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Garance voyageuse: la vie en rouge
Date 15/08/2019
Ico Haies & forêts

Rubia peregrina, Garance voyageuse, Poitiers bords de Boivre

Garance voyageuse rougissante en hiver


Rubia peregrina (Garance voyageuse) appartient au clan Rubiaceae, de même que les célèbres Gaillets (Galium spp). Les membres de cette famille présentent le plus souvent des tiges carrées, ainsi que des feuilles verticillées, c'est à dire disposées en couronne ou en étoile autour de la tige. Leurs fleurs sont généralement discrètes, à quatre ou cinq pétales. Celles de la Garance voyageuse pointent en été (entre juin et aout) cinq pétales jaunes pâles terminés en pointe. Elles sont réunies en cymes généreuses à l’aisselle des feuilles et à l’extrémité des rameaux, compensant leur discrétion par le feu d'artifice de leur assemblée.


Rubia peregrina, Garance voyageuse, Poitiers bords de Boivre

Fleurs de la Garance voyageuse en été: "Oh la belle verte!"

Peignons ces roses en rouge, du plus éclatant des rouges, il faut les peindre coûte que coûte sans en perdre une goutte!

(Alice au pays des merveilles, Walt Disney)

La Garance voyageuse est une vivace forestière qui aime la lumière et les sols secs. On la croise le long des lisières des forêts sèches, ou dans les bois clairs. Ses feuilles coriaces, brillantes et persistantes rougissent à l'approche de l'hiver. Le genre Rubia emprunte d'ailleurs son nom au latin ruber, rouge: les Garances sont des célèbres plantes tinctoriales. La Garance des teinturiers (Rubia tinctorum) a été largement cultivée, depuis la Grèce antique, son rhizome permettant d'obtenir une teinture rouge pur. La Garance voyageuse a parfois été utilisée en ce sens, mais sans connaitre d’industrialisation, ses racines plus minces offrant un colorant moins vif, rouge-orangé. Vous en conviendrez, il est difficile de se passer d'une touche de (nez) rouge dans la vie... Merci les Garances!


* Pas très drôle / Très drôle


La réalité est moins clownesque: le colorant produit à partir de la Garance des teinturiers a longtemps servi à teindre les pantalons de l'armée française, le rouge «garance» aidant les soldats à reconnaitre leurs pairs dans la fureur des combats. Mais il offrait aussi une cible de premier choix à l'ennemi, ce qui entraina son abandon au profit d'une culotte plus discrète, bleu horizon, à partir de la première guerre mondiale.

Dès le 19ème siècle, la chimie se substitue aux plantes tinctoriales. La Garance des teinturiers reste utilisée de nos jours par les artistes pour fabriquer des encres naturelles, des pigments ou des laques (peintures fines, aquarelles, huiles…).


Rubia peregrina, Garance voyageuse, Poitiers bords de Boivre

Des feuilles verticillées (2 à 5), ovales-lancéolées, persistantes, coriaces et surtout crochues: accroche toi à la Garance voyageuse, j'enlève l'échelle!

- Il serait possible de me coller à vous pendant quelques jours?

- Ah mais toute la vie si vous voulez!

(Taxi 3, Gérard Krawczyk)

Si les feuilles de certains Gaillets (Gaillet gratteron) sont réputées pour leur pouvoir agrippant, la Garance voyageuse n'a pas à rougir de ce côté : les siennes sont bardées d'aiguillons qui accrochent les fourrures des animaux ou les vêtements des promeneurs. La belle est capable de s’agripper au point de vous griffer superficiellement la peau. Ses crochets lui permettent d'ériger sa longue tige (ligneuse à la base, jusqu'à 2 mètres de longueur) vers la lumière en prenant appui sur d'autres végétaux, sur une clôture ou sur un grillage; à l'occasion, ils lui permettent aussi de faire un bout de route grâce à votre bas de pantalon, dispersant peut-être quelques fruits au passage.


Rubia peregrina, Garance voyageuse, Poitiers bords de Boivre

Baies de la Garance voyageuse en automne: "Hep taxi!"


Ses baies lisses et noires à maturité (légèrement toxiques et laxatives pour l'homme) sont surtout destinées à être picorées par les animaux, à commencer par les rouges-gorges. Des oiseaux rouges, forcément, qui propagent les fruits qu'ils consomment en les rejetant via leurs fientes. La Garance voyageuse est une habituée du «taxi crotte» (endozoochorie), empruntant les intestins des volatiles, des chèvres ou des moutons pour parvenir à ses fins. Pourtant, malgré son goût du voyage qu'elle porte jusque dans son nom (peregrina est «l'étrangère» en latin), la Garance voyageuse semble absente dans le nord et le nord-est de la France.


L'endozoochorie ou le taxi-crotte, Sauvages du Poitou!


On raconte que le lait, l'urine, la laine ou même le bec et les os des animaux qui consomment régulièrement la Garance voyageuse se teintent de rouge... Je ne saurais dire si c'est vrai, mais les jeunes feuilles tendres de la Garance voyageuse sont parfois grignotées par le Crache sang (Timarcha tenebricosa). Ce gros coléoptère aux élytres soudées (il est incapable de voler) se nourrit des Gaillets et apparentés. Dérangé ou menacé, il excrète des goutes d'hémolymphe rouge-orangé, une «encre» sanguine au goût peu appétant qui le protège de ses prédateurs. Bref, lui aussi fait dans le vermillon, surtout quand il voit rouge!


Timarcha tenebricosa, Crache-sang, bois de la Brie à Vivonne (86)

Crache-sang sur Garance voyageuse, bois de la Brie à Vivonne (86)


En guise de conclusion, impossible de faire l'impasse sur une célèbre revue qui emprunte le nom de notre Sauvage: depuis 1988, La Garance voyageuse livre directement dans la boite aux lettres de ses abonnés, saisons après saisons, des articles rigoureux, drôles, dessinés, forcément accrocheurs et attachants (Garance oblige) autour du monde végétal. Avis aux apprentis botanistes!


Pour aller plus loin:

- Rubia peregrina sur Tela-botanica

- Numéro de découverte de la revue La Garance Voyageuse

 

Vesce cultivée: la fabophile
Date 09/06/2019
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Vicia sativa, Vesce cultivée, Poitiers bords de Boivre

Vesce cultivée: moitié fleur, moitié papillon!


Vicia sativa (Vesce cultivée) appartient à la famille Fabaceae dont les membres dressent généralement des feuilles composées et des fleurs irrégulières caractéristiques qu'on dit «papilionacées». On trouve parmi les Fabacées des stars du potager, à la culture aisée, comme les haricots ou les pois. La Vesce cultivée n'est pas en reste: elle est souvent semée comme «engrais vert». A l'image d'autres Fabacées (voir notre article sur la Luzerne tachetée), la Vesce cultivée possède sur ses racines de petites boules blanches nommées nodosités. Celles-ci logent des bactéries très utiles, capables d'utiliser l'azote atmosphérique pour fabriquer des ressources qu'elles partagent volontiers avec leur hôte. Ainsi, la Vesce cultivée est une pionnière à l'aise en toute circonstance, quelle que soit la misère ou la richesse du sol. On croisera cette annuelle en tous lieux, de préférence près des cultures et des jardins où l'homme la sème volontiers.


Vicia sativa, Vesce cultivée, Poitiers quartier Chilvert

Feuille imparipennée (n'oubliez pas que la vrille compte pour une foliole!) de la Vesce cultivée.

Dent cassée ne vaut pas fève.
Le distrait, Pierre Richard
La Vesce cultivée a été domestiquée en tant que fourragère pour les ruminants. Mais son régime régulier est suspecté d'être dangereux pour les animaux monogastriques tels que les chevaux... Ou l'homme. Nous l'avons peut-être cultivé il y a 6000 ans à des fins alimentaires, mais ses graines sont considérées comme étant toxiques à forte dose (tout dépend probablement du mode de transformation). Sans abus, les jeunes pousses de Vesce cultivée sont ponctuellement comestibles, crues ou cuites. On s'abstiendra d'en abuser ou d'en faire des cures car les vesces peuvent être source d’anémie chez certains individus. Elles sont même dangereuses pour ceux qui sont atteints de «favisme», une maladie génétique qui tire son nom d'une autre Vesce, Vicia faba, alias la Fève de nos potagers. Pour ces personnes, la consommation de fèves ou de Vesce cultivée (dans une moindre mesure) peut causer des anémies brutales et sévères.

Vicia faba, Fève, Poitiers quartier Chilvert
L'autre Vesce: Vicia faba alias la Fève.

Ses graines ont longtemps servi à nourrir les pigeons. En Saintonge, ce régime de «Garobe» (le nom de la Vesce cultivée) était même proverbial: «Quand le pigeon est saoûl, il trouve la Garobe amère!». Autrement dit: quand on est rassasié, on trouve à redire sur tout, même si la nourriture est bonne. N'est-il pas?

Vicia sativa, Sauvages du Poitou!

Vicia sativa, Vesce cultivée, Saint-Benoît (86)
Nectaires de la Vesce cultivée: une offrande destinées aux fourmis.


Mais laissons veaux, vaches, cochons et pigeons pour se pencher sur les insectes. Les fleurs mellifères de la Vesce cultivée enchantent les butineurs et de par la même les apiculteurs. C'est pourtant avec d'autres créatures que la Sauvage a signé un pacte ancestral: des nectaires situées à la base de ses feuilles entretiennent la présence des fourmis qui s'en régalent. En contrepartie, ces dernières patrouillent sur les tiges, assurant la garde rapprochée de la plante et tenant à l'écart les insectes parasites ou autres prédateurs. On désigne ce genre de contrat amical avec le peuple fourmi par le terme myrmécophilie.


Vicia sativa, Vesce cultivée, Biard (86)

Vicia sativa subsp. sativa et compagnie: gare au sac de nœuds!


La Vesce cultivée est une plante très polymorphe. Riche de nombreuses sous espèces, son taxon s'est complexifié au fil du temps, au point que certaines de ses sous espèces sont aujourd'hui érigées au rang d’espèce (V.amphicarpa, V.angustifolia, V.macrocarpa ou V.segetalis). Les botanistes préfèrent parler de «groupe sativa» chez les Vicia plutôt que d'une espèce unique. Les départager dépasse le cadre de la simple vulgarisation (voir liens en bas d'article), mais voilà une piste qui intéressera les plus curieux: si l'«authentique» Vicia sativa (Vicia sativa subsp. sativa) est l’espèce semée par l'homme, il se peut que ses échappées soient moins importantes que l'on imaginait et que l’espèce spontanée la plus répandue en soit une autre (ça reste à étudier région par région).

Vicia sativa, Vesce cultivée, Montamisé (86)
Gousses larges (≥8mm) et «bosselées» de la Vesce cultivée (Vicia sativa subsp. sativa); les autres Vesces du «groupe sativa» présentent des gousses plus étroites à maturité.


Plus généralement, le genre Vicia compte une quarantaine d’espèce en France; la moitié d'entre elles sont méditerranéennes. Avec la «petite» quinzaine d’espèces recensée en Poitou, je dois me rendre à l'évidence: entre Poitiers et Marseille, en botanique comme en football, on ne joue pas dans la même division! On ne citera ici que quelques spécimens communs:


Vicia hirsuta, Vesce hérissée, Biard (86)

Vesce hérissée (Vicia hirsuta, aujourd'hui Ervilia hirsuta), une annuelle discrète des friches et des terrains vagues. Ses petites fleurs sont blanches et ses nombreux folioles (4 à 10 paires) linéaires.


Vicia sepium, Vesce des haies, Béceleuf (79)

Vesce des haies (Vicia sepium), une vivace qui fréquente les sols frais et riches. Ses fleurs, regroupées par quatre ou plus, sont d’un violet «sale». Ses folioles (3 à 9 paires) sont oblongues à elliptiques; leur extrémité est obtuse. Elle aussi cache des nectaires à la base de ses feuilles, principalement fréquentées par les fourmis.


Vicia cracca, Vesce cracca, Montamisé (86)

Vesce cracca (Vicia cracca), une vivace qui forme des colonies denses dans les prairies, près des cultures ou des haies, aux nombreuses folioles (8 à 12 paires). Ses fleurs bleues sont réunies en grappes, toutes situées du même côté de la tige. De même que pour Vicia sativa, le cas Vicia cracca demande un examen attentif pour départager plusieurs espèces proches (V.benghalensis, V.villosa ou V.tenuifolia). On n'en attendait pas moins de la part de Sauvages dont le sport principal consiste à faire des nœuds et à s’emmêler les vrilles!


Pour aller plus loin:

- Vicia sativa sur Tela-botanica

- Vicia sativa : identification assistée par ordinateur

- Clé des "Vicia du groupe sativa" (Conservatoire Botanique National de Brest).
- Vicia hirsuta sur Tela-botanica
- Vicia sepium sur Tela-botanica
- Vicia cracca sur Tela-botanica
- Clé des "Vicia du groupe cracca/villosa" (Isatis 2006, Haute garonne)

- Exploitation de la Vesce commune au Néolithique moyen dans le Sud de la France de Laurent Boubya et Vanessa Léa.

 

Coquelicots et Pavots: trafic de stups!
Date 12/05/2019
Ico Prairies

Papaver rhoeas, Coquelicot, Biard aéroport (86)

Coquelicots: le bonheur est-il dans le pré?


Papaver rhoeas (Coquelicot) est probablement le membre le plus connu de la petite famille Papaveraceae, un clan dans lequel s'affiche quelques spécimens déjà croisés dans les pages de Sauvages du Poitou, tels que la Grande Chélidoine (Chelidonium majus) ou le Pavot californien (Eschscholzia californica). Ces sauvages affichent des fleurs spectaculaires et éphémères à quatre pétales (chiffonnées dans leur bouton), flanquées d’une bardée d’étamines. Les célèbres Fumeterres et autres Corydales ont également rejoint ce clan à l'issu d'un des derniers mercatos de la botanique (classification APG III).

- Qu’est ce que vous êtes belle Georgette quand vous rougissez. On dirait une fleur des champs.

(Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, Jean-Pierre Jeunet)

Le nom Coquelicot viendrait tout simplement de «Cocorico», le chant du coq, les pétales de la Sauvage ayant emprunté la couleur et la forme de la crête du volatile. Une couleur dont il est possible d'extraire un colorant rouge pâle. Le Coquelicot est une candidate tinctoriale évidente: il suffit de presser ses pétales entre ses doigts pour en entrevoir le potentiel rosé.

Papaver rhoeas, Coquelicot, Biard (86)
Certaines légendes racontent que le Coquelicot a pris sa couleur sur les terres ensanglantées et ravagées par Gengis Khan au 12ème siècle: le Coquelicot qui aime les sol perturbés était une des premières à refleurir sur les champs de bataille.

Si notre coq végétal fleure bon la volaille et la ferme, c'est peut-être parce qu’il fait office de délégué de classe chez les plantes messicoles. Messicole signifie littéralement «qui habite les moissons». A l’image de la superbe Nielle des blés (Agrostemma githago) ou des Bleuets (Centaurea cyanus), le Coquelicot est une Sauvage d'origine étrangère qui s'est naturalisée en France grâce aux cultures céréalières d'hiver. Les messicoles se sont installées autour des champs régulièrement retournés et perturbés, le rythme des labours et des récoltes offrant un partenaire idéal à leur cycle de vie (elles sont pour la plupart annuelles)... Jusqu'à la deuxième moitié du 20ème siècle.

Les nouvelles cultures (maïs, tournesol...), la mécanisation des moyens de désherbage, l’apport d'engrais (favorisant d'autres candidates nitrophiles) et l'usage intempestif d'herbicides leur est défavorable depuis quelques décennies. Une espèce messicole du Poitou-Charentes sur trois a aujourd’hui disparu depuis plusieurs dizaines d’années.

Papaver rhoeas, Coquelicot, Biard aéroport (86)

Sépales velus du Coquelicot qui tombent à la floraison, Biard (86)


Nous voulons de Coquelicots! Sauvages du Poitou

L'appel associatif lancé à la fin de l'été 2018 «Nous voulons des coquelicots» est un des reflets du souhait d'évolution vers une agriculture qui s'harmoniserait avec la flore et la faune associée (paradoxalement, le Coquelicot est une messicole particulièrement résistante aux herbicides). Ainsi, le Coquelicot redevient une fleur épinglée à la boutonnière, à l'image de celle portée par les anglais au sortir de la première guerre mondiale pour honorer les vétérans et les héros morts au combat. Le Coquelicot était la Sauvage reine des champs de bataille: le sol labouré par les obus leur offrait un terrain proche des champs retournés par les tracteurs.

Et puisqu'on évoque nos amis anglais, impossible de ne pas prononcer à haute voix le nom du Coquelicot outre-Manche: Poppy. Il est «la poupée», peut-être à cause des petits personnages qu'on peut confectionner à partir de ses fleurs, de quelques brins d'herbe et d'un soupçon de magie...


Papaver rhoeas alias Poppy! Sauvages du Poitou

On retourne les pétales, les attachant avec une tige de plantain pour former la taille et les bras. Une brindille plantée sous la jupe fait office de deuxième jambe... Hello Poppy!


Étrangement, la toxicité du Coquelicot est souvent exagérée. J'ai pour ma part grandi avec la consigne de me laver les mains après avoir joué avec ses pétales rouges, sous peine de finir ma journée sous le joug d'une effroyable colique... D'autres agrémentent les plats ou les pains de ses graines, quand ils ne décorent pas les salades avec ses fleurs. Alors, le coquelicot est-il comestible ou non?


Papaver rhoeas, Coquelicot, Biard aéroport (86)

Quand le Coquelicot dévoile sa cape de Superman... Aurait-il quelques supers pouvoirs?

- Tu t'y connais un peu en cocaïne?

(Scarface, Brian De Palma)

Pour le quidam, Coquelicots et Pavots, c'est un peu Schtroumpf vert et vert Schtroumpf (en fait Schtroumpf rouge et rouge Schtroumpf): les espèces les plus communes, regroupées sous le genre Papaver, sont souvent confondues. Presque toutes contiennent un cocktail d'alcaloïdes aux propriétés somnifères, sédatives ou analgésiques, potentiellement toxiques à forte dose. En réalité, il faudrait considérer les substances narcotiques concernées espèce par espèce (l'ouvrage Opium Poppy: Botany, Chemistry, and Pharmacology de L.D. Kapoor est riche d'informations en la matière).


Papaver somniferum, Pavot officinal, Poitiers quartier Chilvert

Fleur éphémère du Pavot officinal au jardin: de nombreuses variétés ont été développées par l'horticulture, pour le plaisir des yeux.


La dangerosité supposée des Coquelicots viendrait d'une confusion avec celle du Pavot officinal (Papaver somniferum). Ce dernier renferme une grande concentration d'alcaloïdes opiacés, telles la codéine ou la morphine, surtout chez certaines variétés cultivées dans ce but. On extrait l'opium à partir de son latex, dont les produits dérivés médicinaux ou narcotiques (héroïne...)  sont connus pour la forte dépendance qu'ils développent chez leurs consommateurs. Le Pavot officinal, souvent planté au jardin pour la beauté de ses fleurs éphémères, peut donc légitimement être considéré comme étant toxique, à commencer par ses tiges et ses capsules, les feuilles renfermant peu de latex.


Accroc aux Coquelicots? Sauvages du Poitou!


Papaver vient du celtique papa signifiant «bouillie», parce que l'on mélangeait autrefois les graines du Pavot officinal dans la bouillie des enfants pour mieux les faire dormir. Les graines du Pavot officinal ne présentent théoriquement aucun risque: ce sont d'ailleurs ces mêmes graines, dépourvues d'alcaloïdes, qu'on utilise en cuisine (là aussi, des variétés ont été sélectionnées en ce sens). En pratique, il arrive cependant que les graines soient souillées par le latex des capsules lors de leur préparation. Des études récentes révèlent la présence, certes minime, de morphine jusque dans les urines des amateurs de pain aux graines de pavot (voir cet article du Monde)... Pas de quoi se priver d'une tranche de pain bien sûr!


Papaver rhoeas, Coquelicot, Biard aéroport (86)

Les feuilles du Coquelicot, généralement alternes, présentent des formes très variables, souvent fortement découpées.


De son côté, notre Coquelicot (Papaver rhoeas) contient aussi une belle palette d'alcaloïdes. La morphine en fait partie, mais dans une proportion infime et seulement au niveau des capsules. Chez lui, c'est surtout la rhoeadine qui importe, présente dans toutes les parties de la plante, des racines jusqu'aux pétales. L'usage de ses pétales, recensés dans la liste A de la pharmacopée française, lui reconnait un léger pouvoir sédatif et calmant, mais pas soporifique. Il n'est donc pas complètement innocent mais son usage ponctuel ne recèle à priori pas de grands dangers (quelques cas d'intolérances ont été évoqués ici et là). Ses jeunes feuilles ou ses boutons floraux sont d'ailleurs consommées, crus ou cuits, dans de nombreux pays (confère Le Régal végétal de l'ethnobotaniste François Couplan). La prudence nous invite à ne pas en consommer un plein saladier ou en faire des cures prolongées. Reste à ne pas le confondre avec d’autres espèces proches…


Papaver dubium, Pavot douteux, Poitiers quartier Chilvert

Mais quel est ce Coquelicot? Quand le Pavot douteux (Papaver dubium) nous fait douter... Notez les poils appliqués sur la tige, contre des poils hérissés chez le Coquelicot.


Le genre Papaver est riche de 8 espèces en France (110 dans le monde). On peut mentionner: le Pavot douteux (Papaver dubium), commun en tout lieu, ou le Pavot argémone (Papaver argemone) et le Pavot hybride (Papaver hybridum), deux messicoles moins répandues. Ces Pavots se rapprochent sensiblement du Coquelicot en apparence comme en qualités. En cas de confusion, leur consommation raisonnable ou ponctuelle ne présente pas de risques, même si le Pavot douteux peut nous insuffler quelques doutes de par sa teneur en aporéine (le botaniste Paul-Victor Fournier le considère comme potentiellement toxique). Surtout, il serait dommage de croquer le Pavot argémone ou le Pavot hybride, tant leurs rangs se parsèment au fil des années, à l'image de la plupart des messicoles.


Papaver spp, Sauvages du Poitou!


Alors comment distinguer les Coquelicots/Pavots les plus courants? Le critère d'identification le plus abordable repose sur l'observation des capsules: elles sont en forme de vase et glabres chez P.Rhoeas (1), allongées et glabres chez P.dubium (2), allongées et hérissées chez P.agremone (3), courtes, arrondies et hérissées chez P.hybridum (4).


Aylax papaveris sur Papaver dubium, Poitiers quartier gare

Si l’identification des Pavots repose en partie sur leurs capsules, une petite guêpe (Aylax papaveris) peut brouiller les pistes. En pondant dans les fruits, elle provoque une « galle » (ici sur Papaver dubium) qui fait enfler la capsule jusqu’à trois fois sa taille ! A l’intérieur du fruit atrophié, plusieurs loges servent d’abri et de garde-manger bien rempli aux larves de l’insecte.


Pour aller plus loin:

- Papaver Rhoeas sur Tela-botanica

- Papaver Rhoeas: identification assistée sur ordinateur

- Papaver dubium sur Tela-botanica

- Papaver dubium: identification assistée sur ordinateur

- Le coquelicot, un emblème anti-pesticide ambigu? sur Zoom Nature

- Le Coquelicot à travers l'histoire sur le blog Books of Dante


Lecture recommandée:

- Le Coquelicot poète des champs de Bertrand Bernard

- Plantes de poilus de Denis Richard

- Opium Poppy: Botany, Chemistry, and Pharmacology de L.D. Kapoor

Papaver rhoeas, Coquelicot, Poitiers quartier gare

Coquelicot: il est interdit de franchir la ligne blanche!

 

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