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Rue odorante, la mauvaise graine
Date 16/11/2016
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Ruta graveolens, Rue odorante, Poitiers chemin de la Cagouillère

Rue odorante, Poitiers chemin de la Cagouillère


Ruta graveolens (Rue odorante ou Rue fétide) appartient à un clan peu représenté sur le sol français (6 espèces sauvages), les Rutaceae. Une famille pourtant loin d'être anecdotique pour l'homme: du côté des tropiques, les rutacées comptent dans leurs rangs les célèbres citronniers (Citrus limon), orangers (Citrus sinensis) ou mandariniers (Citrus nobilis)...

Je viens du sud, et par tous les chemins, j'y reviens...

(Michel Sardou)

La Rue odorante est une vivace qui affectionne les sols secs, pauvres et calcaires, comme les garrigues du midi de la France. Un mur bien exposé peut suffire à ses tiges ligneuses. La Sauvage dresse ses corymbes de fleurs entre mai et juillet, offrant à l'observateur patient un spectacle étonnant: lentement, les étamines se redressent les unes après les autres pour féconder le pistil au centre de la fleur. En atteignant le centre, chaque étamine heurte l'étamine qui la précède dans ce manège amoureux, lui commandant de revenir à sa place... En somme, c'est un peu comme si les étamines battaient un tambour!


Ruta graveolens, Rue odorante, Poitiers chemin de la Cagouillère

Roulements de tambour sur les fleurs de la Rue odorante: 5 pétales et 5 sépales pour la fleur située au centre de l'inflorescence, 4 pétales et 4 sépales pour les autres.


Ruta graveolens, moitié Sauvage, moitié tambour!

Le feuillage persistant et charnu de la Rue odorante dégage une odeur forte et caractéristique, désagréable pour le commun des mortels. Gorgées d'une huile essentielle toxique (les glandes translucides peuvent s'observer par transparence), les feuilles peuvent causer des brûlures par simple contact si la peau est ensuite exposée au soleil. Dans le sud de la France à la belle saison, il arrive que les grimpeurs aux membre dénudés en fassent les frais à flanc de falaise.

La Sauvage n'est pourtant pas dénuée de qualités aromatiques; utilisée avec sagesse et parcimonie (gare, elle est toxique), elle sert parfois à assaisonner les sauces, les viandes, les boissons, ou rentre dans la composition de parfums.

Ruta graveolens, Rue odorante, Poitiers chemin de la Cagouillère

Feuilles glauques et pennatiséquées de la Rue odorante ... Qui s'y frotte s'y brûle!


Mais la Rue odoranteest surtout une médicinale célèbre, utilisée à des fins variées et contradictoires à travers l'histoire: antidote aux poisons, aux piqures d'araignées, de serpents, de scorpions, mais aussi contre les morsures de chiens enragés, remède désespéré contre la peste ou l'hypocondrie, aphrodisiaque, à moins que ce ne soit l'inverse (je vous invite à parcourir l'article truculent du site Books of Dante: Rue, herbe de grâce)...


Sa réputation la plus solide repose cependant sur ses qualités abortives. A tel point qu'on déconseillait jadis au femmes enceintes de frôler la plante, au risque de perdre leur enfant! La légende était délibérément exagérée: c'est une intoxication par ingestion qui peut mettre un terme à une grossesse, de par les violentes contractions abdominales qu'elle cause... Malheureusement, cette «Interruption Végétale de Grossesse» risque également de coûter la vie à celle qui tente la potion. C'est ainsi que Julia Titi, la fille de l'empereur romain Titus, passa de vie à trépas.

On a la coupable. Je ne vous l'ai pas présentée.
(RRRrrrr !!!, Alain Chabat)

C'est peut-être à cette faculté de provoquer un retour brutal des règles chez la femme que Ruta graveolens doit son nom, ruta dérivant de reô, «couler» en grec. Devenue la «Rue», parfois même l'«Herbe de la rue» (c'est donc elle), il n'en fallait pas moins à la Sauvage pour se tailler une réputation d'avorteuse et de mauvaise graine. Lors de l'installation de l'espace botanique au cœur du jardin des plantes à Paris, elle est mise sous cage pour éviter que les prostituées ne viennent la voler! Longtemps, la Sauvage est prescrite sous le manteau (ou plutôt sous la soutane) à des femmes désespérées...


Ruta graveolens, Rue odorante, Poitiers chemin de la Cagouillère

La Rue odorante ou Herbe de la rue, Herbe de grâce, Rue des chèvres, Rue domestique ou Rue des jardiniers...


Bref, la Rue odorante est un peu diablesse... Même s'il parait que la Sauvage a également le pouvoir de repousser les sorcières. En 1921, la France tente de mettre un terme à son usage délétère en instaurant une loi qui interdit sa culture dans les jardins. La répression fut sans doute efficace, car de nos jours, la Rue fétide est très loin de courir les rues (manquer ce jeu de mot eût été blasphématoire).


Dans son inventaire (Les plantes sauvages et leurs milieux en Poitou Charentes), le botaniste Yves Baron ne déniche que quelques rares pieds spontanés dans le Poitou: à Bonnes (86), Mondion (86) et Poitiers. Mais ils se sont peut-être échappés des habitations alentour. A l'état indigène, c'est à dire non introduit par l'homme, la Rue odorante est devenue une espèce exceptionnellement rare dans tout le pays.


Ruta graveolens, Rue odorante, Poitiers chemin de la Cagouillère

Les fruits (capsules) de la Rue odorante, Poitiers


Pourtant, cette espèce ne vous est certainement pas inconnue: maintenant que la Loi Veil protège les femmes des pratiques clandestines, la Sauvage peut enfin laisser derrière elle ses vieilles casseroles et faire son retour sur les étals des jardineries. Il y a peu, je croisais dans les rayons d'un supermarché quelques pieds de Rue odorante en godets. Au dessus, un panneau flanqué du slogan «Herbe repousse chat» aguichait les jardiniers agacés par les félins qui grattent leurs semis; car il parait que les chats (qui sont un peu sorciers, mais aussi les rats, les vipères, les puces, les pucerons, que sais-je encore...) détestent l'odeur de la Sauvage. A chaque époque, ses peurs: si l'on plantait jadis la Rue odorante pour se prémunir des magiciennes et du mauvais œil, on la plante aujourd'hui pour repousser les bestioles en tout genre, effrayantes ambassadrices de la non moins effrayante biodiversité!


Pour aller plus loin:

- Ruta graveolens sur Tela botanica

 

Familles de la flore française (Game of thrones et botanique, épisode 3)
Date 29/10/2016
Ico Initiation à la botanique joyeuse!

Cet article fait suite à deux épisodes déjà publiés, consacrés aux grandes familles en botanique. Nous avions croisé dans le premier les prestigieuses lignées Asterceae, Poaceae, Fabaceae, Rosaceae et Brassicaceae. Le second nous avait présenté les clans Apiaceae, Caryophyllaceae, Lamiaceae, Liliaceae, Ranunculaceae et Orchidaceae. Le feuilleton continue, avec six nouvelles familles plus modestes en terme d’espèces présentes sur le sol français, mais tout aussi remarquables de par leurs spécificités...


House Boraginaceae, Sauvages du Poitou!

Une barbe monumentale le couvrait des pommettes aux cuisses, tant et si bien qu’on pouvait difficilement dire où s’achevait le poil et où débutait la fourrure.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Boraginacées (une centaine d’espèces en France) présentent généralement des tiges et des feuilles simples, entières, alternes, recouvertes de poils raides (un bon moyen de défense contre les escargots et les limaces). Leur nom viendrait du latin burra, la «burre», une étoffe en laine rêche et grossière qui habillait les moines. Leurs fleurs à cinq pétales et cinq sépales (parfois irrégulières comme chez la Vipérine) arborent souvent un bleu céleste. L’inflorescence peut former une «queue de scorpion» (cyme scorpioïde). Leurs fruits sont des tétrakènes (ovaire supère).


Borrago officinalis, Bourrache officinale, Poitiers bords de Clain
Étoile bleue sur fond de poils de la Bourrache officinale.


C'est la clan de la Bourrache officinale (Borrago officinalis), symbole ancestral du courage, de la généreuse Consoude (Symphytum officinale), mais aussi des Myosotis (Myosotis sp), qui font office de bardes délicats dans cette fratrie de poilus au grand cœur!


Myosotis arvensis, Myosotis des champs, Poitiers

Inflorescences en «queue de scorpion» du Myosotis des champs.


House Rubiaceae, Sauvages du Poitou!

En fait d’objets de valeur, je ne possède rien d’autre qu'une couronne.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Rubiacées (environ 75 espèces en France) se démarquent de par leurs feuilles souvent verticillées (disposées en couronne ou en étoile) autour d’une tige à section carrée. Leurs fleurs sont généralement discrètes, régulières, à quatre ou cinq pétales. Leurs fruits sont une paire d’akènes, souvent hérissés (sauf ceux des Garances, Rubia spp, qui sont des baies).


Rubia peregrina, Garance voyageuse, Poitiers bords de Boivre

Feuilles coriaces, agrippantes et verticillées de la Garance voyageuse.


Les Rubiacées comptent dans leurs rangs des membres exotiques très célèbres: les Caféiers (Coffea sp). Ces derniers sont bien trop capricieux pour pouvoir tolérer les saisons françaises... Dommage pour nous, mais notez que les petits fruits du Gaillet gratteron (Galium aparine) grillés à sec, écrasés et finalement mis à bouillir dans de l'eau fournissent un excellent succédané de café... Un goût de famille?


Café de Gaillet gratteron, une recette Sauvages du Poitou!

Gaillet gratteron: le café à la française!


House Campanulaceae, Sauvages du Poitou!

Une douzaine de clochettes tintaient pour peu qu’il bougeât... C’est-à-dire en permanence, car il ne tenait guère en place.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Campanulacées (64 espèces en France) se distinguent par leurs fleurs à cinq pétales soudés, dont la corolle forme souvent une cloche: campanula est la «clochette» en latin. Leur tige renferme généralement un latex. C'est le clan des nombreuses Campanules (Campanula spp), difficiles à différencier (et pourtant, chaque cloche à son ton!), ou encore celui des Raiponces (Phyteuma spp).


Campanula portenschlagiana, Campanule des purailles, Poitiers Chilvert

Les clochettes du Campanule des murailles (Campanula portenschlagiana).


House Amaranthaceae, Sauvages du Poitou!


Dans la classification récente, les Amaranthacées intègrent dans leurs rangs l'ensemble des Chenopodiacées. On retiendra ces tendances suivantes pour ces deux familles réunies sous une seule et même bannière (environ 60 espèces en France): leurs fleurs minuscules sont souvent verdâtres ou rougeâtres, avec un périanthe herbacé, sec ou membraneux. Amarantos en grec signifie «qui ne flétrit pas»: même cueillies, leurs fleurs ne risquent guère de faner. Leurs feuilles sont généralement entières, pointues (elles dessinent souvent des flèches ou des hallebardes) et longuement pétiolées. Nombre d'entre elles affectionnent les terrains salés ou les sols riches en azote (amendements, pollutions, dépotoirs…), ce qui en fait des locataires privilégiées des côtes, des rivages ou des lieux habités par l'homme.
Les bras costauds gouvernent ce monde: hors de cela, tu te goberges d’illusions.
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

C'est le clan des Chénopodes, des Arroches ou des Amarantes... Des végétaux riches, souvent bons pour la soupe ; on ne s'étonnera donc pas de trouver dans ce clan de nombreuses espèces potagères, cultivées pour leurs racines, leurs feuilles ou leurs graines, comme les betteraves, les bettes, les quinoas ou les célèbres épinards de Popeye (très fournis en vitamines et en minéraux).


Amaranthus deflexus, Amarante couchée, Poitiers quartier gare

Minuscules fleurs vertes en panicule de l'Amarante couchée (Amaranthus deflexus), indétrônable bodybuildeuse du macadam et des trottoirs!


House Euphorbiaceae, Sauvages du Poitou!

- Comment, alors?

- Par le seul autre moyen: la magie!

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Euphorbia lathyris, Euphorbe épurge - latex

Latex de l'Euphorbe épurge (Euphorbia lathyris)


Les Euphorbiacées (une soixantaine d’espèces en France) sont principalement représentées par les Euphorbes. Celles-ci se distinguent par leurs feuilles simples, par le suc laiteux nommé latex contenu dans leur tige et par l'originalité de leurs «fausses» fleurs (en fait une inflorescence complexe) souvent vertes ou jaunâtres, dénuées de pétales et organisées en ombelles. Les latex des Euphorbes sont généralement toxiques et irritants par simple contact cutané. Mais ils intéressent la médecine ou l'industrie pour les secrets qu'ils renferment, comme celui de l'Hévéa (Hevea brasiliensis), une Euphorbiacée d'Amazonie, à partir duquel on fabrique le caoutchouc. C'est d'ailleurs à un médecin, Euphorbus (Grèce, 40-19 av. J.-C.), que cette famille emprunte son nom. Ce clan est aussi celui des Mercuriales, des herbacées dépourvues de latex très différentes des Euphorbes.


Euphorbia hiberna, Euphorbia cyparissias, Euphorbia helioscopia

De gauche à droite: Euphorbe d'Irlande (Euphorbia hiberna), Euphorbe petit-cyprès (Euphorbia cyparissias) et Euphorbe réveil matin (Euphorbia helioscopia).


House Crassulaceae, Sauvages du Poitou!


Les Crassulacées (50 espèces en France) sont des végétaux glabres, à feuilles ou à tiges charnues. Leurs feuilles sont généralement simples, entières, sessiles ou munies d'un court pétiole. Leurs fleurs peuvent présenter des aspect variés, mais arbore souvent 5 pétales et 5 sépales. C'est le clan des nombreux Sédums (Sedum spp), délicats à différencier, mais aussi celui des Joubarbes (Sempervivum spp) ou du célèbre Nombril de Vénus (Umbilicus rupestris).


Umbilicus rupestris, Nombril de Vénus, Laval (53)

Feuilles ronds et charnues du Nombril de Vénus.

Je serai bientôt grosse, je vous le promets. J’en prie la Mère d’En-Haut, tous les soirs.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

On désigne souvent les membres de ce clan comme étant des plantes «grasses», «succulentes» ou «crassulescentes»; trois synonymes pour exprimer leurs vertes rondeurs (crassus signifie «épais» en latin). Leurs organes enflés et gorgés de suc assurent leur survie en situation misérable ou aride; c'est pourquoi elles colonisent les lieux misérables, souvent bien exposés: rochers, sables, murs ou toits. A travers le monde, les Crassulacées font parties des championnes de la survie en milieu hostile.


Sedum album, Orpin blanc, Poitiers sous Blossac

Orpin blanc (Sedum album)


Ainsi se termine notre tour d'horizon des principales familles en botanique pour le territoire français. Vous vous en doutez, ce n'est que la face émergée de l'iceberg: les clans des Sauvages sont très nombreux, bigarrés, fascinants de par leurs coutumes, même lorsque qu'il ne sont composés que par un unique membre (comme le clan Aquifoliaceae dont le seul représentant en France est le Houx, Ilex aquifolium). De quoi nourrir l'inspiration pour une prochaine saison?


Game of thrones et botanique, les autres épisodes:

- Épisode 1: Asterceae, Poaceae, Fabaceae, Rosaceae et Brassicaceae.

- Épisode 2: Apiaceae, Caryophyllaceae, Lamiaceae, Liliaceae, Ranunculaceae et Orchidaceae.

- Épisode 4: Polygonaceae, Geraniaceae, Papaveraceae, Malvaceae, Solanaceae et Plantaginaceae.


Et pour le plaisir, le fil rouge de notre article...

- Le cycle fantasy Le Trône de fer par George R. R. Martin!

 

Laitue scariole, moitié salade, moitié boussole
Date 22/08/2016
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Lactuca serriola, Laitue scariole, Poitiers quartier gare

Laitue scariole, Poitiers quartier gare


Lactuca serriola (Laitue scariole) appartient au clan Asteraceae. Les membres de cette famille optimisent leur reproduction en regroupant leurs minuscules fleurs en une seule inflorescence nommée capitule (comme les Pissenlits, les Pâquerettes, les Laiterons, les Picrides, etc.).


Lactuca serriola, Laitue scariole, Poitiers quartier gare

Capitule de la Laitue scariole, Poitiers quartier gare


La Laitue scariole est une bisanuelle nitratophile. Elle fait d'ailleurs partie du top 10 des Sauvages les plus observées dans nos cités (source: Sauvages de ma rue), à cause de son attirance pour les sols fortement azoté (pollution automobile ou amendements excessifs des cultures).


Si les Asteraceae à fleur jaune, de type «pissenlit», sont délicates à différencier les unes des autres (c'est un des premiers défis pour les apprentis botanistes en milieu urbain), la Laitue scariole cache sous ses feuilles une signature qui peut nous mettre sur la voie: le revers de la nervure médiane est hérissé d'une ligne plus ou moins épineuse, telle la crête d'un iroquois du macadam!

-Je suis le plus vieux punk à chien d'Europe... Et croyez moi: c'est pas évident.

(Le grand soir, Benoît Delépine et Gustave Kervern)

Lactuca serriola, Laitue scariole, Plateau de Thorus (86)

Punk is not dead sous les feuilles de la Laitue scariole!


Deux espèces urbaines sont très proche, prêtant à confusion: la Laitue scariole (Lactuca serriola) et une autre «salade» sauvage, la Laitue vireuse (Lactuca virosa), dont les feuilles tirent légèrement vers le bleu et dégagent une odeur forte lorsque froissées entre les mains.


Lactuca virosa, Laitue vireuse, Poitiers bords de Boivre

Feuilles bleutées de la Laitue vireuse, Poitiers bords de Boivre


Les deux fausses jumelles présentent des feuilles polymorphes (entières à très découpées) et sont tout à fait capables d'échanger certains de leurs aspects en s'hybridant entre elles... Bref, on a une chance sur deux de se tromper en les identifiant, et donc une chance sur deux d'avoir raison! Les plus exigeants examineront les akènes mûrs à l'aide d'une loupe: ceux-ci sont sombres et possèdent une marge saillante chez L.virosa, alors qu’ils sont gris-bruns, ciliés sur le dessus et dépourvus de marge chez L.serriola.


Lactuca virosa, Laitue vireuse, Poitiers bords de Boivre Lactuca serriola, Laitue scariole, Poitiers quartier gare

Akènes de la Laitue vireuse (gauche) versus Laitue scariole (droite).


Une autre caractéristique, peu banale, peut faire infléchir notre intuition du bon côté: La Laitue scariole est à moitié plante... Et à moitié boussole! Surnommé «Laitue boussole» par certains auteurs, elle a tendance à tourner le limbe de ses feuilles supérieures à la verticale, sur un plan est-ouest (le phénomène est moins spectaculaire chez la Laitue vireuse). L'astuce ne fonctionne que si la Sauvage bénéficie d'une bonne exposition: c'est pour réduire les risques de brûlure (ou au moins d'évaporation) que les feuilles se tordent jusqu'à disposer leur pointe en face de l'axe nord-sud. La Laitue scariole évite ainsi le coup de soleil, préférant offrir ses limbes au soleil levant ou au couchant, moins agressifs qu'une exposition plein sud.


Lactuca serriola, Laitue scariole, Poitiers bords de Boivre

Laitue GPS: dans un mètre, tournez à gauche!


Pour le promeneur égaré, cela signifie (en théorie) que le bout des feuilles de la Laitue scariole indique le nord ou le sud. Reste à observer la végétation autour des arbres et des murs, qui signerait la fraicheur au nord ou l’aridité au sud. Comme la pratique m'intéresse d'avantage que la théorie, j'ai testé pour vous cette authentique méthode indienne: armé du livret «Poitiers et ses environs à pied et en VTT» (un guide local que je vous recommande si vous aimez vous perdre), j'ai suivi les instructions jusqu'à l'égarement. Là, au milieu des champs à perte de vue, j'ai compté sur la Laitue scariole seule pour orienter ma carte et me ramener à mon point de départ... Et me suis définitivement perdu! Bref, mieux vaut se munir d'une vraie boussole avant de partir à l'aventure. Je salue au passage la randonneuse (et son smartphone équipé d'un GPS) qui m'a secouru, me permettant de rentrer chez moi avant la nuit: «n'est pas indien qui veut», m'a-t-elle dit.


Lactuca serriola, la boussole! Sauvages du Poitou


Si les jeunes pousses des Laitues «sauvages» sont comestibles, leur amertume vous dissuadera peut-être de les inscrire au menu. Les plants adultes deviennent coriaces, épineux, gluants, franchement amers et dégagent une odeur peu amène. Bref, on est loin des tendres et délicieuses laitues pommées de nos marchés. Et pourtant...


Lactuca serriola, Laitue scariole, Poitiers quartier Chilvert

Jeune rosette de la Laitue scariole, la grand mère des laitues au potager.


Toutes les Laitues cultivées par les jardiniers (pommées, batavias, romaines, à couper...) ont sélectionnées à partir de plusieurs espèces de Lactuca sauvages, à commencer par Lactuca serriola. Et c'est là l'occasion d'insister une nouvelle fois sur l'importance de nos herbes folles qui constituent au bord des routes, dans les friches, les jardins, les forêts, un réservoir génétique inégalable pour l'homme (tant pour l'alimentation que pour la médecine).


Les Laitues sauvages recèlent d'ailleurs une autre surprise: le latex visqueux qui coule dans leurs tiges possèdent des qualités narcotiques. De nos deux Sauvages, c'est surtout la Laitue vireuse qui est connue depuis l'antiquité pour ses propriétés hypnotiques. Elle était cultivée autrefois pour produire un substitut (non opiacé) à l'opium: le lactucarium. L'usage medical du lactucarium semble plus ou moins abandonné à ce jour, sans doute à cause d'une efficacité de très loin inférieure au puissant opium. Mais une nouvelle fois, les Sauvages nous offrent leur précieuse leçon: toutes les grandes inventions prennent source dans la nature, et tout reste encore à découvrir. Alors qui sait, la prochaine révolution agricole ou médicale viendra peut-être d'une Sauvage anodine, plantée juste devant notre porte... Il convient de rester humble devant ce patrimoine, et surtout de protéger son ampleur et sa diversité.


Hecatera dysodea, Noctuelle dysodée, Poitiers quartier Chilvert

Les Laitues sauvages sont importantes pour nombre d’espèces (et pas seulement l'homme), comme la superbe Noctuelle dysodée (Hecatera dysodea), dont les chenilles raffolent des Lactuca.



Pour aller plus loin:

- Norb raconte la Laitue scariole au micro de France Bleu Poitou

- Lactuca serriola: identification assistée par ordinateur

- Lactuca serriola sur Tela-botanica

- Lactuta virosa sur Tela-botanica


Lactuca muralis, Laitue des murailles, Poitiers sous Blossac

Une autre Laitue citadine qui s'installe près ou sur les vieux murs ombragés, qu'on identifiera facilement avec ses minuscules capitules à 5 fleurons ligulés seulement (5 pétales en quelque sorte): la Laitue des murailles (Lactuca muralis).


Lactuca saligna, Laitue à feuilles de saule, Poitiers sous Blossac

Tout aussi citadine, mais plus confidentielle: la Laitue à feuilles de saule (Lactuca saligna) dont les feuilles caulinaires sont étroites, lancéolées et nettement hastées.


Lactuca perennis, Laitue vivace, Chezeau (86) Lactuca perennis, Laitue vivace, Chezeau (86)

Enfin, la trop rare Laitue vivace (Lactuca perennis), une espèce déterminante pour tout le Poitou, à ne pas confondre avec la Chicorée amère (la Laitue vivace a des feuilles profondément pennatipartites).

 

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