Petasites pyrenaicus, ex-Petasites fragrans, ex-Tussilago fragrans!
Petasites pyrenaicus (Pétasite odorant ou Héliotrope d'hiver) appartient au clan Asteraceae, les plantes aux très nombreuses fleurs réunies en de gros «capitules» (Pâquerettes, Pissenlits, Marguerites...). Les Petasites doivent leur noms à leurs grandes feuilles, petasos désignant un chapeau rond en grec.
Feuille radicales, réniforme et denticulées du Pétasite odorant, Poitiers bords de Boivre
Petasites pyrenaicus est une plante vivace, rustique, d'origine méditerranéenne (Sardaigne, Sicile, Afrique du Nord). Introduite dans les jardins français pour son charme et son parfum, la Sauvage semble avoir réussi son évasion: aujourd'hui, il n'est pas rare de la croiser au détour d'un chemin frais et humide, bien loin de ses terres natales.
- Regardez moi Monsieur, regardez moi bien je suis un évadé!
- Moi aussi, du commissariat.
- Ah! Peccadilles! Foutaises! Moi je suis évadé d'un HLM!
(Un idiot à Paris, Serge Korber)
Pétasite odorant, Poitiers bords de Boivre
Au cœur de l'hiver, Petasites pyrenaicus pointe ses feuilles et ses capitules à l'odeur de vanille, riches en nectar. Un étrange timing: côté butineurs, on ne peut pas dire que ce soit la foule des beaux jours. N'empêche qu'au sortir de l'hiver, entre février et mars, les insectes affamés profitent goulument des dernières fleurs.
Un capitule est un regroupement de nombreuses fleurs de petites tailles (un bouquet de fleur en somme). Ceux de Petasites pyrenaicus rassemblent des fleurs «tubulées» au centre (en forme de tube, couronnées par 5 «dents») et des fleurs prolongées par une grande languette à la périphérie, comme un long pétale unique ouvert vers l’extérieur (on dit de ces dernières qu'elles sont «ligulées»).
Capitule du Pétasite odorant, Poitiers bords de Boivre
Sur les pieds mâles, les fleurs tubulées au centre assurent la production de pollen, les fleurs ligulées à la périphérie sont parsemées et stériles. A l'inverse, sur les pieds femelles, les fleurs tubulées au centre sont stériles, alors que les nombreuses fleurs ligulées à la périphérie portent les ovaires.
Fleurons tubuleux (à gauche) et ligulés (à droite) du Pétasite odorant
Ainsi, la Sauvage peut tromper l'apprenti botaniste en lui laissant penser que le capitule (d'un pied mâle ou femelle) qu'il contemple est une grosse et unique fleur couronnée de pétales... Et c'est bien là le but de Petasites pyrenaicus, comme celui des nombreuses Asteracea qui partagent ses caractéristiques! Non pas de nous tromper, mais de tromper les butineurs, et de pallier à la miniaturisation de leurs organes sexuels, qui sans ce stratagème ne constitueraient que de maigres arguments marketings vus du ciel.
Pétasite odorant, Poitiers bords de Clain
Les fruits de Petasites pyrenaicus sont de petits akènes plumeux que le vent disperse. En dehors de son bassin natal, il semble que la reproduction sexuée ne soit pas son point fort. Peut-être parce que la répartition des sexes n'est pas toujours équitable au sein de ses colonies (voir même inexistante: chez nos voisins anglais, seul les pieds mâles se sont naturalisés sur l'île).
En revanche, ses couverts vastes et denses illustrent sa capacité à se multiplier via son rhizome charnu; dès la fin de l'hiver, Petasites pyrenaicus sape la concurrence, reléguée à l'ombre de ses feuilles en parasol. Au point que la Sauvage commence à être surveillée de près dans la partie ouest du pays (particulièrement en Bretagne), où ses débordements dans les zones humides sont de plus en plus courants. Quoiqu'il en soit, il convient aujourd'hui de ne pas encourager son implantation en milieu sauvage de manière inconsidérée.
On veut pas de types comme vous dans cette ville: des vagabonds. Parce qu'on en a déjà toute une bande de types comme vous dans cette ville, voilà pourquoi. Et puis toute façon vous ne vous plairiez pas ici: c'est une petite ville tranquille... On peut même dire qu'on s'emmerde ici.
(Rambo, Ted Kotcheff)
Pour aller plus loin:
- Petasites pyrenaicus sur Tela-botanica
Couvert dense du Pétasite odorant, Poitiers bords de Clain
Grande Berce, Biard (86)
Heracleum sphondylium (Grande Berce ou Paquenaude en poitevin-saintongeais) appartient aux Apiaceae, le clan des Ombellifères, les plantes à ombelles. Elle doit son nom au légendaire Hercule, avec qui elle partage une carrure de rugbyman! Difficile de passer à côté de cette Sauvage sans la remarquer, tant elle dépasse toutes les autres de plusieurs têtes (jusqu'à 2 mètres de hauteur à maturité)!
Grande Berce: des feuilles alternes, composées imparipennées aux découpes très variables, qui valent parfois à la géante le surnom de « Patte d’ours ».
Elle reste moins impressionnante que sa terrible cousine Heracleum mantegazzianum (Berce du Caucase) qui peut faire le double de sa taille (des taches pourpres bien définies le long de la tige et des ombelles à plus de 40 rayons nous permettront d'identifier la funeste et brûlante caucasienne). Heracleum sphondylium est moins dangereuse, même s’il subsiste un risque d'irritation pour les personnes sensibles en cas de contact avec sa sève, combiné avec une exposition au soleil. En cas de cueillette, manches longues, pantalon et gants sont de rigueur.
Boutons floraux de la Grande Berce qui peuvent se consommer comme des brocolis.
Pourtant, les jeunes pousses et les jeunes feuilles de Heracleum sphondylium sont comestibles cuites à la vapeur, en soupe ou en potage. Elles sont riches en vitamine C, en glucides et en protéines. En Europe orientale, la sauvage était un des ingrédients (le plus souvent remplacé aujourd'hui par le céleri en branche ou la betterave rouge) du potage traditionnel, le Borchtch, peut-être à l’origine du nom vernaculaire «Berce»; alors que les pétioles des feuilles et les très jeunes tiges creuses épluchées et coupées en rondelles font d'excellents bonbons au goût d'agrume.
Ce sont les fameux doubitchous de Sofia (...). Oui, oui, oui, c'est fait à la main, c'est roulé à la main sous les aisselles.
(Le Père Noël est une ordure, Jean-Marie Poiré)
Ombelle de la Grande Berce, Biard (86)
Avant de se lancer dans la confection du Borchtch sauvage, on prendra le temps de se souvenir des dangers que courent les cueilleurs d'ombellifères (voir article Anthriscus sylvestris), un sport extrême qui ne tolère aucune approximation: outre sa cousine géante dont on a déjà parlé (Berce du Caucase) qui peut provoquer des brûlures graves, Heracleum sphondylium peut être confondue avec d'autres membres mortels de sa famille, dont les membres ont une fâcheuse tendance à se ressembler.
Ombelles d'ombellules dressées de la Grande Berce, Poitiers bords de Boivre
Heracleum sphondylium est une vivace (parfois bisanuelle) qui affectionne les sols riches et humides. Ses ombelles apparaissent entre juin et septembre et attirent foule d'insectes, qu'on prendra plaisir à observer sans avoir à se pencher! Ses tiges raides subsistent en hiver, tels des squelettes, longtemps après le dessèchement des parties aériennes de la plante.
Fruits (diakènes) de la Grance Berce, Poitiers bords de Boivre
Je sens que vous êtes insatisfait sexuellement, je pourrais vous soulager...?
(Yes man, Peyton Reed)
La tisane des parties aériennes d'Heracleum sphondylium est réputée digestive et hypotensive (ses racines sont inscrites à la liste B de la pharmacopée française qui recense les plantes médicinales dont les effets indésirables potentiels sont supérieurs au bénéfice thérapeutique attendu). Autrefois, l'usage populaire du breuvage était connu pour ses vertus... Aphrodisiaques! Heracleum sphondylium aurait-elle le pouvoir de transmettre à celui qui la consomme sa vigueur et sa libido herculéenne? Les effets ne s'avèrent bien sûr guère probants, mais reste son goût agréable évoquant un peu la mandarine.
Pour aller plus loin:
- Heracleum sphondylium sur Tela-botanica
- Identification assistée par ordinateur
Fleurs en épis de la Salicaire commune
Lythrum salicaria (Salicaire commune) appartient à la famille Lythraceae, dont certains membres sont des plantes aquatiques, comme la célèbre Châtaigne d'eau (Trapa natans). C'est sur terre que pousse la Salicaire, même si va falloir se rapprocher dangereusement du bord de la rivière pour l'observer.
- Ah non messire, j’ai déjà pris un bain y a deux mois dans la rivière!
(Les Visiteurs, Jean-Marie Poiré)
Son nom, elle le signe à la pointe de la fleur, d'un L qui signifie Lythrum! (Salicaire commune, Poitiers bords de Boivre)
La Salicaire commune est une vivace robuste qui s’installe au bord des lacs, des rivières, dans les marécages et sur les sols riches et gorgés d'eau des forêts humides. C'est à ses feuilles lancéolées que la Sauvage doit son nom, car celles ci ressemblent à celles du Saule (Salix).Feuilles de la de la Salicaire commune: opposées (les supérieurs alternes), sessiles, lancéolées et cordées à leur base.
Ses fleurs mellifères pourpres (Lythrum est tiré du grec lythron, «sang», pour la couleur), regroupées en épis, se dressent jusqu'à un bon mètre de hauteur entre juin et septembre. Le biologiste Charles Darwin mit en avant (dans Forms of Flowers, 1877) la particularité des fleurs de la Salicaire commune. A vos loupes... Prêts? Observez!
- Je suppose que vous n’avez pas la moindre compétence dans le domaine scientifique!
- J’ai disséqué une grenouille, une fois...
(Avatar, James Cameron)
Les colonies de la Sauvage présentent trois type de pieds (répartis dans des proportions équilibrées): certains présentent au centre de leurs fleurs un style (partie allongée de l'organe reproducteur femelle) long, d'autres un style moyen et les derniers un style court. Les étamines (organes reproducteurs mâles) suivent un schéma opposé: un style long est entouré d'étamines courtes (6) et moyennes (6), un style moyen est entouré d'étamines courtes (6) et longues (6), et enfin, un style court est entouré d'étamines moyennes (6) et longues (6)...
Accrochez vous, la mécanique est ingénieuse: une fleur peut difficilement s'autoféconder, les organes reproducteurs mâles et femelles étant placés à des hauteurs différentes. Mieux encore: Charles Darwin observa qu'un style long n'est réceptif que pour les grains de pollens issus d'une étamine de même longueur que lui. De même, un style moyen n'est réceptif que pour les grains de pollens issus d'une étamine moyenne, etc. La pollinisation s'opère donc à partir d'individus distincts et le brassage génétique (et donc la capacité d'adaptation sur le terrain) de la Salicaire commune est garanti.
Cette arrangement complexe ne freine pas sa propagation: La Salicaire commune peut produire jusqu'à deux millions de graines par pied. Ce sont les oiseaux aquatiques et le fil du courant qui dispersent les semences le long des berges, les graines collantes adhèrant aux pattes et aux plumes des volatiles (zoochorie).
Fleurs de la Salicaire commune: calice en tube à 12 dents inégales, 4 à 6 pétales chiffonnés, 10 à 12 étamines inégales autour du pistil.
La Salicaire commune est comestible: ses jeunes pousses et ses feuilles peuvent se consommer crues ou cuites, alors que ses fleurs peuvent servir à décorer les plats. Jadis, celles ci ont été utilisées comme colorant rouge dans la confection de confiseries.
En médecine populaire, on lui reconnait des qualités astringentes, antidiarrhéiques (elle est tannique); on prescrivait autrefois la décoction de ses sommités fleuries contre la colique des nourrissons, d'où son surnom d'«Herbe aux coliques». Ses fleurs et ses feuilles ont été consommées comme substitut au thé; c'est pourquoi en poitevin-saintongeais, on la connait surtout sous le nom de Thé des marais.
Calices persistants qui renferment les fruits de la Salicaire commune
Aux États-Unis, on estime que sa propagation effrénée représente un coût de 45 millions de dollars par an pour le contribuable! Pour comparaison, c'est plus que le coût (38 millions d'euros par an) estimé pour la lutte et la réparation des dommages causés par l'ensemble des espèces invasives dans notre pays (Renouée du Japon, Moustique tigre, Écrevisse de Californie…); mais nous ne vivons pas sur les même échelles territoriales. Au delà des considérations pécuniaires, la Salicaire commune concurrence fortement les espèces locales, comme Lythrum alatum (la Salicaire ailée), jugée moins appétissante par les butineurs Yankee, et battue dans le petit jeu des hybridations et des brassages génétiques.
Salicaire commune, Coulombiers (86)
Le scénario est bien connu: après sa traversée forcée outre-Atlantique, la Salicaire commune s'est retrouvée loin de ses ennemis biologiques (essentiellement des Chrysomèles, des Charançons et diverses chenilles de papillons de nuit), restés sur le vieux continent. Malheureusement, la réaction naturelle d'un milieu face à l'arrivée d'une nouvelle espèce peut parfois se faire attendre. En attendant le retour à l'équilibre, les cartes sont forcément redistribuées pour les espèces autochtones. Pour l'heure, un programme d'introduction de quelques prédateurs naturels de la Salicaire commune sur le continent américain semble commencer à porter ses fruits...
- Combien t’a-t-il payé pour m’abattre?
- Pas loin de mille dollars...
- Tiens, en voilà deux mille pour toi.
- Deux mille dollars... La moitié en or! Plutôt intéressant. Mais... L’ennui, c’est que j’finis toujours l’travail pour l’quel on m’paie...
(Le bon, la brute et le truand, Sergio Leone)
Pour aller plus loin:
- Lythrum salicaira: identification assistée par ordinateur
- Lythrum salicaria sur Tela-botanica
Salicaire à feuilles d'hyssope (Lythrum hyssopifolia), une autre Salicaire annuelle et discrète (10 à 40 cm) qui colonise les sols et les fossés humides.