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Familles de la flore française (Game of thrones et botanique, épisode 4)
Date 15/12/2019
Ico Initiation à la botanique joyeuse!

Botany is coming, deuxième saison! Sauvages du Poitou


Cet article fait suite à notre trilogie fantasy à succès consacrée aux grandes familles en botanique. Lors des épisodes précédents, nous avions survolés les familles les plus importantes de la flore française en terme de nombre d’espèces: Astéracées, Poacées, Fabacées, Rosacées, Brassicacées, Caryophyllacées, Apiacées et Lamiacées regroupent à elles seules près de la moitié des espèces végétales françaises (indigènes et naturalisées). Avaient aussi été évoquées les prestigieuses lignées Renonculacées, Orchidacées et la «vieille» famille des Liliacées. Enfin, la troisième session nous avait présenté des maisons plus modestes, mais pas moins admirables, telles que les Boraginacées, Rubiacées, Campanulacées, Amaranthacées, Euphorbiacées et Crassulacées. Dans cette nouvelle saison, place a des clans moins fournis, mais hauts en couleurs et surtout riches en personnalités!



House Polygonaceae, Sauvages du Poitou!
Un adolescent s’était agenouillé, et c’était un chevalier qui se relevait.
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)
Les Polygonacées comptent une cinquantaine d’espèces sur le sol français. Elles tirent leur nom des termes grecs polys, «plusieurs» et gonu, «genoux»: leur tige solide est parcourue par de nombreux nœuds comme autant d’articulations. Autre spécificité: une gaine membraneuse (l’ochréa) enveloppe leur tige au point d’insertion des pétioles.

Persicaria maculosa, Renouée Persicaire, Poitiers
Ochréa de la Renouée Persicaire (Persicaria maculosa)

Les feuilles des Polygonacées sont alternes, simples et généralement entières. L’observation de leurs fruits trigones (ovaire supère) est souvent un critère d’identification important. C’est (entre autres) le clan des petites ou des grandes Renouées, des Sarrasins, des Rhubarbes ou des Oseilles (Rumex spp, environ 25 espèces en France).

Rumex acetosa, Oseille des prés, Poitiers quartier gare
Fruits trigones de l'Oseille des prés (Rumex acetosa)



House Geraniaceae, Sauvages du Poitou!

Willos a les meilleurs oiseaux des Sept Couronnes... Il fait parfois voler un aigle, vous verrez. (Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

On retrouve à la tête des Géraniacées (une quarantaine d’espèces en France) plusieurs géraniums sauvages et citadins. Leurs fleurs comptent cinq pétales, cinq sépales et dix étamines. Leurs feuilles sont stipulées, souvent velues et très découpées. Géranium dérive du grec geranos, la grue, les fruits des Géraniacées (des pentakènes) présentant généralement des pointes qui évoquent le bec d’un oiseau (ovaire supère). A maturité, leurs styles s’enroulent brusquement sous l’effet de la chaleur, catapultant les semences alentour.


Geranium robertianum, Geranium molle et Geranium dissectum

Herbe-à-Robert (Geranium robertianum), Géranium à mou (Geranium molle) et Géranium découpé (Geranium dissectum, fruits)


C’est aussi le clan des Érodiums qui empruntent leur nom au grec erodios, le héron. Les célèbres fleurs ornementales de nos balcons, injustement nommées «géraniums», sont en réalité des Pélargoniums, également membres de cette famille mais originaires d’Afrique du sud, aux fleurs irrégulières. Ils tirent leur nom du grec pelargos, la cigogne… De la botanique à l’ornithologie, il n’y a qu’un tout petit pas!


Erodium cicutarium, Bec de grue, Brenne (36)

Bec de grue (Erodium cicutarium), Brenne (36)



House Papaveraceae, Sauvages du Poitou!

L’exposition des drogues du mestre avait un aspect impressionnant : des dizaines de pots cachetés, des centaines de fioles bouchées, autant de bouteilles d’opaline, d’innombrables jarres de simples. (Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Papaveracées composent une petite famille d’une quarantaine d’espèces en France. Leurs membres possèdent des feuilles alternes et découpées, une paire des sépales caducs qui se détachent et tombent lors de la floraison, des fleurs spectaculaires et éphémères à quatre pétales chiffonnées dans leur bouton, flanquées d’une bardée d’étamines.


Paire de sépales caducs du Coquelicot (Papaver rhoeas)


C’est le clan des Pavots, des Coquelicots ou de la Grande Chélidoine. Les Papavéracées produisent du latex et contiennent presque toutes des alcaloïdes aux propriétés sédatives ou analgésiques. Leurs fruits sont des siliques ou des capsules (ovaire supère). Dans la classification récente, cette famille intègre aussi les Fumariacées (une vingtaine d’espèces en France) comme les Corydales ou les Fumeterres, des sauvages aux fleurs irrégulières et aux feuilles très découpées.


Corydale solide, Corydalis solida, Persac (86)

Corydale solide (Corydalis solida), Persac (86)



House Malvaceae, Sauvages du Poitou!

Comment pareille douceur pourrait-elle être un crime passible de pendaison?

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Malavacées comptent environ trente représentants en France*. Ceux-ci présentent des qualités mucilagineuses (épaississantes et adoucissantes) et ont souvent été utilisés à des fins alimentaires. Leurs feuilles sont alternes, souvent palmées (nervation), leurs fleurs ont cinq pétales, tordus et enroulés sur eux-mêmes dans les jeunes boutons floraux. Elles présentent un double calice (le calice extérieur se nomme calicule).


Malva sylvestris, Grande Mauve, Poitiers quartier gare

Calicule et bouton floral de la Grande Mauve (Malva sylvestris): la douceur d'un cornet de glace!


Les quelques espèces françaises ont un «air de famille» manifeste; c’est un clan qu’on reconnait assez facilement sur le terrain. On croisera dans leur rang les Mauves, les Lavatères ou les Guimauves pour les plus connues.


Althaea officinalis, Alcea rosea et Malva setigera

Guimauve officinale (Althaea officinalis), Rose trémière (Alcea rosea) et Mauve hérissée (Malva setigera).



House Solanaceae, Sauvages du Poitou!

- Une sorcière des bois? La plupart sont des créatures inoffensives. Elles ont quelques notions rudimentaires d’herboristerie, elles savent un rien d’obstétrique, mais autrement...

- Elle était plus que ça.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Solanacées forment une petite famille (une trentaine d’espèces en France) dont les membres présentent des fleurs à cinq pétales soudés, cinq sépales soudés, cinq étamines et des feuilles alternes, non stipulées. Elles concentrent généralement de nombreux alcaloïdes, les rendant toxiques ou leur conférant des effets variés. Nombre de Solanacées étaient des «plantes de sorcières», comme la Mandragore, la Belladone ou le Datura officinal.


Atropa belladonna et Datura stramonium

«Cerise du diable» de la Belladone (Atropa belladonna) et silhouette fantastique du Datura officinale (Datura stramonium): un bonbon mortel ou un sort?


Les Solanacées sont pourtant la deuxième famille de plantes alimentaires pour l’homme, derrière les Poacées (céréales): ce clan est celui de la Pomme de terre, de la Tomate, du Poivron ou encore de l’Aubergine. C’est aussi la famille du Tabac, une plante qui synthétise un alcaloïde dangereux, la nicotine.


Solanum nigrum, Morelle noire, Poitiers bords de Clain

Morelle noire (Solanum nigrum), alias «Tue-chien»!



House Plantaginaceae, Sauvages du Poitou!

Les échoppes, en bas, semblaient proposer toutes les merveilles divines de l’univers.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Dans la classification classique, les Plantaginacées ne comptaient qu’une vingtaine d’espèces en France, des Plantains pour la plupart. Depuis la classification récente, ce clan s’est vu renforcé d’une centaine d’espèces issues de plusieurs familles remaniées ou obsolètes. C’est ainsi que les Véroniques, les Digitales, les Linaires, les Globulaires - pour n’en citer que quelques-unes - sont aujourd’hui très officiellement «sœurs de sève» des Plantains…


Plantago media, Veronica persica, Cymbalaria muralis et Globularia bisnagarica

Plantain moyen (Plantago media), Véronique de Perse (Veronica persica), Cymbalaire des murs (Cymbalaria muralis) et Globulaire commune (Globularia bisnagarica).


Aux yeux du quidam, les «nouvelles» Plantaginacées représentent une famille étrangement cosmopolite, pour ne pas dire un grand bazar. L'exercice serait peut-être plus évident si nous étions des papillons: la Mélitée du plantain abandonne ses chenilles aux Plantains comme à quelques Véroniques, la Mélitée orangée oscille entre Plantains, Linaires, Digitales ou Véroniques. Comme quoi, dans le domaine de la botanique, les insectes possèdent un feeling qui nous fait cruellement défaut! On retiendra que le plus souvent, les feuilles des Plantaginacées sont simples et leurs fleurs irrégulières.


Melitaea didyma sur Plantago lanceolata, Biard (86)

Pas besoin de leçons de botanique pour la chenille de la Mélitée orangée (Melitaea didyma)!

(ici sur Plantain lancéolé, Plantago lanceolata)


Game of thrones et botanique, les autres épisodes:

- Épisode 1: Asterceae, Poaceae, Fabaceae, Rosaceae et Brassicaceae.

- Épisode 2: Apiaceae, Caryophyllaceae, Lamiaceae, Liliaceae, Ranunculaceae et Orchidaceae.

- Épisode 3: Boraginaceae, Rubiaceae, Campanulaceae, Amaranthaceae, Euphorbiaceae et Crassulaceae.


Et pour le plaisir, le fil rouge de notre article...

- Le cycle fantasy Le Trône de fer par George R. R. Martin!

 

Garance voyageuse: la vie en rouge
Date 15/08/2019
Ico Haies & forêts

Rubia peregrina, Garance voyageuse, Poitiers bords de Boivre

Garance voyageuse rougissante en hiver


Rubia peregrina (Garance voyageuse) appartient au clan Rubiaceae, de même que les célèbres Gaillets (Galium spp). Les membres de cette famille présentent le plus souvent des tiges carrées, ainsi que des feuilles verticillées, c'est à dire disposées en couronne ou en étoile autour de la tige. Leurs fleurs sont généralement discrètes, à quatre ou cinq pétales. Celles de la Garance voyageuse pointent en été (entre juin et aout) cinq pétales jaunes pâles terminés en pointe. Elles sont réunies en cymes généreuses à l’aisselle des feuilles et à l’extrémité des rameaux, compensant leur discrétion par le feu d'artifice de leur assemblée.


Rubia peregrina, Garance voyageuse, Poitiers bords de Boivre

Fleurs de la Garance voyageuse en été: "Oh la belle verte!"

Peignons ces roses en rouge, du plus éclatant des rouges, il faut les peindre coûte que coûte sans en perdre une goutte!

(Alice au pays des merveilles, Walt Disney)

La Garance voyageuse est une vivace forestière qui aime la lumière et les sols secs. On la croise le long des lisières des forêts sèches, ou dans les bois clairs. Ses feuilles coriaces, brillantes et persistantes rougissent à l'approche de l'hiver. Le genre Rubia emprunte d'ailleurs son nom au latin ruber, rouge: les Garances sont des célèbres plantes tinctoriales. La Garance des teinturiers (Rubia tinctorum) a été largement cultivée, depuis la Grèce antique, son rhizome permettant d'obtenir une teinture rouge pur. La Garance voyageuse a parfois été utilisée en ce sens, mais sans connaitre d’industrialisation, ses racines plus minces offrant un colorant moins vif, rouge-orangé. Vous en conviendrez, il est difficile de se passer d'une touche de (nez) rouge dans la vie... Merci les Garances!


* Pas très drôle / Très drôle


La réalité est moins clownesque: le colorant produit à partir de la Garance des teinturiers a longtemps servi à teindre les pantalons de l'armée française, le rouge «garance» aidant les soldats à reconnaitre leurs pairs dans la fureur des combats. Mais il offrait aussi une cible de premier choix à l'ennemi, ce qui entraina son abandon au profit d'une culotte plus discrète, bleu horizon, à partir de la première guerre mondiale.

Dès le 19ème siècle, la chimie se substitue aux plantes tinctoriales. La Garance des teinturiers reste utilisée de nos jours par les artistes pour fabriquer des encres naturelles, des pigments ou des laques (peintures fines, aquarelles, huiles…).


Rubia peregrina, Garance voyageuse, Poitiers bords de Boivre

Des feuilles verticillées (2 à 5), ovales-lancéolées, persistantes, coriaces et surtout crochues: accroche toi à la Garance voyageuse, j'enlève l'échelle!

- Il serait possible de me coller à vous pendant quelques jours?

- Ah mais toute la vie si vous voulez!

(Taxi 3, Gérard Krawczyk)

Si les feuilles de certains Gaillets (Gaillet gratteron) sont réputées pour leur pouvoir agrippant, la Garance voyageuse n'a pas à rougir de ce côté : les siennes sont bardées d'aiguillons qui accrochent les fourrures des animaux ou les vêtements des promeneurs. La belle est capable de s’agripper au point de vous griffer superficiellement la peau. Ses crochets lui permettent d'ériger sa longue tige (ligneuse à la base, jusqu'à 2 mètres de longueur) vers la lumière en prenant appui sur d'autres végétaux, sur une clôture ou sur un grillage; à l'occasion, ils lui permettent aussi de faire un bout de route grâce à votre bas de pantalon, dispersant peut-être quelques fruits au passage.


Rubia peregrina, Garance voyageuse, Poitiers bords de Boivre

Baies de la Garance voyageuse en automne: "Hep taxi!"


Ses baies lisses et noires à maturité (légèrement toxiques et laxatives pour l'homme) sont surtout destinées à être picorées par les animaux, à commencer par les rouges-gorges. Des oiseaux rouges, forcément, qui propagent les fruits qu'ils consomment en les rejetant via leurs fientes. La Garance voyageuse est une habituée du «taxi crotte» (endozoochorie), empruntant les intestins des volatiles, des chèvres ou des moutons pour parvenir à ses fins. Pourtant, malgré son goût du voyage qu'elle porte jusque dans son nom (peregrina est «l'étrangère» en latin), la Garance voyageuse semble absente dans le nord et le nord-est de la France.


L'endozoochorie ou le taxi-crotte, Sauvages du Poitou!


On raconte que le lait, l'urine, la laine ou même le bec et les os des animaux qui consomment régulièrement la Garance voyageuse se teintent de rouge... Je ne saurais dire si c'est vrai, mais les jeunes feuilles tendres de la Garance voyageuse sont parfois grignotées par le Crache sang (Timarcha tenebricosa). Ce gros coléoptère aux élytres soudées (il est incapable de voler) se nourrit des Gaillets et apparentés. Dérangé ou menacé, il excrète des goutes d'hémolymphe rouge-orangé, une «encre» sanguine au goût peu appétant qui le protège de ses prédateurs. Bref, lui aussi fait dans le vermillon, surtout quand il voit rouge!


Timarcha tenebricosa, Crache-sang, bois de la Brie à Vivonne (86)

Crache-sang sur Garance voyageuse, bois de la Brie à Vivonne (86)


En guise de conclusion, impossible de faire l'impasse sur une célèbre revue qui emprunte le nom de notre Sauvage: depuis 1988, La Garance voyageuse livre directement dans la boite aux lettres de ses abonnés, saisons après saisons, des articles rigoureux, drôles, dessinés, forcément accrocheurs et attachants (Garance oblige) autour du monde végétal. Avis aux apprentis botanistes!


Pour aller plus loin:

- Rubia peregrina sur Tela-botanica

- Numéro de découverte de la revue La Garance Voyageuse

 

Morelle noire: sorcellerie ou ratatouille?
Date 28/06/2019
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Solanum nigrum, Morelle noire, Villeurbanne (69)

Morelle Noire, Villeurbanne (69)


Solanum nigrum (Morelle noire) appartient au clan Solanaceae, aux côtés des pommes de terre, des tomates, des aubergines, mais aussi des fantastiques Mandragore (Mandragora officinarum), Datura officinal (Datura stramonium) et Belladone (Atropa belladonna); des plantes connues pour leur toxicité ou leur pouvoirs psychotropes, due aux alcaloïdes qu'elles synthétisent pour se protéger des assauts des herbivores.


Solanum nigrum, Morelle noire, Louhossoa (64)
Morelle noire: ange ou démon?

- Comment vous trouvez le poulet?

- Mort.

(Après vous, Pierre Salvadori)

La Morelle noire n'est pas en reste: les baies noires qu'elle produit sont toxiques avant maturité. La solanine contenue dans ses fruits - substance que l'on retrouve aussi dans les parties vertes des pommes de terre ou les feuilles des pieds de tomates - est dangereuse pour l'homme comme pour les animaux domestiques. Ce qui vaut à la Morelle noire des surnoms poétiques, tels que Tue-chien ou Crève-poule en poitevin-saintongeais!


Solanum nigrum, Morelle noire, Louhossoa (64)

Baies mûres de la Morelle noire, Louhossoa (64)


Étonnamment, ses jeunes feuilles bouillies et ses fruits mûrs confits dans le vinaigre sont consommés dans certains pays (Europe de l'est, Afrique, Asie orientale): ses baies perdent leur toxicité à maturité (attention, la nature du sol et du climat jouent aussi un rôle dans sa dangerosité). C'est pourquoi on la croise parfois sur les étals des marchés multi-ethniques parisiens! En Amérique du Nord, on cultive une espèce alimentaire à gros fruits très proche de la Morelle noire (Solanum Retroflexum) surnommée Wonderberry (la «Baie miraculeuse»). Impossible de ne pas faire le parallèle avec l'histoire de la Tomate, qui fut considérée comme une plante ornementale toxique en France jusqu'au 17ème siècle, avant que d'être apprivoisée et adoptée par les cuisiniers. Pour certains auteurs, la réputation mortelle de la Morelle noire serait exagérée, injustement confondue avec celle de la Belledone (dictionnaire des drogues simples et composées de Alphonse Chevallier, Achille Richard et J.-A. Guillemin chez Béchet Jeune, 1828). Les oiseaux (Pigeons, Corneille noire, Rouge-gorge familier, Merle noir, Grives, Fauvettes...) picorent ses baies à maturité, puis les sèment via leurs fientes, propageant de par la même les semences sur le territoire (endozoochorie).

Solanum nigrum, Morelle noire, Poitiers bords de Clain
Morelle noire : des feuilles ovales à lancéolées, le plus souvent légèrement dentées ou lobées.

La Morelle noire est une annuelle, favorisée par les sols engorgés en matière organique, en azote et en potassium. La Sauvage apprécie les zones de décombres, ainsi que les amendements excessifs des cultures ou des jardins familiaux. Les pollutions industrielles ne la font guère trembler. Elle tolère certains métaux lourds (cadmium, arsenic) qu'elle peut accumuler dans ses racines et ses tiges. Une résistance qui en fait une candidate idéale pour la phytoremédiation des sols.

La Morelle noire peut montrer d'importantes variations morphologiques (plante glabre à légèrement pubescente, couleur des fruits, forme des feuilles...). La confusion avec d'autres Solanum reste possible. Toutes sont potentiellement toxiques.

Solanum villosum, Morelle poilue, Poitiers chemin de la Cagouillère
Une fausse jumelle: la Morelle poilue (Solanum villosum), une rudérale (relativement) velue dont les fruits sont rouges ou orangés à maturité.

Solanum chenopodioides, Morelle faux chénopode, Île de Ré (17) Solanum chenopodioides, Morelle faux chénopode, Île de Ré (17)
Autre fausse amie: la Morelle faux chénopode (Solanum chenopodioides), qu'on rencontre dans la sud de la France et sur la côté atlantique (ici sur l'Île de Ré). Elle se distingue de la Morelle noire de par son port arbustif, sa tige ligneuse à la base, ses fruits noir violacé et ses feuilles non ou peu dentées.

La Morelle douce-amère (Solanum dulcamara), très commune, présente quant à elle de jolies fleurs violettes, des baies rouges à maturité et un port de liane caractéristiques.
Depuis tout petit, je suis coupable: j'ai toujours été coupable.
(Rien à déclarer, Dany Boon)

En Europe, la famille Solanaceae est intimement liée à l'histoire de la sorcellerie. Mandragore, Belladone, Datura, Jusquiane: autant de plantes dangereuses, voir mortelles pour celui qui les utilise à mauvais escient, mais qui peuvent devenir de puissants psychotropes entre des mains initiées. On raconte que les sorcières fabriquaient un onguent avec la Morelle noire, dont elles se recouvraient le corps pour aller au sabbat en songe (assemblée nocturne de magiciennes)! Pour certains auteurs, Solanum viendrait d'ailleurs du latin solari, «je console», à cause de ses propriétés narcotiques et calmante (ses parties aériennes et ses fruits sont inscrits à la liste A des plantes médicinales de la pharmacopée française). La Morelle noire aurait également servi à confectionner une encre qui permettait de communiquer avec les défunts, ou des encens (aux fumées toxiques) pour faire offrande aux divinités crépusculaires... Brrrr!


Morelle noire, Sauvages du Poitou!


Bref, la Morelle noire s'est taillé à travers l’histoire une aura sulfureuse et peu catholique. Pas étonnant qu'elle reste aujourd'hui cantonnée au rayon des «mauvaises herbes» sous nos latitudes et que ses potentialités soient le plus souvent ignorées. Au village, sans prétentions, la Morelle a-t-elle mauvaise réputation?


Leptinotarsa decemlineata, larve de Doryphore, Poitiers quatier Bellejouanne

Larve de Doryphore: aux couleurs d'Halloween!


Peut-être que sa rédemption viendra des potagers où elle est parfois vue d'un bon œil par les jardiniers: les Doryphores (Leptinotarsa decemlineata, des grands amateurs de Solanacées) bouloteraient à l'occasion notre ex-magicienne plutôt que les rangs de patates (ou plus rarement de tomates ou d'aubergines). Après l'arrachage et la récolte des pommes de terre, attention à ne pas tolérer plus longtemps la (les) Morelle(s) autour des potagers: la Sauvage pourrait devenir un refuge de premier choix pour ces ravageurs croque-sorcières!


Solanum tuberosum, Pomme de terre, Poitiers quartier Chilvert

En guise de conclusion, deux incontournables du genre au potager: Solanum tuberosum, alias la Pomme de terre...


Solanum lycopersicum, Tomate cultivée, Poitiers quartier Chilvert

... Et Solanum lycopersicum, alias la Tomate cultivée. De la sorcellerie à la ratatouille, il n'y a qu'un tout petit chaudron!


Pour aller plus loin:

- Solanum nigrum sur Tela-botanica

- Solanum nigrum : identification assistée par ordinateur

- Solanum nigrum, un article de fond sur le blog de J.F.Dumas


Lecture recommandée:

- Black Nightshades: Solanum Nigrum L. and Related Species de Jennifer M. Edmonds, James A. Chweya aux éditions IPGRI (english)

 

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