Picride fausse vipérine, Poitiers bords de Boivre
Helminthotheca echioides (Picride fausse vipérine ou Cochet-marocain en poitevin-saintongeais) appartient aux clan Asteraceae, le clan des fleurs à capitules (une inflorescence fournie qui prend l'apparence d'une grosse fleur unique). On continue ce qui pourrait être notre feuilleton de l'été, celui des Sauvages à fleurs jaunes à la mode «Pissenlit» (Taraxacum sect. Ruderalia), à la suite des Séneçons (Senecio vulgaris, Jacobaea vulgaris) ou des Laiterons (Sonchus oleraceus, Sonchus asper) qui ont déjà tenu le haut de l'affiche sur Sauvages du Poitou.
Picride fausse vipérine, Poitiers bords de Boivre
La Picride fausse vipérine est une annuelle (parfois bisanuelle) peu discrète, dont la silhouette épaisse et velue est bien connue des jardiniers (diantre, de la mauvaise herbe!): la Sauvage fréquente les milieux habités par l'homme, les jardins, les champs cultivés, les vergers, les bords des routes... Autant d'endroit où elle trouvera une terre riche, bien exposée, tassée par le passage des pieds, des véhicules ou des machines (ses colonies les plus denses peuvent signer un sol à tendance calcaire).
Feuille rêche, ondulée, embrassante, velue (voir piquante) et «verruqueuse» de la Picride fausse vipérine.
Thérèse n’est pas moche. Elle n’a pas un physique facile... C’est différent.La tige et les feuilles hérissées de poils durs de la Picride fausse vipérine dessinent des contours grossiers (la Sauvage est d'ailleurs surnommé en Angleterre Bristly Oxtongue, la «Langue de bœuf hérissée»!), qui peuvent évoquer les traits de certains membres de la famille Boraginaceae. On peut penser par exemple aux feuilles de la Vipérine (Echium vulgare), dont la Picride fausse vipérine usurpe quelque peu le nom.
(Le père Noël est une ordure, Jean-Marie Poiré)
J’appelle pas ça voler, j’appelle ça tomber avec panache.
(Toy Story, John Lasseter)
Au centre du «pompon», les semences sont équipées d'un matériel de vol bien plus fourni et s'envolent au loin pour conquérir de nouveaux territoires.
Akène de la Picride fausse vipérine pris au piège dans une toile d'araignée: rougeâtres, surmontés d'un long pied qui porte les soies plumeuses.
Les jeunes feuilles de Picride fausse vipérine et Picride épervière sont comestibles, mais elles deviennent rapidement coriaces en gagnant en maturité (on peut alors éventuellement les faire cuire). De par ailleurs, elles doivent leur nom de Picride au suc amer et poisseux contenu dans leurs tiges, picros signifiant «amer» en grec. Vous voilà prévenus!
Pour aller plus loin:
- Helminthotheca echioides sur Tela botanica
- Helminthotheca echioides: identification assistée par ordinateur
- Picris hieracioides sur Tela botanica
- Picris hieracioides: identification assistée par ordinateur
L’Orobanche de la Picride (Orobanche picridis) est une plante parasite dépourvue de feuilles vertes (et donc de chlorophylle) qui plante ses suçoirs sur les racines de nos Picrides. Il existe de nombreuses espèces d’Orobanches aux floraisons spectaculaires (très difficiles à différencier les unes des autres); elles parasitent de manière quasi spécifique d’autres Sauvages: Orobanche du Lierre, du Trèfle, du Thym…
«Helminthotheca echioides»... Voilà un nom qui risque de ne pas vous encourager à retenir les noms latins de nos Sauvages! La Picride fausse vipérine s’appelait pourtant Picris echioides il y a quelques siècles (ce qui peut sembler plus évident pour une Picride). Au milieu du 18ème siècle, des études approfondies, menées à grands coups de loupes, ont abouti à la conclusion que la Sauvage méritait de quitter le genre des Picrides pour rejoindre un genre à part, celui des Helminthies... Et la voilà devenue Helminthie fausse vipérine (Helminthotheca echioides). Au 19ème siècle, certains chercheurs trouvent la distinction un peu tirée par les poils, et souhaitent réintégrer la Sauvage chez les Picrides. Fin 20ème siècle, les examens génétiques surpassent les loupes dans les laboratoires, et la démarcation entre Picrides et Helminthies trouve de nouveaux défenseurs et de nouveaux arguments. A suivre?
Laiteron potager, Poitiers bords de Boivre
Sonchus oleraceus (Laiteron potager ou Laitrin en poitevin-saintongeais) appartient à la famille Asteraceae, les plantes aux très nombreuses fleurs réunies en de gros «capitules» (un observateur non averti risque de considérer le capitule comme une fleur unique, mais c'est un trompe l’œil), telles que les Pâquerettes, Marguerites, Pissenlits... C'est d'ailleurs aux grosses fleurs jaunes de ces derniers qu'on risque de penser en croisant le Laiteron: comme chez le Pissenlit, chacune des nombreuses fleurs constituant le capitule est une simple languette (on dit qu'elles sont toutes «ligulées»).
Laiteron potager: des bractées appliquées parsemées de poils mous (parfois glabres).
Te caille pas le lait mon Patrick, je boirai du Nesquik!
(Camping, Fabien Onteniente)
Si l'on casse les tiges lisses et épaisses de la Sauvage, un suc blanc, laiteux et collant s'en écoule. Il n'en fallait pas moins à l'homme pour offrir à la Sauvage son nom: Laiteron. Les botanistes préféreront peut-être la désigner par son nom latin, Sonchus, qui évoque une autre plante, un Chardon, dans une langue ancienne et oubliée (l'elfique?... Plus probablement une vieille langue méditerranéenne). S'il est vrai que certains Laiterons ressemblent un peu aux chardons, ils n'en ont pas le piquant.
Le latex de Sonchus oleraceus ne semble pas avoir de propriétés unanimement reconnues (des dermites de contact sont possible chez certaines personnes sensibles, prudence). Certains l'auraient utilisé autrefois en application pour traiter les verrues... Une médication sans doute un poil fantaisiste, mais qui a le mérite de soulever une question à laquelle la crème de l’ethnobotanique devra répondre un jour: pourquoi diantre, dès qu'une Sauvage transpire un latex quel qu'il soit, l'homme cherche-t-il à s'en badigeonner les verrues?!
Laiteron potager, Poitiers quartier gare: le lait de la rue.
Sonchus oleraceus est une annuelle des jardins familiaux, des cultures, des vergers et des terrains vagues. Elle affectionne l'humidité, ainsi que les excès d'azote inhérents aux amendements et à la pollution automobile: elle fait partie du top 10 des Sauvages les plus observées dans nos cités selon les données fournies par le programme Sauvages de ma rue.
Des coulures de lait sur le Laiteron potager? Que nenni, ces lignes sinueuses et blanchâtres sont des galeries creusées par la larve d'une petite mouche dite «mineuse», de la famille des Agromyzidae, qui se régale des feuilles de la Sauvage. Il existe de nombreuses espèces de «mineuses», la plupart étant très spécifiques dans le choix de leur plante hôte.
Au-delà de ses fleurs, aucun risque de confondre le Laiteron avec un pied de Pissenlit: il dépasse largement le mètre de hauteur à maturité. Mais dans la famille, d'autres membres à la stature imposante et aux fleurs jaunes de type «Pissenlit» peuvent égarer l'apprenti botaniste. On remarquera chez Sonchus oleraceus les feuilles supérieures glabres, molles, découpées en lobes aigus (les lobes se chevauchent parfois), qui embrassent la tige par deux oreillettes droites.
Jeune rosette de Laiteron potager, Poitiers bords de Boivre
Un autre Laiteron commun, à l'allure proche, fréquente les mêmes bords de trottoirs: Sonchus asper ou le Laiteron épineux. Ce dernier se différencie du Laiteron potager par ses feuilles (aux découpes assez variables) robustes et brillantes comme du plastique, presque épineuses sur les bords, qui embrassent la tige via deux oreillettes enroulées sur elles-mêmes.
Laiteron épineux: des oreillettes enroulées sur elles-mêmes et des bractées recouvertes de courtes épines molles.
Si le Laiteron est «potager», c'est parce qu'il fut cultivé (ainsi que le Laiteron épineux) par l'homme dès l'antiquité, consommé en salade ou cuit comme les épinards. Plus récemment, les Laiterons furent surtout considérés comme d’excellentes plantes fourragères, de l'«herbe à lapin» (un des ses surnoms) ou un met de premier choix pour le bétail: ses feuilles sont riches en vitamine C, en glucides et en protéines. Le Laiteron serait donc un légume oublié avant que d'être de la mauvaise graine, encore un me direz-vous, qui peut rejoindre les rangs des oubliés des assiettes aux côtés des Pissenlits, de la Grande Ortie ou de la Grande Mauve...
Si les Laiterons sont aujourd'hui passés de mode au potager, le sol conserve un véritable stock de graines constitué au fil des siècles; des semences qui ne demande qu'à exploser dès que la terre est retournée par l'homme (labours ou chantiers). Il faut dire que la Sauvage affiche une efficacité industrielle, propre au clan Asteraceae, quand il s'agit de reproduction: un seul pied peut produire plusieurs dizaines de millier de graines à la belle saison (de petits akènes que le vent disperse).
Akène ovale et écrasé, aux soies lisses, du Laiteron potager pris au piège d'une toile d'araignée.
Les Laiterons ont un goût nettement moins amer que celui des Pissenlit (s'ils sont parfois amers, c'est qu'ils ont poussé dans des conditions difficiles). En salade, on préférera les jeunes pousses, et surtout les feuilles souples du Laiteron potager; celles du Laiteron épineux deviennent rapidement coriaces avec l'âge, voir franchement épineuses. Les petits capitules, en bouton ou en fleur, peuvent rejoindre les feuilles dans les salades, pour le plaisir des papilles comme celui des yeux. Quant à vos recettes maisons, elles sont les bienvenues, n'hésitez pas à les partager via le fil des commentaires!
Il y a les Laiterons des ville, et le Laiteron des champs (Sonchus arvensis)! Ce dernier est une vivace qui affectionne les sols engorgés d'eau. Il se distingue par les nombreux poils glanduleux jaunes qui recouvre ses bractées.
Pour aller plus loin:
- Sonchus oleraceus sur Tela-botanica
- Sonchus oleraceus : identification assistée par ordinateur
- Sonchus asper sur Tela-botanica
- Sonchus asper : identification assistée par ordinateur
- Sonchus arvensis sur Tela-botanica
- Sonchus arvensis : identification assistée par ordinateur
Euphorbe omblette, Poitiers Grand'Rue
Euphorbia peplus (Euphorbe omblette ou Euphorbe des jardins) appartient à la grande famille Euphorbiaceae, dont certains membres produisent un latex blanc (contenu dans leur tige et leurs feuilles). Les Euphorbes doivent d'ailleurs leur nom au médecin grec Euphorbus (40-19 av. J.-C.) qui aurait découvert certaines propriétés médicinales propres au latex de ces plantes (voir plus bas).
Euphorbia peplus est une annuelle opportuniste et fréquente. Elle pousse toute l'année sur les sols riches en azote (amendements ou pollution), laissés à nu ou fraichement perturbés. Au potager, elle profite souvent d'un entre deux cultures pour pointer ses tiges. En ville, il n'est pas rare de l'observer au bord des trottoirs ou des rues, dans les cimetières, ou jusque dans les jardinières des balcons!
Inflorescence de l'Euphorbe omblette (un cyathe): les fleurs mâles (étamines) se dressent au centre, entourées de glandes nectarifères en croissant. La fleur femelle pendouille en dessous, comme une boucle d'oreille.
Euphorbia peplus partage les mêmes territoires que quelques autres membres de son clan à l'allure similaire. On citera Euphorbia helioscopia (Euphorbe réveil matin), un poil moins courante, qui se distingue par ses feuilles denticulées (finement dentées) à leur extrémité.
Une autre Euphorbe locataire de nos jardins: l'Euphorbe réveil matin, Biard (86)
Les feuilles ovales d'Euphorbia peplus présentent des bords parfaitement lisses. Ses inflorescences verdâtres attirent de petits diptères pour assurer sa pollinisation, les glandes nectarifères des inflorescences faisant office d’appâts.
Feuilles entières de l'Euphorbe omblette (à gauche) versus feuilles denticulées de l'Euphorbe réveil matin (à droite)
Sous l'action de la chaleur, les fruits mûrs d'Euphorbia peplus explosent, projetant leurs graines alentour. Les fourmis raffolent d'une substance (élaïosome) que renferme une petite excroissance charnue sur les fruits de la Sauvage. Les insectes trainent les capsules jusque dans leur fourmilière pour en extraire la manne, abandonnant parfois leur fardeau en cours de route, et assurant ainsi la propagation de la Sauvage sur un large territoire.
Les plus rigoureux se reposeront sur les minuscules capsules et leurs trois paires d'ailes caractéristiques pour identifier l'Euphorbe omblette avec certitude.
Je vais te confier une mission importante: chaque soir, tu verseras un petit arrosoir sur chaque plante.
(Jean de Florette, Marcel Pagnol)
Malgré sa présence fréquente en milieu urbain et dans les jardins, Euphorbia peplus passe le plus souvent inaperçue... Tel est le sort réservé aux Sauvages peu spectaculaires, ni sympathiques (c'est à dire richement colorées ou comestibles), ni problématiques (c'est à dire invasives: l'enracinement fragile et superficiel d'Euphorbia peplus n'a jamais fait trembler un jardinier). C'est pourtant un grand tort que de négliger ce qui ne brille pas ou ne ne se mange pas... Chaque plante assure un rôle important (connu ou inconnu à ce jour) au sein du vivant. En ce qui concerne l'homme, n'oublions pas que chaque Sauvage cache peut être un potentiel encore inexploré, que celui ci soit médical, agricole ou autre.
Euphorbe omblette: sous ce drôle de palmier, un trésor caché?
Jadis, le latex blanc d'Euphorbia peplus a été utilisé en médecine populaire pour traiter les verrues (au même titre que celui produit par la Grande Chélidoine). On peut aujourd’hui douter de son efficacité à chaud, et surtout insister sur sa dangerosité: ce latex est toxique pour l'homme (comme pour les animaux et les chenilles, ce qui s'avère un excellent moyen de défense) et susceptible de provoquer des brûlures par simple contact cutané (attention aux yeux!).
Mais des recherches médicales plus récentes (2012) ont permis d'isoler depuis ce latex une substance, le mébutate d'ingenol, qui, entre des mains expertes, serait utile dans les traitements des cancers de la peau (chimiothérapies). L'important étant ici de comprendre, à travers l'exemple d'Euphorbia peplus, qu'il convient de préserver le patrimoine génétique le plus large qui soit, pour nous ou pour les générations à venir, en protégeant toutes les Sauvages quelles qu'elles soient... À commencer par celles qui s'arrêtent devant notre porte!
Pour aller plus loin:
- Euphorbia peplus sur Tela-botanica
- Euphorbia helioscopia sur Tela-botanica