Ico Liste des Sauvages par noms
Ico Retrouver une Sauvage par l'image
Ico Initiation à la botanique joyeuse!
Ico Villes, chemins & terrains vagues
Ico Prairies
Ico Haies & forêts
Ico Murs et rocailles
Ico Zone humide
Ico Grand banditisme (invasives)
Ico Bestioles
Ico Rencontres et billets d'humeur

Résultat de votre recherche


1 2 3 4 5 6 ... 19
Promenade au pays des Véroniques
Date 08/01/2019
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Veronica persica, Véronique de Perse, Poitiers bords de Boivre

Véronique de Perse, Poitiers bords de Boivre


Veronica persica (Véronique de Perse ou Arrouil en poitevin-saintongeais) appartient aux Plantaginaceae. Ce clan réunit des sauvages très diverses sous la houlette des Plantains qui font office de chefs de famille. Au delà du patrimoine génétique, difficile de trouver des points communs entre une Véronique, un Plantain, une Digitale, une Linaire ou la belle Cymbalaire des murs... L'exercice serait peut-être plus évident si nous étions des papillons: la Mélitée du Plantain  abandonne ses chenilles aux Plantains comme à quelques Véroniques, la Mélitée orangée oscille entre Plantains, Linaires, Digitales ou Véroniques. Comme quoi, dans le domaine de la botanique, les insectes possèdent un feeling qui nous fait parfois défaut!


La Véronique de Perse est probablement la plus répandue et la plus connue de son genre. Annuelle, elle fleurit presque toute l'année (de mars à octobre, parfois au-delà lors des hivers doux), de partout, même si sa préférence va aux sols riches en azote et en matière organique comme les potagers et les terres cultivées.


Veronica persica, Véronique de Perse, Poitiers bords de Boivre

Feuilles larges, rondes à ovales et dentées de la Véronique de Perse.

L’évasion est un droit, je dirais même plus, un devoir!

(Mesrine: l’Instinct de mort, Jean-François Richet)

L'introduction de la Véronique de Perse en Europe est pourtant récente, située autour du 19ème siècle. Originaire du Sud-Ouest de l'Asie, on raconte qu'elle se serait évadée du célèbre jardin botanique de Karlsruhe en Allemagne (les jardins botaniques du monde entier sont de formidables vecteurs de propagations pour nos indomptables Sauvages). Sa naturalisation rapide et sa prolifération repose sur sa capacité à fleuri, à grainer et à germer quatre saisons sur quatre, en toutes circonstances.


Plusieurs éléments peuvent nous aider à identifier la fugitive: la Véronique de Perse présente un port couché sur le sol. Ses fleurs solitaires, d'un bleu délavé, sont perchées au bout d'un long pédoncule qui dépasse largement les feuilles. Finalement, les fruits (composés de deux lobes très divergents) sont aplatis, velues (non glanduleuses), plus larges que longs.

Veronica persica, Véronique de Perse, Poitiers Rochers du Porteau
Fruits (capsules) en cœur de la Véronique de Perse: une déclaration d'amour.

Véroniques, Sauvages du Poitou!

Les Veroniques sont des plantes basses qui affichent le plus souvent ce type de fleurs à quatre pétales inégaux, d'où pendent deux étamines comme une jolie paire de boucles d'oreille. On recense une quarantaine d’espèces sur le territoire français, dont la détermination n'est pas toujours aisée. Le temps passé à dénicher et à reconnaitre les Veronica est largement récompensé par le spectacle de leurs floraisons. Parmi les plus célèbres (ou les plus communes):


Veronica officinalis, Véronique officinale, Biard (86)

Véronique officinale, la médicinale.


La Véronique officinale (Veronica officinalis) est une vivace qui pousse sur les sols secs et pauvres, dans les prairies ou les cultures. Ses feuilles ovales ou obovales sont mollement velues et finement dentées en scie; ses fleurs sont réunies en grappes grêles (presque en épis).


Au 18ème siècle, la Véronique officinale se substitue au thé chinois, le temps d'une mode, d'où son surnom de Thé d'Europe. Sur ce dernier point, les avis divergent: c'est peut-être la Véronique petit-chêne (Veronica chamaedrys, voir ci-dessous) qui fut un breuvage tendance, à moins que ce ne soit la Véronique des montagnes (Veronica montana) qui dégage une odeur de thé en séchant. Le manque de précision anatomique des documents d'époque ne permet malheureusement pas de faire le tri dans notre tasse.

De nos jours, la Véronique officinale est pourtant la seule de son genre à être considérée comme plante médicinale par la pharmacopée française. L'infusion de ses sommités fleuries est réputée tonique, expectorante, diurétique et surtout digestive. Autrefois, elle fut utilisée en application externe pour soigner les plaies ou les maladies de peau chroniques, comme la gale ou la lèpre. C'est d'ailleurs à Sainte Véronique que les toutes les Veronica empruntent leur nom: la légende raconte que Véronique, une femme pieuse de Jérusalem, essuya à l'aide d'un tissu le visage du Christ lors de son ascension au Calvaire. Le visage du Christ s'imprima sur le linge, devenu relique sacrée (la «Sainte face»). Véronique aurait ensuite guérit miraculeusement l'empereur Tibère de la lèpre en lui révélant le tissu...


Sainte Véronique, Sauvages du Poitou!


Veronica chamaedrys, Véronique petit-chêne, Poitiers bords de Boivre

Véronique petit-chêne, la forestière.


La Véronique petit-chêne (Veronica chamaedrys) colonise les bords des routes ombragés, les haies et les forêts, car elle affectionne les sols frais. C'est une vivace qui fleurit à la belle saison, entre mai et juillet. Son port est rampant, mais ses tiges, parcourues par deux lignes de poils opposées, se redresse lors de la floraison. Ses larges feuilles rondes à ovales sont opposées, sessiles, grossièrement dentées (certains auteurs les décrives comme étant sinuées, à la manière des feuilles d'un chêne). Le contraste du bleu intense de ses pétales avec le blanc de la collerette blanche au centre de la fleur et sa paire d'étamines ostentatoires suffisent généralement à épater le promeneur tout en nous mettant sur la bonne piste.

Veronica arvensis, Véronique des champs, Poitiers le Porteau
Véronique des champs, la lilliputienne.

La Véronique des champs (Veronica arvensis) est une petite annuelle qui fréquente le plus souvent les sols riches et sarclés, les jardins, les potagers, mais parfois aussi les rochers ou les trottoirs. Elle fleurit une grande partie de l'année, d'avril jusqu'à octobre. La discrète se distingue avant tout par la miniaturisation de ses fleurs bleues, souvent réunies par grappes en haut de la tige: 2 à 3mm seulement, une taille de fourmi et une merveille qu'il convient de découvrir à la loupe.

Veronica arvensis, Véronique des champs, Angles-sur-l'Anglin (86)
Véronique des champs, Angles-sur-l'Anglin (86)

La taille des fleurs de la Véronique des champs est un handicap pour attirer les butineurs, mais la Sauvage compense le manque de visites par sa capacité d'auto-fécondation (autogamie). Elle assure également une impressionnante production de graines: chaque fleur deviendra une capsule à maturité, contenant une vingtaine de graines... Un plant à pleine maturité pouvant porter jusqu'à une bonne centaine de capsules! Ses larges feuilles rondes à ovales sont dentées, poilues, les supérieures sessiles et embrassantes. Dans la grappe terminale (qui s'allonge au cours du temps) se mélangent des bractées entières et lancéolées qui dépassent largement les fleurs.

Veronica hederifolia, Véronique à feuilles de Lierre, Poitiers bords de Clain
Véronique à feuilles de Lierre, l'imitatrice.

La Véronique à feuilles de Lierre (Veronica hederifolia) est une petite annuelle qui aime les sols forestiers riches en matière organique végétale et les cultures amendées. Ceci dit, au regard de sa taille, un bout de mur mousseux peut tout à fait lui suffire! Ses feuilles sont découpées en 3 ou 5 lobes, avec un lobe terminal proéminent: elle ressemble à une sorte de feuille de Lierre grimpant dans une version bonzaï. Depuis sa tige rampante, elle dresse de minuscules fleurs solitaires (une fleur par pédoncule), à la gorge blanche, entre mars et juillet.

A l'image de la Véronique des champs, la Véronique à feuilles de Lierre compense la discrétion de ses fleurs par l'auto-fécondation. Le pédoncule qui porte la fleur se recourbe vers le sol à maturité pour rapprocher le fruit du sol et de le rendre accessible aux fourmis. Ces dernière emportent les graines (équipées d'un appendice huileux et nutritif), les dispersant sur le territoire. Ce mode de propagation (myrmécochorie) est répandu chez les Véroniques.

Les Véroniques sur Sauvages du Poitou !


Terminons notre promenade en un bouquet final de Véroniques qui, loin d'être exhaustif, illustre la richesse, la diversité et la beauté du genre. A vous de jouer, «attrapez-les toutes» comme le propose la devise des chasseurs de Pokémon! Un conseil avant de partir: pensez à photographier les capsules et à observer de près la pilosité de la plante avant de consulter votre flore préférée, ce sont souvent des critères discriminants pour les cas les plus ardus.


Veronica cymbalaria, Véronique cymbalaire, Poitiers centre

Véronique faux mouron d'eau (Veronica anagalloides), une locataire des zones humides, et Véronique cymbalaire (Veronica cymbalaria), une habituée des littoraux atlantiques et méditerranéens, ici égarée sur un trottoir à Poitiers!


Veronica spicata, Véronique en épi, Chaumont sur Loire (41) Veronica polita, Véronique luisante, Poitiers bords de Clain

Véronique en épi (Veronica spicata), plutôt montagnarde en France à l'état naturel, aux inflorescences spectaculaires, et Véronique luisante (Veronica polita), une adventice plus discrète que la Véronique de Perse, aux feuilles presque luisantes, aux capsules non aplaties recouvertes de poils glanduleux.


Veronica prostrata, Véronique couchée, Vouneuil-sous-Biard (86) Veronica serpyllifolia, Véronique à feuilles de serpolet, Biard (86)

Véronique couchée (Veronica prostrata), une locataire des pelouses calcaires sèches, et Véronique à feuilles de serpolet (Veronica serpyllifolia), une belle adventice des jardins.


Pour aller plus loin:

- Veronica persica sur Tela-botanica

- Veronica persica : identification assistée par ordinateur

- Lusus floral dans le genre Veronica sur le blog du Corbeau curieux (d'autres articles consacrés au genre Veronica sur ce site)
- La Véronique officinale à travers l'histoire sur le blog Books of Dante
- Le thé de l'Europe, ou les propriétés des Véroniques par Nicolas Andry de Boisregard (1704)
 

Insectes pollinisateurs (2): la Sauvage et le diptère
Date 04/12/2018
Ico Bestioles
Ectophasia crassipennis et Daucus carota, Poitiers bords de Boivre
La Sauvage (Daucus carota) et la mouche (Ectophasia crassipennis)...


Les fleurs, comme on le sait, sont des êtres délicats. Or, dans notre premier article consacré aux insectes pollinisateurs, nous avons survolé un gang de rustres plus proches de la tondeuse à étamines que de la paille à nectar: les coléoptères. Nous avons vu que ceux-ci correspondent au stade le plus primitif des butineurs. Heureusement, l’évolution des espèces a donné vie à des amateurs de fleurs plus courtois, j’ai nommé les diptères, c’est-à-dire les mouches et les moustiques. Suceurs, piqueurs, casse-pieds, ces insectes n’ont pas bonne presse chez l’homme mais ce serait commettre un délit de faciès que de les rejeter d’un bloc car si les mouches et les moustiques nous font râler, les fleurs, de leur côté, les considèrent comme des alliés précieux.


Les diptères sont sur Sauvages du Poitou!


Comparés aux coléoptères, les diptères possèdent de nombreux avantages. D’abord, leur poids plume qui n’abîme pas les fleurs. Leur vol est souvent rapide et sûr, faisant d’eux des butineurs précis qui ne perdent pas de temps à chercher le nectar. D’autre part, leur corps est velu, mieux à même de fixer le pollen (certains coléoptères sont glabres). Enfin, leur appareil buccal les apparente plus à des siroteurs qu’à des vaches, ce qui leur évite de ravager l’intérieur des fleurs. Exit les bouches broyeuses, bonjour l’invention de la trompe, brevet qui sera repris par les papillons! Sur ce point, distinguons deux types de diptères:

  1. Les suceurs: leur langue (appelée labium ou proboscis) est terminée par une sorte de suçoir ou d’éponge (les labelles) capable d’humecter des substances solides. Cette langue est observable par exemple chez la célèbre Mouche domestique.
  2. Les piqueurs/suceurs: c’est le type de trompe que l’on rencontre par exemple chez les moustiques.

Stomorhina lunata et Hedera helix, crédit photo: Olivier Pouvreau

Le labium entièrement déployé de cette mouche (Stomorhina lunata) sur le disque nectarifère d’une fleur de Lierre grimpant lui permet de lever une patte tout en gardant l’équilibre!


Hélas pour l’ensemble de nos Sauvages, les diptères n’ont pas tous les mêmes performances de pollinisation. Certains sont même de piètres butineurs car s’ils savent tirer la langue, celle-ci est un poil courte. De fait, ils ne peuvent utiliser que des fleurs aux nectaires (glandes produisant le nectar) facilement accessibles comme celles de certaines Apiacées. A la belle saison, rapprochez vous des ombelles de la Carotte sauvage (Daucus carota) ou de l'Angélique des bois (Angelica sylvestris) pour observer de nombreuses mouches très affairées. Ou mieux: posez vous derrière un massif de Lierre grimpant en automne, les allées et venues autour de ses fleurs généreuses sont incessantes...


Diptères sur Lierre grimpant, crédit photo: Olivier Pouvreau

En l’automne, le nectar du Lierre grimpant attire une foule de diptères: ici un groupe de moucherons (Apiloscatopse flavicollis et des Chironomidae)...


Tachina sp. et Hedera helix, crédit photo: Olivier Pouvreau

...Là une mouche Tachinaire (Tachina sp., probablement Tachina fera)


Je serai toujours présent autour de toi, un peu comme un moucheron. Mais un moucheron bien membré alors.

(Californication, Tom Kapinos)

Parmi ces mouches, remarquons toutefois certaines un peu mieux outillées. Il s’agit de membres de la famille des Syrphidae. Les syrphes possèdent un labium un peu plus long (5-10 mm) que la moyenne des mouches, ce qui leur permet de sonder des fleurs plus profondes et d’élargir la gamme des Sauvages visitées: on les observe ainsi sur un grand nombre de familles de fleurs (Apiacées, Rosacées, Astéracées…). De plus, comme ils sont essentiellement floricoles (alors que de nombreux diptères sont polyphages), les syrphes sont des pollinisateurs plus assidus que les autres mouches. Autre particularité: ils consomment le nectar mais aussi le pollen, comportement plus rare chez les diptères. Tout le monde connaît les plus petits des syrphes, à l'abdomen fin rayé de noir et jaune, qui savent voler sur place, souvent à hauteur d’homme. Les autre syrphes, plus gros, sont souvent confondus avec les guêpes, les bourdons ou les abeilles qu’ils imitent pour dissuader leurs prédateurs.


Syrphe ceinturé, Episyrphus balteatus, crédit photo: Olivier Pouvreau

Le Syrphe ceinturé (Episyrphus balteatus) n’a rien à envier à la Patrouille de France : c'est un adepte du vol stationnaire et des pirouettes aériennes!


Eristalis tenax et Senecio inaequidens, crédit photo: Olivier Pouvreau

Parmi les syrphes, les éristales se font passer pour des abeilles… Ici: l’Éristale gluante, Eristalis tenax, sur une fleur de Séneçon du Cap.


Eristales sur Angléique sylvestre, crédit photo: Olivier Pouvreau

Les éristales se ruent vers ce bar à sirops qu’est l’Angélique sylvestre (Angelica sylvestris)!


Enfin, c’est parmi les prédateurs et les parasites - ceux dotés d’une langue bien développée - qu’on trouve les diptères les plus aptes au butinage: ils sont capables de trouver le nectar jusqu’au fond des fleurs à corolle étroite. Il en va ainsi de nos célèbres moustiques dont les mâles (qui ne nous piquent jamais) et les femelles (qui nous piquent à l’occasion) peuvent utiliser leur trompe pour aspirer le nectar au plus profond des fleurs. Toutefois, attention: ce n’est pas parce que l’outil de travail des moustiques est performant qu’ils comptent parmi les plus gros pollinisateurs, loin de là!


Parmi ces champions de l’aspiration en profondeur, la palme d’or revient aux bombyles, ces étranges mouches (et parasites d’autres insectes) à langue effilée (10-12 mm), ultra-réactives et capables de butiner en vol stationnaire comme les colibris! Contrairement à l’ensemble des diptères convoitant des nectars moyennement riches en sucres, syrphes et bombyles ont besoin de beaucoup d’énergie pour effectuer leurs vols virtuoses, ce qui en fait de grands amateurs de nectars concentrés.


Bombylius major et Muscari neglectum, crédit photo: Olivier Pouvreau

Un colibri en peluche (idéal pour ramasser le pollen) avec une épée en guise de bec? Non, un Grand Bombyle (Bombylius major) butinant un Muscari à grappe (Muscari neglectum).


Comment les fleurs font-elles pour attirer mouches et moustiques? Là encore, il faut distinguer deux écoles: celle du bonbon et celle de la crotte.


Myophilie et sapromyophilie, Sauvages du Poitou!


La première, la myophilie, est la plus répandue: c’est la relation entre diptères et fleurs parfumées. Ces dernières offrent souvent un nectar facile d’accès, sont bien ouvertes, plates, et exhalent des odeurs douces mais non sucrées. Elles sont de couleur blanche, jaune, verdâtre ou violette.

Un milliard de mouches ne peuvent pas se tromper: il faut manger de la merde.

(Road house, Rowdy Herrington)

L’autre école nous est ignoble, il s’agit de la sapromyophilie. Dans ce cas, l’attirance des diptères va aux fleurs qui offriront des odeurs similaires à leurs lieux de ponte, à savoir celles de la chair en décomposition, des excréments ou des champignons... Ces fleurs trompent les insectes (les piègent même parfois) car elles n'ont aucun nectar à offrir à leurs visiteurs. Il faut comprendre que de nombreux diptères (à l’exception de certains, strictement floricoles, telle la grande majorité des syrphes) apprécient autant le nectar que le sang (hématophagie, tels les  moustiques) ou que les excréments (coprohpagie, telles de nombreuses mouches). Pour en savoir davantage sur ces amateurs de pestilence, (re)lisez notre article consacré au Gouet d'Italie (Arum italicum), une Sauvage qui kidnappe de petites mouches de la famille des Psychodides pour assurer sa pollinisation.


Le Gouet d'italie ou l'art de kidnapper les mouche, Sauvages du Poitou
Le Gouet d'italie ou l'art de kidnapper les mouche, une histoire à suivre sur Sauvages du Poitou!


Par leur travail de pollinisation, l'apport qu'offrent les diptères à l'humanité et à la nature n’est pas mince. Certaines petites fleurs pauvres en nectar, boudées par les autres insectes, ne pourraient pas se reproduire sans l’aide de diptères minuscules. Par ailleurs, les diptères favorisent généreusement quelques pollinisations croisées comme celles des arbres fruitiers ou du colza (où les syrphes jouent un rôle important). Enfin, les diptères occupent une très large variété de milieux et de conditions climatiques défavorables à d’autres insectes pollinisateurs (altitude, froid...), ce qui leur permet d’atteindre des fleurs qui seraient bien seules sans eux. Alors à l’avenir, lorsque vous verrez une mouche sur la tarte ou un moustique près du lit… Faites comme vous voulez!


(article par Olivier Pouvreau)


Les autres articles de Sauvages du Poitou consacrés aux insectes pollinisateurs:

- Insectes pollinisateurs (1): la Sauvage et le coléoptère

- Insectes pollinisateurs (3): la Sauvage et le papillon

- Insectes pollinisateurs (4): la Sauvage et l'abeille, première partie

- Insectes pollinisateurs (5): la Sauvage et l'abeille, seconde partie


Les articles consacrés aux fleurs (botanique) sur Sauvages du Poitou:

- Vocabulaire de la botanique: fleurs régulières

- Vocabulaire de la botanique: fleurs irrégulières

- Vocabulaire de la botanique: inflorescences et capitules


Pour aller plus loin:

- Le Syrphe à ceinture (Episyrphus balteatus) sur le site Quel est cet animal?

- L’Éristale gluante (Eristalis tenax) sur le site Quel est cet animal?

- Le Grand Bombyle (Bombylius major) sur le site Quel est cet animal?

 

Plantains: le pied au jardin!
Date 19/11/2018
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Plantago major, Grand Plantain, Poitiers quartier gare

Grand Plantain, Poitiers quartier gare


Plantago major (Grand Plantain) fait office de chef de clan chez les Plantaginaceae, une famille bigarrée qui regroupe des Sauvages aussi diverses que les Véroniques (Veronica spp), les Digitales (Digitalis spp), les Linaires (Linaria spp) ou la délicate Cymbalaire des murs (Cymbalaria muralis)... A moins d'être généticien (ou papillon), difficile de trouver un fil conducteur dans ce grand bazar.


Plantago major, Grand Plantain, Poitiers quartier gare

La célèbre rosette de feuilles ovales et entières, aux nervures parallèles, du Grand Plantain: en réalité, des feuilles alternes disposées en spirale, chaque feuille s'écartant de la précédente selon un angle immuable de 144°.

- A-t-elle l’air pâle ou verte?

- Elle a l’air écrabouillée!

(La fée Clochette, Bradley Raymond)

Le Grand Plantain est une vivace très commune (c'est généralement une des première plantes qu'on apprend à identifier) qui s'installe sur les sols fortement piétinés et baignés de soleil. Un poil masochiste, le Sauvageon s'implante jusque sur les parkings, ou devant une sortie de garage, ses parties aériennes pouvant résister jusqu'au passage d'une roue de voiture.


Si le Grand Plantain préfère les sols tassés, c'est parce que la concurrence s'y fait rare. Mais tous les terrains lui conviennent, jusqu'à 2000 mètres d'altitude. Sa capacité d'adaptation lui a permis de s'exporter jusque dans les colonies européennes au 16ème siècle; les amérindiens l'avaient surnommé White man's footprint, «l'empreinte de l'homme blanc», car sa présence marquait les terres foulées par les européens. Chose amusante, les européens avaient eux-mêmes choisi le nom Plantago pour désigner la Sauvage, planta étant la plante du pied en latin, une référence à la forme de ses feuilles. Des histoires de pied, quoi de plus normal pour un végétal qui se laisse volontiers piétiner?


Plantago major, Grand Plantain, Poitiers quartier Chilvert

Grand sur un sol riche (jusqu'à 50 cm), chétif sur un terrain misérable, tolérant face aux herbicides comme aux pollutions urbaines, le Grand Plantain fait partie de ces Sauvages dont la plasticité et la capacité d'adaptation forcent le respect.


Un des secrets de la résistance du Grand Plantain repose sur ses feuilles épaisses. En déchirant une feuille transversalement, on voit apparaitre des fils (correspondants aux nervures) capables de s’allonger tels des élastiques. Les enfants peuvent s'amuser à étirer ces «cordes» végétales, la plus longue remportant le concours, à condition qu'elle ne casse pas. Des feuilles en forme de banjo, un jeu de cordes élastiques: le Grand Plantain a un peu l'allure d'un instrument fantastique. Il est parfois surnommé outre manche Angel's HarpLa harpe des anges»), ou plus récemment Beatles'GuitarLa guitare des Beatles»)!


Plantago major, Sauvages du Poitou!


En France, le genre Plantago rassemble une vingtaine d’espèces. On croisera parmi les plus communes:

Plantago lanceolata, Plantain lancéolé, Vouneuil-sous-Biard (86)
Feuilles longuement lancéolées et inflorescences courtes en épis du Plantain Lancéolé.

Le Plantain lancéolé (Plantago lanceolata) est l'autre célébrité du genre. Vivace, il s'adapte à tout type de sol, son aspect variant en fonction de la situation. Pour le botaniste Gérard Ducerf (Encyclopédie des plantes bio-indicatrices volume 1), ses colonies les plus fournies signent les prairies bien équilibrées (eau, fertilisant, matière organique, activité microbienne...).

Plantago coronopus, Plantain Corne-de-cerf, Poitiers quartier gare
Feuilles finement découpées, comme les bois d'un cerf, du Plantain Corne-de-cerf.

Le Plantain Corne-de-cerf (Plantago coronopus) est une annuelle (ou bisanuelle) des milieux pauvres et sablonneux. On le rencontre sur le littoral, mais aussi dans les villes où il peut se contenter d'un bout de trottoir, d'autant plus que le sel lui convient parfaitement (salage de la voirie en hiver).

Plantago media, Plantain moyen, Vouneuil-sous-Biard
Floraison flashy du Plantain moyen: une excentricité inhabituelle pour le genre discret des Plantains!

Enfin, le Plantain moyen (Plantago media) est une vivace dont les feuilles ressemblent au Grand Plantain. On peut le croiser au bord des chemins, sur les pelouses sèches... Il se distingue de par sa floraison spectaculaire: corolle blanche et étamines rosées ou liliacées.

Plantago major, Grand Plantain, Poitiers bords de Boivre
Inflorescence en épis (surnommée «queue de rat») du Grand Plantain: jusqu'à 10.000 graines par année pour un seul pied. Et autant de munitions pour les garnements qui en font une mitraillette champêtre!

Les graines des Plantains font le régal des oiseaux granivores, une aubaine en milieu citadin. Elles gonflent et deviennent collantes au contact de l'eau, puis se dispersent en adhérant aux chaussures des passants (zoochorie). Jadis, des petites mains récoltaient les tiges fructifères du Grand Plantain (le plus fourni en la matière) pour en faire commerce auprès des éleveurs d'oiseaux: très nourricières, les semences font office de barre énergétique pour les volatiles élevés en cage.

Pour l'homme aussi, les Plantains sont de bonnes comestibles, riches en protéines, en minéraux et en vitamines. Leurs feuilles et leurs graines sont consommées comme des légumes dans de nombreux pays d'Europe. Les feuilles crues du Grand Plantain ou du Plantain lancéolé évoquent un peu le gout des champignons. Le Plantain corne-de-cerf et sa saveur légèrement salée, moins amères que les autres Plantains, est souvent le préféré dans les assiettes.

Plantago major, Grand Plantain, Poitiers quartier gare
Fruits (capsules) du Grand Plantain en hiver: une mangeoire naturelle à oiseaux.

Mais la célébrité des Plantains repose d'avantage sur leurs vertus médicinales que leurs qualités culinaires. La résistance au piétinement du Grand Plantain inspira autrefois la croustillante théorie des signatures (qui voulait que l'aspect d'un végétal exprime ses vertus thérapeutiques): surnommé «La plante des coups», on estimait le Sauvageon capable d'aider à la cicatrisation des vilaines blessures. Autre temps, autres mœurs: la version contemporaine, plus soft, recommande l'application de ses feuilles fraiches pour soulager les piqûres d'insectes ou d'ortie, ou l'application en cataplasme de ses feuilles pour soigner les ampoules du randonneur. Il faut dire que le Plantain est à la fois astringent (asséchant, donc cicatrisants) et émollient (adoucissant, donc anti-inflammatoire): une formule magique, quelque part entre le feu et l'eau!

Si les Plantains ont été considérés comme des panacées au fil de l'histoire, leurs composés chimiques n'intéressent pas seulement les herboristes: on raconte que les chamois blessés se roulent dans le Plantain des Alpes (Plantago alpina) pour soigner leurs plaies. Plus près du Poitou, un gang de chenilles s'intéresse aux substances concentrées dans leurs feuilles; l'heure pour nous d'écouter une nouvelle histoire d'Olivier Pouvreau, le lépidoptériste de Sauvages du Poitou.


Le Petit monde des Plantains


Un terrain abandonné par l’agriculture, une friche, un lieu où la nature reprend ses droits... Voilà un décor idéal pour notre Plantain qui vient jouer les colons. Et avec lui, un papillon que l’on qualifie également d’espèce pionnière: la Mélitée du plantain (Melitaea cinxia). C'est un papillon assez commun sous nos latitudes, que l’on croise d’avril à août en Poitou.


Melitaea cinxia, Mélitée du plantain (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Imago de Mélitée du plantain fraîchement émergé... Tremblez, Plantains!


Vous l’aurez donc compris, avec un nom pareil, notre bestiole compte sur les Plantains pour élever sa progéniture. Au printemps, sitôt qu’elle a repéré un site avec une bonne densité de Plantains, la femelle Mélitée dépose ses œufs en tas de 50 à 300 sous les feuilles. Une fois écloses, les petites chenilles se mettent à tisser une sorte de chapiteau de fortune en toile de soie où elles commencent à se faire les dents. Et si, à force de se bâfrer de feuilles, notre Sauvage est mise à nue, aucun souci: les mini-larves partent à la recherche d’un autre pied de Plantain en filant des corridors de soie.


Melitaea cinxia, Mélitée du plantain (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Chenilles de Mélitée du Plantain ayant tissé leur chapiteau.


Les mois se succèdent. Avec l'arrivée des mauvais jours, les chenilles nées durant l’été (la Mélitée du Plantain produisant deux générations par an, une au printemps et une l’été) se ménagent un nid de feuilles reliées par des fils de soie. Elles y passent l’hiver par groupes de 10 à 60. Puis, au mois de mars de l’année suivante, elles pointent de nouveau le bout de leur nez, même par quelques degrés seulement. Il n’est alors pas rare de les observer en train de se dorer la pilule au soleil, aidées par leur livrée sombre… Si toutefois vous parvenez à les trouver car elles ressemblent alors étrangement aux épis des Plantains en boutons.


Mélitée du Plantain, Sauvages du Poitou!


Melitaea cinxia, Mélitée du plantain (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Parvenus à leur ultime mue, les chenilles de la Mélitée du plantain se dispersent pour aller se nymphoser. A ce moment, il n’est pas rare de les trouver galopant sur les chemins. Celles-ci, trouvées sur une piste cyclable étaient en cours de sauvetage!

- Pâtisseries empoisonnées, beignets mortels, macaron foudroyants...
- Pas mal!
(Astérix et Cléopâtre, René Goscinny et Albert Uderzo)
La Mélitée du plantain ne tire pas simplement de sa plante-hôte larvaire un moyen de se gorger de protéines pour devenir un insecte parfait. Les feuilles des Plantains concentrent deux substances, l’aucubine et le catalpol, qui protègent la plante contre les maladies fongiques et les herbivores. Au moment de la ponte, les femelles Mélitées cherchent les pieds de Plantain qui concentrent le plus ces deux composés (le Plantain lancéolé en est le plus gros producteur) pour que leur chenilles en profitent à leur tour. Ces substances agissent d’ordinaire comme des inhibiteurs de croissance chez la plupart des insectes... Alors que chez nos Mélitées, c’est l’inverse! Et ce n’est pas tout: en absorbant l’aucubine, les chenilles développent une amertume qui les rendent peu appétissantes au goût des prédateurs (araignées, guêpes, punaises, oiseaux...). Enfin, le catalpol améliore les défenses immunitaires des chenilles, permettant à leur organisme «d’étouffer» les œufs pondus dans leur chair par les parasitoïdes (notamment des ichneumons comme Cotesia melitaearum). Il semble même que la relative toxicité du Plantain perdure chez le papillon adulte... Donc avis aux prédateurs: avec le Plantain, risque de plantage!


Notons que deux autres espèces de Mélitées poitevines pondent sur les Plantains (on compte en France une cinquantaine d’espèces de papillons susceptibles de profiter de leurs feuilles): la Mélitée orangée (Melitaea didyma) et la Mélitée des scabieuses (Melitaea parthenoides), toutes deux moins communes que la Mélitée du plantain.


Melitaea didyma, Mélitée orangée (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Imago et chenille de Mélitée orangée


Melitaea parthenoides, Mélitée des scabieuses (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Imago et chenille de Mélitée des scabieuses



Pour aller plus loin:

- Plantago major sur Tela-botanica

- Plantago lanceolata sur Tela-botanica

- Plantago coronopus sur Tela-botanica

- Plantago media sur Tela-botanica

- L'usage médicinal des Plantains à travers l'histoire sur le blog Books of Dante

- La relation toxique d’une Mélitée avec un Plantain sur le site de Zoom Nature

 

1 2 3 4 5 6 ... 19

MP  Mighty Productions
> Blogs
> Sauvages du Poitou
 
RSS       Mentions légales       Comms  Haut de la page