Laitue scariole, Poitiers quartier gare
Lactuca serriola (Laitue scariole) appartient au clan Asteraceae. Les membres de cette famille optimisent leur reproduction en regroupant leurs minuscules fleurs en une seule inflorescence nommée capitule (comme les Pissenlits, les Pâquerettes, les Laiterons, les Picrides, etc.).
Capitule de la Laitue scariole, Poitiers quartier gare
La Laitue scariole est une bisanuelle nitratophile. Elle fait d'ailleurs partie du top 10 des Sauvages les plus observées dans nos cités (source: Sauvages de ma rue), à cause de son attirance pour les sols fortement azoté (pollution automobile ou amendements excessifs des cultures).
Si les Asteraceae à fleur jaune, de type «pissenlit», sont délicates à différencier les unes des autres (c'est un des premiers défis pour les apprentis botanistes en milieu urbain), la Laitue scariole cache sous ses feuilles une signature qui peut nous mettre sur la voie: le revers de la nervure médiane est hérissé d'une ligne plus ou moins épineuse, telle la crête d'un iroquois du macadam!
-Je suis le plus vieux punk à chien d'Europe... Et croyez moi: c'est pas évident.
(Le grand soir, Benoît Delépine et Gustave Kervern)
Punk is not dead sous les feuilles de la Laitue scariole!
Deux espèces urbaines sont très proche, prêtant à confusion: la Laitue scariole (Lactuca serriola) et une autre «salade» sauvage, la Laitue vireuse (Lactuca virosa), dont les feuilles tirent légèrement vers le bleu et dégagent une odeur forte lorsque froissées entre les mains.
Feuilles bleutées de la Laitue vireuse, Poitiers bords de Boivre
Les deux fausses jumelles présentent des feuilles polymorphes (entières à très découpées) et sont tout à fait capables d'échanger certains de leurs aspects en s'hybridant entre elles... Bref, on a une chance sur deux de se tromper en les identifiant, et donc une chance sur deux d'avoir raison! Les plus exigeants examineront les akènes mûrs à l'aide d'une loupe: ceux-ci sont sombres et possèdent une marge saillante chez L.virosa, alors qu’ils sont gris-bruns, ciliés sur le dessus et dépourvus de marge chez L.serriola.
Akènes de la Laitue vireuse (gauche) versus Laitue scariole (droite).
Une autre caractéristique, peu banale, peut faire infléchir notre intuition du bon côté: La Laitue scariole est à moitié plante... Et à moitié boussole! Surnommé «Laitue boussole» par certains auteurs, elle a tendance à tourner le limbe de ses feuilles supérieures à la verticale, sur un plan est-ouest (le phénomène est moins spectaculaire chez la Laitue vireuse). L'astuce ne fonctionne que si la Sauvage bénéficie d'une bonne exposition: c'est pour réduire les risques de brûlure (ou au moins d'évaporation) que les feuilles se tordent jusqu'à disposer leur pointe en face de l'axe nord-sud. La Laitue scariole évite ainsi le coup de soleil, préférant offrir ses limbes au soleil levant ou au couchant, moins agressifs qu'une exposition plein sud.
Laitue GPS: dans un mètre, tournez à gauche!
Pour le promeneur égaré, cela signifie (en théorie) que le bout des feuilles de la Laitue scariole indique le nord ou le sud. Reste à observer la végétation autour des arbres et des murs, qui signerait la fraicheur au nord ou l’aridité au sud. Comme la pratique m'intéresse d'avantage que la théorie, j'ai testé pour vous cette authentique méthode indienne: armé du livret «Poitiers et ses environs à pied et en VTT» (un guide local que je vous recommande si vous aimez vous perdre), j'ai suivi les instructions jusqu'à l'égarement. Là, au milieu des champs à perte de vue, j'ai compté sur la Laitue scariole seule pour orienter ma carte et me ramener à mon point de départ... Et me suis définitivement perdu! Bref, mieux vaut se munir d'une vraie boussole avant de partir à l'aventure. Je salue au passage la randonneuse (et son smartphone équipé d'un GPS) qui m'a secouru, me permettant de rentrer chez moi avant la nuit: «n'est pas indien qui veut», m'a-t-elle dit.
Si les jeunes pousses des Laitues «sauvages» sont comestibles, leur amertume vous dissuadera peut-être de les inscrire au menu. Les plants adultes deviennent coriaces, épineux, gluants, franchement amers et dégagent une odeur peu amène. Bref, on est loin des tendres et délicieuses laitues pommées de nos marchés. Et pourtant...
Jeune rosette de la Laitue scariole, la grand mère des laitues au potager.
Toutes les Laitues cultivées par les jardiniers (pommées, batavias, romaines, à couper...) ont sélectionnées à partir de plusieurs espèces de Lactuca sauvages, à commencer par Lactuca serriola. Et c'est là l'occasion d'insister une nouvelle fois sur l'importance de nos herbes folles qui constituent au bord des routes, dans les friches, les jardins, les forêts, un réservoir génétique inégalable pour l'homme (tant pour l'alimentation que pour la médecine).
Les Laitues sauvages recèlent d'ailleurs une autre surprise: le latex visqueux qui coule dans leurs tiges possèdent des qualités narcotiques. De nos deux Sauvages, c'est surtout la Laitue vireuse qui est connue depuis l'antiquité pour ses propriétés hypnotiques. Elle était cultivée autrefois pour produire un substitut (non opiacé) à l'opium: le lactucarium. L'usage medical du lactucarium semble plus ou moins abandonné à ce jour, sans doute à cause d'une efficacité de très loin inférieure au puissant opium. Mais une nouvelle fois, les Sauvages nous offrent leur précieuse leçon: toutes les grandes inventions prennent source dans la nature, et tout reste encore à découvrir. Alors qui sait, la prochaine révolution agricole ou médicale viendra peut-être d'une Sauvage anodine, plantée juste devant notre porte... Il convient de rester humble devant ce patrimoine, et surtout de protéger son ampleur et sa diversité.
Les Laitues sauvages sont importantes pour nombre d’espèces (et pas seulement l'homme), comme la superbe Noctuelle dysodée (Hecatera dysodea), dont les chenilles raffolent des Lactuca.
Pour aller plus loin:
- Norb raconte la Laitue scariole au micro de France Bleu Poitou
- Lactuca serriola: identification assistée par ordinateur
- Lactuca serriola sur Tela-botanica
- Lactuta virosa sur Tela-botanica
Une autre Laitue citadine qui s'installe près ou sur les vieux murs ombragés, qu'on identifiera facilement avec ses minuscules capitules à 5 fleurons ligulés seulement (5 pétales en quelque sorte): la Laitue des murailles (Lactuca muralis).
Tout aussi citadine, mais plus confidentielle: la Laitue à feuilles de saule (Lactuca saligna) dont les feuilles caulinaires sont étroites, lancéolées et nettement hastées.
Enfin, la trop rare Laitue vivace (Lactuca perennis), une espèce déterminante pour tout le Poitou, à ne pas confondre avec la Chicorée amère (la Laitue vivace a des feuilles profondément pennatipartites).
Iris des marais, Poitiers bords de Clain
Iris pseudacorus (Iris des marais ou Illaille en poitevin saintongeais) appartient à la famille Iridaceae, aux côtés des Crocus ou des Glaïeuls. Les Iris peuvent afficher des couleurs riches et variées. Ils doivent leur nom à la nymphe Iris, messagère des Dieux grecs, dont le passage, lorsqu'elle descendait de l'Olympe vers la terre pour livrer le courrier, dessinait un arc en ciel.
Iris pseudacorus est une vivace qui installe son rhizome au bord des cours d'eau, sur les sols riches, inondés ou engorgés d'eau. Ses feuilles pointues et effilées comme des épées, toutes orientées sur un même plan, égalent ou dépassent parfois en hauteur les tiges robustes qui portent les fleurs jaunes.
- C'est une épée magnifique...
- Je souhaite que l'homme qui l'a forgée fasse preuve d'autant de précision et de dévotion et de précision dans tous les aspects de sa vie.
(Pirate des Caraïbes, Gregor Verbinski)
Colonie d'Iris des marais, Poitiers bords de Boivre
Ses fleurs spectaculaires (mais inodores) se dressent entre juin et juillet, par groupe de 4 à 12, à plus d'un mètre de hauteur. Elles présentent six «tépales», à l'image d'une fleur d’Orchidée (certains Iris sont surnommés les «Orchidées du pauvre»), trois recourbés à l’extérieur et trois dressés à l'intérieur, tous complètement jaunes. Gardez bien l'image de la fleur en tête pour la suite...
Fleur de l'Iris des marais, Brenne (36)
Iris pseudacorus assure l’expansion des ses colonies par reproduction végétative, via son rhizome, compensant ainsi les pertes dues à la cueillettes de ses belles fleurs éphémères. Lorsque les promeneurs la laisse tranquille, elle se resème via ses fruits, de grosses capsules à trois valves qui renferment de nombreuses graines. Et tant qu'à faire, les capsules flottent, permettant à la belle de se propager au fil de l'eau (hydrochorie).
Capsules flottantes de l'Iris des marais, Poitiers bords de Boivre
A vrai dire, ce ne sont pas les cueillettes intempestives qui freinent les ardeurs d'Iris pseudacorus, mais plutôt les attaques répétées d'un gang de minuscules prédateurs... La Sauvage sert souvent de pouponnière à un coléoptère, le Charançon de l'Iris des marais (Mononychus punctumalbum, qui présente un point blanc caractéristique sur le dos). Ce dernier creuses des trous dans les fruits de l'Iris des marais pour y déposer ses œufs. Les larves se nourrissent des semences avant de se métamorphoser, de sortir du fruit et de s'enterrer dans le sol jusqu'au printemps suivant.
Charançon de l'Iris des marais, Poitiers bords de Boivre
La victoire appartient à celui qui y croit le plus et surtout le plus longtemps.
(Pearl Harbor, Michael Bay)
Mais pas de quoi rabaisser notre Sauvage... Il faut dire qu'une sève royale parcoure ses tiges! C'est en Poitou que l'Iris des marais marque la grande histoire de sa fleur: le célèbre dessin de la fleur de Lys imprimé sur les blasons des rois de France est en réalité une fleur d'Iris. C'est Clovis qui l'érige en symbole en 507, au sortir de la bataille de Vouillé. Les Wisigoths sont écrasées par les armées du roi Franc au cœur des marais viennois. Clovis demande à ce qu'une fleur d'Iris soit dessinée et cousue sur ses vêtement en souvenir du lieu et de la précieuse victoire. Dès lors, la fleur de l'Iris des marais devient symbole de royauté pour Clovis, puis pour tous les rois de France après lui.
L'Iris des marais tel qu'il fut crayonné par nos ancêtres à Vouillé dans la Vienne, en 507, à la demande de Clovis.
Pour aller plus loin:
- Iris pseudacorus sur Tela-botanica
- L'Iris des marais, fleur héraldique, sur le blog Books of Dante
Laiteron potager, Poitiers bords de Boivre
Sonchus oleraceus (Laiteron potager ou Laitrin en poitevin-saintongeais) appartient à la famille Asteraceae, les plantes aux très nombreuses fleurs réunies en de gros «capitules» (un observateur non averti risque de considérer le capitule comme une fleur unique, mais c'est un trompe l’œil), telles que les Pâquerettes, Marguerites, Pissenlits... C'est d'ailleurs aux grosses fleurs jaunes de ces derniers qu'on risque de penser en croisant le Laiteron: comme chez le Pissenlit, chacune des nombreuses fleurs constituant le capitule est une simple languette (on dit qu'elles sont toutes «ligulées»).
Laiteron potager: des bractées appliquées parsemées de poils mous (parfois glabres).
Te caille pas le lait mon Patrick, je boirai du Nesquik!
(Camping, Fabien Onteniente)
Si l'on casse les tiges lisses et épaisses de la Sauvage, un suc blanc, laiteux et collant s'en écoule. Il n'en fallait pas moins à l'homme pour offrir à la Sauvage son nom: Laiteron. Les botanistes préféreront peut-être la désigner par son nom latin, Sonchus, qui évoque une autre plante, un Chardon, dans une langue ancienne et oubliée (l'elfique?... Plus probablement une vieille langue méditerranéenne). S'il est vrai que certains Laiterons ressemblent un peu aux chardons, ils n'en ont pas le piquant.
Le latex de Sonchus oleraceus ne semble pas avoir de propriétés unanimement reconnues (des dermites de contact sont possible chez certaines personnes sensibles, prudence). Certains l'auraient utilisé autrefois en application pour traiter les verrues... Une médication sans doute un poil fantaisiste, mais qui a le mérite de soulever une question à laquelle la crème de l’ethnobotanique devra répondre un jour: pourquoi diantre, dès qu'une Sauvage transpire un latex quel qu'il soit, l'homme cherche-t-il à s'en badigeonner les verrues?!
Laiteron potager, Poitiers quartier gare: le lait de la rue.
Sonchus oleraceus est une annuelle des jardins familiaux, des cultures, des vergers et des terrains vagues. Elle affectionne l'humidité, ainsi que les excès d'azote inhérents aux amendements et à la pollution automobile: elle fait partie du top 10 des Sauvages les plus observées dans nos cités selon les données fournies par le programme Sauvages de ma rue.
Des coulures de lait sur le Laiteron potager? Que nenni, ces lignes sinueuses et blanchâtres sont des galeries creusées par la larve d'une petite mouche dite «mineuse», de la famille des Agromyzidae, qui se régale des feuilles de la Sauvage. Il existe de nombreuses espèces de «mineuses», la plupart étant très spécifiques dans le choix de leur plante hôte.
Au-delà de ses fleurs, aucun risque de confondre le Laiteron avec un pied de Pissenlit: il dépasse largement le mètre de hauteur à maturité. Mais dans la famille, d'autres membres à la stature imposante et aux fleurs jaunes de type «Pissenlit» peuvent égarer l'apprenti botaniste. On remarquera chez Sonchus oleraceus les feuilles supérieures glabres, molles, découpées en lobes aigus (les lobes se chevauchent parfois), qui embrassent la tige par deux oreillettes droites.
Jeune rosette de Laiteron potager, Poitiers bords de Boivre
Un autre Laiteron commun, à l'allure proche, fréquente les mêmes bords de trottoirs: Sonchus asper ou le Laiteron épineux. Ce dernier se différencie du Laiteron potager par ses feuilles (aux découpes assez variables) robustes et brillantes comme du plastique, presque épineuses sur les bords, qui embrassent la tige via deux oreillettes enroulées sur elles-mêmes.
Laiteron épineux: des oreillettes enroulées sur elles-mêmes et des bractées recouvertes de courtes épines molles.
Si le Laiteron est «potager», c'est parce qu'il fut cultivé (ainsi que le Laiteron épineux) par l'homme dès l'antiquité, consommé en salade ou cuit comme les épinards. Plus récemment, les Laiterons furent surtout considérés comme d’excellentes plantes fourragères, de l'«herbe à lapin» (un des ses surnoms) ou un met de premier choix pour le bétail: ses feuilles sont riches en vitamine C, en glucides et en protéines. Le Laiteron serait donc un légume oublié avant que d'être de la mauvaise graine, encore un me direz-vous, qui peut rejoindre les rangs des oubliés des assiettes aux côtés des Pissenlits, de la Grande Ortie ou de la Grande Mauve...
Si les Laiterons sont aujourd'hui passés de mode au potager, le sol conserve un véritable stock de graines constitué au fil des siècles; des semences qui ne demande qu'à exploser dès que la terre est retournée par l'homme (labours ou chantiers). Il faut dire que la Sauvage affiche une efficacité industrielle, propre au clan Asteraceae, quand il s'agit de reproduction: un seul pied peut produire plusieurs dizaines de millier de graines à la belle saison (de petits akènes que le vent disperse).
Akène ovale et écrasé, aux soies lisses, du Laiteron potager pris au piège d'une toile d'araignée.
Les Laiterons ont un goût nettement moins amer que celui des Pissenlit (s'ils sont parfois amers, c'est qu'ils ont poussé dans des conditions difficiles). En salade, on préférera les jeunes pousses, et surtout les feuilles souples du Laiteron potager; celles du Laiteron épineux deviennent rapidement coriaces avec l'âge, voir franchement épineuses. Les petits capitules, en bouton ou en fleur, peuvent rejoindre les feuilles dans les salades, pour le plaisir des papilles comme celui des yeux. Quant à vos recettes maisons, elles sont les bienvenues, n'hésitez pas à les partager via le fil des commentaires!
Il y a les Laiterons des ville, et le Laiteron des champs (Sonchus arvensis)! Ce dernier est une vivace qui affectionne les sols engorgés d'eau. Il se distingue par les nombreux poils glanduleux jaunes qui recouvre ses bractées.
Pour aller plus loin:
- Sonchus oleraceus sur Tela-botanica
- Sonchus oleraceus : identification assistée par ordinateur
- Sonchus asper sur Tela-botanica
- Sonchus asper : identification assistée par ordinateur
- Sonchus arvensis sur Tela-botanica
- Sonchus arvensis : identification assistée par ordinateur