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Mélampyre des champs: le Blé noir
Date 04/06/2018
Ico Prairies

Melampyrum arvense, Mélampyre des champs, Buxerolles (86)

Mélampyre des champs, Buxerolles (86)


Melampyrum arvense (Mélampyre des champs) appartient à la famille des Orobanchaceae, un clan qui regroupe nombre de Sauvages aux allures excentriques, plus ou moins parasitaires. Tel est le cas du Mélampyre des champs, qui conserve des fonctions chlorophylliennes tout en tirant sa subsistance des racines d'autres plantes autour de lui (essentiellement des Poacées ou Graminées). On dit qu'il est hémiparasite: comprenez à moitié pickpocket.


Melampyrum arvense, Mélampyre des champs, Buxerolles (86)

Mélampyre des champs : un compagnon que les Poacées préfèrent avoir en photo qu'en pension!

Ils font un pain dégueulasse... On se pète les dents dessus!

(Kaamelott, Alexandre Astier)

Le Mélampyre des champs est une annuelle qu'on croisera à l'occasion autour des champs et des prairies calcaires. L'affection que porte la Sauvage au clan Poaceae l'incite à fréquenter les céréales: elle vampirise parfois les champs de blés, où sa présence est modérément appréciée malgré sa belle allure. Non pas tant pour pour ses talents de suceuse de sève, mais parce que ses graines sombres se confondent et se mélangent avec celles du blé à l'heure des moissons. Lorsque c'est le cas, les semences du Mélampyre des champs donnent au pain des taches peu appétissantes, violacées-rougeâtres; une mie bigarrée un brin toxique pour certains auteurs, inoffensive pour d'autres... Difficile de trancher quant à la dangerosité de la baguette à pois rouges. Reste que la Sauvage doit à cette réputation son nom de baptême: Mélampyre vient du grec mélas, noir, et pyros, le blé, littéralement le «Blé noir».


Mélampyre des champs, le Blé noir (Sauvages du Poitou)


Melampyrum arvense, Mélampyre des champs, Buxerolles (86)

Moue boudeuse de la fleur du Mélampyre des champs... Le dessin lui a déplu?


Si gâcher le pain est un méfait difficile à pardonner pour un esprit français, parcourons tout de même les travaux de Gerard Ducerf: le botaniste nous apprend (Encyclopédie des plantes bio-indicatrices volume 3) que c'est précisément la carence en azote du sol qui lève la dormance du Mélampyre des champs. En parasitant et en freinant les ardeurs des Poacée — de grandes consommatrices d'azote — notre vampire végétal enraye la dégradation des sols dans lesquels on aurait trop puisé... Ainsi, le Mélampyre des prés assure un contrepouvoir salutaire face aux graminées et aux céréales lorsque celles-ci risquent d’appauvrir le milieu à l'excès; encore une fois, la nature est bien faite, et rien n'est jamais strictement mauvais ou nuisible à l'échelle de l'interdépendance.


Melampyrum arvense, Mélampyre des champs, Buxerolles (86)

Feuilles rudes du Mélampyre des champs: opposées, sessiles, lancéolées, linéaires.


Plutôt que de finir dans une boulangerie, Le Mélampyre des champs préfère l'assistance du peuple fourmi pour disperser ses graines sur le territoire (myrmécochorie). Les semences, équipées d'une substance nourricière (élaïosome) pour appâter les insectes, sont embarquées jusque dans les fourmilières ou abandonnée en cours de route.


Melampyrum arvense, Mélampyre des champs, Buxerolles (86)

Fruits (capsules) du Melampyre des champs: le «Blé noir», ou le côté obscur de la baguette.


Et pour susciter au plus tôt la compagnie des fourmis autour de ses fleurs, le Melampyre des champs affiche un autre festin très généreux à leur destination: des petites glandes noires (nectaires) chargées d'un précieux nectar sont parsemées sur ses bractées flamboyantes.


Melampyrum arvense, Mélampyre des champs, Buxerolles (86)

Nectaires sur les bractées du Melampyre des champs: un restaurant trois étoiles pour le peuple fourmi.


Le genre Mélampyre est riche d'une petite dizaine d’espèces, tous hémiparasites. On reteindra pour les plus courants sur le sol français:


Melapyrum cristatum, Mélampyre à crête, Saint Benoît (86)


Le Mélampyre à crête (Melapyrum cristatum), une annuelle aux bractées dentées comme des crêtes qui fréquente les lisière et les clairières forestières. Commun dans l'est du pays, il se fait de plus en plus rare au fur et à mesure qu'on se rapproche de la côte ouest.


Melampyrum pratense, Mélampyre des prés, Saint-Auvent (87)


Le Mélampyre des prés (Melampyrum pratense), une annuelle au longues fleurs jaunes pâles (blanches en fin de floraison) disposées par paires, qu'on rencontre dans tout le pays à l'ombre des sous bois. Le Mélampyre des prés a aussi pour habitude de côtoyer les fourmis (qui dispersent ses graines); mais un autre spectacle attend l'observateur chanceux près de ses colonies, comme pourrait le raconter Olivier Pouvreau, le lépidoptériste de Sauvages du Poitou :



Le petit monde de Melampyrum pratense


Melitaea, Sauvages du Poitou !


Quand la belle saison s’installe en Poitou, les prairies et lisières forestières s’égaient des papillons aux ailes orangées quadrillées de noir. Ils appartiennent au genre Melitaea (plus connu sous le nom de «Mélitées») dont l’étymologie vient de «miel», une référence non pas tant à leur couleur qu’à leur goût prononcé pour le nectar. Au sein de leur monde, l’une de ces Mélitées va nous occuper en particulier. Il s’agit de Melitaea athalia, appelée Damier Athalie ou justement, la Mélitée du mélampyre.


Melitaea athalia, Mélitée du mélampyre, Forêt de Moulière (photo Olivier Pouvreau)

Mélitée du mélampyre (Melitaea athalia), Forêt de Moulière (86)


S’il arrive de la trouver sur coteau calcaire, la Mélitée du mélampyre est avant tout familière des allées forestières où elle butine ronces, marguerites, renoncules, bruyères… En Poitou, c’est une bête de juin-juillet dont les émergences peuvent être par endroits assez spectaculaires. Le 29 juin 2016, une randonnée en forêt de Moulière m’amena à en rencontrer une, puis deux, puis des dizaines! Je compris la cause de leur concentration: elle correspondait à la présence de belles stations de Mélampyre des prés, notre Sauvage servant de plante-hôte aux chenilles. Dans les faits, sur le revers des feuilles basses des Mélampyres, les Mélitées femelles vont déposer jusqu’à 400 œufs en plusieurs pontes. Les chenilles, assez grégaires, passeront l’hiver dans une feuille sèche à même la litière pour se nymphoser au printemps suivant, jamais loin de leurs Mélampyres chéries. Les Mélitées forment un genre complexe qui fait s’arracher les cheveux aux lépidoptéristes. Aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos clichés de ces papillons (si possible poitevins), l’équipe de Sauvage du Poitou se fera un plaisir tout capillaire de (tenter de) les identifier!


Melampyrum pratense, Mélampyre des prés, Forêt de Moulière (photo Olivier Pouvreau)

Colonie de Mélampyre des prés, Forêt de Moulière (86)




Pour aller plus loin :

- Melampyrum arvense sur Tela-botanica

- Melampyrum arvense : identification assistée par ordinateur

- Melampyrum cristatum sur Tela-botanica

- Melampyrum cristatum : identification assistée par ordinateur

- Melapyrum pratense sur Tela-botanica

- Melampyrum pratense : identification assistée par ordinateur

 

Pâturin annuel: le patron
Date 10/05/2018
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Poa annua, Pâturin annuel, Dinard (35)

Pâturin annuel: c'est qui le patron? C'est Poa!


Poa annua (Pâturin annuel) appartient à l'incontournable clan des Poaceae, qu'on aura pourtant vite fait de contourner par manque de patience tant leur étude peut sembler ardu. Et pourtant... Les Poaceae — c'est à dire les herbes, les céréales, les pelouses et les gazons — sont la première famille végétale en terme de couverture terrestre: 20% de la couverture verte de la planète! Elles doivent leur nom de «Poacées» (anciennement «Graminées») à notre discret Pâturin annuel (Poa annua, Poa étant l'«herbe» en grec), qui se trouve être en tête du top 10 des sauvages les plus observées dans les villes de France (source Sauvages de ma rue).


Poa annua : le patron ! Sauvages du Poitou


Poa annua est donc le véritable boss du gang des herbes folles citadines. Pourtant, peu sont ceux qui le remarquent, le Pissenlit (Taraxacum sect. Ruderalia) lui volant généralement le titre et la vedette auprès du grand public. Mais si vous y prêtez attention, vous verrez que Poa annua est omniprésent (on le retrouve dans toute les régions tempérées du monde) et finirez surement par pousser un soupir admiratif devant son incroyable faculté d'adaptation. Chétif en milieu hostile, piétiné ou fier (jusqu'à 30cm) sur les sols généreux, Poa annua fait preuve d'une étonnante plasticité.


Poa annua, Pâturin annuel, Poitier centre ville

Pâturin annuel: ignoré, fauché, écrasé, piétiné, mais toujours vivant!

Les filles, le patron est revenu! Il est la! Le patron est revenu!

(Le bonheur est dans le pré, Étienne Chatiliez)

Poa annua, comme son nom et ses racines fibreuses le laisse penser, est une annuelle qui affectionne les sols nus et dégradés, les bords de routes (voire les routes), les trottoirs, les gazons ou les prairies dégarnies et piétinées. La Sauvage fleurit sans interruption durant toute sa vie qui dépasse souvent douze mois, assurant jusqu'à six générations par an en dehors des périodes de grand froid. Les semences peuvent germer dans les semaines qui suivent leur dispersion si les conditions de température et d'humidité sont réunies.


Poa annua, Pâturin annuel, Poitier quartier gare

Pâturin annuel: premier sur le macadam.


Malgré son ahurissante capacité de reproduction, le frêle et discret Poa annua ne cause généralement guère de sueurs froides aux jardiniers... A l'exception des amateurs de pelouses parfaites: sa couleur claire et sa tendance à sécher rapidement en été pouvant faire tâche sur la moquette parfaite et mortifère d'un fairway de golf.


Poa annua, Pâturin annuel, Poitier bords de Boivre

Pâturin annuel, Poitiers bords de Boivre


La Panicule (inflorescence) de Poa annua, lâche et peu fournie, dresse des rameaux caractéristiques quasiment disposés à angle droit. Reste que l'identification d'un membre du clan Poacée exige l’observation minutieuse de nombreux détails : le chaume de Poa annua est glabre, ses feuilles molles, un peu rugueuses au toucher, plissées en U ou en V. On note la présence d'une ligule courte (environ 3mm), mais pas d'oreillettes.


Poa annua, Pâturin annuel, Poitier quartier Chilvert

Épillets aplatis du Pâturin annuel


Ses épillets sont aplatis, les fleurs dépassent nettement des glumes. Les glumelles sont imbriquées et dénuées d’arêtes... Et pour tout ceux qui, face à ce vocabulaire ésotérique, se sentent égarés comme une fourmi amnésique dans un champ de Pâturin, rendez-vous sur notre article consacré au sujet.


Le genre Poa offre une vingtaine d'autres espèces. Plus grandes, vivaces et stolonifères, Poa trivialis (Pâturin commun) et Poa pratensis (Pâturin des prés) sont deux autres Sauvages communes qui peuvent se dresser jusqu'à un mètre de hauteur, comme une version XXL de notre Pâturin annuel. Histoire de ne assommer d'avantage le vaillant lecteur qui a probablement son comptant de mots savants pour l'heure, je laisse en bas d'article les liens vers leurs cartes d’identités exhaustives publiées sur l'excellent site Botarela.


Poa trivialis, Pâturin commun, Poitiers bords de Boivre

Ligule longue et pointue du Pâturin commun.


Poa pratensis, Pâturin des champs, Vouneuil-sous-Biard

Ligule courte et tronquée du Pâturin des prés.


Puisqu'il est de bon ton de se quitter sur de jolies histoire, prenons le temps d'en raconter quelques unes: Il était une pôa le Pâturin bulbeux (Poa bulbosa), un autre Pâturin citadin (bords de chemin, rocailles, vieux murs mais aussi prairies sèches...), discret et vivace, qui devait son nom à ses tiges renflées comme des bulbes à leur base.


Poa bulbosa, Pâturin bulbeux, Poitiers porte de Paris

Tiges renflées du Pâturin bulbeux, Poitiers porte de Paris

— Je suis affreuse...

— Une femme enceinte est toujours belle, ma chérie!

(Les parapluies de Cherbourg, Jacques Demy)

Le Pâturin bulbeux possède souvent l'étrange caractéristique d'être vivipare (on le considère alors comme la sous espèce Poa bulbosa var. vivipara), à l'image des mammifères que nous sommes:  plutôt que d'abandonner ses semences aux graviers, les épillets de Poa bulbosa se transforment en bulbilles qui commencent à germer avant même d'avoir quitté l'inflorescence parentale.


Les Sauvages vivipares sur Sauvages du Poitou!


Alors que nous commençons notre existence — pourtant terrienne — en un milieu secret et aquatique (le ventre de notre mère), le Pâturin bulbeux débute la sienne à quelques centimètres du sol, en un milieu ouvert et aérien, avant que de rejoindre le plancher des vaches... L'incroyable spectacle de son inflorescence devenue nursery est à la hauteur de l'histoire, jugez plutôt:


Poa bulbosa var. vivipara, Pâturin bulbeux, Poitiers porte de Paris

Pâturin bulbeux: une famille nombreuse en guise d'inflorescence.


Famille nombreuse, famille heureuse: on peut donc imaginer qu'ils vécurent comblés et que leur progéniture abonda comme du Pâturin annuel en ville. Et puisqu'on parle de progéniture, laissons l'histoire de la fin à Olivier Pouvreau, le conteur lépidoptériste de Sauvages du Poitou:



Le petit monde des Poa


Si les Poa ne font pas partie des plantes les plus remarquées par le promeneur, elles sont cependant les cibles convoitées d’une importante sous-famille de papillons diurnes appelée Satyrinae. Nommons-les d’emblée:


Satyrinae (photos Olivier Pouvreau)

De gauche à droite et de haut en bas: Tircis (Pararge aegeria), Myrtil (Maniola jurtina), Amaryllis (Pyronia tithonus), Procris (Coenonympha pamphilus), Tristan (Aphantopus hyperantus) et Mégère (Lasiommata megera).


Cet attrait qu’ils manifestent pour les Poa, quel est-il? Culinaire, bien entendu! Les Poa servent en effet de réserve de nourriture aux chenilles qui les consomment pendant la nuit, se cachant ensuite dans la base touffue de leur plante préférée durant le jour. Il se peut d’ailleurs que cette activité nocturne soit une des garanties de leur abondance, car les parasitoïdes (des espèces de diptères et d’hyménoptères, causes importantes de mortalité chez les papillons) sont diurnes. Et si vous tombez sur une de leurs chenilles (vu leur mimétisme, nous vous souhaitons bonne chance!), notez que toute chenille Satyrinae qui se respecte possèdera forcément deux petites cornes à l’extrémité de son abdomen.


Satyrinae, Sauvages du Poitou!


Point commun entre cette bande de sauvageons ailés et nos discrètes Sauvages: tous sont aussi peu spectaculaires qu'abondants. Chercher l’exotisme des formes et des couleurs chez ces papillons serait comme faire concourir notre pâturin au concours de Miss Sauvages du Poitou (dont la gagnante remporte toujours une couronne de Pissenlits). Chez les Satyrinae, les espèces sont souvent sombres et presque monochromes même s’ils nous révèlent, de plus près, des dessins subtils et de beaux camaïeux de bruns, de gris, de fauves ainsi que de superbes ocelles (lorgnez un peu les dessous de la mégère). Ces papillons riment avec chaleur, agrémentant nos belles journées d’été de leur vol anarchique et sautillant dans les chemins, les champs et les bois. Myrtils, Procris, Tircis et Amaryllis sont encore abondants en Poitou et font partie des papillons les plus communs de France. La Mégère est localement commune, préférant les milieux ouverts et secs. Le Tristan, quant à lui, est forestier, plus rare et localisé.




Pour aller plus loin :

- Poa annua sur Botarela

- Poa bulbosa sur Botarela

- Poa pratensis sur Botarela

- Poa trivialis sur Botarela

 

Au Fer-à-cheval: le rendez-vous des papillons
Date 26/06/2017
Ico Prairies

Hippocrepis comosa, Fer-à-cheval, Beauvoir (86)

Fer-à-cheval, Beauvoir (86)


Hippocrepis comosa (Fer-à-cheval ou Hippocrepis à toupet) est un membre du clan Fabaceae, au côté de célébrités telles que les Fèves, Pois, Haricots, Trèfles, Luzernes, Vesces, Gesses... Des plantes, sauvages ou cultivées, qui produisent généralement des fruits en gousse (on les surnomme «Légumineuses» lorsque c'est le cas). C'est d'ailleurs à ses fruits que Hippocrepis comosa doit son surnom équestre. Hippos est le «cheval» en grec, crepis la «chaussure»: ses gousses se tortillent curieusement, dessinant une guirlande de fers à cheval!


Hippocrepis comosa, Fer-à-cheval, Beauvoir (86)

Fruits caractéristiques (gousses) du Fer-à cheval, Beauvoir (86)


Hippocrepis comosa est une vivace qui plante ses souches légèrement ligneuses sur les prairies «à papillons», rases et sèches à tendance calcaire, à la limite de la rocaille. Elle est plutôt commune dans le Poitou, comme dans le reste de la France, à l'exception du Limousin où la belle tend à disparaître. Ses fleurs jaunes pointent entre avril et juin au dessus d'un méli-mélo de verdure: si la Sauvage est qualifiée de «chevelue» (comosus en grec), c'est à cause du couvert des ses feuilles entremêlées.


Hippocrepis comosa, Fer-à-cheval, Biard (86)

Feuille du Fer-à-cheval: imparipennée, 7 à 17 folioles obovales à linéaires.

Regarde papa, un papillon!

(Je suis une légende, Francis Lawrence)

Le calice des fleurs jaunes, réunies par 5 à 12 en ombelles, présentent les atouts caractéristiques des «Papilionacées» (voir notre article consacré à ce sujet): un étendard redressé et échancré (en haut), deux ailes (sur les côtés) et une carène (en bas).


Hippocrepis comosa, Fer-à-cheval, Poitiers rochers du Porteau

Fleurs du Fer-à-cheval, comme autant de rondes de papillons jaunes!


Faute de se pencher suffisamment, on pourrait confondre ses fleurs avec celles de quelques autres spécimens de Fabacées. A commencer par celles du Lotier corniculé (Lotus corniculatus). Ce dernier fleurit un poil plus tard (mai) que le Fer-à-cheval (dès avril). Le Lotier corniculé préfère les prairies mésophiles, mais nos deux Sauvages se fréquentent souvent au printemps. L'examen des feuilles évitera tout amalgame: elles sont strictement trifoliées chez le Lotier corniculé, nombreuses et imparinpennées chez le Fer-à-cheval.


Lotier corniculé, Lotus corniculatus, Saint Aignan (41)

Lotier corniculé: un étendard bombé vers l’avant, comme s’il avait le vent dans le dos!


La Petite Coronille (Coronilla minima), une autre habituée des prairies sèches qui fleurit dès le mois de mai, ressemble aussi à notre Fer-à-cheval. Mais la Petite Coronille présente des folioles charnues, comme cartilagineuses, d'un vert glauque caractéristique qui se repère de loin avec un peu d'habitude.


Coronilla minima, Petite Coronille, Plateau de Thorus (86)

Petite Coronille: des feuilles imparipennées en 7 à 9 folioles glauques et charnues.


Les «Papilionacées» doivent leur appellation à la forme de leurs fleurs; mais il se trouve qu'elles intéressent souvent les lépidoptères, ou plus exactement, leurs chenilles qui en font leur festin. Le Fer-à-cheval est assez représentatif en la matière (c'est aussi vrai pour le Lotier corniculé et la Petite Coronille), au point que sa découverte par le promeneur précède forcément celle d'un carnaval de papillons, et vice versa!


Le Fer-à-cheval constitue en effet un véritable banquet pour nombre de rhopalocères (dits, pour simplifier, «papillons de jour») qui l’ont adoptée pour la bouloter (chenilles) et/ou pour la butiner (adultes). Dès lors, quoi de plus naturel que de laisser Olivier Pourvreau, notre lépidoptériste maison, poursuivre le récit de cet article...


« En France, on compte onze espèces de rhopalocères utilisant le Fer-à-cheval comme nourriture pour leurs chenilles (on appelle ça une «plante hôte larvaire» — si vous voulez faire de l’effet lors d’une sortie naturaliste, parlez de «PHL»). Bref, notre Sauvage est le troquet des pelouses sèches calcicoles!

Hippocrepis comosa, Fer-à-cheval


Présentons le papillon le plus distingué de ce groupe d’habitués de l’hôtel-restaurant du Fer-à-cheval: le Bel Argus (Polyommatus bellargus). S’il est le plus remarquable, c’est qu’il est à coup sûr le plus remarqué: de mai à septembre, se balader sur un coteau calcaire suffit souvent pour voir miroiter le bleu céleste des mâles (les anglais ont baptisé ce papillon adonis blue, c’est dire s’il est un canon de beauté grecque chez les papillons).


Polyommatus bellargus, Bel Argus (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Au rendez-vous du Fer-à-cheval: une cantine pour les chenilles du Bel Argus, open bar pour les adultes!


Le Bel Argus ne s’écarte que très rarement des stations de Fer-à-cheval, même réduites. Il m’est arrivé une unique fois d’observer un mâle posé sur la berge d’une rivière, loin de la moindre touffe de sa plante préférée. Ce n’est que plus tard que je découvris, à une centaine de mètres de là, un rocher colossal dont le sommet était tapissé de touffes jaunes... Le papillon s’était simplement écarté de sa colonie pour s’abreuver sur la terre humide.


Hippocrepis comosa, Fer-à-cheval (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Trois Bel Argus se cachent dans cette colonie de Fer-à-cheval, saurez-vous les retrouver?

- Mais qu’est-ce que c’est que cette matière? Mais c’est de la merde!

- Non, c’est kloug.

(Le père noël est une ordure, Jean-Marie Poiré)

Les mâles apparaissent une dizaine de jours avant les femelles et sont plus abondants qu’elles (règle courante chez les papillons). On peut alors les observer virevolter ensemble, se rassemblant parfois en paquets autour d’excréments ou sur le sol humide qu’ils pompent de leur trompe. On dit qu’ils vont «aux sels minéraux», substances qui amélioreraient leur fécondité! Les femelles sont bien plus discrètes: d’abord par leurs couleurs, leur recto étant brun chocolat, même s’il n’est pas rare qu’elles arborent des suffusions bleues, certaines femelles finissant même pas ressembler à des mâles (on les appelle les «femelles bleues»); ensuite par leur comportement, moins «toutes façades dehors» que leurs géniteurs: elles volent moins, souvent posées dans la végétation basse.


Polyommatus bellargus, Bel Argus (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Le Bel Argus peut butiner le nectar des fleurs ou les excréments... Un goût pour le sucré/salé bien à lui!


D’après le lépidoptériste Tristan Lafranchis, les fleurs butinées par le Bel Argus dépendent du sexe et de la période de l’année. Au printemps, les mâles butinent le Fer-à-cheval alors que les femelles préfèrent les fleurs du Lotier corniculé. Durant l’été, le Lotier cette fois-ci intéresse les mâles tandis que les femelles vont siroter une plus large gamme de fleurs…


Au printemps et en été (le Bel Argus ayant deux générations dans le Poitou), la femelle dépose entre 50 et 100 œufs sur les feuilles et les tiges du Fer-à-cheval. Les petites chenilles sont nocturnes. A leur troisième stade, elles sont prises en charge par les fourmis. Cette association chenille/fourmis (la chenille fournissant aux fourmis un miellat en échange de leur protection contre les prédateurs) est courante dans la famille des Lycaenidae à laquelle appartient le Bel Argus: on la nomme «myrmécophilie».


Œuf de Polyommatus bellargus sur Hippocrepis comosa (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Œuf de Bel Argus au revers d’une foliole de Fer-à-cheval.


Chenille de Polyommatus bellargus sur Hippocrepis comosa (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Chenille de Bel argus en insolation sur une foliole de Fer-à-cheval. 2 millimètres au plus!


Un autre «petit bleu» virevolte au-dessus des pelouses sèches : le Bleu nacré (Polyommatus coridon). Moins commun que le Bel argus dans nos contrées, il s’en rapproche par son goût pour les mêmes milieux où trône notre Sauvage ainsi que par les mœurs de sa chenille, nocturne et myrmécophile. Il s’en écarte par contre sur deux points: il ne vole qu’en une seule génération estivale (entre juillet et septembre) et son butinage porte plutôt sur les composées, les Sauvages à la mode scabieuses et les lamiacées.


Polyommatus coridon, Bleu nacré (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Bleu nacré mâle perché sur une graminée.


Le Fluoré (Colias alfacariensis) est également un habitué des stations de Fer-à-cheval. Il s’agit d’un papillon de taille moyenne qui pilote en Formule 1 et butine en fast-food! Pire: non seulement il ne se laisse pas facilement observer, mais il est de plus confondu avec un de ses cousins, le Soufré (Colias hyale)...


Fluoré, Colias alfacariensis, Sauvages du Poitou!


À tel point qu'on ne fit du Fluoré une espèce distincte du Soufré qu’en 1944. Il s’avère qu’il n’est de toute façon pas chose aisée de distinguer les deux espèces dans la nature mais que, pour simplifier, si vous trouvez un de ces papillons jaunes sur une pelouse sèche calcicole, il y a de fortes chances pour que ce soit un Fluoré, le Soufré préférant les champs de trèfles ou de luzernes.


Une fois qu’un mâle a fécondé une femelle, celle-ci pond isolément ses œufs sur les folioles du Fer-à-cheval.


Colias alfacariensis, Fluoré (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Fluoré femelle sirotant une Dipsacacée, une famille de Sauvages dont certains membres sont très prisés par nombre de papillons pour leur nectar.


Cette exploration du petit monde du Fer-à-cheval s’achève par l’excentrique Zygène transalpine (Zygaena transalpina). Les zygènes sont des papillons diurnes à l’aspect typique: ailes élégantes, d’un noir métallisé constellées de taches généralement rouges, tels des dandys en redingote! Comme de nombreux insectes aux couleurs vives (le rouge notamment), leur aspect est un signal aux prédateurs signifiant: «halte là, je suis toxique!». Si quelques prédateurs n’en pâtissent pas (comme certaines punaises ou araignées), la grande majorité évite ainsi de croquer les zygènes car elles secrètent des alcaloïdes toxiques et du cyanure qui auraient de quoi faire chanter un Requiem aux mantes religieuses, grandes chasseresses d’insectes!


Zygaena: des empoisonneuses! Sauvages du Poitou


La Zygène transalpine se rencontre en été. Attention, elle peut être vite confondue avec sa cousine, plus commune, la Zygène de la filipendule (Zygaena filipendula)… mais s’en distingue notamment par le somment clair de ses antennes. Comme la plupart de ses consœurs, cette zygène aime butiner certaines Dipsacacées (les fausses jumelles Scabiosa columbaria et Knautia arvensis) et le Panicaut champêtre (Eryngium campestre), autres locataires des pelouses sèches, ces milieux si riches en surprises floristiques et faunistiques! »


Zygaena transalpina, Zygène transalpine (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Zygène transalpine: une empoisonneuse en imperméable noir à pois rouges…


Pour aller plus loin:

- Hippocrepis comosa sur Tela-botanica.

- Lotus corniculatus sur Tela-botanica.

- Coronilla minima sur Tela-botanica.

 

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