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Lunaire annuelle: décrochez la Lune
Date 10/12/2016
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Lunaria annua, Lunaire annuelle, Poitiers

Lunaire annuelle ou Monnaie-du-Pape, Poitiers


Lunaria annua (Lunaire annuelle ou Clefs-de-montre en poitevin saintongeais) appartient à la grande famille Brassicaceae (ex Crucifères, pour leurs fleurs en croix), aux côtés des célèbres choux, colzas, radis, navets, roquettes ou moutardes... La Sauvage doit son nom à ses fruits circulaires (un botaniste dirait «orbiculaires»), ronds comme la lune. Lorsqu'ils s'ouvrent en automne, subsiste la cloison centrale seule, quasi translucide. Outre manche, on nomme la Sauvage Honesty («honnêteté»), pour ses sachets de graines transparents qui ne mentent pas quant à leur contenu!


Quand le sage montre la lune... Sauvages du Poitou!


Lunaria annua, Lunaire annuelle, Poitiers gare

Siliques de la Lunaire annuelle: on parle plutôt de silicules lorsque ceux-ci sont aussi large que haut, ce qui est la cas ici.

Tous les trésors ne sont pas d'argent et d'or...

(Pirates des Caraibes - la malédiction du Black Pearl, Gore Verbinski)

Mais peut-être vous a-t-on présenté la Sauvage sous un autre nom: si elle est la Lunaire annuelle pour les poètes et les loups garous, elle est plus connue auprès des banquiers et des curés comme étant la Monnaie-du-Pape! Peut-être pour plaisanter sur le côté factice de ce trésor, à l'image des pièces frappées par l’État pontifical qui avaient peu de valeur en dehors de leur juridiction... D'autres auraient dit Chinese coins («pièce de monnaie chinoise», c'est à dire pas grand chose), un des noms de la Sauvage aux États-Unis. L'expression des richesses de Dame Nature étant généralement regardée d'un œil suspicieux — quand bien même celles ci prennent l'apparence d'argent sonnant et trébuchant — Lunaria annua est également surnommée Médaille de Judas: une référence aux pièces d'argent que Judas reçu pour trahir Jésus. Mauvaise herbe, mauvaise monnaie?


Lunaria annua, Lunaire annuelle, Poitiers bords de Boivre

Lunaire annuelle, Poitiers bords de Boivre


Mais revenons à notre latin: Lunaria annua, comme son nom ne l'indique pas, est une bisanuelle (c'est pourquoi certains préfèrent la nommer Lunaria biennis). Elle produit de larges feuilles la première année (un peu à l'image de l'Alliaire officinale, une autre brassicacée), puis dresse ses tiges fleuries (jusqu'à 1 mètre de hauteur) au printemps la deuxième année.


Lunaria annua, Lunaire annuelle, Poitiers bords de Boivre

Feuilles de la Lunaire annuelle la première année: longuement pétiolées, ovales, cordiformes, inégalement (plus ou moins) et grossièrement dentées.


Lunaria annua apprécie les sols riches et bien drainés. Si la Sauvage est originaire du bassin méditerranéen, elle s'est naturalisé de partout sur la planète en climat tempéré (son expansion doit beaucoup à son importation dans les jardins d'ornement). Notons toutefois que Lunaria annua n'est pas une espèce problématique ou envahissante, malgré ses semis spontanés efficaces qui assurent la pérennité de ses colonies d'une année à l'autre.


Lunaria rediviva, Lunaire vivace, Salilhès (15)

Lunaire vivace (Lunaria rediviva), l'autre sélénite!


Il existe une autre Lunaire vivace, Lunaria rediviva aux feuilles finement dentées, toujours pétiolées (les feuilles supérieures de Lunaria annua sont sessiles), aux fleurs odorantes et aux fruits lancéolés. Mais la répartition de Lunaria rediviva reste très limitée: on peut la dénicher, avec beaucoup de chance, à l'ombre des forêts pyrénéennes, alpines, du Massif central ou de l'extrême est de la France (elle est placée sous un statut de protection dans bon nombre de régions françaises, et n'a jamais été recensée à l'état sauvage en Poitou).


Lunaria annua, Lunaire annuelle, Poitiers bords de Boivre

Fleurs pourpres et inodores de la Lunaire annuelle: 4 grands pétales en croix et 4 sépales dressés.

Moi je veux des clairs de lune, des fleurs, des douceurs et des mecs qui me serrent dans leurs bras!

(Grey’s Anatomy, Shonda Rhimes)

Lunaria annua intéresse les papillons, et plus particulièrement certains Piéridés qui ont pour habitude d'abandonner leur progéniture aux bons soins des Brassicacées. Ainsi, il n'est pas rare de voir l'Aurore (Anthocharis cardamines) marcher sur la Lune; un papillon de jour dont on a déjà conté quelques amours, us et coutumes dans les articles consacrés à la Cardamine des prés (Cardamine pratensis) et à l'Alliaire officinale (Alliaria petiolata).


Liriomyza brassicae sur Lunaria annua, Poitiers quartier Chilvert

Une cartographie de la Lune dessinée à même la Lunaire annuelle par une «Mineuse», la larve d'une petite mouche (peut-être Liriomyza brassicae qui se régale des feuilles de certaines Brassicacées).


Lunaria annua est comestible, bien que très amère, riche en vitamine C. Mais la Sauvage doit surtout sa réputation à sa beauté plastique: ses cultivars monstrueux (dans le sens botanique, je n'ai rien contre eux) aux fleurs blanches ou aux feuilles veinées de blanc sont aujourd'hui «monnaie courante» dans les parcs et les jardins. Ses fruits circulaires, lorsqu'ils ne sont pas picorés par les oiseaux, sont récoltés pour dresser de jolis bouquet secs, évoquant une guirlande de lunes aux uns ou une bourse bien remplie aux autres!


Quand le sage montre la lune... Sauvages du Poitou!


Pour aller plus loin:

- Lunaria annua sur Tela-botanica


Lunaria annua, Lunaire annuelle, Poitiers bords de Boivre

Monnaie-du-Pape: je suis riche!

 

Rue odorante, la mauvaise graine
Date 16/11/2016
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Ruta graveolens, Rue odorante, Poitiers chemin de la Cagouillère

Rue odorante, Poitiers chemin de la Cagouillère


Ruta graveolens (Rue odorante ou Rue fétide) appartient à un clan peu représenté sur le sol français (6 espèces sauvages), les Rutaceae. Une famille pourtant loin d'être anecdotique pour l'homme: du côté des tropiques, les rutacées comptent dans leurs rangs les célèbres citronniers (Citrus limon), orangers (Citrus sinensis) ou mandariniers (Citrus nobilis)...

Je viens du sud, et par tous les chemins, j'y reviens...

(Michel Sardou)

La Rue odorante est une vivace qui affectionne les sols secs, pauvres et calcaires, comme les garrigues du midi de la France. Un mur bien exposé peut suffire à ses tiges ligneuses. La Sauvage dresse ses corymbes de fleurs entre mai et juillet, offrant à l'observateur patient un spectacle étonnant: lentement, les étamines se redressent les unes après les autres pour féconder le pistil au centre de la fleur. En atteignant le centre, chaque étamine heurte l'étamine qui la précède dans ce manège amoureux, lui commandant de revenir à sa place... En somme, c'est un peu comme si les étamines battaient un tambour!


Ruta graveolens, Rue odorante, Poitiers chemin de la Cagouillère

Roulements de tambour sur les fleurs de la Rue odorante: 5 pétales et 5 sépales pour la fleur située au centre de l'inflorescence, 4 pétales et 4 sépales pour les autres.


Ruta graveolens, moitié Sauvage, moitié tambour!

Le feuillage persistant et charnu de la Rue odorante dégage une odeur forte et caractéristique, désagréable pour le commun des mortels. Gorgées d'une huile essentielle toxique (les glandes translucides peuvent s'observer par transparence), les feuilles peuvent causer des brûlures par simple contact si la peau est ensuite exposée au soleil. Dans le sud de la France à la belle saison, il arrive que les grimpeurs aux membre dénudés en fassent les frais à flanc de falaise.

La Sauvage n'est pourtant pas dénuée de qualités aromatiques; utilisée avec sagesse et parcimonie (gare, elle est toxique), elle sert parfois à assaisonner les sauces, les viandes, les boissons, ou rentre dans la composition de parfums.

Ruta graveolens, Rue odorante, Poitiers chemin de la Cagouillère

Feuilles glauques et pennatiséquées de la Rue odorante ... Qui s'y frotte s'y brûle!


Mais la Rue odoranteest surtout une médicinale célèbre, utilisée à des fins variées et contradictoires à travers l'histoire: antidote aux poisons, aux piqures d'araignées, de serpents, de scorpions, mais aussi contre les morsures de chiens enragés, remède désespéré contre la peste ou l'hypocondrie, aphrodisiaque, à moins que ce ne soit l'inverse (je vous invite à parcourir l'article truculent du site Books of Dante: Rue, herbe de grâce)...


Sa réputation la plus solide repose cependant sur ses qualités abortives. A tel point qu'on déconseillait jadis au femmes enceintes de frôler la plante, au risque de perdre leur enfant! La légende était délibérément exagérée: c'est une intoxication par ingestion qui peut mettre un terme à une grossesse, de par les violentes contractions abdominales qu'elle cause... Malheureusement, cette «Interruption Végétale de Grossesse» risque également de coûter la vie à celle qui tente la potion. C'est ainsi que Julia Titi, la fille de l'empereur romain Titus, passa de vie à trépas.

On a la coupable. Je ne vous l'ai pas présentée.
(RRRrrrr !!!, Alain Chabat)

C'est peut-être à cette faculté de provoquer un retour brutal des règles chez la femme que Ruta graveolens doit son nom, ruta dérivant de reô, «couler» en grec. Devenue la «Rue», parfois même l'«Herbe de la rue» (c'est donc elle), il n'en fallait pas moins à la Sauvage pour se tailler une réputation d'avorteuse et de mauvaise graine. Lors de l'installation de l'espace botanique au cœur du jardin des plantes à Paris, elle est mise sous cage pour éviter que les prostituées ne viennent la voler! Longtemps, la Sauvage est prescrite sous le manteau (ou plutôt sous la soutane) à des femmes désespérées...


Ruta graveolens, Rue odorante, Poitiers chemin de la Cagouillère

La Rue odorante ou Herbe de la rue, Herbe de grâce, Rue des chèvres, Rue domestique ou Rue des jardiniers...


Bref, la Rue odorante est un peu diablesse... Même s'il parait que la Sauvage a également le pouvoir de repousser les sorcières. En 1921, la France tente de mettre un terme à son usage délétère en instaurant une loi qui interdit sa culture dans les jardins. La répression fut sans doute efficace, car de nos jours, la Rue fétide est très loin de courir les rues (manquer ce jeu de mot eût été blasphématoire).


Dans son inventaire (Les plantes sauvages et leurs milieux en Poitou Charentes), le botaniste Yves Baron ne déniche que quelques rares pieds spontanés dans le Poitou: à Bonnes (86), Mondion (86) et Poitiers. Mais ils se sont peut-être échappés des habitations alentour. A l'état indigène, c'est à dire non introduit par l'homme, la Rue odorante est devenue une espèce exceptionnellement rare dans tout le pays.


Ruta graveolens, Rue odorante, Poitiers chemin de la Cagouillère

Les fruits (capsules) de la Rue odorante, Poitiers


Pourtant, cette espèce ne vous est certainement pas inconnue: maintenant que la Loi Veil protège les femmes des pratiques clandestines, la Sauvage peut enfin laisser derrière elle ses vieilles casseroles et faire son retour sur les étals des jardineries. Il y a peu, je croisais dans les rayons d'un supermarché quelques pieds de Rue odorante en godets. Au dessus, un panneau flanqué du slogan «Herbe repousse chat» aguichait les jardiniers agacés par les félins qui grattent leurs semis; car il parait que les chats (qui sont un peu sorciers, mais aussi les rats, les vipères, les puces, les pucerons, que sais-je encore...) détestent l'odeur de la Sauvage. A chaque époque, ses peurs: si l'on plantait jadis la Rue odorante pour se prémunir des magiciennes et du mauvais œil, on la plante aujourd'hui pour repousser les bestioles en tout genre, effrayantes ambassadrices de la non moins effrayante biodiversité!


Pour aller plus loin:

- Ruta graveolens sur Tela botanica

 

Lichens: une histoire d'amour et d'eau fraîche
Date 04/11/2016
Ico Initiation à la botanique joyeuse!

Lichens: une histoire d'amour et d'eau fraîche!

Pas besoin d'une machine à remonter le temps pour être témoin de la grande épopée végétale: roches, lichens, mousses, plantes pionnières... Un vieux mur près de chez vous, une loupe, un soupçon de curiosité, et c'est le début d'un fabuleux voyage!


Je vous propose de faire un court détour dans notre parcours botanique, le temps d'un article consacré à l'univers des lichens, qui ne nous rendra guère plus savants qu'avant sa lecture (je n'ai malheureusement rien d'un lichénologue), mais qui j'espère aiguisera notre curiosité et nous donnera envie d'aller fouiller un peu plus loin. Les lichens font partie de ce que certains surnomment la «biodiversité négligée», la part de nature qui ne passionne pas les foules, bien qu'omniprésente, belle et débordante. Regardez autour de vous, les lichens sont partout: sur les murs, les trottoirs, les rochers, les arbres, au sol... On en recense près de 2700 sortes en France, et de nouveaux lichens sont découverts chaque année.


Le mot «lichen» vient du grec leikhen désignant, en dermatologie, un dartre, c'est à dire une lésion colorée de la peau. Une comparaison peu flatteuse (les lichens n'ont rien d'une maladie et ne nuisent pas à leurs supports, minéraux ou végétaux, bien au contraire) qui s'inspire de l'apparence de certains lichens qualifiés de crustacés, parce qu'ils semblent incrustés à leur support.


Rhizocarpon geographicum, le lichen géographique, Ligugé (86)

Un lichen crustacé (en jaune): Rhizocarpon geographicum, surnommé le «Lichen géographique». En milieu montagneux, ce lichen permet de suivre le mouvement des glaciers, sa taille indiquant depuis combien de temps la glace a déserté la roche.

Parle moi de l’amour sur ta planète...

(Pretty Little Liars, I. Marlene King)

Un lichen est une symbiose, c'est à dire une association autonome, intime et durable entre des espèces différentes. Dans le cas du lichen la symbiose réunit au moins un champignon (nommé mycobionte) et des cellules chlorophylliennes capables de photosynthèse (algues et/ou cyanobactéries, nommées phytobionte). Un lichen est donc une famille à lui tout seul, à l'image des célèbres coraux (les coraux sont une association entre des algues et des animaux, les polypes).


Lichen: une histoire d'amour, Sauvages du Poitou!


Dans cette union, chaque partie remplit son rôle tout en subvenant aux besoins du partenaire. Les champignons (qui constituent plus de 90% du lichen) assurent le support, la protection, les sels minéraux et le milieu humide indispensable aux algues. Ces dernières partagent les nutriments (amidons ou lipides) issus de la photosynthèse. Nul mariage n'est parfait : les scientifiques s'interrogent aujourd'hui sur la réciprocité des services rendus, le rendement des algues ainsi fiancées étant de très loin inférieur à celui des algues célibataires !


Si l'ensemble du lichen peut se fragmenter ou se propager par reproduction végétative, les champignons seuls sont capables de reproduction sexuée, leurs spores dispersées par le vent devant dénicher et séduire une algue là où elles atterrissent pour espérer former un nouveau lichen.


Xanthoria sp, Ligugé (86)

Les disques à la surface de ce lichen (Xanthoria sp) sont ses organes de reproduction sexuée, nommés «apothécies», d'où jaillissent les spores célibataire du (des) champignon(s) en quête d'une (de) partenaire(s).


Ainsi organisés, les lichens sont prêts à faire face aux situations les plus improbables: haute montagne, bords de mer, lave refroidie... D'autant plus qu'ils sont très patients (ils peuvent stopper temporairement leur croissance en cas de coup dur) et peu gourmands. Certains lichens sont capables de trouver leur subsistance dans la roche même, le champignon lichenisé parvenant à en extraire les minéraux. La plupart des lichens se contentent du peu qu'ils trouvent dans la poussière, la rosée du matin ou les gouttes de pluie. Bref, les lichens vivent littéralement d'amour et d'eau fraîche!


Graphis stricta, Poitiers bords de Boivre

Sur le tronc d'un Noisetier, les mystérieux hiéroglyphes dessinés par Graphis stricta... Et si les lichens avaient inventé l'écriture?


Si les lichens sont capables d'insuffler la vie à un paysage aussi moribond qu'un caillou, chaque lichen se montre particulièrement exigeant quant à son milieu de prédilection (on reconnait bien là le caractère capricieux des champignons). Certains préfèrent les roches siliceuses, d'autres les roches calcaires, les troncs des feuillus ou des conifères, la sécheresse ou l'humidité...


Usnea sp, Usnée, Biard aéroport (86)

Une petite Usnée (Usnea sp) au bord du chemin? Inspirez, c'est peut-être le moment de prendre un bol d'air...


La plupart des lichens sont sensibles à la qualité de l'air. C'est pourquoi une faible diversité de lichens indique souvent un environnement pollué, où il ne fait pas bon respirer. Certains lichens sont d'ailleurs les indicateurs d'un environnement sain, telles des Usnées (Usnea sp) dont les «barbiches» pendues aux branches peuvent être le signe indien d'un air pur ou montagnard.


Evernia prunastri, Poitiers quartier Bellejouanne

Les lanières verdâtre dessus, blanches dessous d'Evernia prunastri, plus connu sous le nom de «Mousse de Chêne», un lichen fruticuleux utilisé dans la composition des parfums boisés (parfumerie et savonnerie).


La diversité des lichens s'exprime dans leurs formes multiples et spectaculaires. Leur thalle (c'est ainsi qu'on appelle un appareil végétatif ne possédant ni feuilles, ni tiges, ni racines) peut être crustacé (comme incrusté dans son support), foliacé (formant des sortes de «feuilles»), squamuleux (formant des «écailles», à mi chemin entre crustacé et foliacé), fruticuleux (formant des «lanières»), complexe (formant des «jambes» ou des «pieds»), gélatineux...


La conquête du minéral par les lichens se déroule selon une succession qui va des formes les plus simples jusqu'aux structures les plus spectaculaires. Chez les lichens, les crustacés sont les premiers à coloniser une terra incognita. Suivent les foliacés (en compétition avec les mousses), puis finalement les lichens complexes qui dessinent parfois des «forêts» lilliputiennes. Les végétaux continueront la colonisation bien sûr, les vivaces succédant aux petites plantes pionnières, puis les géants ligneux succédant aux vivaces... Comme souvent sur Terre (en tout cas sous nos latitudes), les histoires commencent par «Il était une fois trois fois rien...» et se terminent par «Ils vécurent heureux au cœur d'une forêt dense»!

Cladonia sp, Jurassic park sur un vieux mur à Poitiers
A même le sol, la forêt lilliputienne d’un lichen complexe (Cladonia sp).

L'identification précise d'un lichen est un travail minutieux qui repose à minima sur l'utilisation d'une loupe, le plus souvent d'un microscope et de quelques réactifs chimiques. Néanmoins, on peut déjà dégrossir le terrain et prendre plaisir à observer leur variété autour de nous, avec l'aide d'un ouvrage adéquat (voir liens en bas d'article) et d'un peu de vocabulaire. A la loupe, la partie visible - le thalle - d'un lichen pourrait se décrire ainsi:


Le thalle des lichens, Sauvages du Poitou!

Cortex supérieur : couche supérieure protectrice (la peau en quelque sorte).

Cils : ils permettent au lichen de retenir l'eau ou la rosée.

Apothécies : ce sont les organes de reproduction sexuée, des «coupoles» d'où jaillissent les spores du champignon lichénisé.

Soralies ou isidies : ce sont les minuscules organes de reproduction végétative qui permettent au lichen de se propager. On parle de soralies lorsqu'il s'agit de «déchirures» granuleuses à la surface du cortex, d'une couleur différente que celle du thalle, ou d'isidies lorsqu'il s'agit de petits bourgeons recouverts par le cortex, et dont la couleur est donc identique au thalle.

Cortex inférieur : suivant les formes, couche inférieure protectrice, qui porte les rhizines, les «fausses racines» qui permettent au lichen de s'accrocher à son support. Entre le cortex supérieur et inférieur se trouve généralement la couche algale et la couche formée par les champignons, nommée médulle, mélangées ou disposées en «lasagnes» l'une sur l'autre.

Pertusaria amara, Ligugé (86)

Le thalle recouvert de soralies granuleuses de Pertusaria amara, un lichen crustacé que l'on identifie entre autres signes à son goût fortement amer (attention, les lichens sont généralement toxiques, il suffit de l'effleurer du bout du doigt avant de porter le doigt à sa langue).


Ici s'arrêtent nos premiers pas timides dans le monde des lichens... Mais déjà, nous pouvons commencer à sentir que même lorsque nous sommes acculés face à un mur misérable, et en l'absence de toute végétation, jamais la vie ne cesse de nous offrir son incroyable récital!


Pour aller plus loin:

- Description des lichens de France sur le site de l'Association Française de Lichénologie

- Zoom sur les lichens sur le site de Bourgogne nature

- Le programme de science participative Lichen Go proposé par Sorbonne Université


Lectures recommandées:

- Guides des lichens de France aux éditions Belin, trois volumes: lichens des arbres, lichens des sols, lichens des roches.

 

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