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Vocabulaire de la botanique (7) : Poacées, herbes, céréales, pelouses et gazons
Date 21/01/2018
Ico Initiation à la botanique joyeuse!
Les joyeuses leçons de Sauvages du Poitou nous ont entrainés jusque là à la poursuite des feuilles simples, des feuilles composées, de l'art délicat de la phyllotaxie (la disposition des feuilles sur la tige), des fleurs régulières, des fleurs irrégulières ainsi que des capitules et des différents types d'inflorescence. C'est une nouvelle enquête botanique qui nous attend aujourd'hui, sur la base de l'ensemble des articles précédents (mieux vaut les réviser un peu avant de continuer). Prêts? 3, 2, 1, générique!

L'univers fascinant des Poacées, Sauvages du Poitou!

La famille
Poaceae (anciennement Graminées) est peut être une des familles les plus anciennes et les plus répandues du règne végétal: 20% de la couverture verte de la planète! C'est aussi la famille la moins visible pour le profane, qui à force de chercher l'orchidée rare, finit par ne plus voir l'océan de chlorophylle tout autour. Les Poacées sont, pour l'observateur commun, l'«herbe» (mais aussi nombre de céréales cultivées par l'homme), partout, de l’Antarctique au Poitou. Pour beaucoup, l'herbe ne constitue guère qu'un décor ennuyeux, une toile de fond dénuée d'intérêt, sur laquelle évoluent les véritables stars de la botanique, les Sauvages à fleurs spectaculaires et colorées.

Poa annua, Pâturin annuel, Dinard (35)
Le Pâturin annuel (Poa annua), de loin la Sauvage la plus répandue dans nos villes, à qui la famille Poacée doit son nom: «Poa» est l'«herbe» en grec.

Certes, l'analyse attentive d'une parcelle de gazon peut sembler rébarbative ou difficile au profane. Se pencher sur les Poacées revient un peu à gravir la montagne botanique par la face nord, sans corde et sans piolet. Pourtant, ce clan cache des secrets fascinants et fait preuve, paradoxalement, d'un grand sens de l'élégance: chez ses membres, c'est l'art de la danse qui prévaut aux pétales et aux couleurs ostentatoires. En effet, la reproduction sexuée des Poacées ne repose pas sur le passage des butineurs, mais sur le souffle du vent.
Tous les matins, dès le lever, La Carioca te fais bouger. Et quand tu danses, chaque petit pas te mets en joie pour la journée...
(La cité de la peur, Les Nuls)

Briza media, l'Amourette, Biard aérodrome (86)
L'Amourette commune (Briza media), une petite Poacée plus connue sous les noms de Hochet du vent ou Langue de femme, parce ses petits épillets gigotent sans cesse sous le vent!

L'observation des Poacées repose sur une enquête minutieuse, où le vocabulaire peut nous guider et nous aider à observer des détails invisibles au premier abord. Secret oblige, les membres de ce clan ne sauraient être décrits par des mots trop communs... Ainsi, chez le brin d'herbe, on ne parle pas de tige, mais de chaume. Le chaume est parcouru par des nœuds. Il présente généralement une section ronde et creuse aux entrenœuds, ce qui nous permet de différencier les Poacées de deux autres familles aux allures similaires: les Cyperacées — le clan des Laîches — aux tiges à section pleine et triangulaire, et les Joncacées — le clan des Joncs — aux tiges à section ronde et remplies de moelle.

Des feuilles linéaires, étroites et alternes naissent à partir des nœuds. Les feuilles enveloppent le chaume en formant une gaine, jusqu'à ce que le limbe se sépare de celui-ci. Un exemple valant mieux qu'une longue explication, penchons-nous dans le bac de la tondeuse à gazon, où un crime vient d'être commis:

Anatomie d'un brin d'herbe, Sauvages du Poitou

Essayons d'identifier la victime de notre serial-tondeuse: la première piste se trouve précisément à la frontière de la gaine et de la partie du limbe qui se sépare du chaume. C'est ici que se cache une petite membrane, nommée ligule, qui empêche l'eau, la poussière ou les insectes de pénétrer dans la gaine. La ligule est un indice d'importance, car elle affiche des aspects variés (verte, blanche, simple, découpée, déchirée, poilue...) en fonction de l'espèce observée. La forme (ou l'absence) d'oreillettes est aussi à prendre en considération.

Poacées: ligule et oreillette, Sauvages du Poitou

 Ligule de Dactylis glomerata, Dactyle aggloméré, Poitiers bords de Boivre
Notre victime présente une gaine nettement aplatie, une ligule longue et déchirée et pas d'oreillettes... Nous sommes extrêmement chanceux, car ces maigres indices sont suffisants pour identifier le Dactyle aggloméré (Dactylis glomerata)!

Malheureusement (ou heureusement si vous aimez les défis), ligule et oreillettes ne suffisent généralement pas pour identifier une espèce. Il nous faudra, encore plus que chez les autres Sauvages, croiser un maximum d'indices, en commençant par un examen minutieux des fleurs...

 Ligule de Dactylis glomerata, Dactyle aggloméré, Saint Aignan (41)
Inflorescence (panicule) dense du Dactyle aggloméré dans la force de l'âge: un joyeux fouillis!

Hé oui, les Poacées ne sont pas dépourvues de fleurs! La principale difficulté pour nous, c'est leur miniaturisation et leur densité: la loupe est indispensable pour pouvoir apprécier leurs fleurs, seules ou regroupées par dizaines en épillets. Les épillets sont eux même regroupés en épis compacts (plusieurs fleurs sessiles sur un axe), en grappes, ou plutôt en panicules (des grappes de grappes), l'ordonnance la plus répandue chez les Poacées de France.

L'épillet, Sauvages du Poitou

Accrochez vous mon cher Watson, car c'est là que nous allons commencer à couper l'herbe en quatre: une  enveloppe foliaire, la glume, protège l'ensemble de l'épillet, le regroupement floral élémentaire. Les minuscules fleurs, disposées sur le rachillet, présentent l’attirail sexuel déjà évoqué dans notre article sur les fleurs, à savoir des étamines (dont le filet peut s'allonger de manière spectaculaire à maturité du pollen, atchoum!) et un pistil (ses stigmates poilus lui permettent de récupérer le pollen porté par le vent). La fleur est elle même protégée par une petite enveloppe foliaire, nommée glumelle (ou parfois lemme).

Épillets ventrus du Brome mou (Bromus hordeaceus): des glumelles velues, bifides à la pointe, prolongées d'une arête au moins aussi longue qu'elles.

Glume et glumelles (qui sont respectivement l'équivalent des bractées et des sépales chez les autres Sauvages) sont toujours alternes, et souvent prolongées par une arrête, dont la longueur, la disposition (terminale, insérée au milieu...) ou la forme (droite, tordue, vrillée...) est aussi une indication sur l'identité du spécimen observé. Le rôle de cette arrête est de favoriser la propagation des semences, en s'accrochant aux animaux de passage par exemple, ou en aidant la graine à se planter dans le sol.

Hordeum murinum, Orge Queue-de-rat,
Orge Queue-de-rat (Hordeum murinum): encore plus d’arêtes qu'un poisson! Hérissées d'épines très accrocheuses, ses arêtes aident les semences à s'enfoncer dans le sol... Et accessoirement aux bas de pantalons des promeneurs! (zoochorie)

Reste à compléter le dossier avec quelques brassées d'indices complémentaires: la Sauvage ressemble-t-elle à une herbe solitaire, ou forme-t-elle des touffes (on dit que son port est cespiteux)? Quelle est l'apparence des feuilles? Dans quel milieu pousse-t-elle? Chaque détail compte! Se munir d'une règle pour relever des mesures (épillets, arrêtes...) n'est pas superflu, et peut-être (je dis bien peut-être, les Poacées sont assez polymorphes, sans quoi ça serait trop facile), à force d'observations et de déductions, aboutirez-vous à un nom parmi les 150 genres et 470 espèces qui couvrent le sol français, tel le vainqueur extatique d'une partie de Cluedo! Une approche efficace des Poacées imposerait de décortiquer, mot par mot, bien d'autres aspects comme les racines ou les fruits, qui feront l'objet de futurs articles sur Sauvages du Poitou. Les premières bases jetées ici devraient toutefois vous permettre de vous essayer à quelques premières identifications, avec l'aide d'une loupe et d'une bonne flore (références en bas d'article). En attendant d'apprivoiser ce vocabulaire, je vous souhaite de ne plus jamais regarder une friche, une pelouse ou un champ de blé d'un œil assoupi et désintéressé, à l'image du Renard du Petit Prince!
Regarde! Tu vois, là-bas, les champs de blé? (...) Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste! Mais (...) ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé...  (Le Petit Prince, Antoine de Saint-Exupéry)
Brachypodium pinnatum, Brachypode penné, Buxerolles (86)
Pas besoin de loupe, ni même de s’approcher, pour reconnaitre le Brachypode penné (Brachypodium pinnatum) sur les coteaux calcaires: il est le seul a rester vert même en été (touffes vert clairs au sol sur la photo)!

D'autres leçons de botanique consacrées aux fleurs sur Sauvages du Poitou:
- Le vocabulaire de la botanique (4): les fleurs régulières
- Le vocabulaire de la botanique (5): les fleurs irrégulières
- Le vocabulaire de la botanique (6): inflorescences et capitules


Pour aller plus loin:
- Botarela, le rendez-vous incontournable des amoureux de Poacées, complété d'une clé d'identification en ligne par Guillaume Lecointre!

Lectures recommandées:
- Le Guide des graminées, carex, joncs et fougères aux aux éditions Delachaux et Niestlé
- Petite flore de France aux éditions Belin (le chapitre consacré aux Poacées ne présente qu'une petite centaine d’espèces, mais la clé de détermination est sympathique pour une première approche)
 

Circée de Paris: Titi la petite sorcière
Date 01/11/2017
Ico Haies & forêts

Circaea lutetiana, Circée de Paris, Biard bords de Boivre (86)

Circée de Paris ou «Herbe aux sorcières», Biard bords de Boivre (86)

- Oh! Une sorcière si mignonne...

- Kiki, pour vous servir!

(Kiki la petite sorcière, Hayao Miyazaki)

Circaea lutetiana (Circée de Paris) appartient à la famille Onagraceae, aux côté des Onagres, des Épilobes, des Fushias de nos jardins ou des Jussies (Ludwigia sp), les terribles pirates des étangs et des cours d'eau. Pourtant, à l'heure où les monstres d'Halloween défilent à notre porte, notre Sauvage n'endosse pas un costume de corsaire, mais plutôt celui d'une sorcière: Circaea lutetiana est surtout connue sous le nom d'Herbe aux sorcières... Encore des salades de magiciennes me direz-vous? Que voulez-vous, les sorcières, de même que les curés, furent d'excellentes botanistes en leur temps; il est normale que les Sauvages leur rendent hommage de temps en temps.


Sorcière: la botaniste du Moyen Âge? Sauvages du Poitou!


Prenez garde, Circaea lutetiana n'est pas n'importe quelle sorcière: elle emprunte son nom à Circé (Kirkê en version originale), une puissante magicienne dans la mythologie grecque. Experte en drogues, en poisons et reine des métamorphoses, Cirsé est surtout célèbre pour sa participation au casting de l'Odyssée de Homère, où elle change les compagnons d'Ulysse en porcs. On raconte que ce sont les botanistes Mathias de l'Obel — alias Lobelius — et Jacques Daléchamps avant lui (XVIème siècle) qui désignèrent la plante comme celle utilisée par l'enchanteresse pour préparer la potion permettant de transformer les marins en cochons!


Circaea lutetiana dans Plantarum seu stirpium historia de Mathias de l'Obel (1576)

Circée de Paris (à gauche) dans Plantarum seu stirpium historia de Mathias de l'Obel (1576)


Circaea lutetiana a côtoyé d'autres plantes sorcières dans les grimoires (Mandragore, Morelle...), mais on sait aujourd'hui qu'elle ne se démarque ni pour sa dangerosité, ni pour ses vertus médicinales. Reste qu'elle est fortement tannique et plutôt impropre à la consommation (sans parler du risque de se transformer en cochon?).


Circaea lutetiana, Circée de Paris, Ainhoa (64)

Circée de Paris, Ainhoa (64)

- Bonjour monsieur, y a-t-il une sorcière dans cette ville?

- Non... J'en ai pas vu depuis longtemps.

- Alors je vais m'installer ici! (...) Je me présente: je suis sorcière, je m'appelle Kiki!

(Kiki la petite sorcière, Hayao Miyazaki)

C'est peut-être pour la différencier d'une autre Circée, la Circée des Alpes (Circaea alpina), que notre Sauvage devint la Circée de Paris (lutetiana pour Lutèce, le nom romain de la capitale française), ou en quelque sorte, Titi la petite sorcière! Elle est cependant commune sur l'ensemble du territoire, à l'exception de la région méditerranéenne (protégée en Provence-Alpes-Côte d'Azur). A l'inverse, la Circée des Alpes est rare en France, présente en région méditerranéenne et dans le sud-est seulement.


Circaea lutetiana, Circée de Paris, Biard bords de Boivre (86)

Paire de pétales échancrés des fleurs de la Circée de Paris en été: on observe bien l'ovaire infère, une des caractéristiques du clan Onagraceae.


Circaea lutetiana est une vivace qui recherche les sols riches, humides et ombragés des forêts riveraines (près des rivières et des ruisseaux). Certains auteurs peu enclins à la magie pensent d'ailleurs que sa qualité de «sorcière» serait une déformation de «sourcière», sa présence signalant souvent la proximité d'un point d'eau.


Circaea lutetiana, Circée de Paris, Marçay (86)

Les feuilles opposées, ovales, acuminées, denticulées de la Circée de Paris.


Le port modeste de Circaea lutetiana (une cinquantaine de centimètres) est largement compensé par ses colonies très fournies, en particulier sur les sols fréquentés par l'homme. Ses rhizomes souterrains assurent une expansion efficace, et ses fruits s'agrippent aux animaux de passage, à la manière du Gaillet gratteron, pour se disperser jusque dans les villes et les jardins (voir notre article sur l'epizoochorie). Pour le botaniste hollandais Herman Boerhaave (XVIIIème siècle), la Sauvage est liée à Circé à cause de ses fruits: les semences s'accrochent aux passants comme Circé attrape les voyageurs de passage. Ceux qui ont lu l’Odyssée savent combien Ulysse et ses compagnons ont eu du mal à se défaire de la magicienne, un brin collante; d'autres diront que Circé était juste attachante, à l'image de notre Sauvage, discrète, mais pas moins ensorcelante!


Circaea lutetiana, Circée de Paris, Biard bords de Boivre (86)

Fruits de la Circée de Paris (des capsules velues) qui restent visibles très longtemps en hiver, à l'affut des bas de pantalon des aventuriers.



Pour aller plus loin:

- Circaea lutetiana sur Tela-botanica

 

Vocabulaire de la botanique (5): fleurs irrégulières
Date 20/10/2017
Ico Initiation à la botanique joyeuse!

Bouquet de fleurs sauvages zygomorphes du Poitou!

Bouquet de fleurs sauvages zygomorphes du Poitou!

(Dans l'ordre: Lamier jaune, Vesce cultivée, Aristoloche clématite, Orchis bouc, Orobanche, Orchis vert, Violette odorante, Lamier pourpre et Euphraise raide)


Après l'article consacré aux fleurs régulières (les fleurs en tout point symétriques par rapport à leur centre, de forme «classique» et circulaire en somme), il est temps de se pencher vers des spécimens d'apparence plus excentrique: les fleurs irrégulières (ou «zygomorphes») qui apportent avec leurs silhouettes alambiquées un cortège de nouveaux mots. On peut dégager quelques clans de Sauvages emblématiques (mais pas exclusifs) au sein de ce courant botanico-artistique.

On dirait un Picasso période déstructurée!

(Sacré Robin des Bois, Mel Brooks)

Les fleurs irrégulières, Sauvages du Poitou!




La famille Fabaceae (où se côtoient des célébrités telles que les Fèves, Pois, Haricots, Trèfles, Luzernes, Vesces, Gesses...) est une des plus riches en matière de fleurs irrégulières. Et plus particulièrement ses membres qualifiés de «Papilionacés»: c'est dans les filets des amateurs de papillons, mais surtout au fond des cales des voiliers de plaisance (Hisse et ho!) qu'on va attraper les mots nous permettant de décrire leur cinq pétales.


La fleur papilionacée, Sauvages du Poitou

Étendard : le pétale supérieur, généralement le plus large.

Ailes : les deux pétales latéraux.

Carène : ensemble des deux pétales inférieurs.

Cytisus scoparius, Genêt à balais, Biard (86)


Les fleurs jaunes vif d'un Genêt à balais (Cytisus scoparius) s’avèrent très pédagogique: on observe sans peine l’étendard au-dessus, de même que les deux ailes disposées de chaque côté de la carène (la carène est en fait composée de deux pétales soudés entre eux).


Leptidea sinapis sur Lotus corniculatus, Biard (86)


L’Argus bleu (Polyommatus icarus) face au Lotier corniculé (Lotus corniculatus): un papillon et une Papillonacée, deux amis forcément inséparables! Le large étendard du Lotier corniculé, bombé vers l’avant comme s’il avait le vent dans le dos, surplombe les deux ailes. Les ailes recouvrent et cachent une carène fortement coudée, comme une petite corne. C’est peut-être de là que la sauvage tire son nom, corniculatus étant la corne en latin.



T’es mal placé dans la chaîne alimentaire pour faire ta grande gueule!

(L’âge de glace, Chris Wedge et Carlos Saldanha)

Du côté des Lamiaceae (anciennement «Labiées»), représentées par les Menthes, Mélisses, Thyms, Romarins, ou Origans, on puise l'inspiration dans la mythologie grecque: la jeune et séduisante Lamia était l'amante de Zeus. Un jour, la femme du Dieu, Héra la jalouse, tua leur enfant illégitime. Lamia, inconsolable, décida qu'aucune mère n'avait le droit d'être heureuse, et se transforma en un monstre qui mangeait les enfants des autres! Ainsi, les fleurs des Lamiaceae qui évoquent une gueule ouverte doivent leur nom à la terrible ogresse... Leurs pétales deviennent tout naturellement des «lèvres».


Lamiaceae...? Sauvages du Poitou!


Les lèvres se présentent toujours deux par deux: une supérieure et une inférieure (quoi de plus normal pour une bouche). Quant à l'entrée du tube formé par la corolle, elle est désignée comme étant... «La gorge»!


Rosmarinus officinalis, Romarin officinal, Poitiers Chilvert


Fleurs du Romarin officinal (Rosmarinus officinalis): la lèvre supérieure de la corolle forme une sorte de «casque» fendu (on appelle «casque» un sépale ou un pétale supérieur recourbé vers l'avant). La lèvre inférieure possède trois lobes, le central plus large et concave: c'est la «piste d'atterrissage» pour les butineurs.


Melittis melissophyllum, Mélitte à feuilles de mélisse, Poitiers bords de Boivre


Fleurs de la Mélitte à feuilles de mélisse (Melittis melissophyllum): Les grandes corolles blanche ou roses de la Mélitte à feuilles de mélisse — une forestière qui fleurit entre mai et juillet — sont composées d’un tube très saillant, à gorge très élargie. La lèvre supérieure, un peu concave, est entière. La lèvre inférieure se découpe en trois lobes étalés : deux lobes latéraux et un grand lobe médian plus foncé, comme une grosse langue pendante. Bien souvent, c’est la première chose qui nous frappe lorsqu’on rencontre une Lamiacée en fleur : elle nous tire la langue !


Les fleurs zygomorphes des Lamiacées cachent parfois des mécanismes complexes, destinés à favoriser leur reproduction. Ainsi, les butineurs qui s'engouffrent dans les corolles de la Sauge des prés (Salvia pratensis) s'opposent à des «barreaux» qui barrent l'accès au nectar. En forçant le passage, le butineur enclenche une mécanique de contrepoids qui fait pivoter des étamines vers le bas, jusqu'à ce que leur anthère touche le dos de l'insecte pour y déposer le pollen.

Salvia pratensis, Sauvages du Poitou!

Les épaules ainsi saupoudrées, le butineur s'envole vers d'autres fleurs où son dos caressera la «langue de serpent» qui surplombe la fleur, en fait le style recourbé d'un pistil à maturité... Ingénieuse nature!


Salvia pratensis, Sauge des prés, Chezeau (86)

Sauge des prés et butineur, Chezeau (86)



Je suis un artiste et mon œuvre c’est moi.

(Hell, Bruno Chiche)

Les Orchidées (Orchidaceae) constituent une grande famille éclectique et c'est probablement en son sein qu'on trouve les artistes les plus perchés! Si le vocabulaire qui permet d'observer leurs chefs d’œuvres devient un poil plus hermétique, le piège réside surtout dans la ressemblance entre pétales et sépales (certains auteurs préfèrent même parler de six tépales), tous richement colorés. Disons qu'une fleur d'Orchidée présente généralement une structure à trois sépales (une première couronne extérieure) et trois pétales (une seconde couronne intérieure), disposés autour d'une pièce centrale nommée «colonne» qui regroupe les organes sexuels de la plante. Plongeons du côté obscur de la botanique:


Fleur de l'orchidée, Sauvages du Poitou!


Le sépale dorsal et les deux pétales latéraux convergent souvent pour former un «casque» protecteur au-dessus de la colonne. L'élément le plus spectaculaire est le pétale inférieur qui sert d'appât et de piste atterrissage pour les butineurs: on nomme celui-ci «labelle». Ce dernier est parfois prolongé d'un éperon vers l'arrière.


Anacamptis morio, Orchis bouffon, Biard Petit Mazay (86)


Fleurs l'Orchis bouffon (Anacamptis morio): les trois sépales et les deux pétales latéraux, nettement striés, forment un «casque» qui protège la colonne. Le labelle, plus large que long, est maculé en son centre, divisé en trois lobes (les lobes latéraux sont crénelés) et prolongé à l’arrière par un éperon. C'est généralement une offrande de nectar qui permet aux sauvages d'attirer les butineurs dans leurs fleurs; l’éperon peut en constituer la réserve. Mais chez la plupart des Orchidées, l’éperon n’est qu’un leurre dénué de récompense. Ainsi, notre Orchis bouffon n’a rien d’autre à offrir à ses visiteurs que de belles promesses dans un emballage trompeur.


Les Orchidées usent de nombreux subterfuges de ce genre pour attirer les pollinisateurs. Chez les Ophrys par exemple, le labelle s'est transformé au fil de l'évolution en une imitation de la seule chose qui compte plus qu'un festin aux yeux d'un insecte: un partenaire pour la reproduction. 


Ophrys apifera, Ophrys abeille, Biard (86)


Ainsi chez l’Ophrys abeille (Ophrys apifera), les trois sépales très étalés sont généralement roses. Les deux pétales latéraux sont très courts, disposés au-dessus du labelle. Ce dernier est trilobé, brun-rouge, dépourvu d’éperon, flanqué d’un motif coloré (nommé la «macule») digne d’un tatouage de chef indien. De loin, le labelle évoque le corps d’une abeille. C’est en tout cas ce que pensent les mâles de plusieurs espèces d’abeilles solitaires qui reconnaissent l'abdomen de leur femelle (les phéromones sexuelles dégagées par la fleur parachèvent l'illusion) sur lequel ils se précipitent et se frottent, assurant la pollinisation. Autre appât: deux petits nectaires luisants sont situés de part et d’autre de la base du labelle. On les surnomme les pseudo-yeux.

Les Orchidées étonnent, fascinent, et le vocabulaire sophistiqué qui leur est associé ne saurait être présenté ici de manière exhaustive.




Je vous invite à nous retrouver dans un prochain article, où il sera question des inflorescences particulières en grappes, en ombelles, en corymbes ou encore en capitules (pour ne citer que les plus célèbres), et du vocabulaire spécifique aux Poaceae (ou Graminées), des Sauvages aux fleurs très discrètes. To be continued...


D'autres leçons de botanique consacrées aux fleurs sur Sauvages du Poitou:

- Le vocabulaire de la botanique (4): les fleurs régulières
- Le vocabulaire de la botanique (6): inflorescences et capitules
- Le vocabulaire de la botanique (7): Poacées, herbes, céréales, pelouses et gazons

Articles consacrés à la pollinisation par les insectes sur Sauvages du Poitou:
- Insectes pollinisateurs (1): la Sauvage et le coléoptère
- Insectes pollinisateurs (2): la Sauvage et le diptère
- Insectes pollinisateurs (3): la Sauvage et le papillon

Pour aller plus loin:

- Société Française d'Orchidophilie de Poitou-Charentes et Vendée

 

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