Ico Liste des Sauvages par noms
Ico Retrouver une Sauvage par l'image
Ico Initiation à la botanique joyeuse!
Ico Villes, chemins & terrains vagues
Ico Prairies
Ico Haies & forêts
Ico Murs et rocailles
Ico Zone humide
Ico Grand banditisme (invasives)
Ico Bestioles
Ico Rencontres et billets d'humeur

Résultat de votre recherche


1 ... 7 8 9 10 11 ... 23
Drave de printemps: la prophétie des beaux jours
Date 09/03/2017
Ico Murs et rocailles

Draba verna, Drave de printemps, Poitiers quartier Chilvert

Drave de printemps, Poitiers quartier Chilvert


Draba verna (Drave de printemps) appartient à la famille Brassicaceae (ex Crucifères), dont les membres présentent des fleurs à quatre pétales «en croix». En la croisant sur le trottoir, on pensera immédiatement à ses sœurs les plus urbaines: Cardamine hérissée (Cardamine hirsuta), Capselle bourse à Pasteur (Capsella bursa-pastoris) ou Arabette des dames (Arabidopsis thaliana)...


Hirondelle, Drave de printemps, Spring is coming!

- À quand le printemps a votre avis?

- Je le prédis pour le 21 Mars.

- Ha ha, oui, ça serait chouette!

(Un Jour sans fin, Harold Ramis)

Draba verna est aux vieux murs, aux pelouses rases et aux trottoirs ce que les hirondelles sont au ciel: l'annonciatrice du retour du printemps. Ses grappes de fleurs éphémères s'observent entre la fin de l'hiver et le mois d'avril. Mais cette prophète des beaux jours reste bien discrète et on risque fort de lui marcher dessus avant que de l'entendre: Draba verna est une des Sauvages les plus précoces de nos villes, mais aussi une des plus petites (une dizaine de centimètres pour les spécimens les plus costauds)!


Draba verna, Drave de printemps, Poitiers bords de Boivre

Drave party sur les gravillons ! (Drave de Printemps, Poitiers bords de Boivre)


Un examen superficiel pourrait laisser penser que les minuscules fleurs blanches de Draba verna affichent huit pétales. Il n'en est rien: la Sauvage fait honneur aux armoiries de son clan en brandissant quatre pétales seulement, mais si profondément échancrés qu'ils semblent doublés. Reste à attendre une éclaircie pour observer ses atouts, les fleurs ne s'ouvrant qu'en présence d'un ciel lumineux et sans nuages.


Draba verna, Drave de printemps, Poitiers Rochers du Porteau

Fruits ovales et fleurs de la Drave de Printemps: 4 pétales profondément échancrés, 6 étamines autour du pistil au centre.


Draba verna réserve souvent des surprises à ses observateurs. Polymorphe, la belle présente des variations (pilosité, taille des fleurs...) d'une localité à une autre, pouvant laisser croire aux botanistes les plus aguerris qu'ils viennent peut-être de dénicher le Saint Graal du macadam: une nouvelle espèce! Le piège est redoutable même sous les microscopes, certaines populations pouvant afficher leurs différences jusque dans le décompte de leurs chromosomes.


Draba verna, Drave de printemps, Poitiers Chilvert

Feuilles spatulées de la Drave de printemps en rosette (jamais de feuilles caulinaires).


Il faut dire que la Sauvage dispose de peu de temps pour tenter de se reproduire, l'univers minéral qu'elle fréquente devenant un enfer aride dès la fin de sa première saison. Annuelle trop précoce pour pouvoir compter sur les butineurs, Draba verna est une Sauvages autogame qui assure toute seule sa pollinisation en un temps record (la plante est capable de se féconder elle même). Ses parties aériennes disparaitront complètement avant l'arrivée de l'été.


La variabilité de ses populations repose plus sur d'éventuelles mutations que sur le brassage génétique entre individus, ce qui peut expliquer pourquoi ses populations semblent «fixer» localement leurs spécificités avec le temps, telles de nouvelles espèces (les mutations pertinentes vis-à-vis du milieu risquant moins de se diluer au fil des générations que dans le jeu des croisements).

La mutation, c’est la clé de notre évolution. C’est elle qui nous a mené de l’état de simple cellule à l’espèce dominante sur notre planète!

(X-Men, Bryan Singe)

Alexis Jordan, botaniste lyonnais du 19ème siècle, collectionna dans son jardin des spécimens de Draba verna issus d'horizons variés. Après 30 années de culture, il dénombrait pas moins de 200 groupes différents pouvant répondre à la définition d’espèce (des groupes d'individus interféconds entre eux et morphologiquement proche mais peu enclins à se reproduire avec les membres des autres groupes). Nul doute que la Sauvage n'a pas fini d'alimenter les débats universitaires et botaniques.


Mais plutôt que de couper les tiges en quatre, retenons que chaque plante est unique et mérite qu'on lui prête notre attention!


Chaque Sauvage est unique! Sauvages du Poitou


Draba verna, Drave de printemps, Poitiers Chilvert

Les fruits (siliques courtes ou «silicules») de la Drave de printemps, guère plus impressionnants que les capsules d'une mousse! Le vent se chargera de disperser les minuscules graines...


Malgré sa discrétion, Draba verna est bien présente sur les cinq continents habités. Nommée Whitlowgrass par les anglophones à cause des adorables tapis formés par ses colonies (littéralement «la petite herbe blanche»), la Sauvage chante le printemps dans toutes les langues, tout autour du globe.


Draba muralis, Drave des murailles, Poitiers quartier Chilvert

Une autre Drave qui fréquente les lieux secs, les rochers et les trottoirs, la Drave des murailles (Draba muralis). Elle se distingue avec ses feuilles dentées, les caulinaires embrassant la tige avec leurs oreillettes arrondies.

Pour aller plus loin:

- Draba verna: identification assistée par ordinateur

- Draba verna sur Tela-botanica

- La théorie de la mutation et les travaux d'Alexis Jordan par Hector Lebrun

- Draba muralis sur Tela-Botanica


Draba verna par Marie Corneille,1889

Drave de Printemps représentée à l'échelle par Marie Corneille, artiste et botaniste des Deux-Sèvres (1889)... Un travail de fourmi! Une planche dénichée parmi les trésors du Fonds ancien de la bibliothèque universitaire de Poitiers.


Le printemps, c'est maintenant avec Sauvages du Poitou!

 

Petite Pervenche, la madeleine de Rousseau
Date 27/02/2017
Ico Haies & forêts

Vinca minor, Petite Pervenche, Poitiers bords de Boivre

Petite Pervenche, Biard (86) bords de Boivre


Vinca minor (Petite pervenche, Violette de serpent ou Feuilles-douces en poitevin-saintongeais) appartient au clan cosmopolite Apocynaceae, dont certains membres connaissent un franc succès dans les jardins et serres d'ornement: Laurier rose (Nerium oleander), Frangipaniers (Plumeria sp.) et autres Roses du désert (Adenium obesum)... La Petite Pervenche n'est pas en reste: le tapis de son feuillage persistant est un grand classique des massifs ombragés. Elle doit d'ailleurs son nom triomphant (Vinco est «vaincre» en latin) à ses feuilles toujours vertes, quelle que soit la saison.

La victoire appartient à celui qui y croit le plus et surtout le plus longtemps.

(Pearl Harbor, Michael Bay)

Vinca minor, Petite Pervenche, Ligugé (86)

La Petite Pervenche dresse ses feuilles glabres, coriaces et luisantes.


Devant sa floraison précoce et printanière, un ami me confia un jour que la belle ressemblait plus à «une gentille fleur de grand-mère» qu'à une hors-la-loi du Grand Ouest. L'aura de tendresse de Vinca minor évoque pour beaucoup les jardins fleuris de l'enfance. Dans ses Confessions, Jean-Jacques Rousseau en fait même sa «madeleine de Proust» avant l'heure, la Sauvage lui évoquant le souvenir de ses toutes premières leçons de botanique prodiguées par Madame de Warens, sa tutrice:

"Trente ans se sont passés sans que j'aie revu de la Pervenche, ou que j'y aie fait attention. En 1764 (...), nous montions une petite montagne (...). Je commençais alors d'herboriser un peu. En montant et regardant parmi les buissons je pousse un cri de joie! Ah voilà de la pervenche! Et c'en étoit en effet."

La Pervenche de Rousseau, Sauvages du Poitou!


En milieu naturel, les colonies de notre «gentille» Sauvage peuvent marquer les lieux autrefois habités par l'homme: Vinca minor est une plante intéressante pour les archéologues en herbe (à l'image de la Mélisse officinale), indiquant à l'occasion l'emplacement d'anciens sites gaulois ou mérovingiens. Il faut dire qu'une fois installée quelque part, Vinca minor peut subsister pendant des siècles: vivace très rustique, elle drageonne efficacement et ses longues tiges rampantes (jusqu'à 2m de longueur) marcottent naturellement. En milieu forestier, la Sauvage ne compte guère que sur la reproduction végétative, sa floraison restant timide et sa fructification rare. Elle profitera de lumière dégagée lors des coupes de bois pour s'exprimer plus ostensiblement.


Pourtant, sur les sols frais et riches en humus, ses feuilles coriaces peuvent former de vastes tapis en toute saison qui n'ont rien à envier à ceux du Lierre grimpant, c'est dire! Dans son Encyclopédie des plantes bio-indicatrices (vol. 3), Gérard Ducerf remarque:

"Elle peut subsister très longtemps, des années, des siècle, là où elle a été plantée, sans jamais devenir envahissante."

Loin de moi l'idée de contredire les travaux du botaniste, ni de traiter d'envahissante notre tendre fleur, mais force est de constater que la Sauvage peut coloniser à elle seule des zones très étendues! Même si elle n'a rien d'une conquérante: ses faibles capacités de reproduction sexuée n'aident pas à la dispersion de ses colonies en sous bois et les jardiniers parviennent sans trop de peine à freiner ses ardeurs dans leurs massifs.


Vinca minor, Petite Pervenche, Poitiers bords de Boivre

Petite Pervenche à perte de vue!

Elle a les yeux bleus comme du canard WC.

(Les Beaux Gosses, Riad Sattouf)

On croise le plus souvent deux Pervenches très proches l'une de l'autre, la petite et la grande. Si la Petite Pervenche (Vinca minor) recherche la fraîcheur sous-bois, la Grande Pervenche (Vinca major) supporte d'avantage les terres sèches et les rayons du soleil. La Grande Pervenche présentent des fleurs et des feuilles un peu plus larges. C'est leur calice qui nous permettra de différencier les deux sœurs avec assurance: les sépales sont courts chez la Petite Pervenche, longs chez la Grande Pervenche.


Vinca minor, Petite Pervenche, Poitiers bords de Boivre Vinca major, Grande Pervenche, Poitiers bords de Boivre

Sépales courts pour la Petite Pervenche (à gauche), longs pour la Grande Pervenche (à droite)


Comme le Laurier rose (Nerium oleander), son cousin domestiqué, Vinca minor est toxique de par les alcaloïdes présents dans ses feuilles. La Sauvage, alors plus connue sous le nom de «Violette de sorciers», n'en fut pas moins recherchée par le passé: elle entrait dans la composition des philtres d'amour au Moyen-âge (la faute à ses longues tiges en lasso qui «attachent» les amoureux?), puis fut pendant longtemps prescrite dans le traitement des maladies pulmonaires. Entre des mains expertes, Vinca minor est utilisée de nos jours dans le traitement de troubles neurologiques, la vincamine extraite des ses feuilles permettant de favoriser l’oxygénation et l'afflux sanguin au cerveau.


Retenons enfin que la Petite Pervenche fut longtemps liée aux rites funéraires: les lianes de la «Violette des morts» (un autre de ses surnoms) couronnaient les défunts ou décoraient les tombes au Moyen-âge... Qui sait, la Sauvage exprimait peut-être déjà de tendres souvenirs, telle une boite de «madeleines de Rousseau» déposée sur la sépulture d'un être cher?


Pour aller plus loin:

- Identification assistée par ordinateur

- Vinca minor sur Tela-botanica

- Usage médical de la Petite Pervenche à travers l'histoire sur le blog Books of Dante

 

Le grand voyage des Sauvages... En chanson!
Date 07/02/2017
Ico Initiation à la botanique joyeuse!

Le grand voyage des Sauvages avec Sauvages du Poitou!


Au premier abord, le mouvement semble différencier le règne végétal du règne animal: la plante reste «plantée» pendant que l'animal se promène. Pourtant, les Sauvages aussi ont le goût du voyage. Vous l'avez sans doute remarqué: aussitôt chassée du jardin, la «mauvaise herbe» revient. Mieux encore, voilà que pousse devant notre porte une Sauvage qui n'était pas là l'année précédente. Mais par où la vagabonde est-elle entrée?


La stratégie des Sauvages est double. Premièrement, il s'agit d'emmagasiner un maximum de générations futures sous terre. Les graines attendent leur heure, parfois des années durant (on appelle cette capacité à veiller en attendant le retour de conditions favorables la dormance). Le sol est une gigantesque banque de semences en train de roupiller. C'est pourquoi certains jardiniers pratiquent le «faux semis» avant de planter leurs rangs de légumes: ils grattent la terre en surface quelques semaines avant le démarrage des cultures, puis attendent en embuscade, binette à la main... Les pionnières ne tardent pas à jaillir du sol brassé, révélant le potentiel du terrain (voir notre article sur le petit jardin du hasard et les plantes pionnières).


Deuxièmement, les Sauvages cherchent à envoyer leur progéniture vers d'autres horizons afin de conquérir de nouveaux territoires. Faute de pouvoir escorter leurs petits elles-mêmes, les plantes s'en remettent à autrui, comme elles s'en remettent déjà au vent et aux butineurs pour assurer leur reproduction. C'est l'histoire de cet incroyable voyage qui nous intéresse aujourd'hui.


Solanum lycopersicum, un pied sauvage de Tomate en plein centre ville! Poitiers

Un pied spontané de Tomate (Solanum lycopersicum) à même le macadam, en plein centre-ville... Diable, d'où vient-il?!


Parce que l'amour des fleurs nous entraine toujours plus loin, c'est en chanson que se poursuit la leçon du jour, avec le petit orchestre éphémère de Sauvages du Poitou (composé pour l'occasion de Claude «Papé» à l'accordéon et de votre serviteur à la guitare et au chant). Si tout le monde a trouvé son (ou sa) cavalier(ère), entamons le premier couplet de cette histoire. 1,2,3...


Un Coquelicot bien établi,

Né sous le signe de la barochorie,

Se plaint un jour de voir tomber

Toutes ses graines sur ses pieds...

"Les fleurs aussi rêvent d'étoiles,

Si je pouvais, j'mettrais les voiles!"

La barochorie, c'est l'art de s'en remettre à la gravité (baros est la pesanteur en grec). Telle la pomme qui tombe sur la tête de Newton, le fruit tombe simplement au sol. La technique est facile à mettre en œuvre (donc peu couteuse en ressources), mais promet rarement de grands voyages, à moins de vivre sur une pente. D'un autre côté, on est jamais mieux que chez soi, sur un terrain déjà connu et propice. Enfin, le principal avantage, c'est qu'on peut toujours compter sur la gravité!


Barochorie chez les végétaux, Sauvages du Poitou!

"Voler je sais, dit Pissenlit,

J'suis docteur ès anémochorie,

Seulement la Lune, n'y compte pas:

Le vent choisit seul où il va...

Et comme personne ne pousse en l'air,

Si je pouvais, j'irais sous terre!"

La plante anémochore est experte dans l'art de tisser des voiles sur le dos de sa descendance, puisque c'est le vent qui assure le voyage (anemos est le vent en grec). Petits parachutes (aigrettes) pour les Astéracées (Pissenlits, Picrides, Laiterons, Laitues...), hélicoptères miniatures (samares) pour les Érables... Tous les moyens sont bons pour voler, de quelques mètres seulement jusqu’à des centaines de kilomètres. Mais il faut être taillée pour l'aventure, parce qu'avec le vent, la destination peut devenir très aléatoire.


Samare de l'Érable (Acer sp), Poitiers Chilvert

On s'marre avec les samares de l’Érable (Acer sp)!

"Violette dit: myrmécochorie,

Comprenez à dos de fourmis,

C'est sûr on s'enfonce de suite,

Mais les fourmis creusent bien trop vite...

Comme les fleurs pointent vers le ciel,

J'préférerais un dos d'hirondelle!"

La myrmécochorie est une agence de voyage spécialisée dans le trek à dos de fourmis (myrmex est la fourmi en grec). Les graines des Sauvages myrmécochores sont équipées d'une partie nutritive et charnue (l'élaiosome) qui appâte les insectes. Les fourmis emportent les semences sous terre, jusque dans leurs fourmilières, quand elles n'abandonnent pas le colis en cours de route. C'est le cas de certaines euphorbiacées (Mercuriale annuelleEuphorbe des jardins...) ou de certaines lamiacées par exemple (Lamier pourpre, Lamier blanc... ). Et qui sait, avec les fourmis comme pilotes, on peut même réussir à semer à flanc de mur ou de falaise.


Le début d'un grand voyage pour cette graine de Grande Chélidoine (Chelidonium majus)...

"Faut pas s'emballer dit Merisier,

Endozoochorie: c'est mon métier!

Les oiseaux prennent mes noyaux,

Mais dans leur cul, jamais sur leur dos...

Comme personne n'aime le caca,

Si je pouvais, j'laverais tout ça!"

L'endozoochorie est une adaptation libre de la technique du cheval de Troie... Sauf qu'il conviendrait ici de rebaptiser la légende «le crottin de Troie»: il s'agit d'inciter les animaux à béqueter les fruits, pour que les semences voyagent dans leurs intestins avant de se faire rejeter ailleurs via les déjections! La stratégie demande aux graines d'être capable de résister aux sucs digestifs. Certaines plantes adepte du taxi-crotte enveloppent leur progéniture d'une coque si dure que le processus digestif devient indispensable pour ramollir l'enveloppe protectrice. Le Merisier des oiseaux (Prunus avium) est un célèbre endozoochore (c'est inscrit jusque dans son nom): ses cerises digérées par les oiseaux ont bien plus de chance de germer que lorsqu'elles tombent simplement à terre... C'est bien connu: les voyages forment les Merisiers!


L'endozoochorie chez les végétaux, Sauvages du Poitou!

"Gare aux clichés dit Nénuphar

L'hydrochorie, façon têtard,

les vagues ça fait vacances,

Mais quand ça tangue, on boit la tasse...

Comme on est pas des bigorneaux,

Si je pouvais, j'prendrais le bateau!"

Les Sauvages hydrochores (plantes d'eau mais aussi plantes terrestres des milieux humides) confient leurs bébés nageurs aux vagues. Dans l'art difficile de la brasse, toutes les Sauvages ne font pas preuve de la même élégance: certaines se contentent quasiment de couler, comme les lourdes graines du Nénuphar jaune (Nuphar lutea). D'autres flottent fièrement tels des navigateurs au long cours, à l'image des fruits du célèbre Cocotier (Cocos nucifera). Au fil des rivières, les nageuses tracent leur route toujours plus loin vers l'amont. Car contrairement aux saumons, les graines peuvent difficilement remonter le courant... Reste à appeler un taxi-crotte pour revenir à la source.


Iris pseudacorus, Iris des marais, Poitiers bords de Boivre

Capsules flottantes de l'Iris des marais (Iris pseudacorus)

"Antrhopocorie dit Amarante:

Via cargo, je suis une immigrante,

Je suis passé sur l'autre rive,

Pour qu'on me traite d'invasive,

Dans un pays où il fait frisquette...

J'préfererais rester sous une couette!"

Séneçon du cap, Senecio inaequidens, Poitiers quartier gare

Le Séneçon du cap (Senecio inaequidens, ici en gare de Poitiers), une Sauvage sud africaine qui remonte peu à peu vers le nord de la France, portée par le vent (anémochore) et surtout par les trains qui passent (anthropocore)!


L'anthropocorie repose sur l'activité humaine, qui joue un rôle prépondérant dans la dissémination des Sauvages à travers la planète (Anthropos est l'humain en grec). Le plus souvent volontairement avec les plantes cultivées (introduction en Europe de certaines Amarantes par exemple), ou avec l'import d'exotiques à des fins alimentaires, médicinales ou ornementales. De ce point de vue, les sites de vente en ligne sont d'incontournables vecteurs de propagation pour le règne végétal, dont nombre d'invasives ont largement profité. Mais il faut aussi compter sur les passagères clandestines dont les graines voyagent à dos d'avion, de bateau, de camion ou de train...


Vente en ligne à l'international: la grande foire aux invasives!

Ailanthe (Ailanthus altissima), Herbe de la Pampa (Cortaderia selloana), Indigo du bush (Amorpha fruticosa), Raisin d'Amérique (Phytolacca americana)... Sur internet, la grande foire aux invasives, c'est toute l'année!

"Epizoochorie dit Dame Bardane,

Au chaud sous la fourrure d'un âne,

D'un chat, d'un chien pour voyager,

Difficile de ne pas rester collée...

Avec des puces pour seuls voisins,

Si je pouvais, j'me gratterais bien!"

Arctium minus, Petite Bardane, Poitiers bords de Boivre

«Faux fruits» (en fait une couronne de bractées crochues qui encerclent les véritables fruits, des akènes) de la Petite Bardane (Arctium minus), à l'origine de l'invention du scratch et du velcro!


Les Sauvages epizoochores ont développé diverses techniques (colle, épines, crochets...) qui permettent à leur semences de s'accrocher aux fourrures des animaux de passage ou à votre bas de pantalon. En grec, epi signifie «sur», zoo est l'«animal»: les plantes epizoochores voyagent à dos de bestiole (Galium aparine ou Arctium sp. par exemple), contrairement aux endozoochores qui voyagent littéralement «à l'intérieur des animaux».


Galium aparine, Gaillet grateron, Poitiers

C'est encore vos lacets que préfère les fruits du Gaillet gratteron (Galium aparine)!


Zoochorie, les Sauvages aiment nos bêtes à poil! Sauvages du Poitou


Epizoochorie, endozoochorie et myrmécochorie sont autant de moyens de transports qui reposent sur les insectes et animaux, regroupés sous l'appellation générique zoochorie. On aurait pu rajouter à cette liste la dyszoochorie, qui bien que n'ayant pas de couplet dans notre opéra champêtre, mérite bien une citation: lorsqu'un animal emportent les fruits dans son garde-manger, il laisse forcément trainer quelques restes... Je vous laisse imaginer le rôle de l’écureuil dans la dissémination du Noisetier (Corylus avellana), un célèbre arbrisseau dyzoochore. Mais ne perdons pas le fil alors que se profile déjà (ou enfin) le couplet final:

"Puisque vos agences de voyage,

Dit Cardamine à l'entourage,

Semblent vous décevoir un brin,

Je disperserai mes chérubins,

A la force de mes propres fruits."

Ainsi naquit l'autochorie!

Finalement, certaines plantes se débrouillent toutes seules: c'est l'autochorie. Les moyens mis en œuvre par ces Sauvages indépendantistes sont riches et variés. En guise d'exemple, on citera quelques cas déjà croisés dans les pages de Sauvages du Poitou: la Cymbalaire des murs (Cymbalaria muralis) retourne ses fleurs fécondées contre la falaise où elle pousse, déposant délicatement ses capsules à la verticale plutôt que de les voir tomber. La Cardamine hérissée (Cardamine hirsuta) fait exploser ses siliques, dispersant ses graines minuscules dans la moindre fissure alentour. Par un effet ressort lié à l’enroulement des parois de ses capsules, L'Herbe-à-Robert (Geranium robertianum) catapulte littéralement ses graines sur quelques dizaines de centimètre...


Catapulte à graines du Géranium découpé (Geranium dissectum): à maturité, les styles s’enroulent brusquement sous l’effet de la chaleur, catapultant les semences alentour!


L'aurochorie, ou l'art de se débrouiller tout seul! Sauvages du Poitou
Parfois, on ne peut guère compter que sur soi-même!


Bien sûr, les Sauvages mettent rarement leurs œufs dans le même panier et combinent plusieurs stratégies à la fois. Mais chacune a sa spécialité... Alors, à l'issue de notre tube en devenir, et face à une rencontre végétale improbable (comment diable cette plante est-elle arrivée là?), vous devriez pourvoir commencer à émettre quelques hypothèses sur le parcours de ses semences. N'ayez pas peur de vous laisser aller aux intuitions farfelues: dans la nature, la réalité dépasse souvent la fiction. Ainsi, le pied sauvage de Tomate cerise photographié en haut d'article vient très probablement d'une graine échappée d'un sandwich: anthropocorie!


Pour aller plus loin:

- La dispersion des graines sur Wikipedia

- La dissémination chez les «mauvaises herbes», sur le site de la Cabane de Tellus


On en parle dans la presse:

- Un poitevin chante la nature, sur France Bleu Poitou!

 

1 ... 7 8 9 10 11 ... 23

MP  Mighty Productions
> Blogs
> Sauvages du Poitou
 
RSS       Mentions légales       Comms  Haut de la page