Ico Liste des Sauvages par noms
Ico Retrouver une Sauvage par l'image
Ico Initiation à la botanique joyeuse!
Ico Villes, chemins & terrains vagues
Ico Prairies
Ico Haies & forêts
Ico Murs et rocailles
Ico Zone humide
Ico Grand banditisme (invasives)
Ico Bestioles
Ico Rencontres et billets d'humeur

Résultat de votre recherche


1 ... 4 5 6 7 8 ... 34
Promenade botanique avec Yves Baron (Saint-Benoît, prairies de la Varenne, mai 2019)
Date 01/05/2019
Ico Rencontres et billets d'humeur

Ranunculus acris, Renoncule âcre, Saint-Benoît (86)

Quand sonne l'heure de la Renoncule âcre, Saint Benoît


A l'heure de notre rendez-vous de printemps avec Yves Baron, ancien maître de conférences en biologie végétale à l’université de Poitiers, une vingtaine d'apprentis naturalistes se réunissent au cœur des praires de la Varenne à Saint-Benoît (86) en bord de Clain. On partage le paysage avec quelques pêcheurs, à la lumière des milliers de «boutons d'or» (Renoncule âcre, Ranunculus acris) qui éclairent la prairie.


Yves Baron, Saint-Benoît (2019)

Maestro Baron into the wild (Saint-Benoît, Mai 2019)


Avant d'entamer la promenade, Yves Baron nous montre un cliché de la belle Fritillaire pintade (Fritillaria meleagris) tirée d'un de ses ouvrage. Il faudrait un miracle pour qu'on la croise aujourd'hui (sa floraison est probablement passée d'une ou deux semaines); mais en bons naturalistes, nous sommes prédisposés à croire aux miracles!


Les plantes sauvages et leurs milieux en Poitou-Charentes de Yves Baron

Les plantes sauvages et leurs milieux en Poitou-Charentes de Yves Baron, édité chez Atlantique.


L'entame de l'excursion nous arrête près du tronc très habité d'un Frêne élevé (Fraxinus excelsior). Les graffitis naturels sur l’écorce sont autant d'hépatiques et de lichens; Yves Baron nous rappelle que maints trésors restent probablement à découvrir pour qui veut s'en donner la peine, hépatiques et lichens faisant rarement l'objet de grandes prospections. Avis aux amateurs!


Frêne élevé, hépatiques et lichens, Saint Benoît (86)

Frêne, hépatiques et lichens, Saint Benoît (86)


Les fleurs d'or de la Barbarée commune (Barbarea vulgaris) tentent de rivaliser avec les grandes renoncules. A côté, l’Alliaire (Alliaria petiolata) affiche aussi des fleurs à 4 pétales, une signature de la famille des Brassicacées, anciennement nommées Crucifères à cause de leurs pétales en croix. L'Alliaire, ou «Herbe à l'ail» en Poitou, est une excellente salade sauvage, pour peu qu'on n'en apprécie l'amertume.


Barbarea vulgaris et Alliaria petiolata, Saint-Benoît (86)

Barbarée commune (à gauche) et Alliaire (à droite), Saint Benoît (86)


Les Brassicacées se démarquent aussi de par leurs fruits secs (des siliques) aux formes géométriques variées. C'est le cas de la Capselle Bourse à Pasteur (Capsella bursa-pastoris) qui tire son nom de ses fruits évoquant un porte monnaie de curé selon les anciens... Pour nous, ils ont plutôt la forme d'un cœur ou d'un like, tout est question de génération!


Capsella bursa-pastoris, Capselle Bourse à Pasteur, Saint-Benoît (86)

Capselle Bourse à Pasteur: likez moi ! (Saint Benoît)


Subsistent encore quelques fleurs de Cardamine des prés (Cardamine pratensis), une autre Brassicacée, plus connue sous le nom de Cressonnette pour la saveur piquante de ses feuilles, appréciées en salade de printemps. La Consoude officinale (Symphytum officinale) invite le groupe à échanger quelques recettes qui mettent à l'honneur ses feuilles, en beignets ou en filets panés comme des poissons. Avec les recommandations d'usage qui s'imposent: les alcaloïdes hépatotoxiques contenus dans ses feuilles incitent à faire preuve de modération quant à sa consommation.


Cardamine pratensis et Symphytum officinale, Saint-Benoît (86)

Cardamine des prés (à gauche) et Consoude officinale (à droite), Saint-Benoît (86)


Puisqu’il est question de plantes comestibles, le botaniste nous rappelle que l'exercice d'identification requiert une bonne dose d'entrainement: la famille des Ombellifères par exemple compte dans ses rangs des membres très semblables, tantôt savoureuses, tantôt mortelles. Pour appuyer ses dires, les feuilles d'un Cerfeuil des bois (Anthriscus sylvestris) s'entremêlent avec celles d'un Cerfeuil penché (Chaerophyllum temulum): le premier est comestible, l'autre est toxique.


Anthriscus sylvestris et Chaerophyllum temulum, Saint-Benoît (86)

Cerfeuil des bois (au premier plan) et Cerfeuil penché (au second plan): la cueillette sauvage est un sport extrême qui ne se pratique guère à la légère...


Des banquets de chenilles Hyponomeutes (Yoponomeuta sp.) dans les Fusains (Euonymus europaeus) nous rappellent que nous ne sommes pas les seuls à penser casse-croûte en battant la campagne. Un peu plus loin dans les haies se succèdent Cornouillers mâles (Cornus mas) et Amélanchiers (Amelanchier ovalis). Leur présence, peu courante dans la Vienne, réjouit le botaniste, mais leur disposition et leur alternance parfaites nous laissent penser qu'ils ne sont pas arrivés là tout seul...


Euonymus europaeus, Cornus mas et Amelanchier ovalis, Saint-Benoît (86)

Hyponomeutes sur Fusain, Cornouiller mâle et Amélanchier (Saint-Benoît, 86)

Finalement et contre toute attente, la Fritillaire pintade (Fritillaria meleagris) pointe le bout de sa tige au cœur des colonies de Grande Ortie. Mais pas dans sa robe habituelle à damier rose: ne subsistent que ses grosses capsules, promesse d'un spectacle à venir... Au printemps prochain!

Crioceris lilii et Fritillaria meleagris, Saint-Benoît (86)
Le Criocère du lis (Crioceris lilii), dévoreur de Fritillaire, encore plus impatient que nous de retrouver sa fleur favorite!

Ce compte rendu, qui se veut une simple carte postale souvenir, n'a bien sûr rien d’exhaustif. La liste complète des espèces observées ce jour là est à retrouver sur ce lien et sur le site de Vienne Nature.
 

Vocabulaire de la botanique (10) : racines et rhizomes
Date 03/04/2019
Ico Initiation à la botanique joyeuse!

Platanus ×hispanica, Platane commun, Saint Benoît (86)

Système racinaire: l'autre côté du miroir! (Platane commun, Saint Benoît 86)


Les habitués des rendez-vous de botanique joyeuse de Sauvages du Poitou sont maintenant aptes à décrire les feuilles simples ou composées, leur disposition sur la tige, les bourgeons, les fleurs régulières, irrégulières, leur agencement (inflorescences) et finalement les fruits. Nous sommes forts d'un vocabulaire fourni, probablement suffisant pour trier nos premières découvertes sur le terrain. Nous n'avons pourtant observé que la moitié supérieure de nos Sauvages préférées, négligeant leur part la plus secrète... Par pudeur et par prudence peut-être, il ne serait guère courtois de déraciner un spécimen inconnu (ou même connu) pour faire connaissance. Cette nouvelle leçon n'est bien sûr pas une incitation à l'arrachage inconsidéré, mais plutôt l'occasion de partager quelques indiscrétions souterraines, tout en mettant en avant l'incroyable diversité - visible ou invisible - du vivant.

- T'avais raison...

- A propos de quoi?

- On est bien mieux tout au fond... C'est là qu'il faut être.

(Le Grand Bleu, Luc Besson)

Les racines prolongent la tige (ou le tronc) sous le sol. Elles sont la plante à l'envers, l'autre côté du miroir. Alors que la tige s'élève vers le ciel, la racine s'enfonce dans les profondeurs, à l'exact opposé, écartelant la plante entre le désir ardant de lumière et l'appel des profondeurs. Songez un peu: c'est un peu comme si les aspirations d'Icare et de l'apnéiste Jacques Mayol ne faisaient qu'une. Autant dire que si le monde aérien de nos sauvages est riche en couleur, en acteurs et en rebondissements (bourgeons, feuilles, fleurs, pollinisation, fruits...), leur univers souterrain l'est tout autant.


Enracinez vous avec Sauvages du Poitou!


Les racines remplissent une pléthore de fonctions qui ne se résument pas à ancrer les végétaux dans le sol. C'est bien connu, les racines recherchent l'eau et les nutriments du sol pour les absorber, compensant de par leur élasticité l'immobilité du végétal. Elles assurent aussi le rôle d'excrétion de la plante, participant à la fabrication même du sol de par leurs sécrétions. Elles peuvent également servir d'organe de réserve chez les vivaces: c'est la cachette à provisions que la plante remplit à la belle saison, afin d'y puiser les mois de disette ou les années suivantes. Ce sont aussi les racines qui assurent le lien avec les nombreux micro-organismes (bactéries, champignons...) qui vivent en symbiose avec chaque plante (voir par exemple notre article sur la Luzerne tâchetée et ses nodosités). Enfin, les racines sont le réseau de télécommunication - le World Wild Web - du règne végétal, permettant à des plantes d'une même espèce de partager des ressources ou même d'échanger des informations sur le monde environnant (prévenant la colonie de l'arrivée d'une sécheresse, de l'attaque d'un prédateur ou d'une maladie fongique). C'est bien connu: les plantes ont inventé la fibre bien avant l'homme!


Les légumes connectés, Sauvages du Poitou!


On pourrait transposer à l'envers, la tête en bas, quelques principes développés lors de notre leçon consacrée aux rameaux et aux bourgeons. De même que le rameau grandit via son bourgeon apical, une racine se développe depuis son extrémité, même si celle-ci n'est pas un bourgeon à proprement parler: le bout du bout d'une racine se nomme la coiffe (1). Celle-ci oriente et facilite le forage grâce à la substance visqueuse qui la recouvre (le mucigel). Un peu à l'image des écailles d'un bourgeon, la coiffe sert de bouclier au méristème. Ce petit paquet de cellules indifférenciées assure le renouvellement permanent de la coiffe (creuser est une activité usante, surtout quand on est en première ligne), ainsi que le développement de l'ensemble des tissus racinaires, par le jeu de divisions cellulaires (2). Les jeunes cellules situées quelques millimètres derrière le méristème (zone d'élongation) s'allongent, jusqu'à dix fois leur taille initiale, enfonçant la racine toujours plus profondément dans le sol (3). En amont, les cellules se spécialisent (zone de différenciation), renforçant les tissus de la racine, formant ses différents accessoires (poils racinaires-absorbants, etc.) ou amorçant de nouvelles ramifications (4).


Racine, méristème et coiffe, Sauvages du Poitou!


Souvenez-vous des bourgeons: en fonction des espèces, chaque Sauvage affichait un «style» de ramification prédéterminé, donnant à la plante un port étiré et pyramidal ou, au contraire, ramassé et ramifié. Il en va de même pour les racines, qui vont tantôt miser sur un axe principal s'enfonçant profondément dans le sol, tantôt opter pour une multitude de ramifications plus superficielles. Il en découle trois grands types de racines:


Les racines, Sauvages du Poitou!


(1) Pivotante : la racine principale est plus importante que les racines secondaires (ex: Pissenlit).

(2) Fasciculée : il est impossible de différencier la racine principale des racines secondaires (ex: Pâturin annuel).

(3) Adventives : se dit des racines qui se forment ailleurs qu'à la base de la tige, généralement à d'autres endroits sur la tige (ex: Lierre grimpant).


Il est facile d'imaginer les stratégies associées: la racine pivotante ancre solidement la plante, puisant ses ressources jusque dans les profondeurs du sol (une racine pivotante n'a pas forcément un tour de taille XXL, auquel cas on dit qu'elle est grêle). La racine fasciculée (ou fibreuse, fibrous comme disent les anglais) couvre à l'inverse la partie superficielle du sol, captant l'eau d'une légère averse avant tout le monde. Bien sûr, une palette très variée de variantes, d'accessoires et de spécialisations peuvent s'exprimer autour de ces schémas de base. On peut citer quelques exemples remarquables (la liste n'est pas exhaustive):


Daucus carota, Carotte sauvage, Poitiers quartier Chilvert

La racine pivotante de la Carotte sauvage (Daucus carota) est tubérisée: elle s'épaissit en accumulant des réserves nutritives dans lesquelles la plante puise lors de sa deuxième année (la Carotte sauvage est bisanuelle). Cette cave à provision se nomme tubercule.


Ficaria verna, Ficaire, Biard aéroport (86)

Les racines fasciculées aussi peuvent être tubérisées. C'est le cas de la Ficaire (Ficaria verna), une sauvage précoce des sous-bois humides, dont les racines évoqueront aux jardiniers celles des Dahlias qu'on divise en fin de saison.


Hedera helix, Lierre grimpant, Poitiers quartier gare

Les racines adventives du Lierre grimpant (Hedera helix) forment des crampons qui lui permettent de s'accrocher aux murs et aux végétaux qu'il escalade. Lorsqu'il court au sol, d'autres racines adventives au niveau des nœuds sur la tige lui permettent de se multiplier.


Lathraea clandestine, Lathrée clandestine, Persac (86)

Les racines de l'énigmatique Lathrée clandestine (Lathraea clandestine) sont des suçoirs - ses dents de vampire - qui lui permettent de puiser sa subsistance dans les racines des végétaux qu'elle parasite sous terre. Une créature éminemment fantastique que nos amis anglais surnomment Dead man's fingers (les doigts de cadavre) car ses fleurs semblent jaillir du sol comme la main d'un mort-vivant!


Taxodium distichum, Cyprès chauve, Poitiers bords de Clain

Les racines du Cyprès chauve (Taxodium distichum), un conifère des milieux humides qui rougit puis perd ses épines en automne, forment des pneumatophores. Ces excroissances renforcent son ancrage, tout en lui permettant de respirer malgré les inondations, un peu comme des tubas de plongée!


Toute extraordinaire qu'elle soit, notre excursion souterraine ne présente pour l'instant guère de difficultés. Mais bien sûr (le contraire aurait été décevant), un piège botanique attend les apprentis lombrics que nous sommes: tout ce qui est souterrain n'est pas forcément racine.


The Rizome of the night, Sauvages du Poitou!


On parle de stolons lorsque la tige d'un végétal se prolonge horizontalement et court au ras du sol, comme pour les fraisiers. Si la tige se prolonge horizontalement sous la surface du sol, on ne parle pas de racine mais encore de tige, ou plus exactement de rhizome. Une tige souterraine, ou rhizome, se démarque d'une racine de par ses feuilles atrophiées (dépourvues de fonction chlorophyllienne bien sûr): sous terre comme sur terre, qui dit feuilles dit forcément tige.


Stolon et rhizome, Sauvages du Poitou!


On peut généralement différencier stolon et rhizome en fonction de leur milieu, respectivement aérien ou souterrain, mais ce n'est pas un critère strict et quelques cas ambigus peuvent subsister. Il convient de préciser :

- Un stolon est grêle, fragile, éphémère, ses entrenœuds sont longs. Son bourgeon apical peut donner un nouveau rejet capable de s'enraciner au contact avec le sol.

- Un rhizome peut être renflé (il peut servir d'organe de réserve), il est résistant, pérenne, ses entrenœuds sont courts. Des racines adventives ou de nouvelles tiges peuvent surgir à chaque nœud.

Attention, accrochez-vous au lombric: on parle de rhizome stolonifère lorsque des stolons émergent d'un rhizome!


Sous terre, le paquet de nouille formé par les rhizomes - un réseau de tiges souterraines - de l'Egopode podagraire (Aegopodium podagraria): le secret de son aptitude à envahir le jardin.


Un rhizome ramassé sur lui-même, tubérisé au point d'être gras comme un loukoum, gagne aussi le droit de s'appeler tubercule. N'en faites pas une racine pour autant! C'est par exemple le cas de nos célèbres pommes de terre, en fait des grosses tiges sur lesquelles on trouve des bourgeons et des feuilles atrophiées. Ce sont ces dernières que les jardiniers surnomment les «yeux». Impossible de remplir une friteuse avec les racines qui sont de leur côté fines et fasciculées.


Solanum tuberosum, Pomme de terre, Poiters Quartier Chilvert

Tubercules (en fait des grosse tiges souterraines) versus racines fasciculées chez la Pomme de terre (Solanum tuberosum).


Le bulbe est un autre exemple de tige souterraine spécifique, faisant office d'organe de réserve: il est court, formé par des feuilles - on parle plutôt d'écailles - charnues et imbriquées. L'Oignon en est un exemple... Et le dernier du jour, car j'en vois déjà qui pleurent devant tant de mystères chthoniens (à moins que ce ne soit la faute des oignons) révélés au grand jour!


Allium cepa, Oignon cultivé, Poitiers quartier Chilvert

Bulbe de l'Oignon (Allium cepa): une drôle de tige qui donne envie de pleurer. Séchez vos larmes, c'est tout pour aujourd'hui!


D'autres leçons de botanique sur Sauvages du Poitou:

- Le vocabulaire de la botanique : les feuilles, première leçon
- Le vocabulaire de la botanique : les fleurs, première leçon
- Le vocabulaire de la botanique : les bourgeons
- Le vocabulaire de la botanique : les fruits

Pour aller plus loin:
- La racine sur Wikipedia
- Le système racinaire sur le site Plantes et botanique
- La beauté des racines en photo sur le site du National Geographic
 

Promenade au pays des Véroniques
Date 08/01/2019
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Veronica persica, Véronique de Perse, Poitiers bords de Boivre

Véronique de Perse, Poitiers bords de Boivre


Veronica persica (Véronique de Perse ou Arrouil en poitevin-saintongeais) appartient aux Plantaginaceae. Ce clan réunit des sauvages très diverses sous la houlette des Plantains qui font office de chefs de famille. Au delà du patrimoine génétique, difficile de trouver des points communs entre une Véronique, un Plantain, une Digitale, une Linaire ou la belle Cymbalaire des murs... L'exercice serait peut-être plus évident si nous étions des papillons: la Mélitée du Plantain  abandonne ses chenilles aux Plantains comme à quelques Véroniques, la Mélitée orangée oscille entre Plantains, Linaires, Digitales ou Véroniques. Comme quoi, dans le domaine de la botanique, les insectes possèdent un feeling qui nous fait parfois défaut!


La Véronique de Perse est probablement la plus répandue et la plus connue de son genre. Annuelle, elle fleurit presque toute l'année (de mars à octobre, parfois au-delà lors des hivers doux), de partout, même si sa préférence va aux sols riches en azote et en matière organique comme les potagers et les terres cultivées.


Veronica persica, Véronique de Perse, Poitiers bords de Boivre

Feuilles larges, rondes à ovales et dentées de la Véronique de Perse.

L’évasion est un droit, je dirais même plus, un devoir!

(Mesrine: l’Instinct de mort, Jean-François Richet)

L'introduction de la Véronique de Perse en Europe est pourtant récente, située autour du 19ème siècle. Originaire du Sud-Ouest de l'Asie, on raconte qu'elle se serait évadée du célèbre jardin botanique de Karlsruhe en Allemagne (les jardins botaniques du monde entier sont de formidables vecteurs de propagations pour nos indomptables Sauvages). Sa naturalisation rapide et sa prolifération repose sur sa capacité à fleuri, à grainer et à germer quatre saisons sur quatre, en toutes circonstances.


Plusieurs éléments peuvent nous aider à identifier la fugitive: la Véronique de Perse présente un port couché sur le sol. Ses fleurs solitaires, d'un bleu délavé, sont perchées au bout d'un long pédoncule qui dépasse largement les feuilles. Finalement, les fruits (composés de deux lobes très divergents) sont aplatis, velues (non glanduleuses), plus larges que longs.

Veronica persica, Véronique de Perse, Poitiers Rochers du Porteau
Fruits (capsules) en cœur de la Véronique de Perse: une déclaration d'amour.

Véroniques, Sauvages du Poitou!

Les Veroniques sont des plantes basses qui affichent le plus souvent ce type de fleurs à quatre pétales inégaux, d'où pendent deux étamines comme une jolie paire de boucles d'oreille. On recense une quarantaine d’espèces sur le territoire français, dont la détermination n'est pas toujours aisée. Le temps passé à dénicher et à reconnaitre les Veronica est largement récompensé par le spectacle de leurs floraisons. Parmi les plus célèbres (ou les plus communes):


Veronica officinalis, Véronique officinale, Biard (86)

Véronique officinale, la médicinale.


La Véronique officinale (Veronica officinalis) est une vivace qui pousse sur les sols secs et pauvres, dans les prairies ou les cultures. Ses feuilles ovales ou obovales sont mollement velues et finement dentées en scie; ses fleurs sont réunies en grappes grêles (presque en épis).


Au 18ème siècle, la Véronique officinale se substitue au thé chinois, le temps d'une mode, d'où son surnom de Thé d'Europe. Sur ce dernier point, les avis divergent: c'est peut-être la Véronique petit-chêne (Veronica chamaedrys, voir ci-dessous) qui fut un breuvage tendance, à moins que ce ne soit la Véronique des montagnes (Veronica montana) qui dégage une odeur de thé en séchant. Le manque de précision anatomique des documents d'époque ne permet malheureusement pas de faire le tri dans notre tasse.

De nos jours, la Véronique officinale est pourtant la seule de son genre à être considérée comme plante médicinale par la pharmacopée française. L'infusion de ses sommités fleuries est réputée tonique, expectorante, diurétique et surtout digestive. Autrefois, elle fut utilisée en application externe pour soigner les plaies ou les maladies de peau chroniques, comme la gale ou la lèpre. C'est d'ailleurs à Sainte Véronique que les toutes les Veronica empruntent leur nom: la légende raconte que Véronique, une femme pieuse de Jérusalem, essuya à l'aide d'un tissu le visage du Christ lors de son ascension au Calvaire. Le visage du Christ s'imprima sur le linge, devenu relique sacrée (la «Sainte face»). Véronique aurait ensuite guérit miraculeusement l'empereur Tibère de la lèpre en lui révélant le tissu...


Sainte Véronique, Sauvages du Poitou!


Veronica chamaedrys, Véronique petit-chêne, Poitiers bords de Boivre

Véronique petit-chêne, la forestière.


La Véronique petit-chêne (Veronica chamaedrys) colonise les bords des routes ombragés, les haies et les forêts, car elle affectionne les sols frais. C'est une vivace qui fleurit à la belle saison, entre mai et juillet. Son port est rampant, mais ses tiges, parcourues par deux lignes de poils opposées, se redresse lors de la floraison. Ses larges feuilles rondes à ovales sont opposées, sessiles, grossièrement dentées (certains auteurs les décrives comme étant sinuées, à la manière des feuilles d'un chêne). Le contraste du bleu intense de ses pétales avec le blanc de la collerette blanche au centre de la fleur et sa paire d'étamines ostentatoires suffisent généralement à épater le promeneur tout en nous mettant sur la bonne piste.

Veronica arvensis, Véronique des champs, Poitiers le Porteau
Véronique des champs, la lilliputienne.

La Véronique des champs (Veronica arvensis) est une petite annuelle qui fréquente le plus souvent les sols riches et sarclés, les jardins, les potagers, mais parfois aussi les rochers ou les trottoirs. Elle fleurit une grande partie de l'année, d'avril jusqu'à octobre. La discrète se distingue avant tout par la miniaturisation de ses fleurs bleues, souvent réunies par grappes en haut de la tige: 2 à 3mm seulement, une taille de fourmi et une merveille qu'il convient de découvrir à la loupe.

Veronica arvensis, Véronique des champs, Angles-sur-l'Anglin (86)
Véronique des champs, Angles-sur-l'Anglin (86)

La taille des fleurs de la Véronique des champs est un handicap pour attirer les butineurs, mais la Sauvage compense le manque de visites par sa capacité d'auto-fécondation (autogamie). Elle assure également une impressionnante production de graines: chaque fleur deviendra une capsule à maturité, contenant une vingtaine de graines... Un plant à pleine maturité pouvant porter jusqu'à une bonne centaine de capsules! Ses larges feuilles rondes à ovales sont dentées, poilues, les supérieures sessiles et embrassantes. Dans la grappe terminale (qui s'allonge au cours du temps) se mélangent des bractées entières et lancéolées qui dépassent largement les fleurs.

Veronica hederifolia, Véronique à feuilles de Lierre, Poitiers bords de Clain
Véronique à feuilles de Lierre, l'imitatrice.

La Véronique à feuilles de Lierre (Veronica hederifolia) est une petite annuelle qui aime les sols forestiers riches en matière organique végétale et les cultures amendées. Ceci dit, au regard de sa taille, un bout de mur mousseux peut tout à fait lui suffire! Ses feuilles sont découpées en 3 ou 5 lobes, avec un lobe terminal proéminent: elle ressemble à une sorte de feuille de Lierre grimpant dans une version bonzaï. Depuis sa tige rampante, elle dresse de minuscules fleurs solitaires (une fleur par pédoncule), à la gorge blanche, entre mars et juillet.

A l'image de la Véronique des champs, la Véronique à feuilles de Lierre compense la discrétion de ses fleurs par l'auto-fécondation. Le pédoncule qui porte la fleur se recourbe vers le sol à maturité pour rapprocher le fruit du sol et de le rendre accessible aux fourmis. Ces dernière emportent les graines (équipées d'un appendice huileux et nutritif), les dispersant sur le territoire. Ce mode de propagation (myrmécochorie) est répandu chez les Véroniques.

Les Véroniques sur Sauvages du Poitou !


Terminons notre promenade en un bouquet final de Véroniques qui, loin d'être exhaustif, illustre la richesse, la diversité et la beauté du genre. A vous de jouer, «attrapez-les toutes» comme le propose la devise des chasseurs de Pokémon! Un conseil avant de partir: pensez à photographier les capsules et à observer de près la pilosité de la plante avant de consulter votre flore préférée, ce sont souvent des critères discriminants pour les cas les plus ardus.


Veronica cymbalaria, Véronique cymbalaire, Poitiers centre

Véronique faux mouron d'eau (Veronica anagalloides), une locataire des zones humides, et Véronique cymbalaire (Veronica cymbalaria), une habituée des littoraux atlantiques et méditerranéens, ici égarée sur un trottoir à Poitiers!


Veronica spicata, Véronique en épi, Chaumont sur Loire (41) Veronica polita, Véronique luisante, Poitiers bords de Clain

Véronique en épi (Veronica spicata), plutôt montagnarde en France à l'état naturel, aux inflorescences spectaculaires, et Véronique luisante (Veronica polita), une adventice plus discrète que la Véronique de Perse, aux feuilles presque luisantes, aux capsules non aplaties recouvertes de poils glanduleux.


Veronica prostrata, Véronique couchée, Vouneuil-sous-Biard (86) Veronica serpyllifolia, Véronique à feuilles de serpolet, Biard (86)

Véronique couchée (Veronica prostrata), une locataire des pelouses calcaires sèches, et Véronique à feuilles de serpolet (Veronica serpyllifolia), une belle adventice des jardins.


Pour aller plus loin:

- Veronica persica sur Tela-botanica

- Veronica persica : identification assistée par ordinateur

- Lusus floral dans le genre Veronica sur le blog du Corbeau curieux (d'autres articles consacrés au genre Veronica sur ce site)
- La Véronique officinale à travers l'histoire sur le blog Books of Dante
- Le thé de l'Europe, ou les propriétés des Véroniques par Nicolas Andry de Boisregard (1704)
 

1 ... 4 5 6 7 8 ... 34

MP  Mighty Productions
> Blogs
> Sauvages du Poitou
 
RSS       Mentions légales       Comms  Haut de la page