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Vocabulaire de la botanique (8) : des fruits, des pommes, des poires et des scoubidous!
Date 14/10/2018
Ico Initiation à la botanique joyeuse!

Des fruits et des faux fruits sur Sauvages du Poitou!


Forts de notre vocabulaire permettant de décrire les feuilles simples ou composées, leur disposition sur la tige, les fleurs régulières, irrégulières et leur agencement (inflorescences), nous sommes fin prêts à aborder l'automne, saison des fruits s'il en est une. Si les fleurs l'emportent généralement dans le cœur des promeneurs, les fruits qui leurs succèdent n'en sont pas moins pourvus d'élégance ou d'ingéniosité: souvenez-vous de notre comédie musicale consacrée aux grand voyage des semences, où il était question des milles et une ruses inventées par les Sauvages pour propulser leurs graines vers de nouveaux horizons.

Au jour, on est partis chez moi discuter de l'amour et des fruits (...)

Des pommes, des poires et des scoubidoubi-ou ah!

(Des pommes des poires, Sacha Distel)

En botanique, le fruit est un organe végétal contenant une ou plusieurs graines. Il est issu de la transformation du pistil - c'est à dire du (ou des) carpelle(s) - après la fécondation des ovules. Souvenez-vous de notre fleur «vraie»: après fécondation, les ovules deviennent des graines alors que les parois carpellaires deviennent l'enveloppe protectrice des graines qu'on appelle péricarpe. Considérons une cerise:


La Cerise, un fruit simple... Sauvages du Poitou!


Si la cerise est un fruit simple (ce qui n'enlève rien à ses qualités), la métamorphose d'autres fruits peut-être plus tarabiscotée. Ainsi, chez la fraise, la partie charnue est issue de la transformation du réceptacle floral. Les petits points jaunes à sa surface correspondent à chaque carpelle et sont pour ainsi dire les véritables fruits... Pour la fraise, on parle de «faux fruit», car ce qu'on considère communément comme étant le fruit ne résulte pas seulement de la transformation du pistil.


Fraise: vrai fruit ou faux fruit? Sauvages du Poitou!


Coupons maintenant les cheveux en quatre, ou plus exactement une pomme en deux. La partie que l'on croque se compose de l'ancien réceptacle floral ET de la paroi carpellaire, formant ensemble une masse charnue continue.


Mangez des pommes avec Sauvages du Poitou!


Le péricarpe (l'ensemble de l'enveloppe protectrice des graines) est toujours formé de trois couches distinctes. Dans le cas de cette pomme, la première couche est la peau à l'extérieure, ou épicarpe. La seconde est la partie médiane charnue, ou mésocarpe. Enfin, au cœur, l'endocarpe cartilagineux délimite les loges qui renferment les graines.


Vous frôlez la compotée de méninges? Ce vocabulaire de base nous sera pourtant très utile pour définir les fruits. Retenons aussi que de nombreux scénarios sont possibles: il arrive même que des parties de la fleur soient recyclées en des gadgets surprenants. Par exemple, chaque style des fleurs de la Clématite vigne blanche (Clematis vitalba) devient un appendice plumeux qui permettra au fruit de voyager avec le vent (anémochorie).


Clematis vitalba, Clématite vigne blanche, Vouneuil-sous-Biard (86)

La crête iroquoise des akènes plumeux de la Clématite vigne blanche


Mais laissons pour l'heure le récit de ces incroyables métamorphoses pour observer quelques spécimens sauvages sur le terrain. On distingue deux grands types de fruits: les fruits charnus et les fruits secs.


Les fruits charnus, Sauvages du Poitou!


Les fruits charnus sont de deux sortes: les drupes et les baies. C'est la qualité de l'endocarpe, la couche la plus proche de la graine, qui nous permet de distinguer l'une de l'autre. Si l'endocarpe est dur, autrement dit si un noyau protège les graines, c'est une drupe (cerise, olive, noix...). A l'inverse, si l'endocarpe est tendre, autrement dit si la graine est directement en contact avec la partie charnue, c'est une baie (tomate, raisin, concombre...).


Prunus spinosa, Prunellier, Biard (86) Arum italicum, Gouet d'Italie, Poitiers bords de Boivre

Drupes du Prunellier (Prunus spinosa) à gauche versus baies toxiques du Gouet d'Italie (Arum italicum) à droite.


A moins d'autopsier minutieusement les fruits, la distinction n'est pas toujours pas évidente... De plus, certains spécimens viennent compliquer l'examen. Une datte ou un avocat, pour les exemples les plus connus, ne possèdent pas de noyau, mais une grosse graine très dure: ce sont des baies. Une mûre est composée d'un amas de petits «fruits» contenant un minuscule noyau (suffisamment gros pour se coincer dans nos dents). On parle dans ce cas d'un amas de drupes, ou plus exactement de polydrupe.


Rubus sp, Ronce, Poitiers quartier Chilvert

Fruit de la Ronce (Rubus sp): une polydrupe... La mûre (l'amour?) est plus fort que tout!


Intéressons-nous maintenant aux fruits secs; pas tant les raisins ou les bananes séchées que vous cachez dans votre besace, mais aux fruits dont le péricarpe est constitué de tissus durs et minces. Là aussi, on distingue deux sortes de fruits secs: les fruits secs déhiscents et les fruits secs indéhiscents.


Fruits secs, Sauvages du Poitou!


Les fruits secs déhiscents sont des fruits secs qui s'ouvrent spontanément pour libérer leurs graines, avant même d'être tombé sur le sol. La palette des possibilités est riche, on ne donnera ici que quelques exemples courants:


Coronille changeante, Coronilla varia, Buxerolles (86)

La gousse (que les botanistes appellent aussi «légume», ça se complique sur la carte du menu) est typique des «légumineuses» et s'ouvre par deux fentes de chaque côté. Ici les gousses toxiques de la Coronille changeante (Coronilla varia).


Helleborus foetidus, Hellébore fétide, Poitiers bords de Boivre

Le follicule, qui ne s'ouvre que par une seule fente. Ici, les follicules de l’Hellébore fétide (Helleborus foetidus).


Enfin, la capsule qui s'ouvre selon des fentes (ou des dents, des pores, des clapets, des couvercles...) multiples, spécifiques et/ou successives... A titre d'exemple et pour faire court - les capsules mériteraient un article à elles seules - ne citons ici que la modalité d'ouverture la plus courante chez les capsules des Brassicacées, nommées siliques.


Le silique, Sauvages du Poitou
(1) Au cœur de l'ovaire, une loge unique renferme les graines. (2) Pendant la maturation du fruit, une cloison se forme, délimitant deux loges distinctes. (3) Les parois externes se fendent et se soulèvent progressivement, du bas vers le haut, puis se détachent. (4) Reste la cloison qui porte les graines. Ces dernières ne tardent pas à se disperser.

Alliaria petiolata, Alliaire, Poitiers bords de Boivre
Silique de l'Alliaire (Alliaria petiolata)

De l'autre côté, les fruits secs indéhiscents sont des fruits secs qui ne s'ouvrent pas spontanément pour libérer leurs graines. Il faudra donc que l'embryon de la plante déchire son enveloppe en germant ou que l'enveloppe se décompose. Le plus grand représentant des fruits secs indéhiscents est l'akène, qui est constitué d'une graine unique (on parlera plutôt de caryopse chez les Poacées).


Chez les Astéracées, l’akène est souvent équipé de soies (réunies en un bouquet nommé aigrette) permettant aux semences de voler. Le fruit étant un critère d’identification important, il n’est pas rare de lire dans les flores des descriptifs poussés sur leur aspect: sont-ils lisses, ridés, glabres, pubescents…? De même, on peut dépeindre avec précision jusqu’aux soies d’un akène volant: sont-elles lisses, denticulées, plumeuses (hérissées de poils fins)…?


Akènes des Asteracées au jardin, Sauvages du Poitou!

Observons quelques akènes pris au piège dans une toile d'araignée au jardin... de haut en bas et de gauche à droite: plumeux pour la Picride éperviaire (Picris hieracioides) / Rougeâtres, surmontés d'un long pied qui porte les soies plumeuses pour la Picride fausse viéprine (Helminthotheca echioides) / Ovales, écrasés et surmontés de plusieurs rangées de soies lisses pour le Laiteron potager (Sonchus oleraceus) / Allongés avec un sommet épineux, surmontés d'un long pied qui porte les soies lisses pour le roi Pissenlit (Taraxacum sect. Ruderalia).


Acer platanoides, Erable plane, Sauvages du Poitou!

Lorsque l'akène porte une grosse aile membraneuse (formée par le péricarpe), on parle de samare. Ici, on s'marre avec les samares de l’Érable plane (Acer platanoides)!

Malva sylvestris, Grande Mauve, Poitiers quartier Chilvert
Enfin, lorsque le fruit est réuni plusieurs loges contenant chacune une graine, qui se séparent à maturité en autant d'akènes, on parle de schizocarpe. Ainsi, le fruit des Ombellifères se divise en deux akènes à maturité (diakène), celui des Lamiacées ou des Boraginacées en quatre (tétrakène)... Ici, le schizocarpe de la Grande Mauve (Malva sylvestris) qui ressemble à un fromage dont chaque portion est un akène.

Reste à prendre son temps pour assimiler ce vocable fourni (qui est pourtant loin d'être exhaustif en la matière). Les fruits nous ouvrent un festival méconnu, spectaculaire, à l'heure où la plupart des fleurs ont quitté la scène... Ainsi parés, il n'y a plus guère le temps de s'ennuyer, et mille raisons de battre la campagne, quelle que soit la saison. Belle exploration!

D'autres leçons de botanique sur Sauvages du Poitou:
- Le vocabulaire de la botanique : les feuilles, première leçon
- Le vocabulaire de la botanique : les fleurs, première leçon
- Le vocabulaire de la botanique : les bourgeons
- Le vocabulaire de la botanique : racines et rhizomes
- Le grand voyage des Sauvages (dissémination des graines)

Pour aller plus loin:

- Le fruit sur Wikipedia

- Les différents types de fruits sur le site de l'université de la Sorbonne

- Les différents type de fruits sur le site Floranet

 

Carotte Sauvage: le palace à insectes
Date 28/07/2018
Ico Prairies

Daucus carotta, Carotte sauvage, Poitiers bords de Boivre

Bractées caractéristiques de la Carotte Sauvage, Poitiers bords de Boivre


Daucus carota (Carotte sauvage ou Pascanade en poitevin-saintongeais) appartient aux Apiaceae (ex Ombellifères), le clan des Sauvages aux fleurs à cinq pétales disposées en «ombelles». Une famille mi ange mi démon, dans laquelle on croise de nombreuses autres espèces domestiquées par l'homme comme le Céleri (Apium graveolens), le Panais (Pastinaca sativa), le Persil (Petroselinum crispum) ou la divine Angélique officinale (Angelica archangelica)... Mais aussi quelques terreurs comme la titanesque et brûlante Berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum) ou la Grande Ciguë (Conium maculatum), une célèbre empoisonneuse.


Daucus carotta, Carotte sauvage, Poitiers bords de Boivre

Feuille alternes et généralement bipennatiséquées de la Carotte sauvage qui dégagent une odeur typique de carotte au froissement.


La Carotte sauvage affectionne les sols riches, chauds (elle est nettement thermophile), baignés de soleil. Elle brandit ses fleurs en parasol en été, jusqu'à un bon mètre de hauteur, puis compte sur les animaux de passage pour disséminer ses fruits crochus (des diakènes) qui s'accrochent aux fourrures ou vêtements des animaux de passage (epizoochorie). Chétive à flanc de mur ou de falaise, basse en terrain régulièrement fauché: la Sauvage est très polymorphe et possède une surprenante capacité d'adaptation à son environnement.


Daucus carotta, Carotte sauvage, Poitiers bords de Boivre
Carotte sauvage en été: un joli panier rempli de fruits crochus.

Il resterait pas dans cette ville un genre d’hôtel trois étoiles avec des draps propres, de bons oreillers et un room service?

(Il faut sauver le soldat Ryan, Steven Spielberg)

Au jardin, Daucus carota est le centre de toutes les attentions: elle abrite ou nourrit guêpes, abeilles solitaires, syrphes, coléoptères (leptures, œdémères, téléphores), araignées en embuscade... Ses fleurs offrent un nectar et un pollen abondants et faciles d'accès.


Le petit monde de la Carotte sauvage, Daucus carota, Poitiers bords de Boivre
L'heureuse clientèle de la Carotte sauvage! De haut en bas et de gauche à droite:  Sauterelle ponctuée (Leptophyes punctatissima), Ectophasia crassipennis, Téléphore fauve (Rhagonycha fulva) et Thomise variable (Misumena vatia).


L'inflorescence de la Carotte Sauvage se replie à maturité pour former un panier miniature. Un nid douillet dans lequel se cache (entre autres) la Punaise arlequin (Graphosoma italicum), rayée de rouge et noir, qui se régale de la sève de l'Ombellifère. De leur côté, les oiseaux apprécient les graines de la Sauvage et boulottent au passage quelques locataires à six pattes sur les tables dressées en ombelles. Les volatiles délaissent cependant les Punaises arlequin à cause de leur tenue de groom, le rouge évoquant une certaine toxicité et les rayures un danger potentiel (guêpes, frelons...).


Graphosoma italicum et Daucus carota, Poitiers bords de Boivre

Une tenue rouge et noir pour la Punaise arlequin sur son luxueux lit de Carotte sauvage!

Palace, la vie en première classe,
Palace, moins de stress, plus de strass, (...)
Eh oui, ça c'est Palace!
(Palace, Jean-Michel Ribes)
On a donc grand intérêt à tolérer la belle au jardin, où elle est un véritable palace pour la faune et où elle se ressème naturellement. De mon expérience, le contrôle de son expansion — c'est à dire son arrachage au besoin — reste plutôt aisé (en tout cas guère plus compliqué que de récolter des Carottes).

Daucus carota, le palace à insectes! Sauvages du Poitou

Comme toute destination touristique qui se respecte, la Carotte sauvage arbore fièrement son enseigne: on observe parfois au cœur de ses inflorescences une minuscule fleur sombre (rouge, bordeaux ou brune), surnommée la «Mouche de la Carotte», chargée d'attirer la clientèle des butineurs (rien à voir avec la véritable Mouche de la Carotte, Psila rosae, une ravageuse redoutée des jardiniers).


Au centre des inflorescences de la Carotte sauvage: la (fausse) «Mouche de la Carotte».

Au potager, la Sauvage côtoiera peut-être ses semblables domestiquées. L’espèce Daucus carota regroupe de nombreuses sous-espèces diversifiées: si Daucus carota, la Sauvage, est souvent annuelle (pas toujours), les carottes cultivées par les jardiniers (Daucus carota subsp. sativus var sativus, une des 12 sous-espèces) sont bisannuelles. Elles produisent leur délicieuse partie souterraine la première année, puis fleurissent l'année suivante pour assurer leur reproduction... Ce qui arrive rarement dans la mesure où elles se font croquer entre temps. La carotte cultivée est le résultat de nombreuses années de recherche et de tâtonnement par l'homme qui a sélectionné les spécimens les plus intéressants par pollinisations croisées.


Daucus carota, Carotte sauvage, Poitiers gare

Carotte sauvage sur un mur perchée, Poitiers quartier gare.

Tu vois, la liberté c’est de pouvoir manger des carottes râpées dans l’emballage.

(Camping, Fabien Onteniente)

La racine de Daucus carota est comestible (bien qu'un peu plus fibreuse et amère que la carotte cultivée). Elle n'a d'intérêt gustatif que si elle est récoltée avant floraison. Malheureusement, sans ses fleurs caractéristiques, il est difficile de distinguer les Carottes sauvages de ses consœurs ombellifères mortelles (Ciguë...). L'odeur agréable et les poils hirsutes (recouvrant la tige et les feuilles) sont des indices pour identifier le bon légume, mais d'une manière générale, la cueillette des ombellifères est un sport extrême (et donc dangereux) qui exige une certaine expertise botanique.


Daucus carota, Carotte sauvage, Poitiers bords de Boivre

Les ombelles d'ombellules de la Carotte sauvage, Poitiers bords de Boivre


Daucus carota, la Sauvage, a été introduites dans les jardins bien avant l'«invention» (conjointe de l'homme et de la nature) des célèbres légumes oranges. A l'époque, il n'était pas tant question d'en faire son menu, mais plutôt de profiter de ses vertus médicinales: une infusion de graines de carotte serait diurétique, faciliterait la digestion et régulerait les fonction intestinales.


Tout le monde connait la réputation des carottes: elles donneraient un teint hâlé à la peau et rendraient aimable. Il est vrai que la racine est riche en carotène (qui stimule la mélanine qui protège la peau de l'exposition au soleil), mais il faudrait un régime sévère sur plusieurs mois pour voir apparaître un début de bronzage; quant à sa faculté à rendre aimable, elle vient sans doute de cette vieille tradition qui consiste à montrer une carotte à un âne bougon pour le faire avancer, tout sourire!


Daucus carota, Sauvages du Poitou !


Finalement, un palace ne mérite cette appellation que si la population qui le fréquente est à la hauteur du décorum. Confions le mot de la fin à Olivier Pouvreau, le lépidoptériste de Sauvages du Poitou vêtu pour l'occasion de son costume de majordome, pour nous présenter un des clients les plus prestigieux des établissements Daucus Carota...



Le petit monde de Daucus carota


Il vous est déjà peut-être arrivé de trouver une splendide chenille verte à rayures noire et orange boulottant vos pieds de carottes. Si c’est le cas, il s’agit de celle du Machaon (Papilio machaon), un papillon tout aussi spectaculaire de par sa taille et ses motifs. Le Machaon appartient au genre Papilio, un gang de Sauvages constamment sur son 31. Son crédo? La classe sinon rien!


Machaon, Papilio machaon (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Chenille de Machaon avant la nymphose.


A le voir voler, le Machaon me fait penser à la réunion d’un insecte et d’un oiseau. Il déambule d’un vol plutôt tranquille, toujours élégant, avec des battements d’ailes amples et, me semble-t-il, sans ces courts planés typiques du Flambé (Iphiclides podalirius), son cousin classieux avec qui on le confond souvent.


Machaon, Papilio machaon (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Le Machaon: quelque part entre l’insecte et l’oiseau.


Pour pondre, la femelle Machaon inspecte les Carottes, mais aussi le Fenouil, le Persil, l’Aneth… Plantes les plus souvent choisies dans nos régions parmi plus de 40 espèces d’Apiacées recensées en Europe. La chenille qui s’en nourrira, outre sa tenue de spectacle toujours impeccable, se fait aussi prestidigitatrice: si on la dérange, elle déploie un appendice orange exhalant une odeur fétide situé à l’arrière de sa tête… Ce curieux organe s’appelle osmétérium. Notre magicienne peut même aller jusqu’à baver un liquide noir pour repousser les casse-pieds environnants. Vous me direz que, pour une fois, le Machaon ne verse pas dans le standing de l’entomologie chic.


Machaon, Papilio machaon (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Œuf de Machaon: aux racines de l'élégance...


En Poitou, le Machaon papillonne en deux générations d’avril à septembre. Cet endimanché permanent n’est pas très exigeant dans le choix de ses lieux de vol mais semble préférer les biotopes chauds et secs, les milieux ouverts, les allées forestières, les jardins. Alors si vous criez haro sur une chenille de machaon mâchouillant une feuille de vos chères carottes, n’oubliez pas cet aphorisme que les machaons aiment à se rappeler de génération en génération: «jardinier, dans ton code de bonne conduite, ne nous fait pas croire que les carottes sont cuites!»


Machaon, Papilio machaon (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Parmi les nombreuses fleurs butinées, le Machaon préfère celles de couleur pourpre, rose ou bleue. Ici, on dirait qu'il tente de séduire un Trèfle des prés !




Pour aller plus loin:
- Identification assistée par ordinateur
- Daucus carota sur Tela-botanica


Daucus carota, Carotte sauvage, Poitiers bords de Boivre

La tendresse chez les Carottes sauvages...

 

Pâturin annuel: le patron
Date 10/05/2018
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Poa annua, Pâturin annuel, Dinard (35)

Pâturin annuel: c'est qui le patron? C'est Poa!


Poa annua (Pâturin annuel) appartient à l'incontournable clan des Poaceae, qu'on aura pourtant vite fait de contourner par manque de patience tant leur étude peut sembler ardu. Et pourtant... Les Poaceae — c'est à dire les herbes, les céréales, les pelouses et les gazons — sont la première famille végétale en terme de couverture terrestre: 20% de la couverture verte de la planète! Elles doivent leur nom de «Poacées» (anciennement «Graminées») à notre discret Pâturin annuel (Poa annua, Poa étant l'«herbe» en grec), qui se trouve être en tête du top 10 des sauvages les plus observées dans les villes de France (source Sauvages de ma rue).


Poa annua : le patron ! Sauvages du Poitou


Poa annua est donc le véritable boss du gang des herbes folles citadines. Pourtant, peu sont ceux qui le remarquent, le Pissenlit (Taraxacum sect. Ruderalia) lui volant généralement le titre et la vedette auprès du grand public. Mais si vous y prêtez attention, vous verrez que Poa annua est omniprésent (on le retrouve dans toute les régions tempérées du monde) et finirez surement par pousser un soupir admiratif devant son incroyable faculté d'adaptation. Chétif en milieu hostile, piétiné ou fier (jusqu'à 30cm) sur les sols généreux, Poa annua fait preuve d'une étonnante plasticité.


Poa annua, Pâturin annuel, Poitier centre ville

Pâturin annuel: ignoré, fauché, écrasé, piétiné, mais toujours vivant!

Les filles, le patron est revenu! Il est la! Le patron est revenu!

(Le bonheur est dans le pré, Étienne Chatiliez)

Poa annua, comme son nom et ses racines fibreuses le laisse penser, est une annuelle qui affectionne les sols nus et dégradés, les bords de routes (voire les routes), les trottoirs, les gazons ou les prairies dégarnies et piétinées. La Sauvage fleurit sans interruption durant toute sa vie qui dépasse souvent douze mois, assurant jusqu'à six générations par an en dehors des périodes de grand froid. Les semences peuvent germer dans les semaines qui suivent leur dispersion si les conditions de température et d'humidité sont réunies.


Poa annua, Pâturin annuel, Poitier quartier gare

Pâturin annuel: premier sur le macadam.


Malgré son ahurissante capacité de reproduction, le frêle et discret Poa annua ne cause généralement guère de sueurs froides aux jardiniers... A l'exception des amateurs de pelouses parfaites: sa couleur claire et sa tendance à sécher rapidement en été pouvant faire tâche sur la moquette parfaite et mortifère d'un fairway de golf.


Poa annua, Pâturin annuel, Poitier bords de Boivre

Pâturin annuel, Poitiers bords de Boivre


La Panicule (inflorescence) de Poa annua, lâche et peu fournie, dresse des rameaux caractéristiques quasiment disposés à angle droit. Reste que l'identification d'un membre du clan Poacée exige l’observation minutieuse de nombreux détails : le chaume de Poa annua est glabre, ses feuilles molles, un peu rugueuses au toucher, plissées en U ou en V. On note la présence d'une ligule courte (environ 3mm), mais pas d'oreillettes.


Poa annua, Pâturin annuel, Poitier quartier Chilvert

Épillets aplatis du Pâturin annuel


Ses épillets sont aplatis, les fleurs dépassent nettement des glumes. Les glumelles sont imbriquées et dénuées d’arêtes... Et pour tout ceux qui, face à ce vocabulaire ésotérique, se sentent égarés comme une fourmi amnésique dans un champ de Pâturin, rendez-vous sur notre article consacré au sujet.


Le genre Poa offre une vingtaine d'autres espèces. Plus grandes, vivaces et stolonifères, Poa trivialis (Pâturin commun) et Poa pratensis (Pâturin des prés) sont deux autres Sauvages communes qui peuvent se dresser jusqu'à un mètre de hauteur, comme une version XXL de notre Pâturin annuel. Histoire de ne assommer d'avantage le vaillant lecteur qui a probablement son comptant de mots savants pour l'heure, je laisse en bas d'article les liens vers leurs cartes d’identités exhaustives publiées sur l'excellent site Botarela.


Poa trivialis, Pâturin commun, Poitiers bords de Boivre

Ligule longue et pointue du Pâturin commun.


Poa pratensis, Pâturin des champs, Vouneuil-sous-Biard

Ligule courte et tronquée du Pâturin des prés.


Puisqu'il est de bon ton de se quitter sur de jolies histoire, prenons le temps d'en raconter quelques unes: Il était une pôa le Pâturin bulbeux (Poa bulbosa), un autre Pâturin citadin (bords de chemin, rocailles, vieux murs mais aussi prairies sèches...), discret et vivace, qui devait son nom à ses tiges renflées comme des bulbes à leur base.


Poa bulbosa, Pâturin bulbeux, Poitiers porte de Paris

Tiges renflées du Pâturin bulbeux, Poitiers porte de Paris

— Je suis affreuse...

— Une femme enceinte est toujours belle, ma chérie!

(Les parapluies de Cherbourg, Jacques Demy)

Le Pâturin bulbeux possède souvent l'étrange caractéristique d'être vivipare (on le considère alors comme la sous espèce Poa bulbosa var. vivipara), à l'image des mammifères que nous sommes:  plutôt que d'abandonner ses semences aux graviers, les épillets de Poa bulbosa se transforment en bulbilles qui commencent à germer avant même d'avoir quitté l'inflorescence parentale.


Les Sauvages vivipares sur Sauvages du Poitou!


Alors que nous commençons notre existence — pourtant terrienne — en un milieu secret et aquatique (le ventre de notre mère), le Pâturin bulbeux débute la sienne à quelques centimètres du sol, en un milieu ouvert et aérien, avant que de rejoindre le plancher des vaches... L'incroyable spectacle de son inflorescence devenue nursery est à la hauteur de l'histoire, jugez plutôt:


Poa bulbosa var. vivipara, Pâturin bulbeux, Poitiers porte de Paris

Pâturin bulbeux: une famille nombreuse en guise d'inflorescence.


Famille nombreuse, famille heureuse: on peut donc imaginer qu'ils vécurent comblés et que leur progéniture abonda comme du Pâturin annuel en ville. Et puisqu'on parle de progéniture, laissons l'histoire de la fin à Olivier Pouvreau, le conteur lépidoptériste de Sauvages du Poitou:



Le petit monde des Poa


Si les Poa ne font pas partie des plantes les plus remarquées par le promeneur, elles sont cependant les cibles convoitées d’une importante sous-famille de papillons diurnes appelée Satyrinae. Nommons-les d’emblée:


Satyrinae (photos Olivier Pouvreau)

De gauche à droite et de haut en bas: Tircis (Pararge aegeria), Myrtil (Maniola jurtina), Amaryllis (Pyronia tithonus), Procris (Coenonympha pamphilus), Tristan (Aphantopus hyperantus) et Mégère (Lasiommata megera).


Cet attrait qu’ils manifestent pour les Poa, quel est-il? Culinaire, bien entendu! Les Poa servent en effet de réserve de nourriture aux chenilles qui les consomment pendant la nuit, se cachant ensuite dans la base touffue de leur plante préférée durant le jour. Il se peut d’ailleurs que cette activité nocturne soit une des garanties de leur abondance, car les parasitoïdes (des espèces de diptères et d’hyménoptères, causes importantes de mortalité chez les papillons) sont diurnes. Et si vous tombez sur une de leurs chenilles (vu leur mimétisme, nous vous souhaitons bonne chance!), notez que toute chenille Satyrinae qui se respecte possèdera forcément deux petites cornes à l’extrémité de son abdomen.


Satyrinae, Sauvages du Poitou!


Point commun entre cette bande de sauvageons ailés et nos discrètes Sauvages: tous sont aussi peu spectaculaires qu'abondants. Chercher l’exotisme des formes et des couleurs chez ces papillons serait comme faire concourir notre pâturin au concours de Miss Sauvages du Poitou (dont la gagnante remporte toujours une couronne de Pissenlits). Chez les Satyrinae, les espèces sont souvent sombres et presque monochromes même s’ils nous révèlent, de plus près, des dessins subtils et de beaux camaïeux de bruns, de gris, de fauves ainsi que de superbes ocelles (lorgnez un peu les dessous de la mégère). Ces papillons riment avec chaleur, agrémentant nos belles journées d’été de leur vol anarchique et sautillant dans les chemins, les champs et les bois. Myrtils, Procris, Tircis et Amaryllis sont encore abondants en Poitou et font partie des papillons les plus communs de France. La Mégère est localement commune, préférant les milieux ouverts et secs. Le Tristan, quant à lui, est forestier, plus rare et localisé.




Pour aller plus loin :

- Poa annua sur Botarela

- Poa bulbosa sur Botarela

- Poa pratensis sur Botarela

- Poa trivialis sur Botarela

 

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