Grande Berce, Biard (86)
Heracleum sphondylium (Grande Berce ou Paquenaude en poitevin-saintongeais) appartient aux Apiaceae, le clan des Ombellifères, les plantes à ombelles. Elle doit son nom au légendaire Hercule, avec qui elle partage une carrure de rugbyman! Difficile de passer à côté de cette Sauvage sans la remarquer, tant elle dépasse toutes les autres de plusieurs têtes (jusqu'à 2 mètres de hauteur à maturité)!
Grande Berce: des feuilles alternes, composées imparipennées aux découpes très variables, qui valent parfois à la géante le surnom de « Patte d’ours ».
Elle reste moins impressionnante que sa terrible cousine Heracleum mantegazzianum (Berce du Caucase) qui peut faire le double de sa taille (des taches pourpres bien définies le long de la tige et des ombelles à plus de 40 rayons nous permettront d'identifier la funeste et brûlante caucasienne). Heracleum sphondylium est moins dangereuse, même s’il subsiste un risque d'irritation pour les personnes sensibles en cas de contact avec sa sève, combiné avec une exposition au soleil. En cas de cueillette, manches longues, pantalon et gants sont de rigueur.
Boutons floraux de la Grande Berce qui peuvent se consommer comme des brocolis.
Pourtant, les jeunes pousses et les jeunes feuilles de Heracleum sphondylium sont comestibles cuites à la vapeur, en soupe ou en potage. Elles sont riches en vitamine C, en glucides et en protéines. En Europe orientale, la sauvage était un des ingrédients (le plus souvent remplacé aujourd'hui par le céleri en branche ou la betterave rouge) du potage traditionnel, le Borchtch, peut-être à l’origine du nom vernaculaire «Berce»; alors que les pétioles des feuilles et les très jeunes tiges creuses épluchées et coupées en rondelles font d'excellents bonbons au goût d'agrume.
Ce sont les fameux doubitchous de Sofia (...). Oui, oui, oui, c'est fait à la main, c'est roulé à la main sous les aisselles.
(Le Père Noël est une ordure, Jean-Marie Poiré)
Ombelle de la Grande Berce, Biard (86)
Avant de se lancer dans la confection du Borchtch sauvage, on prendra le temps de se souvenir des dangers que courent les cueilleurs d'ombellifères (voir article Anthriscus sylvestris), un sport extrême qui ne tolère aucune approximation: outre sa cousine géante dont on a déjà parlé (Berce du Caucase) qui peut provoquer des brûlures graves, Heracleum sphondylium peut être confondue avec d'autres membres mortels de sa famille, dont les membres ont une fâcheuse tendance à se ressembler.
Ombelles d'ombellules dressées de la Grande Berce, Poitiers bords de Boivre
Heracleum sphondylium est une vivace (parfois bisanuelle) qui affectionne les sols riches et humides. Ses ombelles apparaissent entre juin et septembre et attirent foule d'insectes, qu'on prendra plaisir à observer sans avoir à se pencher! Ses tiges raides subsistent en hiver, tels des squelettes, longtemps après le dessèchement des parties aériennes de la plante.
Fruits (diakènes) de la Grance Berce, Poitiers bords de Boivre
Je sens que vous êtes insatisfait sexuellement, je pourrais vous soulager...?
(Yes man, Peyton Reed)
La tisane des parties aériennes d'Heracleum sphondylium est réputée digestive et hypotensive (ses racines sont inscrites à la liste B de la pharmacopée française qui recense les plantes médicinales dont les effets indésirables potentiels sont supérieurs au bénéfice thérapeutique attendu). Autrefois, l'usage populaire du breuvage était connu pour ses vertus... Aphrodisiaques! Heracleum sphondylium aurait-elle le pouvoir de transmettre à celui qui la consomme sa vigueur et sa libido herculéenne? Les effets ne s'avèrent bien sûr guère probants, mais reste son goût agréable évoquant un peu la mandarine.
Pour aller plus loin:
- Heracleum sphondylium sur Tela-botanica
- Identification assistée par ordinateur
Verveine officinale, Poitiers Porteau
Verbena officinalis (Verveine officinale ou Varvoine en poitevin-saintongeais) fait office de chef de clan chez les Verbenaceae. Elle est la vraie verveine, la verveine sauvage! Évidemment, il n'existe pas de «fausse» verveine, mais nos sachets d'infusions sont généralement confectionnés avec une toute autre plante: la Verveine citronnée (Aloysia citrodora), un arbrisseau aromatique importé des terres péruviennes et chiliennes, qui n'existe pas à l'état sauvage de notre côté du globe.
Verbena officinalis est le plus souvent considérée comme une simple «mauvaise herbe», même si les jardiniers font rarement preuve d'hostilité à la vue de sa silhouette fragile. Elle n'est bien sûr pas dénuée d'intérêt (voir plus bas), mais son goût amer et âpre n'en fait certainement pas un premier choix pour la tisane.
Fleurs sessiles (en épis) de la Verveine officinale, Poitiers bords de Boivre
Verveine : herbe sacrée dont on se servait (...) pour chasser des maisons les malins esprits (...). Les démonographes croient qu'il faut être couronné de verveine pour évoquer les démons.
(Dictionnaire infernal de Jacques Collin de Plancy, 1818)
Feuilles dentées ou pennatifides de la Verveine officinale, Poitiers bords de Boivre
Ou plutôt, elle enflammait les imaginations... Car aujourd'hui, sur son bord de route, Verbena officinalis semble bien insignifiante.
On est les enfants oubliés de l’histoire mes amis.
(Fight Club, David Fincher)
La belle est une petite vivace (15 à 40cm); à moins de profiter d'un abri hivernal (une serre par exemple), elle se comporte souvent comme une annuelle, tout en se resemant efficacement chaque année. Elle affectionne les décombres, les prairies piétinées et les bords des chemins baignés de soleil... Ses petites fleurs inodores, violettes ou bleuâtres, rangées en épis, se montrent à la belle saison (entre juin et octobre).
Verveine officinale, Poitiers bords de Boivre
L’utilisation à des fins thérapeutiques de Verbena officinalis reste d'actualité, même si sa célébrité n'arrive pas à la tige de l'autre verveine, la citronnée. L'infusion des sommités fleuries de Verbena officinalis est réputée digestive, anti-inflammatoire à la manière de l'aspirine... Elle aurait aussi une action positive sur le système nerveux (anxiété ou vertiges). Mais il y a des contre-indications: sa consommation est déconseillée aux femmes enceintes (ou qui allaitent), ainsi qu'au personne ayant des problèmes ou des traitements liés à la tension et au sang (insuffisance hépatique ou sous anticoagulants).
Bref, les précautions usuelles sont nécessaires: mieux vaut prendre conseil auprès d'un spécialiste avant se lancer dans une cure. Mais pour ce qui est d'invoquer Venus l'amoureuse, un brin de verveine à la main, pas besoin d'expert, il suffit de lever les yeux au ciel et de se jeter à l'eau!
Ton pouvoir m’a ensorcelé! Il me laisse sans défense! Allez viens je t’emmène ce soir, laisse moi te vénérer comme une déesse! Viens dans mes bras!
(Willow, Ron Howard)
Pour aller plus loin:
- Verbena officinalis sur tela-botanica
- La grande histoire de la Verveine sur le blog Books of Dante
Sus aux fleurs du Romarin officinal! (abeille solitaire, Anthophora sp.)
Rosmarinus officinalis (Romarin officinal ou Roumarin en poitevin saintongeais) est un arbrisseau appartenant au clan Lamiaceae, dont les membres montrent des fleurs en forme de gueule d'ogresse. Sa présence dans les pages du blog est particulière, car le Romarin n'est pas à proprement parler un «Sauvageon du Poitou», mais plutôt un vagabond des maquis méditerranéens. On peut au moins reconnaitre qu'il s'acclimate bien aux jardins et aux balcons du Poitou, comme du reste de la France, où nous sommes nombreux à le cultiver (pour peu qu'on lui trouve un coin de terre à l'abri des excès d'eau).
Le Romarin officinal à l'état spontané s'observe parfois à Poitiers, les long des falaises (au microclimat méditerranéen) sous Notre Dame des Dunes!
Rosmarinus est littéralement la rosée (ros en latin) marine (marinus en latin). Dans certaines légendes, cette «Rosée marine» n'est autre qu'une princesse qui pleure son galant noyé dans la mer et se transforme finalement en un arbuste dont les feuilles ont la forme et le goût amer de ses larmes... La saveur piquante du Romarin n'a pourtant rien de triste côté cuisine, où ses fleurs, ses feuilles et ses branches sont utilisées, fraiches ou séchées, pour relever les plats et les desserts.
Tronc du Romarin officinal, Poitiers quartier Chilvert
Le Romarin affectionne les rocailles, les sols calcaire ensoleillés et bien drainés. Son feuillage (sessile, linéaire à filiforme) coriace et persistant dégage un parfum camphré (l'odeur repousserait les mites, la mouche de la carotte et la piéride du chou).
Là où il y a Romarin officinal, la Chrysomèle américaine et ses reflets métalliques ne sont jamais bien loin (ce petit coléoptère se nourrit de ses feuilles)!
Par ses racines, l'arbuste semble avoir un effet inhibiteur sur les plantes annuelles: force est de constater qu'au pied d'un tronc de Romarin, la flore adventice est généralement assez pauvre.
Ses fleurs sont en revanche un hymne à la vie, car très mellifères. Le miel de Romarin - plus connu sous l’appellation de «miel de Narbonne» - est réputé pour son parfum et sa finesse. Une aubaine, car en Poitou, l'arbrisseau affichera ses fleurs avant l'arrivée du printemps: il est une manne pour les butineurs au sortir de l'hiver.
Fleur du Romarin officinal: la lèvre supérieure de la corolle forme un casque fendu. La lèvre inférieure possède trois lobes, le central plus large et concave: c'est la «piste d'atterrissage» pour les butineurs.
Son histoire la plus célèbre nous emporte en Europe centrale à la fin du 14ème siècle: Élisabeth, la reine pieuse de Hongrie alors âgée de 72 printemps, souffre de rhumatismes, à moins que ce ne soit de la terrible goutte. Pour la soulager, un ange (dans d'autres récit, c'est un moine) lui propose un élixir à base de plantes, dont le Romarin est l'ingrédient principal. La potion sacrée soigne la sainte reine, tout en lui redonnant jeunesse et beauté!
Le mythe de l'«Eau de Hongrie» fait le tour du vieux continent. En France, l’élixir devient un parfum prisé, de la cour du roi Charles V jusqu'à celle de Louis XIV, où la Marquise de Sévigné en fait promotion. Un onguent réputé pour ses vertus thérapeutiques, mais surtout pour ses pouvoirs esthétiques et revitalisants. Le Romarin entre dans la Légende, jusque dans les contes de Charles Perrault où l'Eau de Hongrie tente (sans succès) de réveiller la Belle au Bois Dormant:
«Elle n'eut pas plus tôt pris le fuseau, que comme elle était fort vive, un peu étourdie, et que d'ailleurs l'arrêt des fées l'ordonnait ainsi, elle s'en perça la main, et tomba évanouie. La bonne vieille, bien embarrassée, crie au secours: on vient de tous côtés, on jette de l'eau au visage de la princesse, on la délace, on lui frappe dans les mains, on lui frotte les tempes avec de l'eau de la reine de Hongrie; mais rien ne la faisait revenir.»
Le Xylocope violet (Xylocopa violacea) en quête de la jeunesse éternelle sur le Romarin officinal.
Le Romarin ne se cantonne pas seulement aux rayon des contes et légendes. Si «Eau de Hongrie» est de nos jours devenu le nom d'un parfum commercial (!), l'arbrisseau conserve une place de choix sur les étals des herboristeries.
Sa valeur cosmétique (anti-oxydant et donc anti vieillissement) est souvent mise en avant en usage externe comme en usage interne. Le Romarin est également considéré comme un stimulant cérébral: on raconte que pendant la Grèce antique, les intellectuels s'en tressaient des couronnes pour aiguiser leur réflexion et leur mémoire. La plante aurait aussi son utilité dans la prévention et l'accompagnement des douleurs rhumatismales, de la goutte, des troubles gastro-intestinaux et permettrait de lutter contre les états de fatigue en général... La liste n'est pas exhaustive, la palette thérapeutique du Romarin est aussi variée que sophistiquée dans ses modes d'administration (avec toutes les précautions d'usage habituelles): infusion légère, teinture alcoolique, huiles essentielles, etc. L'arbrisseau est décidément très plébiscité, par les hommes comme par les butineurs!
Si son parfum n’est plus dans l’air, à quoi bon encore respirer?
(Fanfan la Tulipe, Christian-Jaque)
Pour aller plus loin:
- Rosmarinus officinalis sur Tela-botanica
- Étude chimique pour une utilisation médicinale de la plante sur Phytomania
- Identification des Chrysomèles sur le site Les insectes