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Cardère sauvage: bienvenue au Cabaret des Oiseaux!
Date 20/10/2016
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Cardère sauvage, Dipsacus fullonum, Iteuil (86)

Cardère sauvage, Iteuil (86)


Dipsacus fullonum (Cardère sauvage) appartient à la famille Caprifoliaceae qui a subit de profond remaniement dans les classifications botaniques les plus récentes (voir article sur les classifications phylogénétiques). Plutôt que de perdre son latin, on retiendra que la Sauvage côtoie aujourd'hui dans les flores les nombreux Chèvrefeuilles, ou encore la Centranthe rouge (Centranthus ruber) que nous avions déjà croisée sur Sauvages du Poitou. Une parenté «génétique» qui ne saute pas aux yeux: la Cardère sauvage, avec ses gros capitules, évoquerait plutôt un gros «chardon» de la famille Asteraceae... Mais contrairement à ces derniers, les fruits de la Cardère sauvage ne sont pas munis de petites plumes qui leur permettraient de se disperser avec le vent.


Cardère sauvage, Dipsacus fullonum, Poitiers bords de Boivre

Inflorescence de la Cardère sauvage: des minuscules fleurs roses, serrées au milieu d'une armée de courtes bractées piquantes. Les fleurs éphémères sont d'abord situées au milieu de l'inflorescence, puis «se déplacent» progressivement vers le haut et vers le bas au fur et à mesure de leur fécondation.


Ses capitules, posés sur une couronne de longues bractées, ne vous sont surement pas étrangers... Les Cardères doivent leur nom à leurs longues pointes (involucre), recouvertes d'aiguillons, qui auraient permis de carder (c'est à dire démêler) la laine. A vrai dire, ce sont les inflorescences de la Cardère cultivée (Dipsacus sativus), aux pointes courtes, recourbées, bien plus robustes que celles de la Cardère sauvage, qui servirent autrefois de peigne dans l'industrie textile.


Dipsacus fullonum, Cardère sauvage, Sauvages du Poitou!


La Cardère cultivée a peu à peu disparue des cultures et des jardins particuliers avec l'arrivée des machines à lainer. Aujourd'hui, il est rare d'en croiser des descendants spontanés et l’espèce est probablement destinée à disparaître (il est encore possible de trouver des graines sur la toile, grâce à l'opération «Sauvez la cardère cultivée» lancée par la revue La Hulotte, n'hésitez pas à l'adopter).

Il existe un imbroglio autour des cardères, qu'il vaut mieux avoir à l'esprit lorsqu'on épluche les vieilles flores... Pour le botaniste suédois Carl von Linné, le nom Dipsacus fullonum renvoyait à la Cardère Sauvage. Selon Philip Miller l'écossais, Dipsacus fullonum était plutôt la Cardère cultivée, car c'est elle qui était utilisée dans l'industrie textile et ses foulons (la Cardère sauvage étant alors Dipsacus sylvestris). Il faudra attendre le vingtième siècle pour que ce sac de nœuds soit unanimement démêlé (ou plutôt cardé) par les botanistes: la Cardère sauvage est aujourd'hui très officiellement nommée Dipsacus fullonum, alors que la Cardère cultivée est Dipsacus sativus.

C'est cependant sous un autre nom que Dipsacus fullonum s'est rendue célèbre: le «Cabaret des oiseaux». Ses jeunes feuilles, opposées par paires et soudées à leur base, forment une coupe qui retient l'eau de pluie, pour mieux l'offrir aux oiseaux. Dipsacus dérive d'ailleurs du grec dipsan akeomaï «je guéris la soif».


Il n'est pas rare de trouver de petits insectes noyés dans les coupoles de la Sauvage. Certains observateurs affirment que les spécimens qui accumulent les cadavres d'insectes auraient une fructification de 30% supérieure à la normale... La Cardère sauvage serait-elle une plante carnivore, comme le pensait Francis Darwin (le fils du célèbre biologiste)? Serait-elle capable d'absorber l'azote d'origine animale piégé dans ses bassins? C'est peu probable, mais prudence, les voies de la nature sont impénétrables!


Cardère sauvage, Dipsacus fullonum, Poitiers bords de Boivre

Happy hour à la jonction des feuilles du Cabaret des oiseaux!


Dipsacus fullonum, Cabaret des oiseaux, Sauvages du Poitou!

Peuple à plume, approchez sans crainte, nul ne vous mangera! Et sachez que la maison Dipsacus fullonum ne se contente pas d'offrir la boisson: les graines du Cabaret des oiseaux sont appréciées des Passereaux, et tout particulièrement des Chardonnerets. Ses fleurs attirent et nourrissent en été une foule de butineurs (papillons, abeilles, diptères...), autant dire que le spectacle est assuré!

Cardère sauvage, Dipsacus fullonum, Poitiers bords de Boivre
Cardère Sauvage, Poitiers bords de Boivre

Cardère, Bourrache et Vipérine: les bars à nectars recommandés par Sauvages du Poitou!

Dipsacus fullonum est une bisanuelle qui forme une rosette de feuilles gaufrées la première année, puis des tiges et des fleurs l'année suivante, dès le début de l'été. Dans les zones en friche que la Sauvage colonise, les capitules surplombent fièrement les hautes herbes (ses tiges peuvent faire jusqu'à 2 mètres de hauteur).


Cardère sauvage, Dipsacus fullonum, Poitiers bords de Boivre

Jeunes rosettes de Cardère Sauvage, Poitiers bords de Boivre


Les feuilles caulinaires flétries dessinent d'étranges signes sorciers en automne. Finalement, les inflorescences séchées perdurent tout l'hiver, parfois jusqu'au printemps suivant, perchées sur leur tige comme des totems indiens.

Dipsacus fullonum, Cardère sauvage, Rochefort (17)

La Cardère sauvage en automne, Rochefort (17)


Autrefois, la racine de Dipsacus fullonum aurait été consommée en décoction pour traiter les troubles cutanés (verrues, eczéma, impétigo, psoriasis...). On racontait que l'eau retenue dans ses feuilles, recueillie au matin, pouvait soigner la peau, ou faire disparaitre les taches de rousseurs... Le «Cabaret des oiseaux» se transformait alors en institut de beauté, la Sauvage répondant également au nom de Baignoire de Vénus.


Dipsacus fullonum, Cardère sauvage, Paris (Petite Ceinture du 15ème)

Cardère sauvage, l'amie des oiseaux!



Pour aller plus loin:

- Norb de Sauvages du Poitou raconte le Cabaret des oiseaux au micro de France Bleu Poitou

- Dipsacus fullonum: identification assistée par ordinateur

- Dipsacus fullonum sur Tela-botanica

- Dipsacus sativus sur Tela-botanica

- Une fiche sur l'histoire de la Cardère cultivée sur le site de La Hulotte


La Hulotte, fournisseuse de savoir, de bonne humeur et de graines de Cardère Cultivée!

Le revue La Hulotte, fournisseuse officielle de connaissances, de bonne humeur et de graines de Cardère Cultivée!


Lecture recommandée:

- n°61 et n°62 de la revue La Hulotte, consacrés à la Cardère des villes et à la Cardère des champs!

- Fleurs et insectes de Margot et Roland Spohn aux éditions Delachaux et Niestlé


Dipsacus fullonum, Cardère sauvage, Poitiers

Avec la douceur et l'humidité de l'automne poitevin, il arrive que les bébés Cardères germent en l'air, «sur pied»!

 

Familles de la flore française (Game of thrones et botanique, épisode 1)
Date 01/09/2016
Ico Initiation à la botanique joyeuse!

Botany is coming... Sur Sauvages du Poitou!


Les botanistes sont souvent passés maîtres dans l'art de ranger. Non pas qu'il soient devenus des champions de Tetris à force de remplir des herbiers, mais plutôt parce que l'approche naturaliste repose beaucoup sur la reconnaissance de ce qui ressemble (on range dans le même tiroir) et de ce qui diffère (c'est le moment d'ouvrir un nouveau tiroir!).


Jusqu'en 1998, la classification dite «classique» des végétaux se basait sur les particularités morphologiques évidentes des plantes (ce qui reste une approche très pertinente sur le terrain). Après cette date, c'est une classification dite «phylogénétique» qui prend le relais (APG): l'approche génétique permet de prendre en compte les liens de parenté entre les végétaux au delà de leur apparence, et de mieux comprendre leur histoire. Cette classification moderne fut révisée, ou plutôt affinée, en 2003 (APG II), en 2009 (APG III) puis en 2016 (APG IV)... Nul doute qu'elle le sera encore à l'avenir!

Mille pardons, messer. Je devais effectuer un léger changement à mon blason afin qu’on ne me confonde pas avec mon méprisable cousin.

(Le chevalier errant, George R.R. Martin)

Bref, classer les plantes revient en quelque sorte à tracer des arbres généalogiques, à déterminer qui ressemble à qui, qui est parent avec qui, à étudier les traits propres (les «armoiries») de chaque lignée de Sauvages.


A chaque Sauvage correspond une espèce. Les membres d'une même espèce se ressemblent comme deux gouttes d'eau et sont interféconds entre eux. Les espèces sont regroupées en genres. Les membres d'un même genre affichent aussi des traits communs évidents, quoique plus lointains. Leurs similitudes rend toutefois les hybridations possibles. Les genres sont regroupés en familles, puis les familles en ordres, etc.


Lamium maculatum et Lamium purpureum, Dagneux (01)
Lamier maculé (Lamium maculatum) et Lamier pourpre (Lamium purpureum): une même famille, un même genre, deux espèces.

Ci dessus, le Lamier maculé (à gauche) et le Lamier pourpre (à droite) sont deux espèces distinctes, appartenant à un même genre, celui des Lamiers. Leur famille commune, les Lamiacées, appartient à l'ordre des Lamiales, qui rassemble plusieurs autres familles comme celle des Plantaginacées (famille des Plantains) ou celle des Verbénacées (famille de la Verveine officinale). Nos besoins immédiats ne nous commandent pas de pousser plus en avant cette investigation, mais on pourrait continuer à parcourir « l’arbre généalogique » de nos Lamiers en remontant successivement les étages de la classe, de l’embranchement, du règne et finalement du domaine.

La taxonomie par Sauvages du Poitou!

Ces classifications ne sont pas faites pour nous dévorer les méninges: elles s'avèrent grandement utiles sur le terrain! La connaissance des qualités propres à chaque famille peut aider le botaniste à cerner un spécimen nouveau croisé au détour d'un chemin. Apprendre à reconnaître les «armoiries» d'une famille est la meilleure porte d'entrée qui soit dans la pratique de l'herborisation. C'est de plus un bon moyen pour réussir à s'orienter dans les flores et les guides botaniques les plus touffus et les plus pointus!
Je me souviens de votre père racontant autour d’un feu de camp comment sa maison avait obtenu son blason...
(Le chevalier errant, George R.R. Martin)
Impossible de citer l'ensemble des nombreuses familles qui composent la flore de notre pays. Mais certaines lignées se détachent, de par leur importance ou leur réputation (Astéracées, Poacées, Fabacées et Rosacées représentent à elles seules un bon tiers de la population végétale française). On se concentrera donc plus particulièrement sur les blasons et les devises (imaginaires, cela va de soi, la tournure de cet article se veut avant tout amusante et pédagogique) des familles botaniques incontournables, à commencer par les cinq plus importantes pour ce premier épisode:

House Asteraceae, Sauvages du Poitou!

Les Asteracées (ou Composées), représentent la première famille de France avec près de 800 espèces recensées. Leur inflorescence caractéristique, le capitule (voir notre article complet sur le sujet) est la principale marque de leur lignée. Attention: tout ce qui a un capitule n’est pas forcément une Astéracée. Nul doute que l'invention de cette «super fleur» (en fait une fleur faite d'une myriade de fleurs)  les aura aidés à assoir leur suprématie. Ce capitule est entouré d’un involucre de bractées (une sorte de «colorette» de feuilles modifiées qui peuvent être crochues, épineuses, molles…). Leurs feuilles sont souvent alternes ou réunies en rosette basale.

C'est le clan du roi Pissenlit (Taraxacum sect. Ruderalia), de la reine Pâquerette (Bellis perennis), des Marguerites (Leucanthemum spp), des Bleuets (Centaurea spp) ou encore de leur garde rapprochée, les piquants Chardons (Carduus spp et Cirsium spp)...

Involucre de bractées épineuses du Cirse commun (cirsium vulgare)
Je veux de nouveau sentir le vent dans mes cheveux!
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les membres de cette famille royale produisent souvent des semences à soies (des akènes équipés pour le vol, comme le célèbre «pompon» du Pissenlit) que le vent emporte à la conquête de nouveaux territoires.

Pissenlit, Taraxacum sect. Ruderalia, Béruges (86)
Pissenlit: les rois à venir attendent le vent qui les emportera...

House Poaceae, Sauvages du Poitou!
Étaient-ils vingt, étaient-ils vingt mille?... Sous les arbres se massaient tous les sauvageons du monde.
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Si les Poacées (ou Graminées) ne sont que la deuxième famille de France au regard du nombre d’espèces (470 espèces), elles représentent la lignée la plus importante du point de vue des surfaces couvertes. Il faut dire que ce clan regroupe les «herbes» sous toutes leurs formes, celles des friches, des pelouses, des gazons... Mais également les céréales domptées par l'homme (blé, orge, seigle, maïs..), ou encore les Bambous, leurs rejetons titanesques originaires d'Asie! Bref, les Poacées sont partout, de l’Antarctique jusqu'au fin fond du Poitou, même si l'apprenti botaniste, à force de chercher l'Orchidée rare, finit par ne plus les voir et les considérer comme un simple tapis de sol.

Poa annua, Pâturin annuel, Poitiers bords de Boivre
Pâturin annuel (Poa annua): en tête du top 10 des sauvages les plus observées dans les villes de France!

Notez que tout ce qui ressemble à de l'«herbe» n'est pas forcément Poacée. Il existe deux autres familles qui affichent des silhouettes similaires: les Cyperacées (le clan des Laîches), et les Joncacées (le clan des Joncs). On observera la section des tiges (entre les «nœuds») pour faire le tri:  section ronde et creuse chez les Poacées, section pleine et triangulaire chez les Cyperacées, section ronde et pleine chez les Joncacées. Un article complet est consacré à ces légions chlorophylliennes sur Sauvages du Poitou...

House Fabaceae, Sauvages du Poitou!

Les Fabacées (autrefois Légumineuses, environ 360 espèces en France) qui poussent naturellement sur le sol français dressent généralement des feuilles alternes, stipulées, composées et des fleurs irrégulières caractéristiques dites «papilionacées» (voir notre article complet sur le sujet), composées de 5 pétales: un étendard, deux ailes (tel un papillon) et une carène (deux pétales soudés) .

Cytisus scoparius, Genêt à balais, Biard (86)
Grand étendard (en haut), paire d'ailes (en bas sur les côtés) et carène (en bas au centre) de la fleur du Genêt à balais (Cytisus scoparius)

90% des membres de ce clan ont sur leurs racines de petites boules blanches (nodosités) qui logent des bactéries très utiles: ces dernières sont capables d'utiliser l'azote atmosphérique pour fabriquer des ressources qu'elles partagent volontiers avec la plante hôte. Ce partenariat assure un apport d'azote aux Fabacées en toute circonstances, quand bien même les ressources du sol feraient défaut... Bref, les Fabacées sont assises sur coffre à trésor bien rempli, au point qu'elles semblent à jamais à l'abri de la misère!

Luzerne d'Arabie, Medicago arabica, Poitiers Chilvert
Toute la richesse de la Luzerne d'Arabie (Medicago arabica) dans ses nodosités.
A quoi servent les amis riches s’ils ne mettent leurs richesses à votre disposition?
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

C'est pourquoi on retrouve dans leurs rangs de nombreux «engrais verts»: Trèfles (Trifolium spp), Luzernes (Medicago spp), Vesces (Vicia spp), Gesses (Lathyrus spp), mais aussi des stars du potager comme les Fèves, les Haricots ou les Pois... Autant de Sauvages ou de plantes domestiquées qui renferment leurs fruits dans des gousses (un fruit sec qui s'ouvre par deux fentes).

Vicia sativa, Vesce cultivée, Montamisé (86)
Gousses de la Vesce cultivée (Vicia sativa).

House Rosaceae, Sauvages du Poitou!

Les Rosacées (environ 250 espèces en France) sont une vaste famille, comptant dans leurs rangs des membres très éclectiques : des herbacées (comme les Fraisiers), en passant par les arbrisseaux (comme les Framboisiers, les Ronces...), jusqu’aux grands arbres (Pruniers, Pommiers, Poiriers, Cerisiers...). Malgré leurs différences, les Rosacées arborent certains airs de famille : leurs fleurs régulières sont bardées de nombreuses étamines et affichent souvent (ce n'est pas une règle absolue) cinq pétales et cinq sépales. Leurs feuilles alternes sont souvent composées ou dentées, généralement stipulées.

Geum urbanum, Benoîte urbaine, Poitiers bords de Boivre
Benoîte urbaine (Geum urbanum): 5 pétales, 5 sépales, des feuilles pennatiséquées, dentées et très nettement stipulées à la base du pétiole.
Et puis il y a les roses. Quel parfum délicat, les roses, n’est-ce pas? Surtout lorsqu’il y en a tant. Cinquante, soixante, soixante-dix mille roses... Je ne saurais vraiment dire combien il en reste, mais trop pour que je me soucie de les dénombrer, de toute façon.
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)
Le clan Rosacée fait preuve d'une indéfectible loyauté envers l'homme: cette famille fournit l'essentiel des fruits consommés en zone tempérée. La pomme est peut-être sa plus grande réussite (c'est le fruit le plus consommé au monde après les agrumes et la banane). Et puisque l’amour et les lois de l’attraction sont à l'origine de tout fruit, n’oublions pas la Rose, son indétrônable ambassadrice des parcs et des jardins, qui compte plus de 40.000 variétés!

Rosa canina, Rosier des chiens, Poitiers Mérigotte
Rosier des chiens (Rosa canina), un des rosiers «sauvages» les plus communs.

House Brassicaceae, Sauvages du Poitou!
Les gardes postés aux portes du château portaient des justaucorps de cuir et avaient pour emblème deux masses de guerre croisées sur une croix blanche en forme de X.
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Brassicacées (environ 250 espèces en France) sont loyales à leur emblème croisé: une fleur à quatre sépales et quatre pétales en croix (d'où leur ancien nom de Crucifères). Elles dressent généralement six étamines, quatre longues et deux courtes. Leurs fleurs sont majoritairement blanches ou jaunes, réunies en grappes. Leurs feuilles sont alternes ou réunies en rosette basale, jamais stipulées. Elles produisent des fruits secs qui s'ouvrent à maturité via quatre fentes pour libérer leur contenu (ovaire supère) : les siliques (ou silicules lorsque les fruits sont aussi larges que longs). Celles-ci peuvent arborer des formes géométriques diverses : d'épées chez la Giroflée des murailles (Erysimum cheiri), de bouclier chez la Monnaie-du-pape (Lunaria annua), de cœurs chez la Capselle bourse-à-pasteur (Capsella bursa pastoris)...

Monnaie du pape (Lunaria annua) et Giroflée des murailles (Erysimum cheiri)
Fleurs en croix et siliques: une poignée de pièces pour la Monnaie du pape (en haut) et une armée d'épées pour la Giroflée des murailles (en bas)!

On retrouve chez ce clan de nombreuses plantes cultivées dans les potagers: Choux, Colzas, Radis, Navets, Roquettes, Moutardes... Mais aussi d'autres Sauvages très serviables, comme la petite Arabette des dames (Arabidopsis thaliana), célèbre «souris verte» de laboratoire pour les chercheurs en biologie; ou le Pastel des teinturiers (Isatis tinctora), dont on peut tirer une teinture bleu et qui connait aujourd'hui un nouvel essor dans l'industrie textile.

Capsella bursa pastoris, Capselle bourse-à-pasteur, Saint Benoît (86)
Silicules «en cœur» de la Capselle Bourse à Pasteur

Je vous donne rendez vous lors du prochain épisode de notre feuilleton qui nous emmènera à la rencontre de six autres maisons prestigieuses... Botany is coming!

Game of thrones et botanique, les autres épisodes:
- Épisode 2: Apiaceae, Caryophyllaceae, Lamiaceae, Liliaceae, Ranunculaceae et Orchidaceae.
- Épisode 3: Boraginaceae, Rubiaceae, Campanulaceae, Amaranthaceae, Euphorbiaceae et Crassulaceae.
- Épisode 4: Polygonaceae, Geraniaceae, Papaveraceae, Malvaceae, Solanaceae et Plantaginaceae.

Et pour le plaisir, le grand fil rouge littéraire (et télévisé) de notre article...
- Le cycle fantasy Le Trône de fer par George R. R. Martin!
 

Origan commun, le philtre d'humour
Date 03/06/2016
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Origanum vulgare, Origan commun, Poitiers chemin de la Cagouillère

Origan commun, Poitiers chemin de la Cagouillère


Origanum vulgare (Origan commun ou Marjelène en poitevin-saintongeais) appartient à la grande famille Lamiaceae, dont les membres présentent des tiges à section carrée et des fleurs en forme de bouche (voir l'article complet sur le sujet pour la petite histoire).


Son nom vient des mots grecs Oros et Ganos, respectivement «montagne» et «éclat». Origanum vulgare est donc la «beauté des montagnes», et on se demande bien pourquoi, dans la mesure où le Sauvageon trouve probablement ses origines autour du bassin méditerranéen (il peut pousser jusqu'à 2000 mètres d'altitude).

- C’est marrant, j’aurais juré que les montagnes rocheuses étaient plus rocheuses que ça.

- Ouais, ils racontent vraiment n’importe quoi à la télé.

(Dumb & Dumber, Frères Farrelly)

Origanum vulgare, Origan commun, Poitiers chemin de la Cagouillère

Origan commun, Poitiers chemin de la Cagouillère


De ses origines méditerranéennes, Origanum vulgare a gardé le goût des sols rocheux, arides, des rocailles bien exposées au soleil. Un simple mur peut lui suffire. Il est vivace et coriace: il supporte des température jusqu'à -15°C l'hiver et ne connait quasiment ni maladies, ni prédateurs dans des conditions ordinaires (on peut tout de même citer les chenilles de l'Azuré du serpolet, voir plus bas).


Origanum vulgare, Origan commun, Poitiers chemin de la Cagouillère

Fleurs de l'Origan commun: quatre étamines saillantes (deux d'entre elles dépassent nettement au dessus des lèvres) se dressent depuis une corolle formée d'une lèvre supérieure plane et échancrée et d'une lèvre inférieure étalée et trilobée.


Les fleurs roses d'Origanum vulgare, très mellifères, apparaissent au cœur de l'été; elles sont visitées par les butineurs jusqu'en septembre.


Origanum vulgare, Origan commun, Poitiers Jardin des plantes

Feuilles de l'Origan commun: opposées, entières (ou vaguement denticulées), ovales ou elliptiques.


Origanum vulgare se récolte (et se consomme) comme le Thym: on fait sécher les parties aériennes de la plante (sans les racines) en bouquets, pendus la tête en bas, dans un local bien aéré. A vrai dire, en cuisine, Origanum vulgare a d'avantage d'odeur qu'il n'a de goût... L'Origan préconisé dans les recettes est généralement issu d'une autre Sauvage méditerranéenne, l'Origan marjolaine (Origanum majorana), cultivée chez nous comme une aromatique annuelle: une sudiste qui ne survit pas à l'humidité et au froid des hivers picto-charentais (mais réchauffement climatique oblige, les temps peuvent changer).


Pour profiter pleinement de la saveur d'Origanum vulgare, notre Origan sauvage et local, le mieux reste d'emprunter la recette du «thé solaire» au botaniste François Couplan: placer la plante dans une gamelle pleine d'eau et laisser quelques heures en plein soleil; dans ce mode d'infusion délicat (et poétique), les substances les plus volatiles seules sont extraites...


Tasse de thé solaire à l'Origan commun

Tasse de thé solaire à l'Origan commun: pas besoin de réchaud!


Origanum vulgare améliorerait le transit et soulagerait les troubles digestifs et intestinaux (ballonnements et flatulences). Jadis, il a été considéré comme un philtre d'amour: quelques feuilles jetées discrètement dans l'assiette de son (ou sa) bien-aimé(e) pouvant faire pencher son cœur du bon côté. Dans d’autres versions, il servait à assaisonner la nourriture des ouvriers agricoles au Moyen-âge, pour leur donner le sourire et de par là même du cœur à l’ouvrage; les nourrices allaitantes le consommaient pour mettre leur bébé de bonne humeur. Bref, l’Origan apporte à nos pizzas une note de soleil, mais peut-être aussi une touche d’amour et d’humour !


Origan commun, Sauvages du Poitou!



Le petit monde d'Origanum Vulgare


Un petit papillon de jour, l’Azuré du serpolet (Phengaris arion), se délecte lui aussi de la Sauvage, mais moins pour ses vertus digestives que pour se taper la cloche… Au début de l’été, la femelle pond ses œufs sur la corolle de la plante. La chenille naît un mois plus tard avant de s’enfoncer dans le bouton de la fleur pour s’y cacher. A l’issue de sa troisième mue, la chenille se laisse finalement tomber au sol et attend d’être récupérée par les fourmis (du genre Myrmica) qui l’embarquent jusque dans leur fourmilière. Le secret de notre petite chenille pour ne pas finir hachée en steak tartare par une paire de mandibules? Elle sécrète un miellat qui régale et nourrit les fourmis! Cette association tourne à la symbiose sur le principe: «Voilà un sucre d’orge; en échange, protège moi des parasites et des prédateurs!».

Phengaris arion, Azuré du serpolet, crédit photo: Springfield
Madame Azuré du serpolet en train de pondre sur les fleurs de l'Origan commun

Seulement voilà… La chenille établit sa cantine dans la fourmilière en dévorant œufs et couvain des propriétaires, en échange de ses douceurs qui tournent la tête aux fourmis. Mieux encore: les chenilles émettent des stridulations identiques à celles que produisent les fourmis entre elles pour communiquer. L'imitatrice ne se contente pas de copier le chant des ouvrières: elle se fait passer pour la reine, se hissant en haut de l’échelle sociale afin de bénéficier d’un traitement de faveur. La dévoreuse passe l’hiver dans la fourmilière, s’y métamorphose puis s’envole avant que ses hôtes ne découvrent le subterfuge.
- Je suis quasiment sûr que nous avons affaire à un serial killer.
- Un quoi ?
- Un tueur en série.
- Ah! Un serial killer!
( La cité de la peur, les Nuls)
A sa décharge, l’Azuré du serpolet est une espèce protégée qui se raréfie en France. Sa disparition est due à la nécessité pour le papillon de bénéficier dans son milieu tant de ses plantes hôtes (Origan commun ou Thym serpolet) que d’un nombre suffisant de fourmilières de Myrmica. En Poitou-Charentes, elle est considérée comme assez rare. Aussi, si vous la croisez, admirez la magie de son vol bleu, rapide et nerveux, et oubliez ses mœurs de hors-la-loi!

La recette de l'Azuré du Serpolet, Sauvages du Poitou!


Pour aller plus loin:

- Origanum vulgare sur Tela-botanica


Origanum vulgare, Origan commun, Ensoulesse (86)

Origan commun à la fin de l'été: les fleurs disparaissent peu à peu, reste le spectacle fascinant des bractées pourpres.

 

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