistée par ordinateur
- Convolvulus soldanella sur Tela-botanica
Pour se débarrasser définitivement du Liseron au jardin, priver la Sauvage de lumière en recouvrant chaque pousse avec un cul de canette...
Renoncule rampante, Poitiers bords de Boivre
Ranunculus repens (Renoncule rampante ou Pied-coulin en poitevin saintongeais) appartient à la famille Ranunculaceae, qui regroupe environ 1500 espèces, le plus souvent toxiques pour l'homme. Pour différencier les membres de ce vaste groupe, il faut regarder au delà de la simple fleur jaune, le «bouton d'or» familier...
Fleur de la Renoncule rampante: 5 pétales et 30 à 50 étamines libres bien habités! (Byturus sp.)
Les signes distinctifs qui nous permettent de reconnaître Ranunculus repens sont ses feuilles composées en trois lobes, dont le principal semblant avoir un mini pétiole (un pétiolule); et surtout, ses longs stolons (tiges rampantes) qui lui permette de se dupliquer et de s'étendre sur de grands territoires, comme le ferait un fraisier.
Feuilles de Renoncule rampante: découpées en 3 segments eux mêmes trilobés, incisés et dentés.
- Apprend à marcher avant de ramper.
- Ouais, ou l’inverse.(Ocean's Eleven, Steven Soderbergh)
Les habitations naturelles de Ranunculus repens
sont les bords de rivière, les marécages, les vallées alluviales... En d'autres lieux, ses
colonies importantes indiquent souvent un sol engorgé en eau, tassé par temps humide ou mal drainé. Le penchant pour l'humidité des Ranunculus s'affiche d'ailleurs dans leur nom, qui trouverait ses origines dans les mots latin rena, «grenouille» et colere «habiter»; les grenouillent y trouveront certainement un abri agréable.
Ranunculus repens adapte sa prestance au paysage environnant: courte dans les zones souvent fauchées, haute (jusqu’à 50cm) dans les milieux sauvages. Elle fleurit de mai jusqu'à la fin de l'été, mais mise avant tout sur la multiplication végétative, via ses stolons labyrinthiques. Ses racines assurent sa survie d'une année à l'autre (c'est une vivace): les parties souterraines peuvent endurer sans sourciller des températures basses (jusqu'à -40 degrés!), et de longues périodes en complète immersion (berges inondées en hiver).
En plus de cette formidable résistance, Ranunculus repens possède la faculté d’inhiber la croissance des plantes voisines, et plus particulièrement de celles de la famille Fabaceae (les Légumineuses, comme les trèfles, luzernes, vesces...). Elle n'a généralement pas bonne presse dans les pâturages, où elle peut proliférer (le piétinement favorise l'enracinement de ses stolons) au dépend de plantes appréciées par le bétail qui, par instinct ou par goût, ne la mange pas.
La Renoncule rampante ne convient pas au bétail, mais elle nourrit les larves de certaines petites mouches dites «mineuses», dont on aperçoit ici les galeries blanches (probablement Phytomyza ranunculi, alias la «Mineuse du bouton d'or»).
Ranunculus repens est toxique lorsqu'elle est fraîche, mais perd de sa dangerosité une fois coupée et séchée. Elle peut être incorporée, après fauchage, dans les foins donnés aux animaux de ferme. Elle fut parfois consommée cuite par l'homme lors de périodes de famines... On lui reconnaît des qualités analgésiques (diminution de la sensation de la douleur), mais sa toxicité réserve définitivement son usage au corps médical. Toutes les Ranunculus sont d'ailleurs inscrites à la liste B de la pharmacopée française qui recense les plantes médicinales dont les effets indésirables potentiels sont supérieurs au bénéfice thérapeutique attendu!
Renoncule rampante, à son aise les pieds dans l'eau.
La Renoncule rampante est l’un des célèbres «boutons d’or» de nos prairies, mais elle est loin d’être la seule. De nombreuses Renonculacées peuvent revendiquer ce titre ambigu, sur lequel il ne vaut mieux pas compter si on ne veut pas s’emmêler les pinceaux! En guise d'exemple, on peut aussi croiser d'autres espèces assez communes en Poitou:
Renoncule bulbeuse, Poitiers bords de Boivre
La Renoncule bulbeuse (Ranunculus bulbosus) est une vivace à souche bulbeuse, au port dressé et ramifié et aux feuilles profondément découpées. La foliole médiane est pétiolulée (comme chez la Renoncule rampante). Sous le «bouton d'or», les sépales sont retournés vers le bas. La Renoncule bulbeuse colonise les prairies bien drainées et les pelouses calcaires.
La Renoncule âcre (Ranunculus acris) est une vivace au port dressé et ramifié, aux feuilles palmatifides, mais sans pétiolule. Elle illumine les prairies fraiches, les lisières et les fossés au printemps.
La Renoncule à tête d’or (Ranunculus auricomus) est une vivace qui pousse dans les bois frais au printemps. Ses feuilles caulinaires sont sessiles, découpées en 3 à 7 lanières très étroites. Il n’est pas rare que ses fleurs soient asymétriques ou atrophiées: c’est une artiste, un «Picasso» chez les boutons d’or!
Pour aller plus loin:
- Norb de Sauvages du Poitou évoque les «Boutons d'or» au micro de France Bleu Poitou
- Ranunculus repens sur Tela-botanica
- Ranunculus repens: identification assistée par ordinateur
- Ranunculus bulbosus sur Tela-botanica
- Ranunculus bulbosus: identification assistée par ordinateur
- Ranunculus acris sur Tela-botanica
- Ranunculus acris: identification assistée par ordinateur
- Ranunculis auricomus sur Tela-botanica
- Ranunculis auricomus: identification assistée par ordinateur
Fruits de la Renoncule rampante (40 à 80 akènes), Saint Benoît (86)