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Grande Ortie: les papillons d'abord! (vanesses)
Date 17/01/2017
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Urtica dioica, Grande Ortie, Poitiers gare

Grande Ortie: une compagne généreuse, fidèle et piquante!


Urtica dioica (Grande Ortie ou Ortige en poitevin-saintongeais) fait office de chef de clan chez les Urticaceae. Voilà probablement la Sauvage la plus emblématique des milieux habités par l'homme, une rudérale que tout le monde connaît intimement depuis l'enfance (ouch! Urtica est issu du latin urere, «brûler»). Nul besoin de revenir sur ses qualités gustatives, tant les meilleurs cuisiniers s'y sont déjà frottés, pour notre plus grand plaisir. Pour ma part, c'est encore en soupe, avec quelques pommes de terre, que je la préfère (vos recettes personnelles sont bien sûr les bienvenues, en commentaires de cet article).


L'usage médical populaire d'Urtica dioica reste un peu moins connu, mais il n'étonnera personne: la première médication de l'homme reste son alimentation, et une Sauvage riche en protéines et en fer comme l'Ortie a forcément retenu les attentions. Urtica dioica fut consommée pour ses vertus fortifiantes, régulatrices pour le transit, dépuratives, ou même aphrodisiaques (voir liens en bas d'article). Mais la Sauvage a aussi été utilisée à des fins bien plus exotiques, telle la flagellation des atouts masculins pour traiter l'impuissance (50 nuances de verts)!


Colonie de Grande Ortie, Poitiers bords de Boivre

Jeune colonie de Grande Ortie, Poitiers bords de Boivre


Les fibres d'Urtica dioica ont été utilisées par l'homme dans la confection de cordages ou de vêtements (sacs, pulls ou même chaussettes). Une utilisation ancestrale, puisque la momie Ötzi retrouvée dans les glaces des Alpes italiennes en 1991 (surnommée «Hibernatus» en France) était équipée d'un fourreau à couteau en fibres d'orties (Hibernatus vivait probablement entre 3350 et 3100 avant Jésus Christ). Au passage, c'est à partir des fibres très résistantes d'une autre Urticacée (Boehmeria nivea, alias la Ramie) proche de l'Ortie, originaire d'Asie et cultivée en Chine, que la Banque de France fabrique nos billets!


Des billets d'Ortie? Sauvages du Poitou!


Enfin, le purin d'ortie (macération de feuilles dans de l'eau) est sans doute la plus célèbre des potions magiques des jardiniers, utilisée tantôt comme herbicide, tantôt comme répulsif à insectes ou comme engrais azoté (tout est une question de dosage). Bref, Urtica dioica est pour l'homme une Sauvage à tout faire, un couteau suisse végétal!


Urtica dioica, Grande Ortie, Poitiers bords de Boivre

Paire de stipules et poils urticants («dards») de la Grande Ortie, Poitiers bords de Boivre


Pourtant, Urtica dioica est souvent regardée comme une «mauvaise herbe»; une considération récente, car la Sauvage a été cultivée comme un légume jusqu'à la moitié du 20ème siècle. La faute à ses piquants ou à sa vigueur dans les milieux colonisés par l'homme? Urtica dioica est une vivace qui prend ses aises sur les sols déséquilibrés par l'activité humaine, riches en éléments organiques, en fer (du fumier et un vieux tas de ferraille sont un coin de paradis pour elle) ou saturés en nitrates (issus des pollutions et des amendements agricoles).


Urtica dioica, Grande Ortie, Poitiers bords de Boivre

A flanc de falaise: pour la Grande Ortie, aucune mission n'est impossible!


Capable de se propager rapidement via ses souches traçantes, Urtica dioica se ressème abondamment via ses fleurs mâles et femelles disposées sur des pieds différents (elle est dioïque) que le vent pollinise. C'est d'ailleurs le meilleur moyen de distinguer la Grande Ortie de l'Ortie brûlante (Urtica urens), une fausse jumelle plus petite (entre 20 et 60 cm seulement), annuelle, qui présente côte à côte sur un même pied fleurs mâles et fleurs femelles.


Urtica urens, Ortie brûlante, Dinard (35)

Ortie brûlante, Dinard (35)


Ortie mâle ou Ortie Femelle? Sauvages du Poitou!


Urtica dioica, Grande Ortie, Poitiers bords de Clain

Savez-vous reconnaître Monsieur et Madame Grande Ortie? À gauche, les fleurs femelles, avec leur stigmate en «pinceau» et leur port retombant. À droite, les fleurs mâles avec leurs étamines saillantes et leur port dressé à maturité.


Soyons honnêtes, il convient parfois de freiner les ardeurs de la Grande Ortie dans les zones anthropisées, ne serait-ce que pour encourager d'autres espèces de Sauvages moins compétitives. N'empêche qu'au jardin, la faute à la soupe et au purin, ses colonies sont toujours trop maigres pour celui qui sait l'apprécier à sa juste valeur! Et malgré sa nature débordante, elle possède un atout de taille pour la biodiversité... Urtica dioica est un véritable hôtel, ou une véritable pouponnière, pour un nombre ahurissant d’espèces. Ses colonies forment des «villes à insectes», abritant papillons, chenilles, coléoptères, mouches ou autres punaises (ainsi que tous leurs prédateurs)... A cause de son pouvoir urticant, Urtica dioica n'intéresse guère les ruminants, et constitue un refuge sûr. Sa richesse en azote offre les ressources qui permettent à ses convives de trouver les protéines nécessaires à leur croissance.


Si la présence trop banale de la Sauvage le long des routes ne vous réjouit plus, approchez vous d'un peu plus près pour (re)découvrir l'univers surprenant qui se cache sous ses feuilles. Difficile d'être exhaustif sur ce thème, mais profitions de l'occasion pour quitter le domaine de la botanique et laisser Olivier Pouvreau, notre lépidoptériste maison (c'est à lui que nous devons les encarts «Le petit monde de...» sur Sauvages du Poitou), guider la promenade en nous présentant quelques spécimens emblématiques qui rampent et volent autour de ce vert continent.


Urtica dioica, la Nounou des papillons! Sauvages du Poitou


En France, les massifs d'Orties bien exposés au soleil peuvent servir de lieux de ponte à cinq espèces de papillons de jour, appartenant à un groupe appelé vanesses (Vanessa).


Aglais io, Paon du jour, Puy-de-Dôme (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Paon du jour butinant, tous ocelles dehors!


Avec sa tenue flamboyante, le Paon du jour (Aglais io) est sans doute le spécimen le plus remarquable de ce clan: ses ocelles rappellent les plumes du paon (d'où son nom) et peuvent dissuader les prédateurs de s'approcher. En effet, en ouvrant et en fermant rapidement ses ailes, le Paon du jour laisse paraître ses jolies taches comme quatre yeux menaçants! Cette espèce est commune, profitant d'une bonne adaptation tant à la campagne qu'à la ville, où elle butine les fleurs ornementales des jardins.


Vanessa atalanta, Vulcain, Vienne (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Vulcain mâle surveillant son territoire... Gare aux autres mâles qui le franchiraient!


Le nom vernaculaire du Vulcain (Vanessa atalanta) résulte du dieu romain du feu, de la forge et des volcans: une allusion aux bandes flamboyantes de ses ailes rappelant le fer porté à incandescence par le forgeron. Il est la vanesse la plus commune en Poitou, facilement observable toute l'année, y compris lors des journées d'hiver les plus ensoleillées (lorsque la température atteint 15 degrés, ce qui arrive de plus en plus régulièrement, réchauffement climatique oblige).


Polygonia c-album, Robert-le-Diable, Béruges (86) Polygonia c-album, Robert-le-Diable, Beauvoir (86)

Robert-le-diable en insolation et Robert-le-diable déguisé en feuille morte.


Le nom de cette curieuse espèce qu'est le Robert-le-Diable (Polygonia c-album) vient d'un personnage légendaire du Moyen âge, en raison de sa couleur feu et de la découpe de ses ailes. L'homochromie de son revers lui permet de ressembler à une feuille morte une fois posé, les ailes repliées. Ce camouflage a néanmoins ses limites: un «C» blanc visible aux ailes postérieures (qui lui a valu son nom latin et son autre nom vernaculaire, le Gamma, troisième lettre de l'alphabet grec) peut le trahir à qui sait observer... Robert le Diable n'est pas très exigeant quant à ses lieux de vol, ce qui le rend assez commun. Il peut aussi se révéler sans-gêne, n'hésitant pas à se servir du promeneur comme d'un reposoir!


Araschnia levana, Carte géographique, Brenne (36)

Robe de printemps de la Carte géographique.


La Carte géographique (Araschnia levana) est la plus petite des vanesses, jamais abondante mais néanmoins assez commune dans les stations humides où pousse l'Ortie (dans les mégaphorbiaies par exemple). Au 19ème siècle, son aire de répartition se limitait au quart nord-est de la France puis elle s'est accrue jusqu'à occuper presque tout le territoire au cours du 20ème siècle, ce qui constitue l'extension la plus spectaculaire (de surcroît inexpliquée) des espèces françaises de rhopalocères (terme scientifique désignant la majeure partie des papillons diurnes). La grande particularité de la Carte géographique est de présenter deux formes saisonnières très différentes dans l'année (l'espèce est dite «bivoltine», c'est-à-dire qu'elle produit deux générations par an): une forme orangée au printemps (forme dite levana) et une forme noire avec une bande blanche en été (forme dite prorsa). Linné lui même — Saint-Père des naturalistes — fut trompé par ce dimorphisme: il décrivait ces deux aspects comme relevant de deux espèces différentes... Amorçant un grand débat parmi les premiers lépidoptéristes!


Araschnia levana, Carte géographique, Vienne (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Le revers façon «carte IGN» de la robe estivale de la Carte géographique.


Quant au nom Carte géographique, il n'est pas issu du talent de l'espèce à la conquête territoriale; il est dû à l'entomologiste Engramelle qui décrivit en 1779 le dessin du revers des ailes du papillon comme «des chemins et des rivières sur un plan».


Regardez-moi bien dans le blanc des yeux: comme je me fais rare dans les plaines de l'Ouest, si vous me trouvez, signalez-moi auprès de Sauvages du Poitou! (Petite Tortue)


Autrefois répandue, la Petite tortue (Aglais urticae) s'est considérablement raréfiée en plaine (et donc dans le Poitou) depuis la grande sécheresse de 1976, mais d'autres causes sont avancées: réchauffement climatique, parasitoïdes... (Voir l'article de l'entomologiste Vincent Albouy sur ce sujet)


En France, Urtica dioica est une plante-hôte larvaire de choix pour les cinq papillons précités. Elle est exclusive chez le Paon du jour, la Carte géographique et quasi-exclusive chez la Petite tortue (qui tire directement son nom latin, Aglais urticae, de celui de l'Ortie). De son côté, le Vulcain peut localement déposer ses œufs sur les Pariétaires (Parieteria sp, une autre Urticaceae). Le Robert-le-diable  quant à lui semble placer l'Ortie à son menu au même rang que le Houblon (Humulus lupulus) et diverses espèces d'Ormes (Ulmus sp).


Les femelles de vanesses ont l'habitude de pondre en petits tas de dizaines à plusieurs centaines d’œufs sur le revers des feuilles de leur plante préférée. Ces œufs possèdent tous des côtes marquées, autre caractéristique du groupe. Les pontes les plus étonnantes (et uniques chez les rhopalocères de France) sont probablement celles de la Carte géographique: elles ressemblent à des guirlandes de 6 à 20 œufs suspendus dans le vide (voir cette vidéo du naturaliste André Lequet)... Dame Nature étant toujours prévoyante, l’œuf situé au bout du chapelet éclot heureusement le premier!


Inachis io sur Urtica dioica, Saint Aignan (41)

Nid de soie et crottes des chenilles du Paon du jour.


Les chenilles de Paon du jour, de la Petite tortue et de la Carte géographique vivent en colonies au sein de toiles de soie jusqu'à leur dernier stade de développement (4 ou 5 stades selon les espèces) durant lequel elles s'éparpillent pour se nymphoser. Celles du Robert le diable et du Vulcain sont solitaires. Toutes les chenilles de vanesses portent des épines (scolies) caractéristiques. Les nids les plus faciles à repérer sont probablement ceux du Paon du jour (c'est en tout cas ceux que l'équipe de Sauvages du Poitou ont le plus croisés), reconnaissables à la défoliation des Orties, aux résidus de toiles, aux mues des chenilles et à leurs nombreuses crottes.


Le vol des vanesses est typique, même de loin: rectiligne, puissant, nerveux, avec des séquences planées, les ailes bien à l'horizontale. La poursuite de deux mâles de Vulcains est spectaculaire (lorsqu'un mâle atteint le territoire d'un autre), mêlant planés, accélérations, brusques crochets, envolées «en chandelle»... On est loin du vol papillonnant, palpitant et quelque peu confus de bon nombre d'espèces de papillons.


Papillonner comme un papillon, vanesser comme une vanesse!


Les motifs des vanesses sont si remarquables qu'ils permettent facilement de les identifier. Le Paon du jour et le Vulcain sont reconnaissables au premier coup d’œil. Toutefois, l'identification peut se compliquer lorsque les vanesses sont observées les ailes fermées, leur dessous leur conférant un aspect cryptique de feuille morte; un camouflage bien utile car, mis à par la Carte géographique (et la majorité des papillons, qui passent l'hiver à l'état de chenille ou de chrysalide), les vanesses françaises hibernent durant 4 à 9 mois à l'état adulte, les ailes fermées pour passer inaperçues auprès des prédateurs (rongeurs, oiseaux…). Les imagos (papillons adultes) qui hibernent reprennent leur activité au début du printemps, dès février-mars dans nos régions.


Aglais io, Paon du jour, Vienne (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Paon du jour en hibernation dans la cave d'Olivier. En frottant ses ailes antérieures sur les postérieures, le papillon produit un son grinçant et des ultrasons qui peuvent mettre en déroute les rongeurs, ses prédateurs!


Aussi, au retour de la belle saison (et même durant les journées douces d'hiver), près des piquantes colonies de la Grande Ortie (mais pas seulement bien sûr), si devant vous passent quatre splendides ailes à toute vitesse: vanesse!



Pour aller plus loin :

- Norb de Sauvages du Poitou raconte la Grande Ortie au micro de France Bleu Poitou

- Urtica dioica sur Tela-botanica

- Urtica urens sur Tela-botanica

- Des idées recettes d'Ortie originales sur le blog Sauvagement bon

- Utilisation de l'Ortie à travers l'histoire sur le blog Books of Dante

- Détails sur l'utilisation de l'Ortie à des fins thérapeutiques sur le site Phytomania


Lectures recommandées:

- Les secrets de l'Ortie de Bernard Bertrand aux éditions de Terran, la bible de l'Ortie!

- Fleurs et insectes de Margot et Roland Spohn, éditions Delachaux et Niestlé


Urtica dioica par Pierre Bulliard (Flora Parisiensis, 1776)


Grande Ortie griffée d’après nature dans Flore medicale de François-Pierre Chaumeton (1831-1834), une gravure dénichée parmi les ouvrages naturalistes conservés par le fonds ancien de la bibliothèque universitaires de Poitiers (voir notre article consacré au sujet)

 

Familles de la flore française (Game of thrones et botanique, épisode 3)
Date 29/10/2016
Ico Initiation à la botanique joyeuse!

Cet article fait suite à deux épisodes déjà publiés, consacrés aux grandes familles en botanique. Nous avions croisé dans le premier les prestigieuses lignées Asterceae, Poaceae, Fabaceae, Rosaceae et Brassicaceae. Le second nous avait présenté les clans Apiaceae, Caryophyllaceae, Lamiaceae, Liliaceae, Ranunculaceae et Orchidaceae. Le feuilleton continue, avec six nouvelles familles plus modestes en terme d’espèces présentes sur le sol français, mais tout aussi remarquables de par leurs spécificités...


House Boraginaceae, Sauvages du Poitou!

Une barbe monumentale le couvrait des pommettes aux cuisses, tant et si bien qu’on pouvait difficilement dire où s’achevait le poil et où débutait la fourrure.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Boraginacées (une centaine d’espèces en France) présentent généralement des tiges et des feuilles simples, entières, alternes, recouvertes de poils raides (un bon moyen de défense contre les escargots et les limaces). Leur nom viendrait du latin burra, la «burre», une étoffe en laine rêche et grossière qui habillait les moines. Leurs fleurs à cinq pétales et cinq sépales (parfois irrégulières comme chez la Vipérine) arborent souvent un bleu céleste. L’inflorescence peut former une «queue de scorpion» (cyme scorpioïde). Leurs fruits sont des tétrakènes (ovaire supère).


Borrago officinalis, Bourrache officinale, Poitiers bords de Clain
Étoile bleue sur fond de poils de la Bourrache officinale.


C'est la clan de la Bourrache officinale (Borrago officinalis), symbole ancestral du courage, de la généreuse Consoude (Symphytum officinale), mais aussi des Myosotis (Myosotis sp), qui font office de bardes délicats dans cette fratrie de poilus au grand cœur!


Myosotis arvensis, Myosotis des champs, Poitiers

Inflorescences en «queue de scorpion» du Myosotis des champs.


House Rubiaceae, Sauvages du Poitou!

En fait d’objets de valeur, je ne possède rien d’autre qu'une couronne.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Rubiacées (environ 75 espèces en France) se démarquent de par leurs feuilles souvent verticillées (disposées en couronne ou en étoile) autour d’une tige à section carrée. Leurs fleurs sont généralement discrètes, régulières, à quatre ou cinq pétales. Leurs fruits sont une paire d’akènes, souvent hérissés (sauf ceux des Garances, Rubia spp, qui sont des baies).


Rubia peregrina, Garance voyageuse, Poitiers bords de Boivre

Feuilles coriaces, agrippantes et verticillées de la Garance voyageuse.


Les Rubiacées comptent dans leurs rangs des membres exotiques très célèbres: les Caféiers (Coffea sp). Ces derniers sont bien trop capricieux pour pouvoir tolérer les saisons françaises... Dommage pour nous, mais notez que les petits fruits du Gaillet gratteron (Galium aparine) grillés à sec, écrasés et finalement mis à bouillir dans de l'eau fournissent un excellent succédané de café... Un goût de famille?


Café de Gaillet gratteron, une recette Sauvages du Poitou!

Gaillet gratteron: le café à la française!


House Campanulaceae, Sauvages du Poitou!

Une douzaine de clochettes tintaient pour peu qu’il bougeât... C’est-à-dire en permanence, car il ne tenait guère en place.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Campanulacées (64 espèces en France) se distinguent par leurs fleurs à cinq pétales soudés, dont la corolle forme souvent une cloche: campanula est la «clochette» en latin. Leur tige renferme généralement un latex. C'est le clan des nombreuses Campanules (Campanula spp), difficiles à différencier (et pourtant, chaque cloche à son ton!), ou encore celui des Raiponces (Phyteuma spp).


Campanula portenschlagiana, Campanule des purailles, Poitiers Chilvert

Les clochettes du Campanule des murailles (Campanula portenschlagiana).


House Amaranthaceae, Sauvages du Poitou!


Dans la classification récente, les Amaranthacées intègrent dans leurs rangs l'ensemble des Chenopodiacées. On retiendra ces tendances suivantes pour ces deux familles réunies sous une seule et même bannière (environ 60 espèces en France): leurs fleurs minuscules sont souvent verdâtres ou rougeâtres, avec un périanthe herbacé, sec ou membraneux. Amarantos en grec signifie «qui ne flétrit pas»: même cueillies, leurs fleurs ne risquent guère de faner. Leurs feuilles sont généralement entières, pointues (elles dessinent souvent des flèches ou des hallebardes) et longuement pétiolées. Nombre d'entre elles affectionnent les terrains salés ou les sols riches en azote (amendements, pollutions, dépotoirs…), ce qui en fait des locataires privilégiées des côtes, des rivages ou des lieux habités par l'homme.
Les bras costauds gouvernent ce monde: hors de cela, tu te goberges d’illusions.
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

C'est le clan des Chénopodes, des Arroches ou des Amarantes... Des végétaux riches, souvent bons pour la soupe ; on ne s'étonnera donc pas de trouver dans ce clan de nombreuses espèces potagères, cultivées pour leurs racines, leurs feuilles ou leurs graines, comme les betteraves, les bettes, les quinoas ou les célèbres épinards de Popeye (très fournis en vitamines et en minéraux).


Amaranthus deflexus, Amarante couchée, Poitiers quartier gare

Minuscules fleurs vertes en panicule de l'Amarante couchée (Amaranthus deflexus), indétrônable bodybuildeuse du macadam et des trottoirs!


House Euphorbiaceae, Sauvages du Poitou!

- Comment, alors?

- Par le seul autre moyen: la magie!

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Euphorbia lathyris, Euphorbe épurge - latex

Latex de l'Euphorbe épurge (Euphorbia lathyris)


Les Euphorbiacées (une soixantaine d’espèces en France) sont principalement représentées par les Euphorbes. Celles-ci se distinguent par leurs feuilles simples, par le suc laiteux nommé latex contenu dans leur tige et par l'originalité de leurs «fausses» fleurs (en fait une inflorescence complexe) souvent vertes ou jaunâtres, dénuées de pétales et organisées en ombelles. Les latex des Euphorbes sont généralement toxiques et irritants par simple contact cutané. Mais ils intéressent la médecine ou l'industrie pour les secrets qu'ils renferment, comme celui de l'Hévéa (Hevea brasiliensis), une Euphorbiacée d'Amazonie, à partir duquel on fabrique le caoutchouc. C'est d'ailleurs à un médecin, Euphorbus (Grèce, 40-19 av. J.-C.), que cette famille emprunte son nom. Ce clan est aussi celui des Mercuriales, des herbacées dépourvues de latex très différentes des Euphorbes.


Euphorbia hiberna, Euphorbia cyparissias, Euphorbia helioscopia

De gauche à droite: Euphorbe d'Irlande (Euphorbia hiberna), Euphorbe petit-cyprès (Euphorbia cyparissias) et Euphorbe réveil matin (Euphorbia helioscopia).


House Crassulaceae, Sauvages du Poitou!


Les Crassulacées (50 espèces en France) sont des végétaux glabres, à feuilles ou à tiges charnues. Leurs feuilles sont généralement simples, entières, sessiles ou munies d'un court pétiole. Leurs fleurs peuvent présenter des aspect variés, mais arbore souvent 5 pétales et 5 sépales. C'est le clan des nombreux Sédums (Sedum spp), délicats à différencier, mais aussi celui des Joubarbes (Sempervivum spp) ou du célèbre Nombril de Vénus (Umbilicus rupestris).


Umbilicus rupestris, Nombril de Vénus, Laval (53)

Feuilles ronds et charnues du Nombril de Vénus.

Je serai bientôt grosse, je vous le promets. J’en prie la Mère d’En-Haut, tous les soirs.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

On désigne souvent les membres de ce clan comme étant des plantes «grasses», «succulentes» ou «crassulescentes»; trois synonymes pour exprimer leurs vertes rondeurs (crassus signifie «épais» en latin). Leurs organes enflés et gorgés de suc assurent leur survie en situation misérable ou aride; c'est pourquoi elles colonisent les lieux misérables, souvent bien exposés: rochers, sables, murs ou toits. A travers le monde, les Crassulacées font parties des championnes de la survie en milieu hostile.


Sedum album, Orpin blanc, Poitiers sous Blossac

Orpin blanc (Sedum album)


Ainsi se termine notre tour d'horizon des principales familles en botanique pour le territoire français. Vous vous en doutez, ce n'est que la face émergée de l'iceberg: les clans des Sauvages sont très nombreux, bigarrés, fascinants de par leurs coutumes, même lorsque qu'il ne sont composés que par un unique membre (comme le clan Aquifoliaceae dont le seul représentant en France est le Houx, Ilex aquifolium). De quoi nourrir l'inspiration pour une prochaine saison?


Game of thrones et botanique, les autres épisodes:

- Épisode 1: Asterceae, Poaceae, Fabaceae, Rosaceae et Brassicaceae.

- Épisode 2: Apiaceae, Caryophyllaceae, Lamiaceae, Liliaceae, Ranunculaceae et Orchidaceae.

- Épisode 4: Polygonaceae, Geraniaceae, Papaveraceae, Malvaceae, Solanaceae et Plantaginaceae.


Et pour le plaisir, le fil rouge de notre article...

- Le cycle fantasy Le Trône de fer par George R. R. Martin!

 

Familles de la flore française (Game of thrones et botanique, épisode 2)
Date 06/10/2016
Ico Initiation à la botanique joyeuse!



Cet article fait suite à notre premier épisode consacré aux grandes familles en botanique, où nous avions croisé les prestigieuses lignées Asterceae, Poaceae, Fabaceae, Rosaceae et Brassicaceae. Le feuilleton continue, avec six nouvelles familles incontournables...


House Apiaceae, Sauvages du Poitou!

Taratata, c’est le poison qu’y a fait le coup je vous dis, maintint l’aubergiste. Même qu’il a viré noir comme un pruneau, le môme.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Apiacées (ou Ombellifères, environ 180 espèces en France) forment une famille très homogène. Elles présentent souvent des tiges striées ou cannelées, des feuilles alternes, très divisées, aromatiques (ou à odeur marquée) et des gaines bien développées. Elles sont célèbres pour leurs inflorescences en ombelles qui rassemblent des petites fleurs à cinq pétales, majoritairement blanches. Leurs fruits (ovaire infère) sont formés de deux akènes (diakènes) qui se séparent à maturité.


Les ombelles d'ombellules (plusieurs petites ombelles réunies en une grosse ombelle) du  Cerfeuil des bois (Anthriscus sylvestris)


On y retrouve des espèces généreuses domestiquées par l'homme comme la Carotte (Daucus carotta), le Céleri (Apium graveolens), le Panais (Pastinaca sativa), le Persil (Petroselinum crispum) ou la divine Angélique officinale (Angelica archangelica)... Mais aussi de redoutables spécimens comme la titanesque et brûlante Berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum) ou la Grande Ciguë (Conium maculatum), une célèbre empoisonneuse. Une famille qui met à mal les adeptes de la cueillette sauvage, tant leur membres se ressemblent faute d'attention, et tant on ne sait jamais si l'on à affaire à un ange... Ou à un démon!


Angelica sylvestris, Angélique sylvestre, Poitiers bords de Boivre

Feuilles nettement «engainantes» de l'Angélique sylvestre, une signature de famille.


House Caryophillaceae, Sauvages du Poitou!


Les Caryophyllacées (environ 225 espèces en France) se distinguent généralement par leurs feuilles simples, entières, étroites, opposées, insérées sur des nœuds renflés le long de tiges cassantes; à tel point que plusieurs membres de cette famille étaient considérés autrefois comme des remèdes aux fractures, d’après la rocambolesque théorie des signatures. Leurs inflorescences sont souvent disposées en cymes bipares (deux rameaux opposés naissent en dessous des fleurs terminales), leur conférant une silhouette caractéristique. Leurs fruits sont presque tous des capsules qui libèrent les graines qu'elles renferment en séchant (ovaire supère).


Stellaria holostea, Stellaire holostée, Poitiers bords de Boivre

Tige cassante la Stellaire holostée (Stellaria holostea)


C'est le clan des Saponaires (Saponaria spp), des Silènes (Silene spp), des Stellaires et des Mourons (Stellaria spp)... Autant de Sauvages adeptes de la haute couture sur pétale, aux floraisons parfois discrètes, mais toujours élégantes (souvent 5 pétales finement découpés ou échancrés), et dont les Œillets (Dianthus spp) font offices d'ambassadeurs raffinés auprès des jardiniers!

Il faut que tu sois aujourd’hui plus que jamais belle à couper le souffle, car on annoncera lors du banquet final que vous êtes fiancés...

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Silene latifolia, Lychnis flos-cuculi, Stellaria media et Dianthus carthusianorum

Élégance du Compagnon blanc (Silene latifolia), de la Silène fleur de coucou (Lychnis flos-cuculi), du Mouron des oiseaux (Stellaria media) et de l’Œillet des chartreux (Dianthus carthusianorum).


House Lamiaceae, Sauvages du Poitou!

Là, y a une tête d’ogre, vous voyez?

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Lamiacées (ou Labiées, 165 espèces en France) se distinguent avant tout par leurs fleurs caractéristiques, en forme de gueule ouverte (voir l'article complet sur le sujet), à quatre étamines. Elles doivent leur nom à l'ogresse Lamia dans la mythologie grecque, car elles semblent dévorer les insectes qui les visitent. En réalité, les Lamiacées n'ont rien de plantes carnivores; bien au contraire, elles sont souvent mellifères et généreuses à l'égard des butineurs.


Lamium maculatum, Lamier maculé, Beauvoir (86)

Lamier maculé (Lamium maculatum) en train d'avaler (ou plutôt de régaler) un Bourdon!


On retrouve à leur cour aux effluves méditerranéennes (la plupart d’entre elles supportent très bien la chaleur) les Menthes, les Lavandes, les Sauges, les Thyms... Autant de sauvages aux parfums uniques, qui produisent leurs essences pour attirer les pollinisateurs ou pour se protéger des herbivores et des ravageurs. Elles sont largement utilisées pour la cuisine, la cosmétique ou la médecine. On observe généralement chez Lamiacées des tiges carrées ainsi que des feuilles opposées décussées. On déniche au fond de leurs calices persistants quatre akènes (tétrakènes, ovaire supère).


Mentha suaveolens, Menthe à feuilles rondes, Vouneuil-sous-Biard (86)

Feuilles opposées décussées (chaque paire est disposée à 90 degrés par rapport à celle qui la précède) de la Menthe à feuilles rondes (Mentha suaveolens)


House Liliaceae, Sauvages du Poitou!

Il lui a aussi poussé un nouveau nez... Et un plutôt bulbeux, je dirais.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Du point de vue de l'ancienne classification dite «classique», les Liliacées regroupaient 150 espèces en France. Elles étaient généralement vivaces par leur bulbe ou leur rhizome, et présentaient des feuilles entières à nervures parallèles, ainsi qu'un port non ramifié. Leurs fleurs affichaient souvent six tépales et six étamines. Les Liliacées comptaient dans leurs rangs certaines des Sauvages les plus toxiques pour l'homme, comme le Muguet de mai (Convallaria majalis) ou le Colchique d'automne (Colchicum automnale); mais aussi des spécimens recherchés pour leur valeur gustative tel que l'Ail des ours (Alium ursinum), ou domestiqués au potager, tels que l'Oignon, l'Ail, le Poireau, la Ciboulette...


Ail des ours, Allium ursinum, Poitiers Chilvert

Fleurs en ombelle de l'Ail des ours: 6 pétales, 6 étamines. Une ex-Liliaceae, devenue aujourd'hui Amaryllidaceae...


Les classifications modernes ont pulvérisé ce clan en une multitude de familles, sur la base d'observations génétiques fascinantes quant à leur histoire, mais pas toujours pertinentes sur le terrain (du point de vue de l'identification). Dépouillée à grand coups de microscopes, la vieille lignée Liliacée a tout de même réussi à garder dans ses rangs officiels une des plus célèbres dames du Poitou, alias la Fritillaire Pintade (Fritillaria meleagris)!


Fritillaria meleagris, Frtillaire pintade, Saint Benoît (86)

Les six tépales en forme de clochette et les six étamines de la belle Fritillaire Pintade.


House Ranunculaceae, Sauvages du Poitou!

C’est le plus haut niveau qu’ait atteint la rivière depuis le printemps. Et, si cette pluie persiste, elle montera encore davantage.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Renonculacées (140 espèces en France) tirent leur nom du latin rena, «grenouille», à cause de l'affection pour l'eau de certains membres de la famille. Elles peuvent afficher des atouts très différents d'une espèce à l'autre: «boutons d'or» de la Renoncule rampante (Ranunculus repens), lianes vigoureuse de Clématite vigne-blanche (Clematis vitalba), clochettes vertes de l'Hellébore fétide (Helleborus foetidus), collerette de dentelle de la Nigelle de damas (Nigella damascena)...


Ranunculus repens, Clematis vitalba, Helleborus foetidus et Nigella Damascena

Fleurs de la Renoncule rampante, de la Clématite vigne-blanche, de l'Hellébore fétide et de la Nigelle de Damas.


C'est un clan fait d'exceptions où l'originalité est de rigueur, même s'il existe quelques points communs dans ce grand barnum terrestre et aquatique: les Renonculacées présentent un nombre élevé d'étamines. Leurs fleurs affichent souvent des couleurs vives et spectaculaires. Les feuilles sont alternes ou disposées en rosette basale (à l’exception de la Clématite des haies qui a les feuilles opposées), rarement stipulées. La plupart des Renonculacées sont toxiques, pour l'homme comme pour les animaux.


House Orchidaceae, Sauvages du Poitou!

La seule pensée de votre beauté m’empêche de dormir la nuit.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Orchidacées (120 espèces en France) représentent probablement le clan le plus séduisant pour nombre de botanistes. Elles fascinent, à cause de la beauté, de l'originalité de leurs fleurs et de la sexualité sophistiquée qui les accompagne. La famille doit pourtant son nom à une métaphore peu élégante: orchis est la «testicule» en latin une allusion à leurs paires de tubercules souterrains!


La survie et la reproduction des Orchidées reposent sur un équilibre naturel précis et précaire (voir l'article sur Himantoglossum hircinum, alias l'Orchis bouc pour plus de détails), ce qui fait que la compagnie humaine leur est rarement favorable (en France, une espèce sur six est menacée d'extinction). Si les membres de cette famille peuvent présenter des toilettes variées, leurs feuilles entières, souvent charnues et la structure à six tépales de leurs fleurs sont caractéristiques (voir l'article complet sur le sujet); de même que le pétale inférieur (nommé labelle) aux formes excentriques qui peut aller jusqu'à imiter l'aspect d'un insecte!


Ophrys apifera, Ophrys abeille, Biard aérodrome (86)

Ophrys abeille (Ophrys apifera), dont l'incroyable labelle imite le corps d'une abeille solitaire femelle pour inciter les mâles à venir la butiner!


Je vous donne rendez vous lors du prochain épisode de notre feuilleton qui nous emmènera à la rencontre de six maisons supplémentaires, plus modestes en terme de membres sur notre territoire, mais tout aussi remarquables de par leurs spécificités... Botany is coming!


Game of thrones et botanique, la suite:

- Épisode 1: Asterceae, Poaceae, Fabaceae, Rosaceae et Brassicaceae.

- Épisode 3: Boraginaceae, Rubiaceae, Campanulaceae, Amaranthaceae, Euphorbiaceae et Crassulaceae.

- Épisode 4: Polygonaceae, Geraniaceae, Papaveraceae, Malvaceae, Solanaceae et Plantaginaceae.


Et pour le plaisir, le fil rouge de notre article...

- Le cycle fantasy Le Trône de fer par George R. R. Martin!

 

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