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Hair'borisation parmi les Géraniums
Date 17/02/2020
Ico Villes, chemins & terrains vagues
Geranium robertianum, Herbe-à-Robert, Poitiers bords de Boivre
Herbe-à-Robert en plein Hellfest: cheveux au vent et cornes diaboliques!

Nous avions déjà croisé lors d'un article précédent le Géranium herbe-à-Robert (Geranium robertianum). La sulfureuse Herbe-à-Robert appartient au clan des Geraniaceae. Géranium dérive du grec geranos, la grue, les fruits des Géraniacées présentant généralement des pointes qui évoquent le bec d’un oiseau. A maturité, leurs styles s’enroulent brusquement sous l’effet de la chaleur, catapultant les semences alentour (autochorie).

Geranium dissectum, Géranium découpé, Vouneuil-sous-Biard (86)
Fruits (becs!) du Géranium découpé, Vouneuil-sous-Biard (86)

Géraniacées, Sauvages du Poitou!

Quant aux célèbres fleurs ornementales de nos balcons, injustement nommées «géraniums», elles sont en réalité des Pélargoniums, également membres de cette famille mais originaires d’Afrique du sud, aux fleurs irrégulières. Ils tirent leur nom du grec pelargos, la cigogne… De la botanique à l’ornithologie, il n’y a qu’un tout petit saut de mésange!

Pelargonium sp, Rochechouart (87)
Fleurs irrégulières d'un Pélargonium horticole

Les oiseaux volent haut dans le ciel mais il faut bien qu’ils redescendent parfois.
(True blood, Alan Ball)

La dentelle des feuilles palmatiséquées, pétiolulées, au contour triangulaire de l'Herbe-à-Robert est reconnaissable au premier coup d’œil (attention, Il existe une espèce proche moins commune, le Géranium pourpre, Geranium purpureum, dont la répartition se concentre au sud d'une diagonale allant de Normandie jusqu’en Savoie). Mais on croise bien d'autres géraniums autour des villes, moins évidents à distinguer les uns des autres. On prêtera attention à leurs feuilles, à leurs fleurs, à leurs fruits et surtout à leurs plumes, c'est à dire à la pilosité de ces drôles d'oiseaux. En avant pour un défilé de chignons; et comme de coutume dans le milieu du cheveu, en avant pour une série de jeux de mots capillaires dignes des enseignes de nos salons de coiffure préférés!

Hair'borisons avec Sauvages du Poitou!

Geranium molle, Géranium mou, Poitiers porte de Paris
Géranium mou: le Hair'Hissé

Entamons cette promenade non exhaustive au pays des Géraniums avec le Géranium mou (Geranium molle), une annuelle qui aime la chaleur et colonise les cultures, les bords des routes et les terrains vagues (sols gavés en azote par les amendements ou les pollutions citadines). Plus que le Sauvageon, c'est son coiffeur qui connait un sérieux coup de mou: ses poils sont denses, relachés, de tailles inégales. Ses petites fleurs affichent cinq pétales échancrés. Ses feuilles douces à silhouette ronde sont souvent alternes, palmatifides, en cinq à sept lobes, chaque lobe étant lui même divisé en trois à son extrémité.


Geranium rotundifolium, Géranium à feuilles rondes, Poitiers sous Blossac

Géranium à feuilles rondes: le Milit'Hair


Le Géranium à feuilles rondes (Geranium rotundifolium) est une annuelle, qui fréquente les mêmes lieux que le Géranium mou. Les feuilles de Geranium rotundifolium présentent aussi des feuilles «rondes» palmatifides, mais opposées. Ses pétales ne sont pas (ou très peu) échancrés, avec un bord presque droit. Son coiffeur a un excellent coup de ciseaux: ses poils sont courts, dressés à la perpendiculaire et assez réguliers (parfois surmontés de minuscules glandes rougeâtres): une jolie brosse!


Geranium pyrenaicum, Géranium des Pyrénées, Angles-sur-l'Anglin (86)

Géranium des Pyrénées: le Fi'Hair


Le Géranium des Pyrénées (Geranium pyrenaicum) est une vivace qui, comme son nom ne l'indique pas et contrairement aux ours, fréquente les décombres, les bords des chemins et les sols enrichis en azote. Ses feuilles opposées ont une silhouette rondes à la base et sont de plus en plus petites en haut des tiges. On peut le confondre avec le Géranium Mou; il s'en distingue par ses fleurs souvent plus grandes (jusqu'à 2cm de diamètre) aux pétales nettement échancrés, deux fois plus longs que les sépales (ces derniers ont tendance à se recourber vers le bas). La pilosité de ses pétioles regroupe des poils minuscules, glanduleux (loupe!) et quelques rares long poils, épars: c'est un coiffé décoiffé.


Geranium molle, Geranium rotundifolium et  Geranium pyrenaicum, Poitiers quartier Chilvert

De gauche à droite, trois coupes de cheveux caractéristiques:

Géranium mou, Géranium à feuilles rondes et Géranium des Pyrénées.


Geranium lucidumn Géranium luisant, Angles-sur-l'Anglin (86)

Géranium luisant: l'Imb'Hair'Be


Le Géranium luisant (Geranium lucidum) est une annuelle qui affectionne les vieux murs; il est plus rare dans le nord est du pays. Lui aussi dresse des feuilles «rondes» palmatifides, mais leur aspect est nettement luisant et charnu. Elles peuvent rougir avec l'âge. Les pétales de ses petites fleurs ne sont pas échancrés, leur bord est arrondi. Ses tiges et ses feuilles sont presque lisses et glabres, parfois rougeâtres. C'est le chauve de la bande!


Geranium dissectum, Géranium découpé, Poitiers bords de Clain

Géranium découpé: Cut Kill'Hair


Avec le Géranium découpé (Geranium dissectum), une annuelle nitrophile, la silhouette des feuilles change de registre: elles sont très découpées (quasiment jusqu'au pétiole), en des lobes linéaires. Cet as du ciseau porte bien son nom! Ses petites fleurs font au plus 5mm et sont brièvement pédonculées. Sur ses pétioles et sur ses feuilles, les poils sont hérissés (parfois glanduleux).


Geranium columbinum, Géranium colombin, Biard (86)

Géranium colombin: Sup'Hair Man


Le Géranium colombin (Geranium columbinum) est une annuelle (parfois bisanuelle) qui dresse également des feuilles très découpées, en des lobes linéaires, mais d'une couleur nettement plus glauque que le Géranum découpé. De plus, ses fleurs sont plus grosses, jusqu'à 10mm, longuement pédonculées. Là aussi, l'observation de sa pilosité peut nous aider: ses poils sont très appliqués sur les pétioles et sur ses feuilles (non glanduleux). Comme superman, c'est un adepte de la gomina!


Ici s'arrête cette série de portraits capillaires. La clientèle des salons de coiffure français mériterait un book bien plus fourni : on recense dans notre pays 27 espèces de Géraniums, le plus souvent nitrophiles (amateurs d'azote). Mais avant que de manquer de pellicule, laissons place à l'objectif de notre lépidoptériste maison, Olivier Pouvreau, qui faute de poux conserve toujours quelques bestioles colorées dans sa forêt de tifs.


Geranium sanguineum, Géranium sanguin, Poitiers Rochers du Porteau Geranium nodosum, Géranium noueux, Lyon (69)

Géranium sanguin (Geranium sanguineum) à gauche;

Géranium noueux (Geranium nodosum) à droite...


Geranium phaeum, Géranium brun, Salilhès (15) Geranium sylvaticum, Géranium des bois, Salilhès (15)

...Géranium brun (Geranium phaeum) à gauche;

Géranium des bois (Geranium sylvaticum) à droite, à suivre!



Le petit monde des Géraniacées


Sur les cheveux de certaines espèces de Géraniums (robertianum, molle, rontudifolium et dissectum) vivent de minuscules chenilles dont l’aspect rappelle celui des cloportes. Elles appartiennent à une petite espèce de Lépidopt'«hair» diurne appelée Collier de corail (Aricia agestis). Pourquoi ce nom? C’est que ce dernier, qu’il soit mâle ou femelle, apparaît décoré d’un superbe collier orange bordant ses ailes.


Aricia agestis, Collier de corail (crédit photo Olivier Pouvreau)

Collier de corail: le mariage de l’entomologie et de la joaillerie.


Cela dit, ce bijou est aussi un piège pour l’observateur car d’autres papillons de la même famille (celle des Lycénidés) exhibent la même breloque (la femelle de l’Azuré commun, Polyommatus icarus par exemple). Conseil de Sauvages du Poitou: méfiez-vous de ces espèces lors de vos identifications sur le terrain!


Aricia agestis, Collier de corail (crédit photo Olivier Pouvreau) Polyommatus icarus, Azuré commun (crédit photo Olivier Pouvreau)

Collier de corail à gauche et Azuré commun femelle à droite: le jeu des différences.


Si le Collier de corail a choisi quelques espèces de géraniums comme plantes nourricières pour ses chenilles, nous ne pouvons pas passer sous silence un autre papillon amateur de Géraniacées: le Brun des pélargoniums (Cacyreus marshalli) dont le nom indique sans équivoque la plante-hôte larvaire.


Cacyreus marshalli, Brun des pélargoniums (crédit photo Olivier Pouvreau)

Brun des pélargoniums: commun en ville non loin des parterres fleuris, des jardinières...


S’il est aujourd’hui bien établi dans le Poitou, son arrivée date de la fin des années 1990 en France, venu d’Afrique du sud par bateaux transportant des pieds de sa plante favorite. Alors, le petit brun, nous direz-vous, est-il une nouvelle espèce invasive? En réalité, si la législation française le considère comme «nuisible», il n’est franchement pas dommageable pour vos jardinières. Et puis avec son dessous marbré et sa petite queue aux ailes postérieures, il ne manque pas d'«Hair»!


Cacyreus marshalli, Brun des pélargoniums (crédit photo Olivier Pouvreau)

Œufs de Brun des pélargoniums sur bouton floral de Pélargonium


Cacyreus marshalli, Brun des pélargoniums (crédit photo Olivier Pouvreau)

Des crottes sur des feuilles de Pélargonium? Le petit brun a encore frappé! Avez-vous trouvé la chenille sur la photo?


Pour aller plus loin:

- Geranium molle : identification assistée par ordinateur

- Geranium rotundifolium : identification assistée par ordinateur

- Geranium pyrenaicum sur Tela-botanica

- Geranium lucidum : identification assistée par ordinateur

- Geranium dissectum : identification assistée par ordinateur

- Geranium columbinum sur Tela-botanica

 

Grande Consoude: la traumatologue
Date 15/11/2019
Ico Zone humide

Symphytum officinale, Grande Consoude, Poitiers bords de Clain

Colonie de Grande Consoude, Poitiers bords de Clain


Symphytum officinale (Grande Consoude) appartient à la famille Boraginaceae, aux côtés de la Bourrache officinale (Borrago officinalis), de la Vipérine commune (Echium vulgare) ou des Myosotis. Les membres de ce clan présentent souvent des inflorescences caractéristiques en «queue de scorpion» (cyme scorpioïde) et sont souvent couverts de poils raides: les Boraginacées doivent leur nom au latin burra, la «burre», une étoffe en laine rêche et grossière qui habillait autrefois les moines. Ainsi, les feuilles et les tiges anguleuses de la Grande Consoude sont vêtues d'une moumoute de poils hérissés non piquants.


Symphytum officinale, Grande Consoude, Poitiers bords de Clain

Inflorescence en «queue de scorpion» de la Grande Consoude: des fleurs à 5 sépales et 5 pétales soudés en un tube.


La Grande Consoude est une vivace imposante (jusqu'à 120 centimètres de hauteur) qui s'installe de préférence dans les prés ou les boisements humides, à proximité de l'eau (rivières, étangs, marais...). Ses fleurs affichent des couleurs variées suivant les colonies (blanches, jaunes, roses, purpurines...). De plus, comme souvent chez les Boraginacées (voir notre article sur les Myosotis), la coloration des fleurs peut varier en fonction de leur maturité, indiquant aux insectes quelle corolle il convient de visiter en priorité.

Yo-ho, quel bonheur d’être un voleur! On vide les coffres et les pichets!

(Peter Pan, Walt Disney)

Les fleurs de la Grande Consoude présentent une caractéristique peu banale: les organes sexuels (pistil et étamines) bénéficient d'une double protection, celle du tube formé par les pétales, mais aussi celle de cinq écailles qui les recouvrent à l'intérieur de la corolle. Autant dire que cette forteresse met à mal certains butineurs invités par les couleurs et le parfum de la Sauvage (imperceptible pour l'homme). Les insectes munis d'une longue trompe tirent leur épingle du jeu, mais ce sont le plus souvent les bourdons qui profitent du trésor mellifère: ceux-ci peuvent forcer le passage, ou mieux, percer directement la base de la corolle grâce à leurs mandibules pour atteindre le précieux nectar.


Symphytum officinale, Grande Consoude, Poitiers bords de Boivre

A l'intérieur du coffre-fort des fleurs de la Grande Consoude, 5 écailles forment un cône protecteur autour des organes sexuels.


Sauvages du Poitou: au voleur!


Une fois la corolle fracturée depuis l’extérieur par les bourdons, d'autres insectes profitent de l'ouverture. C'est là un véritable braquage végétal, puisque la Grande Consoude est délestée de son butin sans que les insectes ne viennent se frotter à ses organes sexuels. La Grande Consoude n'est donc pas une bonne reproductrice sexuée, la faute au blindage interne de ses fleurs! Heureusement, elle compense par une capacité de reproduction végétative très efficace qui lui permet de coloniser rapidement les espaces propices (sol profond, riche et humide). Championne du bouturage, elle peut aisément repartir depuis le moindre fragment de racine.


Bourdon et Consoude (Symphytum x uplandicum), Poitiers quartier Chilvert

Bourdon fracturant une corolle de Consoude par l’extérieur: au voleur!


De par sa biomasse imposante et sa vigueur, la Grande Consoude a été considérée comme une fourragère généreuse, apte à nourrir veau, vache, cochon, couvée... Autrefois, l'homme consommait parfois ses racines (pelées et cuites à l'eau) et surtout ses feuilles au goût légèrement iodé qui peuvent faire office de «filet de poisson végétal» (pané, testé et approuvé). Aujourd'hui, on considère qu'une consommation exagérée ou régulière de la Sauvage serait dangereuse pour l'homme, à cause de la présence d’alcaloïdes hépatotoxiques, particulièrement dans ses racines. La Grande Consoude rejoint donc la liste des aliments sympathiques-mais-dont-il-ne-faut-pas-abuser (quelque part entre les chips Springles et les fraises Tagada?).


Symphytum officinale, Grande Consoude, Poitiers bords de Boivre
Feuilles entières, lancéolées et rêches de la Grande Consoude: un filet de sole végétal qu'il ne faut pas confondre avec les feuilles douces et très toxiques des Digitales (Digitalis spp)!

Pour ces même raisons, l'usage médical de la Grande Consoude ne retient aujourd'hui que les applications externes, abandonnant les usages internes. La réputation cicatrisante, analgésiante et anti-inflammatoire de la Sauvage à traversé les siècles depuis l'Antiquité: elle était utilisée pour soigner les fractures, les entorses, les élongations, etc. La Consoude tire son nom du latin consolida: elle est celle qui consolide et répare les os brisés. Son nom scientifique, Symphytum, dérive du grec symphyô qui signifie «réunir», «souder».

La Consoude sur Sauvages du Poitou!

La Grande Consoude doit peut-être sa réputation à la présence d’allantoïne qui favorise et accélère la prolifération des cellules. Ce sont le plus souvent les racines qui étaient utilisées, en cataplasme après décoction; aujourd'hui, on la trouve commercialisée sous forme de baume ou de pommade pour soigner toute sorte de bobos, qu'ils soient bénins, grands, de Paris ou d'ailleurs.

Symphytum officinale, Grande Consoude, Poitiers bords de Boivre
Grande Consoude: des feuilles sessiles longuement décurrentes sur une tige anguleuse.

S'il est un endroit où les vertus de la Grande Consoude font l'unanimité, c'est encore au jardin. En plus que de proposer une floraison mellifère, spectaculaire chez certains cultivars ou espèces horticoles, la Sauvage permet de confectionner un purin magique pour le potager qui ferait passer la potion de Panoramix pour une simple tisane.

Les racines de la Grande Consoude s'enfoncent jusqu'à deux mètres de profondeur dans le sol, puisant des éléments minéraux inaccessibles à la plupart des herbacés. Emmagasinés dans son imposante biomasse, ces éléments peuvent être restitués en surface lors de la décomposition des feuilles. Ainsi, le purin de Consoude est un complément au célèbre purin d'Ortie, le premier apportant de la potasse et des éléments minéraux, le second de l'azote (à utiliser en alternance, dilués au 1/10 dans l'eau). L'un comme l'autre sont d'excellents engrais verts ou accélérateurs de compost.

Symphytum officinale, Grande Consoude, Poitiers bords de Boivre
Fruits lisses et brillants (tetrakènes) de la Grande Consoude.


Si la Grande Ortie manque rarement dans les jardins particuliers, la présence de la Grande Consoude est plus anecdotique. Il convient donc de l'importer si on veut la garder à portée de ciseaux. Il suffit pour l'inviter de prélever un morceau de tige et un bout de racine, puis de la replanter sur un sol profond. Mais en terrain propice, la belle peut se montrer envahissante et difficile à déloger une fois en place. C'est pourquoi on préfère généralement à la Grande Consoude des spécimens sélectionnés pour leur générosité, leur robustesse et leur stérilité (ils ne se ressèment pas). La variété la plus célèbre dans les potagers se nomme Bocking 14, un cultivar stérile de l'hybride fertile Symphytum x uplandicum, croisement entre Symphytum officinale, la Grande Consoude, et Symphytum asperum, la Consoude Hérissée... Dans la nature comme en horticulture, les métissages font lois!


Symphytum x uplandicum, Poitiers quartier Chilvert

Symphytum x uplandicum, un hybride qui se naturalise ici et là. Polymorphe, il mélange les caractéristiques de ses deux parents: feuilles peu décurrentes (feuilles longuement décurrentes chez l'Officinale / non décurrentes chez l'Hérissée), poils un peu piquants (non piquants chez l'Officinale / très piquants chez l'Hérissée).


Pour aller plus loin:

- Symphytum officinale sur Tela-botanica

- Symphytum officinale: identification assistée par ordinateur

- La Consoude est-elle toxique? sur le site passeportsante.net


Lecture recommandée:

- La Consoude, trésor du jardin de Bernard Bertrand (éditions de Terran)


Symphytum tuberosum, Consoude tubéreuse, Exireuil 79 (Puits d'Enfer)

Consoude tubéreuse (Symphytum tuberosum): une autre espèce indigène discrète (20 à 60 centimètres de hauteur) à la tige ronde et aux fleurs toujours jaunes claires. Sa répartition se limite à la moitié sud de la France.

 

Garance voyageuse: la vie en rouge
Date 15/08/2019
Ico Haies & forêts

Rubia peregrina, Garance voyageuse, Poitiers bords de Boivre

Garance voyageuse rougissante en hiver


Rubia peregrina (Garance voyageuse) appartient au clan Rubiaceae, de même que les célèbres Gaillets (Galium spp). Les membres de cette famille présentent le plus souvent des tiges carrées, ainsi que des feuilles verticillées, c'est à dire disposées en couronne ou en étoile autour de la tige. Leurs fleurs sont généralement discrètes, à quatre ou cinq pétales. Celles de la Garance voyageuse pointent en été (entre juin et aout) cinq pétales jaunes pâles terminés en pointe. Elles sont réunies en cymes généreuses à l’aisselle des feuilles et à l’extrémité des rameaux, compensant leur discrétion par le feu d'artifice de leur assemblée.


Rubia peregrina, Garance voyageuse, Poitiers bords de Boivre

Fleurs de la Garance voyageuse en été: "Oh la belle verte!"

Peignons ces roses en rouge, du plus éclatant des rouges, il faut les peindre coûte que coûte sans en perdre une goutte!

(Alice au pays des merveilles, Walt Disney)

La Garance voyageuse est une vivace forestière qui aime la lumière et les sols secs. On la croise le long des lisières des forêts sèches, ou dans les bois clairs. Ses feuilles coriaces, brillantes et persistantes rougissent à l'approche de l'hiver. Le genre Rubia emprunte d'ailleurs son nom au latin ruber, rouge: les Garances sont des célèbres plantes tinctoriales. La Garance des teinturiers (Rubia tinctorum) a été largement cultivée, depuis la Grèce antique, son rhizome permettant d'obtenir une teinture rouge pur. La Garance voyageuse a parfois été utilisée en ce sens, mais sans connaitre d’industrialisation, ses racines plus minces offrant un colorant moins vif, rouge-orangé. Vous en conviendrez, il est difficile de se passer d'une touche de (nez) rouge dans la vie... Merci les Garances!


* Pas très drôle / Très drôle


La réalité est moins clownesque: le colorant produit à partir de la Garance des teinturiers a longtemps servi à teindre les pantalons de l'armée française, le rouge «garance» aidant les soldats à reconnaitre leurs pairs dans la fureur des combats. Mais il offrait aussi une cible de premier choix à l'ennemi, ce qui entraina son abandon au profit d'une culotte plus discrète, bleu horizon, à partir de la première guerre mondiale.

Dès le 19ème siècle, la chimie se substitue aux plantes tinctoriales. La Garance des teinturiers reste utilisée de nos jours par les artistes pour fabriquer des encres naturelles, des pigments ou des laques (peintures fines, aquarelles, huiles…).


Rubia peregrina, Garance voyageuse, Poitiers bords de Boivre

Des feuilles verticillées (2 à 5), ovales-lancéolées, persistantes, coriaces et surtout crochues: accroche toi à la Garance voyageuse, j'enlève l'échelle!

- Il serait possible de me coller à vous pendant quelques jours?

- Ah mais toute la vie si vous voulez!

(Taxi 3, Gérard Krawczyk)

Si les feuilles de certains Gaillets (Gaillet gratteron) sont réputées pour leur pouvoir agrippant, la Garance voyageuse n'a pas à rougir de ce côté : les siennes sont bardées d'aiguillons qui accrochent les fourrures des animaux ou les vêtements des promeneurs. La belle est capable de s’agripper au point de vous griffer superficiellement la peau. Ses crochets lui permettent d'ériger sa longue tige (ligneuse à la base, jusqu'à 2 mètres de longueur) vers la lumière en prenant appui sur d'autres végétaux, sur une clôture ou sur un grillage; à l'occasion, ils lui permettent aussi de faire un bout de route grâce à votre bas de pantalon, dispersant peut-être quelques fruits au passage.


Rubia peregrina, Garance voyageuse, Poitiers bords de Boivre

Baies de la Garance voyageuse en automne: "Hep taxi!"


Ses baies lisses et noires à maturité (légèrement toxiques et laxatives pour l'homme) sont surtout destinées à être picorées par les animaux, à commencer par les rouges-gorges. Des oiseaux rouges, forcément, qui propagent les fruits qu'ils consomment en les rejetant via leurs fientes. La Garance voyageuse est une habituée du «taxi crotte» (endozoochorie), empruntant les intestins des volatiles, des chèvres ou des moutons pour parvenir à ses fins. Pourtant, malgré son goût du voyage qu'elle porte jusque dans son nom (peregrina est «l'étrangère» en latin), la Garance voyageuse semble absente dans le nord et le nord-est de la France.


L'endozoochorie ou le taxi-crotte, Sauvages du Poitou!


On raconte que le lait, l'urine, la laine ou même le bec et les os des animaux qui consomment régulièrement la Garance voyageuse se teintent de rouge... Je ne saurais dire si c'est vrai, mais les jeunes feuilles tendres de la Garance voyageuse sont parfois grignotées par le Crache sang (Timarcha tenebricosa). Ce gros coléoptère aux élytres soudées (il est incapable de voler) se nourrit des Gaillets et apparentés. Dérangé ou menacé, il excrète des goutes d'hémolymphe rouge-orangé, une «encre» sanguine au goût peu appétant qui le protège de ses prédateurs. Bref, lui aussi fait dans le vermillon, surtout quand il voit rouge!


Timarcha tenebricosa, Crache-sang, bois de la Brie à Vivonne (86)

Crache-sang sur Garance voyageuse, bois de la Brie à Vivonne (86)


En guise de conclusion, impossible de faire l'impasse sur une célèbre revue qui emprunte le nom de notre Sauvage: depuis 1988, La Garance voyageuse livre directement dans la boite aux lettres de ses abonnés, saisons après saisons, des articles rigoureux, drôles, dessinés, forcément accrocheurs et attachants (Garance oblige) autour du monde végétal. Avis aux apprentis botanistes!


Pour aller plus loin:

- Rubia peregrina sur Tela-botanica

- Numéro de découverte de la revue La Garance Voyageuse

 

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