Bourrache officinale, Poitiers quartier Chilvert
Borago officinalis (Bourrache officinale ou Borage en poitevin-saintongeais) fait office de chef de clan chez les Boraginaceae, dont les membres affichent souvent un système pileux très développé (Consoudes, Buglosses, Vipérines, Myosotis...)! Son nom viendrait du latin burra, la «burre», une étoffe en laine grossière qui habillait les moines: une référence à la texture de ses feuilles rêches, garnies de poils durs.
Bourrache officinale, Poitiers bords de Clain
Borago officinalis est une anuelle à croissance rapide. Elle aime l'eau, les sols riches en matière organique et les nitrates. Elle commence sa floraison dès que le pied atteint une quinzaine de centimètres (ce qui ne l'empêche pas de continuer à grandir ensuite): comme toute annuelle qui se respecte, la Sauvage vit dans l'urgence de la reproduction! En tout et pour tout, Borago officinalis est capable de fleurir 8 à 10 mois dans l'année...
Borago officinalis est une plante mellifère de première classe, au même titre que la Phacélie (Phacelia tanacetifolia) et la Vipérine (Echium vulgare), deux autres membres du clan Boraginaceae) semées par les apiculteurs pour booster la production. Les abeilles en raffolent, et c'est leur faire un beau cadeau que d'entretenir quelques pieds au jardin.
Fleur de Bourrache officinale: 5 sépales, une corolle bleu intense à 5 lobes, 5 étamines en cône autour du pistil. Une Sauvage qui se butine la tête en bas! (abeille solitaire, Anthophora sp.)
Borago officinalis est une célèbre comestible: elle a été (et est encore) cultivée pour ses feuilles, ses fleurs ou ses graines. Des études récentes révèlent pourtant la présence d'alcaloïdes hépatotoxiques (concentrés dans la feuille et les tiges) susceptibles d'augmenter les risques de tumeur au foie (de même que chez la Consoude). Certes, personne n'est jamais tombé raide mort en croquant la belle; n'empêche que la considérer comme un met inoffensif est discutable (disons qu'il faudrait aussi considérer qu'un verre de vin est complétement inoffensif). S'il n'y a pas de quoi la rayer définitivement des assiettes, il convient de ne pas faire de Borago officinalis un régime soutenu et régulier.
Feuilles hérissées de poils piquants de la Bourrache officinale: alternes, les supérieures sessiles et embrassantes, les inférieures ovales et longuement pétiolées (pétiole ailé).
La Sauvage a pourtant été cultivée en tant que légume dans bon nombre de pays d'Europe (Espagne et Pays-bas par exemple), même si elle constitue rarement un plat principal; elle est généralement utilisée en accompagnement ou en assaisonnement dans les recettes. Crue, en salade (gare aux poils piquants!), Borago officinalis présente un léger goût iodé (certains diraient un goût d'huitre) inimitable.
- C’est la dernière fois que j’achète des fruits chez toi Tom! C’est ce que tu appelles frais? Il y avait plus de petites créatures poilues dans tes fruits qu’il n’y avait de fruit. Tu devrais ouvrir une boucherie, pas une épicerie.
(Arnaques, crimes et botanique, Guy Ritchie)
Ses feuilles peuvent ainsi agrémenter une omelette ou une soupe (gardez à l'esprit leur relative toxicité)... On peut aussi les faire frire en beignet, salés ou sucrés (en Grande Bretagne, on en fait d'excellent desserts au miel). Quant aux fleurs, inoffensives et comestibles (vous pouvez vous lâcher), elles sont très en vogue dans les restaurants où elles décorent agréablement les plats!
Colonie de Bourrache officinale, Poitiers bords de Clain
Au fil de l'histoire, Borago officinalis s'est taillée une solide réputation de plante médicinale. Grecs et romains considéraient la Sauvage comme une source... De courage et de joie. Les fleurs de la plante, macérées dans du vin, étaient consommées pour se donner du baume au cœur avant la bataille, ou pour guérir les esprits mélancoliques. Certains auteurs rapprochent le nom Bourrache du celte barrach, «courage», peut-être parce que la Sauvage insufflait la bravoure à celui qui la mangeait ou la portait à sa boutonnière.
Borago officinalis a aussi été utilisée en médecine populaire pour soigner et adoucir la toux (peut-être à cause de sa richesse en mucilage lorsqu'elle est cueillie fraîche), ou pour ses pouvoirs sudorifiques (pour d'autres, c'est là que se trouve l'origine de son nom: abû araq — Bourrache — signifiant «père de la sueur» en arabe).
En usage externe, la Sauvage est aujourd'hui proposée sous la forme d'une huile (onéreuse) tirée de ses graines, qui présenterait des vertus adoucissantes, assouplissantes et revitalisantes... Bref, une caresse et un véritable élixir de jouvence pour la peau!
Est-ce parce qu'elle a l'air suspecte, mal rasée et un poil toxique que la Bourrache n'attire presque aucune chenille de papillon de jour? Allez savoir... Toutefois, nous avons dit «presque»: il arrive que notre sauvage régale la chenille du Petit Nacré (Issoria lathonia), même si elle est loin d'égaler les Violettes, largement préférées par le papillon. La Bourrache n'est ainsi pas souvent citée dans la littérature comme plante-hôte larvaire du Petit Nacré. En Provence, le fait est avéré mais il demeure rare («La vie des papillons» de Tristan Lafranchis, 2015). Dans l'ouest de la France, seules deux observations en 1897 et 1912 attestent cette «relation» entre Bourrache et Petit Nacré ! («La lettre de l'Atlas Entomologique Régional n°14», mars 2001).
Le Petit Nacré, ici sur une Centaurée (Centaurea sp), recto verso!
Pour aller plus loin:
- Identification assistée par ordinateur
-Borago officinalis sur Tela-botanica
Une Bourrache aux fleurs blanches comme neige? Les cas de dépigmentation ne sont pas rares chez les végétaux. Ce phénomène est peut-être dû à la mutation ponctuelle d’un des nombreux gènes qui participent à la synthèse des pigments et donc des couleurs des feuilles ou des fleurs.
S'il n'y en avait que 10! La liste est loin d’être exhaustive: il y a très peu de végétaux spontanés qui nécessitent de déclencher une guerre des tranchées au jardin... Disons qu'en guise d'illustration (et d'introduction à une manière de repenser ses espaces verts paisiblement), voilà 10 Sauvages communes qui méritent toute notre hospitalité, qu'on n'arrachera plus sans égards, qu'on ne désherbera plus à coup de potions chimiques ou bio-magiques, qu'on se contentera de regarder avec des yeux d'abeilles, heureux, émerveillés de leur simple présence et... Plein de gourmandises!
Il y a trois choses inévitables dans la vie : la mort, les impôts... Et la paix.
(Prison Break, Paul Scheuring)
1 - Le Lamier pourpre (Lamium purpurum), une annuelle qui régale les premiers butineurs affamés au printemps (merci pour eux), qui couvre et protège les sols laissés à nus en hiver... Et qui — lorsqu'elle prolifère — s'avère excellente en salade, riche en sels minéraux et en fer!
Lamier pourpre, Poitiers quartier Chilvert
2 - Le Mouron des oiseaux (Stellaria media), une annuelle qui n'a pas volé son surnom tant ses nombreuses graines régalent le peuple à plume... Mais pas seulement, c'est aussi la reine des salades sauvages, délicieuse, riche en calcium, en silice, en magnésium et en vitamine! Elle est souvent le signe d'un sol riche et sain; au jardin, vous pouvez la considérer comme un compliment fleuri!
Mouron des oiseaux, Poitiers quartier Chilvert
3 - Le Myosotis des champs (Myosotis arvensis), une poésie jetée à la face du désert... Cette belle annuelle s'installera de préférence dans les recoins les plus pauvres du jardin, comme pour sublimer les parcelles stériles (à l'inverse du Mouron des oiseaux, lorsque le Myosotis des champs prolifère, c'est le signe inquiétant de l'état misérable du sol; l'arracher n'aidera surement pas à améliorer la situation!). De plus, sa tisane aurait des vertus relaxantes pour le système nerveux... Avec le Myosotis, tout le monde se détend!
Myosotis des champs, Poitiers quartier Chilvert
4 - La Pâquerette (Bellis perennis), une vivace qui égaie les pelouses chaque printemps; elle aussi est une comestible, riche en calcium. Ses fleurs aux nombreuses vertus médicinales (calmante, antalgique...) devraient nous inciter à la faire pousser directement dans les trousses à pharmacie! Les pollinisateurs apprécieront sa floraison prolongée (elle fleurit quasiment toute l'année, en dehors des périodes de gel).
Pâquerette, Poitiers quartier Chilvert
5 - La Cardamine hérissée (Cardamina hirsuta), une annuelle solitaire, capable de se nicher dans le moindre interstice... Une Sauvage comestible, tonique, riche en vitamine A et C, au goût piquant (comme le Cresson). La belle est une invité timide, à l'image de ses fleurs blanches, étroites et délicates. On peut lui faire belle place au jardin: aucun risque de se faire déborder!
Cardamine hérissée, Poitiers quartier Gare
6 - Le Grand Plantain (Plantago major) — ainsi que les autres Plantains —, des vivaces qu'on trouvera souvent installées près des sols compactés, les passages fréquents (voitures ou chaussures). Le Plantain réussit à pousser là où il n'y a guère que les les cailloux qui tirent leur épingle du jeu... Sauf que contrairement à ces derniers, la Sauvage se révèle être une excellente comestible, dont les jeunes feuilles au goût de sous bois et de champignons agrémentent merveilleusement les soupes! Puis c'est une plante-médecine, cicatrisante et anti inflammatoire. Près du garage, entre une poignée de graviers poussiéreux et un bouquet de Plantain, mon choix est fait!
Grand plantain, Poitiers quartier gare
7 - Le Lierre terrestre (Glechoma hederacea), une vivace rampante à ne pas confondre avec le Lierre grimpant (Hedera helix), qui peut proliférer dans les recoins ombragés du jardin... Malgré son expansion, je n'en ai jamais assez! Depuis la Grèce antique, l'homme pense la Sauvage capable de nous guérir de tous les maux. Dans mon armoire à pharmacie, ses feuilles récoltée et séchées rejoignent les remèdes d'hiver: sa tisane fait merveille contre les affections
pulmonaires en tout genre (toux, asthme, grippe, bronchite..). Le lierre terrestre, c'est un peu le bon docteur!
Lierre terrestre, Poitiers quartier Chilvert
8 - Le Géranium Herbe-à-Robert (Geranium robertianum), un véritable Géranium sauvage, annuel le plus souvent. Laisser la belle s'installer au jardin est un parti-pris qui ne fera pas forcément l'unanimité: elle dégage une allure — et une odeur qui repousse les moustiques — terriblement sauvage. C'est un petit bout de forêt à elle seule. Elle assure un couvre sol fleurit du début du printemps à la fin de l'automne. L'Herbe-à-Robert s'adapte à tous les sols; ses feuilles prennent une coloration rouge vermillon en cas de sécheresse: une coquetterie estivale qui me console lorsque la pluie se fait rare et que le reste de la végétation grille au jardin!
Géranium Herbe-à-Robert, Poitiers bords de Boivre
9 - Le Trèfle des prés (Trifolium pratense), une célèbre vivace pour représenter le clan des Légumineuses sauvages, ses sœurs de sève: Trèfles, Luzernes ou encore Vesces... Autant de plantes dont il faut parfois contrôler l'occupation géographique, mais qui sont une véritable bénédiction pour les sols. Ces plantes sont capables d'utiliser l'azote atmosphérique pour assurer leurs propres ressources (richesse qu'elles offrent au sol lorsqu'elles sont fauchées sur place, voir Medicago arabica). Certaines d'entre elles supportent sans broncher le piétinement (Trèfle blanc nain par exemple), restent vertes en hiver comme en été, structurent et enrichissent le sol, nourrissent les butineurs... Je me demande parfois en quoi on peut leur préférer une pelouse bien proprette et bien rangée? Vive le trèfle, à trois ou à quatre feuilles pour les plus chanceux!
Trèfle des prés, Poitiers bords de Boivre
10 - Le Pissenlit (Taraxacum sect. Ruderalia), une vivace qu'on ne présente plus, une fleur aux couleurs dorées de l'enfance... Pas toujours la bienvenue au jardin: parfois envahissante, toujours solidement enracinée. Pourtant, s'il je devais n'en garder qu'une seule, ce serait elle! Tout le monde connait ses qualités gustatives, des racines jusqu'aux fleurs... Mais considérez ceci: entre le printemps et la fin de l'automne, c'est pas moins de 93 espèces d'insectes qui auront profité de ses fleurs très mellifères. Le Pissenlit est une chance pour la biodiversité, et s'il prolifère au jardin, ou dans le reste du monde, c'est parce que la nature est bien faite!
Pissenlit, Poitiers
Gaillet gratteron, Poitiers chemin de la Cagouillère
Galium aparine (Gaillet gratteron ou Guifron en poitevin-saintongeais) appartient au clan Rubiaceae, dont fait partie le célèbre caféier (Coffea). Autrefois, on pensait certains Gaillets capables de faire cailler le lait; une croyance (invalidée aujourd'hui) qui aurait inspiré le nom de la plante, Gala signifiant «lait» en grec. Pour d'autres, l'origine du nom serait latine, Gallus signifiant «coq» et la forme des feuilles ressemblant aux pattes d'une poule.
Fleurs discrètes du Gaillet gratteron: corolle à 4 lobes pointus, 4 étamines libres autour d'un pistil à deux styles au centre.
Galium aparine est une annuelle qui aime les terrains riches en azote, en matière organique animale et végétale. Originaire des sous-bois, elle se plait aujourd'hui sur les terres amendées et cultivées, où sa présence concurrentielle aux céréales (qu'elle renverse en leur grimpant dessus) n'est pas la bienvenue.
Feuilles du Gaillet gratteron: sessiles, verticillées et mucronées.
Sa tige carrée et ses partie aériennes sont hérissées de petits aiguillons recourbés qui lui permettent de s'accrocher à tout ce qui lui tombe sous la feuille. Aparine en latin signifie littéralement «qui s'agrippe»; et pour agripper, Galium aparine agrippe! C'est un véritable tentacule végétale qui se colle aux plantes alentour pour s'élever et trouver la lumière; mais aussi aux fourrures des animaux et aux vêtements des promeneurs, qui en disséminent les graines malgré eux (les fruits, des diakènes, sont aussi munies de crochets).
Vous allez à Paris ? Hein ? A Lyon ? Oh oui, oh ben alors...
Ça me rapprochera toujours un petit peu. Bon allez va !(L'auto-stoppeur, Coluche)
Quand le Gaillet gratteron s'emmêle les tentacules : sans doute les conséquences de la présence du Phytopte du Gaillet (Cecidophyes galii), un acarien qui s'attaque aux feuilles de la Sauvage.
L’usage populaire du Gaillet gratteron veut qu’une infusion massée sur la peau soulage un coup de soleil, une brulure, un eczéma, ou fasse même office shampoing anti-pelliculaire… Les jeunes pousses (lorsqu’elles sont encore tendres) de Galium aparine sont comestibles, crues en salade ou cuites, bien que légèrement amères. Les petits fruits cueillis verts (bon courage pour le ramassage), grillés à sec, écrasés et finalement mis à bouillir dans de l'eau fournissent un excellent succédané de café. Pour rappel, Galium aparine est de la même fratrie que le caféier, peut-être est-ce là un goût de famille?
Je m’appelle John Caffé, comme le café sauf que ça s’écrit pas pareil !
(La Ligne Verte, Stephen King)
Gaillet gratteron, le café du shérif!
Et puis qui sait, garder la Sauvage près de soi augmente ses chances de pouvoir observer l'incroyable Moro sphinx (Macroglossum stellatarum), un papillon capable de vol stationnaire et d'une vitesse de déplacement ahurissante, au point d'être surnommé le Sphinx Colibri. Car c'est sur les Galium, mais aussi sur d'autre Sauvages collantes du clan Rubiaceae, comme la Garance voyageuse (Rubia peregrina), que le papillon pond et installe sa progéniture.
Chenille du Moro sphinx (ici sur Galium verum).
Crache sang (Timarcha tenebricosa), un coléoptère qui se nourrit exclusivement de Gaillets à feuilles tendres (ici Galium mollugo).
Si le Gaillet gratteron (Galium aparine) est le plus célèbre des Gaillets (peut être parce qu'il est le plus attachant!), on peut croiser d'autres membres de sa tribu dans les jardins et aux bords des routes. La liste n'est pas exhaustive, mais parmi les plus communs:
le Gaillet Mollugine (Galium mollugo) est une vivace à la taille plus modeste, mais dont la floraison blanche est plus généreuse (les fleurs sont regroupées en panicules étalés). Les tiges, les feuilles et les fruits glabres de ce dernier n'accrochent ni les pantalons, ni les mains qui les caressent...
Gaillet Mollugine (Galium mollugo), Biard (86)
Un peu moins urbains, les Gaillet jaune (Galium verum) et Gaillet croisette (Cruciata laevipes) sont deux vivaces qui fréquentent les prairies ou les bords des routes de campagne. Le Gaillet jaune dresse des feuilles très minces, non agrippantes, et des fleurs jaunes groupées en panicules le long de sa tige.
Gaillet jaune (Galium verum), Salilhès (15)
Le Gaillet croisette forme parfois d'importantes colonies qui dégagent une odeur de miel au printemps. Ses fleurs jaunes sont portées par des pédoncules bien plus courts que ses feuilles ovales, poilues, non agrippantes, et toujours groupées (verticillées) par quatre.
Gaillet croisette (Cruciata laevipes), Quinçay (86)
Pour aller plus loin:
- Norb de Sauvages du Poitou raconte le Gaillet gratteron au micro de France Bleu Poitou
- Galium aparine sur Tela-botanica
- Galium aparine: identification assistée par ordinateur
- Galium mollugo sur Tela-botanica
- Galium mollugo: identification assistée par ordinateur
- Galium verum sur Tela-botanica
- Galium verum: identification assistée par ordinateur
- Cruciata laevipes sur Tela-botanica
- Cruciata laevipes: identification assistée par ordinateur
- Le Gratteron, capitaine crochet de l'escalade sur le site Zoom Nature