Cet article fait suite au premier billet consacré aux mots de la botanique, «décrire les feuilles (1)». Nous avions, en première exploration, découvert le vocabulaire rocambolesque relatif aux feuilles simples. Pour rappel, une feuille se présente ainsi à nos yeux:
Regardons maintenant le dessin des nervures qui parcourent le limbe: on appelle nervure principale la nervure qui prolonge le pétiole (c'est généralement la plus épaisse). Les nervures qui s'y rattachent sont les nervures secondaires, celles qui se rattachent à ces dernières les nervures tertiaires, etc. Un peu comme un grand fleuve, ses rivières et leurs petits affluents! La comparaison est intéressante, car chez une plante, la sève élaborée (issue de la photosynthèse) prend sa source au niveau des feuilles avant de s'écouler vers le reste de la plante (à l'inverse de la sève brute qui prend sa source dans les racines pour monter vers la plante et les feuilles).
La géographie, c'est quand même plus simple avec une carte épinglée au mur!
Pennées: nervures secondaires opposées deux par deux, de chaque côté d'un axe (comme des arrêtes de poisson).
Palmées: nervures primaires bifurquant depuis un seul point, comme les doigts autour de la paume de la main.
Pédalées: deux nervures principales divergent depuis le bout du pétiole.
Parallèles: nervures orientées dans l'axe de la feuille, sans intersection.
Arquées: nervures secondaires arquées vers le sommet de la feuille.
Réticulées: nervures formant un réseau complexe.
Apprenez-moi des gros mots justement, c'est important les gros mots quand on découvre une langue!(Bienvenue chez les Ch'tis, Dany Boon)
Penna...: nervures pennées.La fin du mot décrit la nature et/ou l'amplitude du découpage de la feuille:
Palma...: nervures palmées.
Péda...: nervures pédalées.
...lobée: feuille doucement lobée.On pourrait imaginer par exemple lors d’une partie de Scrabble :
...fide: feuille découpée (environ jusqu'à la moitié du limbe).
...partite: feuille fortement découpée (au-delà de la moitié du limbe).
...sequée: feuille découpée jusqu'à la nervure principale (ou quasiment).
Composée imparipennée : pennée et composée d'un nombre de folioles impair (présence d'une foliole au sommet).
Composée paripennée : pennée et composée d'un nombre de folioles pair (absence de foliole au sommet).
Composée pectinée : composée de fines lamelles disposées de part et d'autre de l'axe (comme un peigne).
Composée palmée : composée de plusieurs folioles partant en éventail depuis le sommet du pétiole.
Composée trifoliée : composée de trois folioles (comme le célèbre Trèfle).
Composée pédalée : chaque foliole semble rattachée au petit pétiole (le pétiolule) de la foliole précédente.
Ce n'est pas tout: une feuille composée pennée, dont chaque partie (ou foliole) est elle même composée de plusieurs petites parties (les foliolules), est dite bipennée (elle est pennée deux fois)... Et si les foliolules sont eux même composées? La feuille est tripennée!
Comment savoir s'il l'on observe plusieurs feuilles simples ou une seule feuille composée? C'est la présence ou non d'un bourgeon axillaire au point de jonction entre le pétiole et la tige qui peut nous renseigner (munissez vous d'une loupe). Si on trouve un bourgeon à la base de chaque feuille, il s'agit de plusieurs feuilles simples. Si pour plusieurs limbes distincts, on ne trouve qu'un seul bourgeon, c'est une seule et unique feuille composée.
Pourquoi certaines Sauvages arborent-elles des feuilles ainsi découpées ? Les plantes aux feuilles fortement divisées laissent passer un maximum de lumière vers les étages inférieurs de leur feuillage. Une stratégie d’autant plus pertinente que rien n’est laissé au hasard, la disposition des feuilles sur la tige étant savamment orchestrée, comme nous le verrons dans l'article consacré à la phyllotaxie.
A ce point, vous méritez bien une récompense pour vos efforts studieux! Fermez les yeux (pas trop) et imaginez une feuille dont les nervures sont pennées, et dont les échancrures atteignent (ou presque) la nervure centrale. On pourrait donc dire qu'elle est pennatiséquée. Mais voilà, chaque partie dessinée par les échancrures est aussi découpée en de plus petites parties... Elles mêmes découpées en de minuscules parties... Holà, je crois qu'on tient un joli mot: tripennatiséquée!
Ne vous découragez pas si votre cerveau fume un peu: lorsqu'on compare les descriptions proposées dans les guides et les flores, on découvre qu'il n'existe pas une seule et unique bonne manière de décrire un végétal: tous les moyens sont bons! On fait comme on peut, avec le vocabulaire dont on dispose, l'objectif étant de rapprocher son discours au plus près de ce qui se présente à nous et surtout de réussir à se faire comprendre. Sur ce, je vous souhaite d'agréables promenades botaniques... Entre deux victoires écrasantes au Scrabble!
De gauche à droite et de haut en bas: feuilles palmatifides de la Renoncule à petites fleurs (Ranunculus parviflorus), composées pédalées de l'Hellébore fétide (Helleborus foetidus), composées paripennées (ou imparipennées si on considère que les vrilles comptent pour des folioles!) de la Vesce des haies (Vicia sepium) et tripennatiséquées du Cerfeuil des bois (Anthriscus sylvestris).
D'autres leçons de botanique consacrées aux feuilles sur Sauvages du Poitou:
- Le vocabulaire de la botanique (1): feuilles simples
- Le vocabulaire de la botanique (3): pétiole et phyllotaxie
Pour aller plus loin:
- Les formes foliaires sur Wikipédia
- Description générale de la feuille sur le site des Jardins du Gué
Ce billet est le premier d'une catégorie d'articles sur le blog, «La botanique joyeuse», qui sera consacrée à l'initiation sauvage et décomplexée de la biologie végétale. L'occasion, j’espère, de faire quelques découvertes dignes de l'université de magie de Poudlard (l'école du jeune sorcier Harry Potter)... Car l'étude du vivant est rarement chose ennuyante.
Notons au passage la présence (ou l’absence) de stipules: une paire de petites feuilles situées de part et d’autre de la base du pétiole. Celles-ci peuvent être foliacées (c’est-à-dire avoir l’apparence d’une feuille), membraneuses, exubérantes, miniaturisées à l’extrême, réduites à l’état d’épine, de glande ou inexistantes… La nature, bien plus que la langue française, fourmille de cas particuliers!
Nous commençons avec des adjectifs permettant de décrire des feuilles «simples», c'est à dire des feuilles dont le limbe est composé d'une seule et unique partie continue. Et si les feuilles sont simples, le vocabulaire qui leur est associé ne l’est pas toujours… Notre imagination (dans imagination se cache le mot image) sera d’une grande aide pour mémoriser les planches suivantes :
Orbiculaire : de forme circulaire.
Elliptique : de forme ovale.
Réniforme : en forme de rein ou de haricot (arrondie au sommet).
Deltoïde : de forme triangulaire.
Spatulée : en forme de spatule (arrondie au sommet, graduellement rétrécie à la base).
Cunéiforme : en forme de triangle inversé.
Lancéolée : en pointe aux deux extrémités, plus large du côté de la base.
Cordée : dont la base forme deux arrondis, à l’image d'un cœur.
Ovale : en forme d’œuf (plus large à la base qu'au sommet).
Oblancéolée : en pointe aux deux extrémités, plus large du côté du sommet.
Obcordée : dont le sommet forme deux arrondis, à l'image d'un cœur.
Obovale : en forme d’œuf (plus large au sommet qu'à la base).
Aciculaire : en forme d'aiguille.
Oblongue : allongée, base et sommet presque parallèles ou arrondis.
Linéaire : allongée et étroite, bords parallèles.
Panduriforme : étranglée ou échancrée sur les côtés, à l'image d'un violon.
Sagittée : dont la base présente deux lobes étroits, en forme de fer de flèche.
Hastée : dont la base présente deux lobes divergents, en forme de fer de hallebarde.
Ensiforme: en forme de glaive, épaisse le long de la nervure centrale, tranchante sur les bords.
Lyrée: dont le lobe supérieur est arrondi et plus grand que les lobes inférieurs, à l’image d’une lyre.
Falciforme: en forme de faux.
Rhomboïdale : en forme de losange.
Flabellée : en forme d’éventail, semi circulaire.
Tronquée : dont le sommet est comme coupé.
Aristée : dont le sommet se termine par une arête (pointe longue et dure).
Acuminée : dont le sommet se termine brusquement en pointe.
Émarginée : dont le sommet est taillé en angle rentrant, comme coupé aux ciseaux.
La vie rentrant difficilement dans des cases bien rangées, un terme n'exclut pas forcément les autres. C'est pourquoi il est recommandé d'user et d'abuser de ce vocabulaire en combinant autant de mots que nécessaire pour parvenir à décrire ce qui se présente sous nos yeux (Quelle est la forme générale de la feuille? Comment est sa base? Son sommet?). Et avant de faire nos premiers travaux pratiques, observons également le bord du limbe (la marge):
La liste est loin d'être exhaustive... Déjà, ces quelques définitions en appellent d'autres! Par exemple, en fonction du nombre de lobes sur le bord de la feuille, on parle de feuille bilobée (2 lobes), triolobée (3 lobes), quadrilobée (4 lobes), pentalobée (5 lobes ), etc. Le réservoir à mots semble inépuisable!
De gauche à droite et de haut en bas: feuilles rhomboïdales de l'Arroche halime (Atriplex halimus), spatulées crénelées de la Pâquerette (Bellis perennis), panduriformes de la Patience élégante (Rumex pulcher) et réniformes denticulées du Pétasite odorant (Petasites pyrenaicus).
Suite des leçons de botanique consacrées aux feuilles sur Sauvages du Poitou:
- Le vocabulaire de la botanique (2): nervures et feuilles composées
- Le vocabulaire de la botanique (3): pétiole et phyllotaxie
Pour aller plus loin :
- Les formes foliaires sur Wikipédia
- Description générale de la feuille sur le site des Jardins du Gué
Ornithogale des Pyrénées, Vouneuil-sous-Biard (86)
Loncomelos pyrenaicus (ex Ornithogalum pyrenaicum, Ornithogale des Pyrénées) appartient à la famille Asparagaceae (ex Liliaceae), au côté des Asperges, mais aussi du Muscari à Toupet, de la Dame d'Onze heures, du célèbre Muguet de mai ou de l’inénarrable Fragon déjà croisés dans les pages de Sauvages du Poitou.
L'Ornithogale des Pyrénées est une espèce d'ombre ou de demi ombre qui colonise les sols riches et forestiers. Elle apparait après le tiercé gagnant des fleurs vernales, à savoir (dans l'ordre d'arrivée): Petite pervenche (Vinca minor), Anémone des bois (Anemone nemorosa) et Jacinthe des bois (Hyacinthoides non-scripta). Comme ces dernières, le spectacle de l'Ornithogale des Pyrénées est éphémère: ses parties aériennes disparaissent en moins de deux mois, puis la Sauvage roupille sous terre (elle est vivace de par son bulbe) jusqu'au printemps suivant.
Inflorescence en boutons de l'Ornithogale des Pyrénées: la saison de l'Aspergette commence!
Les ornithogales empruntent leur nom à une expression grecque: ornithos est l'oiseau, gala le lait. Le lait d'oiseau étant chose fantastique, il désignait chez les grecs une chose rare et merveilleuse! Si la rareté de notre Ornithogale des Pyrénées varie considérablement d'une région à une autre, sa magie ne fait aucun doute, où que l'on soit...
L'Ornithogale des Pyrénées est une Asparagacée, et c'est d'ailleurs en tant qu'«Asperge» qu'elle est le plus souvent connue, même si, botaniquement parlant, elle n'en est pas une (les Asperges appartiennent au genre Asparagus). Surnommée Aspergette ou Asperge des bois, l'Ornithogale des Pyrénées est une excellente comestible: ses jeunes pousses, crues ou cuites (plongées 5 minutes dans de l'eau bouillante), ont un goût agréable, bien que peu prononcé. Mais ceux qui ont eu la chance de goûter l'Aspergette se souviennent surtout de sa texture: tendre et croquante. Sous la dent, la Sauvage donne envie de crier à la merveille, ô lait d'oiseau!
Les récoltes toujours abondantes d'Ornithogale des Pyrénées en Poitou, région bénie des Dieux de l'Aspergette!
Quiche à l'Aspergette (journée Botanique & Cuisine avec Sauvages du Poitou et What's for dinner)
Je peux pas manger: j’ai les dents qui poussent.
(Marche à l’ombre, Michel Blanc)
Malheureusement pour nos assiettes (et heureusement pour notre Sauvage), l'Ornithogale des Pyrénées est protégée dans bon nombre de régions en France (liste complète sur Tela-botanica). Reste alors les étals des marchés au mois de mai, où l'Aspergette d'importation peut se vendre jusqu'à 10 euros le kilo (le lait d'oiseau est à ce prix). On peut aussi se procurer quelques bulbes en jardinerie, mais l’expansion des colonies d'Ornithogale reste lente (même si sa culture est plutôt facile), et les récoltes risque d'être maigres pendant plusieurs années.
Fleurs à six tépales de l'Ornithogale des Pyrénées, Vouneuil-sous-Biard (86)
Fruits (capsules à trois loges) de l'Ornithogale des Pyrénées, Béruges (86)
Les longues feuilles étalées en rosette basale disparaissent généralement dès la floraison. Au mois de juin, ne restent plus que les hampes tordues (le prix de la course à la lumière) garnies des capsules. Puis, longtemps, les tiges sèches perdurent seules, discrètes, mais ne manquant pas de rappeler au promeneur éclairé le goût du lait d'oiseau, et de lui promettre d'autres festins à venir!
Pour aller plus loin:
- Loncomelos pyrenaicus sur Tela-botanica
- Aspergette: des idées et des recettes sur le blog Sauvagement bon
- Salade de pâtes aux asperges des bois: une recette originale de La Cuisine de Gin