Anémone sylvie, Persac (86)
Anemone nemorosa (Anémone sylvie ou Anémone des bois) appartient au clan éclectique Ranunculaceae, dont la plupart des membres sont toxiques et recherchent la proximité de l'eau (rena est la «grenouille en latin). Anemone nemorosa n'échappe guère aux traditions familiales: sa consommation est proscrite pour l'homme comme pour les animaux, sa sève fraîche pouvant même provoquer des dermites de contact... On raconte que les habitants du Kamtschatka (Russie) badigeonnaient leurs flèches avec le suc extrait de ses racines pour les rendre mortelles!
Elle vit avec la forêt et mourra avec elle.
(Princesse Mononoké, Hayao Miyazaki)
Si l'Anémone des bois ne cherche pas à avoir les pieds dans l'eau, elle colonise les terres toujours fraiches des sous bois de feuillus. Rappelons au passage que le prénom Sylvie qu'on attribue à la Sauvage trouve ses origines dans le latin silva, la «forêt».
Les fleurs de l'Anémone des bois bardées d'étamines, comme de coutume chez les Renonculacées.
Forestière oblige, l'Anémone des bois programme sa floraison tôt dans l'année, dès le mois de mars: il s'agit de profiter des premiers rayons de soleil avant que le milieu ne se ferme avec le retour du feuillage des grands arbres. Histoire de ne pas perdre un photon, ses fleurs blanches suivent la course du soleil tout au long de la journée, un excellent moyen pour réfléchir la lumière et aguicher les premiers butineurs. Ces derniers ne sont pas légions et la Sauvage doit se contenter de syrphes ou de minuscules coléoptères, d'autant plus que ses fleurs dénuées de nectar n'attirent guère les abeilles et les bourdons affamés au sortir de l'hiver.
Sous chaque fleur de l'Anémone des bois, un trio de folioles palmatisequées.
A l'image de sa meilleure copine, la Petite Pervenche (Vinca minor), l'Anémone des bois est capable d'occuper d'imposantes parcelles. Ses colonies les plus importantes attestent de l'ancienneté de la forêt (sa souche traçante croît de 2 à 3 centimètres par an). Ses fleurs se déplacent au fur et à mesure de l'avancée de son rhizome, n'apparaissant pas au même endroit d'une année sur l'autre... Qui a dit que l'immobilité est une caractéristique du monde végétal?
Colonie d'Anémone des bois, Persac (86)
Le bon bois a toujours des fourmis!
(Proverbe camerounais)
Les fruits de l'Anémone des bois sont de petits akènes poilus regroupés au bout d'une tige recourbée. Surplombés d'un appendice huileux (l'élaiosome), les fruits appâtent les fourmis qui entrainent les générations futures vers de nouveaux horizons et de nouvelles aventures forestières (myrmécochorie).
Pour aller plus loin:
- Anemone nemorosa sur Tela-botanica
- Anemone nemorosa: identification assistée par ordinateur
- Isopyrum thalictroides sur Tela-botanica
Isopyre faux-pigamon, Biard bords de Boivre
Valériane officinale, Poitiers bords de Clain
Valeriana officinalis (Valériane officinale ou Ervant en poitevin-saintongeais) appartient à la famille Caprifoliaceae, parmi laquelle on trouve la Centranthe rouge ou la Cardère sauvage déjà rencontrées dans nos pages. La Sauvage doit son nom au latin valere, «bien se porter», non pas tant pour sa vigueur que pour son statut de légende parmi les plantes médicinales: jadis, Valeriana officinalis fut même surnommée Herbe-guérit-tout!
- Ce doit être absolument incurable et mortel!
- Mais non, mais non...
- Ah? Il y a un espoir de guérison? Ne me trompez pas docteur je veux savoir la vérité!
(Knock, Guy Lefranc)
Tout à tour philtre d'amour, aphrodisiaque, remède contre l'épilepsie, l'hystérie, la danse de Saint-Guy, l'asthme... L'utilisation médicale de Valeriana officinalis se précise et se recentre au fil des siècles autour de son action calmante et sédative (ce sont ses parties souterraines qui sont utilisées, généralement en tisane ou en lotion relaxante). Aujourd'hui, l'efficacité de Valeriana officinalis est contestée par les scientifiques, les essais cliniques à son sujet aboutissant à des résultats irréguliers et contradictoires. Son usage reste néanmoins répandu et apprécié: il n'est pas rare de retrouver la Sauvage dans les cocktails phytos des sachets de tisane «Bonne nuit»! La Valériane officinale est largement cultivée à des fins commerciales, la plus grosse partie de la production française se situant en Anjou.
Fleurs rosées de la Valériane officinale: une corolle en tube, 3 étamines autour d'un pistil surmonté de 3 stigmates.
Mais revenons à nos spécimens sauvages: Valeriana officinalis est une vivace qui fréquente les sols riches engorgés d'eau des prairies et des clairières alluviales. Elle dresse en été ses corymbes amples de fleurs rosées, au bout de longues tiges (plus de 1m de hauteur) creuses et cannelées.
Feuilles opposées et pennatiséquées de la Valériane officinale (la tige est creuse et cannelée).
Valeriana officinalis présente des aspects variables selon les régions, les milieux ou selon ses stades de développement. Elle peut être grêle en terrain sec ou robuste sur sol humide; généralement glabrescente, elle peut aussi se montrer très poilue... À tel point que de nombreuses sous espèces sont aujourd'hui recensées, voir de nouvelles espèces, ce qui cause parfois aux botanistes quelques nuits blanches, sapant un peu plus la réputation de somnifère de la Sauvage! Malgré leurs différences, tous ces spécimens conservent les qualités alimentaires (elles sont comestibles), médicinales et bio-indicatrices précitées.
Les fruits de Valeriana officinalis sont de petits akènes que le vent disperse (anémochorie), aux «plumes» finement découpées.
Akènes de la Valériane officinale en été.
Nous avions déjà évoqué l'effet attractif et euphorisant que produisent les effluves des racines des Valérianes chez les chats (voir Centranthus ruber, la Valériane rouge); c'est aussi le cas pour Valeriana officinalis, surnommée à l'occasion Herbe aux chats. Certains jardins botaniques cultivent leurs pieds de Valériane sous un grillage pour éviter que les félins accrocs ne les déterrent!
Les rats se passionneraient aussi pour la Sauvage. Vous connaissez l'histoire du joueur de flûte de Hamelin: le musicien libéra sa ville d'une invasion de rats en entrainant les rongeurs jusque dans une rivière, où ils se noyèrent. Selon la légende, le musicien tirait ses pouvoirs de sa flûte. Dans d'autres versions, on raconte que le musicien cachait dans ses poches quelques plantes pour appâter les rongeurs: Valériane?
Enfin, certains jardiniers pulvérisent des purins ou des infusions de Valeriana officinalis (diluées au 1/20) sur leurs planches ou sur leur compost pour encourager la présence de vers de terre. Si quelqu'un est à même de m'expliquer le pourquoi du comment en commentaire, j'en serais ravi. L'occasion de rappeler le rôle essentiel de ces ouvriers invisibles: les vers de terre recyclent, compostent, retournent, aèrent et fertilisent le sol. Les «turricules», leurs déjections, sont très riches en azote, en phosphore, en potassium, en calcaire, en magnésium. Quoi qu'il en soit, les préparations à base de Valeriana officinalis sont elles aussi riches en phosphore et donc intéressantes pour la croissance et la floraison de certaines plantes au jardin.
Turricule en hiver: le ver Noël est passé au jardin, ho ho ho!
Pour aller plus loin:
- Valeriana officinalis sur Tela-botanica
- Valériana officinalis: identification assistée par ordinateur
- La Valériane à travers l'histoire sur le blog Books of Dante
Valériane officinale, Poitiers bords de Clain
Campi, héros du Petit guide de survie pour plantes rebelles (par Michaël Falkowski)
Nous avons peu l'occasion de parler littérature sur Sauvages du Poitou. Pourtant, un botaniste n'irait pas bien loin sans le soutien d'une bibliothèque bien fournie (à ce propos, j'essaie de tenir à jour la liste de mes principales références bibliographiques sur la page liens de ce blog). L'occasion de vous rappeler que Sauvages du Poitou n'a rien à vendre, et que c'est en toute liberté que je cite de temps à autre un ouvrage.
Ce Petit guide de survie pour plantes rebelles est signé Michaël Falkowski. Si le nom de l'auteur ne vous dit pas grand chose, j'aurai peut-être plus de chance en vous parlant du site La cabane de Tellus, refuge des passionnés de mauvaises herbes sur le web depuis 2006, et dont Michaël est le papa et l'animateur.
«La Genèse de Campi» (par Michaël Falkowski), le tableau qui inspira Michel-Ange!
Michaël Falkowski donne voix à Campi, un Pissenlit urbain et roublard. Coiffé d'un capitule jaune comme d'une crête iroquoise, Campi est à la mauvaise herbe ce que Billy the Kid est au jardinier du Grand Ouest: un héros trouble dont la fleur est mise à prix.
«Si vous n'êtes qu'une frêle plante sans défense, ce manuel est fait pour vous. Je vais vous apprendre tout ce qu'une plante est capable de faire pour survivre et prospérer. Ce n'est pas peu dire, au programme: résistance, esquive, évasion, manipulation, infiltration, self-défense, sabotage, alliance... Bref, tout ce qu'il vous faut pour devenir une authentique mauvaise herbe, rebelle et libre d'aller où bon lui semble.» (Campi, Petit guide de survie pour plantes rebelle)
Campi lance un appel à l'insubordination végétale. Une révolte qui a déjà commencé sous nos chaussures (après le printemps arabe, le printemps sauvage?): arrachée mille fois, brûlée, empoisonnée, l'herbe folle revient planter ses racines, encore et encore. La persévérance des Sauvages, leur robustesse et leur abnégation sont une leçon d'optimisme pour tous ceux qui, comme moi, s'inquiète du sort de la nature face à l'avancée de l'indifférence grise, des grattes-ciel et du macadam.
A travers son personnage, Michaël Falkowski déroule une leçon de botanique amusante et décomplexée, dans laquelle on découvre les secrets des Vagabondes pour voyager discrètement, leurs terrains de prédilection, leurs ressources, leurs armes, leurs stratégies, leurs alliances... Le tout parsemé de dessins colorés dont l'esprit sonnera comme un écho familier aux lecteurs de Sauvages du Poitou (extrait de l'ouvrage via ce lien).
Ce Petit guide de survie pour plantes rebelles est publié en auto-édition (imprimé à la commande) chez Bookelis. Reste qu'il est toujours possible d'aller découvrir la plume et les crayons de Michaël Falkowski sur son site, la Cabane de Tellus, un terrain vague numérique envahi de Sauvages jusque dans le moindre pixel!
Entrez sur les terres de la Cabane de Tellus, refuge de la mauvaise herbe!
Liens utiles:
- Petit guide de survie pour plantes rebelles, chez Bookelis.
- La Cabane de Tellus, refuge de la mauvaise herbe depuis 2006!
- L'actu de la Cabane de Tellus sur Facebook.