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Au Fer-à-cheval: le rendez-vous des papillons
Date 26/06/2017
Ico Prairies

Hippocrepis comosa, Fer-à-cheval, Beauvoir (86)

Fer-à-cheval, Beauvoir (86)


Hippocrepis comosa (Fer-à-cheval ou Hippocrepis à toupet) est un membre du clan Fabaceae, au côté de célébrités telles que les Fèves, Pois, Haricots, Trèfles, Luzernes, Vesces, Gesses... Des plantes, sauvages ou cultivées, qui produisent généralement des fruits en gousse (on les surnomme «Légumineuses» lorsque c'est le cas). C'est d'ailleurs à ses fruits que Hippocrepis comosa doit son surnom équestre. Hippos est le «cheval» en grec, crepis la «chaussure»: ses gousses se tortillent curieusement, dessinant une guirlande de fers à cheval!


Hippocrepis comosa, Fer-à-cheval, Beauvoir (86)

Fruits caractéristiques (gousses) du Fer-à cheval, Beauvoir (86)


Hippocrepis comosa est une vivace qui plante ses souches légèrement ligneuses sur les prairies «à papillons», rases et sèches à tendance calcaire, à la limite de la rocaille. Elle est plutôt commune dans le Poitou, comme dans le reste de la France, à l'exception du Limousin où la belle tend à disparaître. Ses fleurs jaunes pointent entre avril et juin au dessus d'un méli-mélo de verdure: si la Sauvage est qualifiée de «chevelue» (comosus en grec), c'est à cause du couvert des ses feuilles entremêlées.


Hippocrepis comosa, Fer-à-cheval, Biard (86)

Feuille du Fer-à-cheval: imparipennée, 7 à 17 folioles obovales à linéaires.

Regarde papa, un papillon!

(Je suis une légende, Francis Lawrence)

Le calice des fleurs jaunes, réunies par 5 à 12 en ombelles, présentent les atouts caractéristiques des «Papilionacées» (voir notre article consacré à ce sujet): un étendard redressé et échancré (en haut), deux ailes (sur les côtés) et une carène (en bas).


Hippocrepis comosa, Fer-à-cheval, Poitiers rochers du Porteau

Fleurs du Fer-à-cheval, comme autant de rondes de papillons jaunes!


Faute de se pencher suffisamment, on pourrait confondre ses fleurs avec celles de quelques autres spécimens de Fabacées. A commencer par celles du Lotier corniculé (Lotus corniculatus). Ce dernier fleurit un poil plus tard (mai) que le Fer-à-cheval (dès avril). Le Lotier corniculé préfère les prairies mésophiles, mais nos deux Sauvages se fréquentent souvent au printemps. L'examen des feuilles évitera tout amalgame: elles sont strictement trifoliées chez le Lotier corniculé, nombreuses et imparinpennées chez le Fer-à-cheval.


Lotier corniculé, Lotus corniculatus, Saint Aignan (41)

Lotier corniculé: un étendard bombé vers l’avant, comme s’il avait le vent dans le dos!


La Petite Coronille (Coronilla minima), une autre habituée des prairies sèches qui fleurit dès le mois de mai, ressemble aussi à notre Fer-à-cheval. Mais la Petite Coronille présente des folioles charnues, comme cartilagineuses, d'un vert glauque caractéristique qui se repère de loin avec un peu d'habitude.


Coronilla minima, Petite Coronille, Plateau de Thorus (86)

Petite Coronille: des feuilles imparipennées en 7 à 9 folioles glauques et charnues.


Les «Papilionacées» doivent leur appellation à la forme de leurs fleurs; mais il se trouve qu'elles intéressent souvent les lépidoptères, ou plus exactement, leurs chenilles qui en font leur festin. Le Fer-à-cheval est assez représentatif en la matière (c'est aussi vrai pour le Lotier corniculé et la Petite Coronille), au point que sa découverte par le promeneur précède forcément celle d'un carnaval de papillons, et vice versa!


Le Fer-à-cheval constitue en effet un véritable banquet pour nombre de rhopalocères (dits, pour simplifier, «papillons de jour») qui l’ont adoptée pour la bouloter (chenilles) et/ou pour la butiner (adultes). Dès lors, quoi de plus naturel que de laisser Olivier Pourvreau, notre lépidoptériste maison, poursuivre le récit de cet article...


« En France, on compte onze espèces de rhopalocères utilisant le Fer-à-cheval comme nourriture pour leurs chenilles (on appelle ça une «plante hôte larvaire» — si vous voulez faire de l’effet lors d’une sortie naturaliste, parlez de «PHL»). Bref, notre Sauvage est le troquet des pelouses sèches calcicoles!

Hippocrepis comosa, Fer-à-cheval


Présentons le papillon le plus distingué de ce groupe d’habitués de l’hôtel-restaurant du Fer-à-cheval: le Bel Argus (Polyommatus bellargus). S’il est le plus remarquable, c’est qu’il est à coup sûr le plus remarqué: de mai à septembre, se balader sur un coteau calcaire suffit souvent pour voir miroiter le bleu céleste des mâles (les anglais ont baptisé ce papillon adonis blue, c’est dire s’il est un canon de beauté grecque chez les papillons).


Polyommatus bellargus, Bel Argus (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Au rendez-vous du Fer-à-cheval: une cantine pour les chenilles du Bel Argus, open bar pour les adultes!


Le Bel Argus ne s’écarte que très rarement des stations de Fer-à-cheval, même réduites. Il m’est arrivé une unique fois d’observer un mâle posé sur la berge d’une rivière, loin de la moindre touffe de sa plante préférée. Ce n’est que plus tard que je découvris, à une centaine de mètres de là, un rocher colossal dont le sommet était tapissé de touffes jaunes... Le papillon s’était simplement écarté de sa colonie pour s’abreuver sur la terre humide.


Hippocrepis comosa, Fer-à-cheval (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Trois Bel Argus se cachent dans cette colonie de Fer-à-cheval, saurez-vous les retrouver?

- Mais qu’est-ce que c’est que cette matière? Mais c’est de la merde!

- Non, c’est kloug.

(Le père noël est une ordure, Jean-Marie Poiré)

Les mâles apparaissent une dizaine de jours avant les femelles et sont plus abondants qu’elles (règle courante chez les papillons). On peut alors les observer virevolter ensemble, se rassemblant parfois en paquets autour d’excréments ou sur le sol humide qu’ils pompent de leur trompe. On dit qu’ils vont «aux sels minéraux», substances qui amélioreraient leur fécondité! Les femelles sont bien plus discrètes: d’abord par leurs couleurs, leur recto étant brun chocolat, même s’il n’est pas rare qu’elles arborent des suffusions bleues, certaines femelles finissant même pas ressembler à des mâles (on les appelle les «femelles bleues»); ensuite par leur comportement, moins «toutes façades dehors» que leurs géniteurs: elles volent moins, souvent posées dans la végétation basse.


Polyommatus bellargus, Bel Argus (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Le Bel Argus peut butiner le nectar des fleurs ou les excréments... Un goût pour le sucré/salé bien à lui!


D’après le lépidoptériste Tristan Lafranchis, les fleurs butinées par le Bel Argus dépendent du sexe et de la période de l’année. Au printemps, les mâles butinent le Fer-à-cheval alors que les femelles préfèrent les fleurs du Lotier corniculé. Durant l’été, le Lotier cette fois-ci intéresse les mâles tandis que les femelles vont siroter une plus large gamme de fleurs…


Au printemps et en été (le Bel Argus ayant deux générations dans le Poitou), la femelle dépose entre 50 et 100 œufs sur les feuilles et les tiges du Fer-à-cheval. Les petites chenilles sont nocturnes. A leur troisième stade, elles sont prises en charge par les fourmis. Cette association chenille/fourmis (la chenille fournissant aux fourmis un miellat en échange de leur protection contre les prédateurs) est courante dans la famille des Lycaenidae à laquelle appartient le Bel Argus: on la nomme «myrmécophilie».


Œuf de Polyommatus bellargus sur Hippocrepis comosa (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Œuf de Bel Argus au revers d’une foliole de Fer-à-cheval.


Chenille de Polyommatus bellargus sur Hippocrepis comosa (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Chenille de Bel argus en insolation sur une foliole de Fer-à-cheval. 2 millimètres au plus!


Un autre «petit bleu» virevolte au-dessus des pelouses sèches : le Bleu nacré (Polyommatus coridon). Moins commun que le Bel argus dans nos contrées, il s’en rapproche par son goût pour les mêmes milieux où trône notre Sauvage ainsi que par les mœurs de sa chenille, nocturne et myrmécophile. Il s’en écarte par contre sur deux points: il ne vole qu’en une seule génération estivale (entre juillet et septembre) et son butinage porte plutôt sur les composées, les Sauvages à la mode scabieuses et les lamiacées.


Polyommatus coridon, Bleu nacré (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Bleu nacré mâle perché sur une graminée.


Le Fluoré (Colias alfacariensis) est également un habitué des stations de Fer-à-cheval. Il s’agit d’un papillon de taille moyenne qui pilote en Formule 1 et butine en fast-food! Pire: non seulement il ne se laisse pas facilement observer, mais il est de plus confondu avec un de ses cousins, le Soufré (Colias hyale)...


Fluoré, Colias alfacariensis, Sauvages du Poitou!


À tel point qu'on ne fit du Fluoré une espèce distincte du Soufré qu’en 1944. Il s’avère qu’il n’est de toute façon pas chose aisée de distinguer les deux espèces dans la nature mais que, pour simplifier, si vous trouvez un de ces papillons jaunes sur une pelouse sèche calcicole, il y a de fortes chances pour que ce soit un Fluoré, le Soufré préférant les champs de trèfles ou de luzernes.


Une fois qu’un mâle a fécondé une femelle, celle-ci pond isolément ses œufs sur les folioles du Fer-à-cheval.


Colias alfacariensis, Fluoré (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Fluoré femelle sirotant une Dipsacacée, une famille de Sauvages dont certains membres sont très prisés par nombre de papillons pour leur nectar.


Cette exploration du petit monde du Fer-à-cheval s’achève par l’excentrique Zygène transalpine (Zygaena transalpina). Les zygènes sont des papillons diurnes à l’aspect typique: ailes élégantes, d’un noir métallisé constellées de taches généralement rouges, tels des dandys en redingote! Comme de nombreux insectes aux couleurs vives (le rouge notamment), leur aspect est un signal aux prédateurs signifiant: «halte là, je suis toxique!». Si quelques prédateurs n’en pâtissent pas (comme certaines punaises ou araignées), la grande majorité évite ainsi de croquer les zygènes car elles secrètent des alcaloïdes toxiques et du cyanure qui auraient de quoi faire chanter un Requiem aux mantes religieuses, grandes chasseresses d’insectes!


Zygaena: des empoisonneuses! Sauvages du Poitou


La Zygène transalpine se rencontre en été. Attention, elle peut être vite confondue avec sa cousine, plus commune, la Zygène de la filipendule (Zygaena filipendula)… mais s’en distingue notamment par le somment clair de ses antennes. Comme la plupart de ses consœurs, cette zygène aime butiner certaines Dipsacacées (les fausses jumelles Scabiosa columbaria et Knautia arvensis) et le Panicaut champêtre (Eryngium campestre), autres locataires des pelouses sèches, ces milieux si riches en surprises floristiques et faunistiques! »


Zygaena transalpina, Zygène transalpine (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Zygène transalpine: une empoisonneuse en imperméable noir à pois rouges…


Pour aller plus loin:

- Hippocrepis comosa sur Tela-botanica.

- Lotus corniculatus sur Tela-botanica.

- Coronilla minima sur Tela-botanica.

 

Dactyle aggloméré, trois doigts de poésie
Date 07/06/2017
Ico Prairies

Dactylis glomerata, Dactyle aggloméré, Poitiers bords de Boivre

Dactyle aggloméré, Poitiers bords de Boivre


Dactylis glomerata (Dactyle aggloméré) appartient aux légions Poaceae, qui représentent sans doute une des familles les plus anciennes et les plus répandues du règne végétal (20% de la couverture végétale de la planète, de l’Antarctique au Poitou!). Et pourtant... Les Poacées, c'est à dire l'herbe, la pelouse, le gazon, au mieux les céréales, ne passionnent guère les foules. C'est à peine si on les remarque sous nos pieds. Quand à l'apprenti botaniste, il préfère souvent les laisser de côté, ce clan étant réputé difficile d’accès et ses membres nombreux et ardus à identifier.
Holmes, vous ne résoudrez jamais cette enquête...
(Sherlock Holmes, Guy Ritchie)

Il est vrai que l'examen attentif d'un brin d'herbe revient un peu à tenter de couper un cheveux en quatre: les Poacées sont passées Maîtres dans l'art de la miniaturisation. Chez elles, le vent fait office de butineur et la danse des minuscules pièces florales tient lieu de parade nuptiale. C'est un chef d’œuvre de mécanique de précision qui attend l’observateur persévérant! Je vous recommande de (re)visiter notre article consacré à leurs inflorescences et au vocabulaire associé avant de vous lancer à la rencontre de notre Sauvage du jour.

Dactylis glomerata, Dactyle aggloméré, Poitiers bords de Boivre
Pour reconnaître le Dactyle aggloméré, il suffit de savoir compter jusqu'à trois!

Mais pas de panique, Dactylis glomerata est plutôt aisé à reconnaitre, et ce avec ou sans loupe! Son nom vient du grec daktulos, le «doigt», peut-être à cause de l’extrémité des épis (ou panicules) de la Sauvage, qui forme une sorte de gros doigt (ou pouce) suivi de deux doigts plus petits. Chaque doigt est composé d'un groupe d'épillets serrés et fournis, d'où le Dactyle «aggloméré» ou «pelotonné».

Les trois doigts du Dactyle aggloméré, Sauvages du Poitou!

Dans une autre version, le nom de la sauvage viendrait du «dactyle», un élément métrique en poésie qui désigne une syllabe accentuée suivie de deux syllabes brèves, à l'image des trois phalanges d'un doigt: la première est longue, les deux suivantes courtes. Prononcez son nom à haute voix pour le retenir: DA-cty-le: une syllabe très accentuée suivie de deux syllabes plus discrètes!

Dactylis glomerata, Dactyle aggloméré, Poitiers bords de Boivre
Inflorescence verdâtre-violacée du Dactyle aggloméré: les étamines au filet très allongé à maturité confient leur pollen au vent

D'autres détails peuvent nous renseigner: la tige de Dactylis glomerata (ou plutôt son chaume) est recouverte d'une gaine aplatie, comme si la Sauvage était passée sous presse. Enfin, la ligule longue et déchirée est caractéristique.

Dactylis glomerata, Dactyle aggloméré, Poitiers bords de Boivre
Feuille large, ligule longue et déchirée et gaine aplatie du Dactyle aggloméré

Que les botanistes aguerris en mal d'aventures se rassurent, Dactylis glomerata reste une espèce éminemment complexe: au laboratoire, la Sauvage présente un patrimoine génétique variable, et les débats à son sujet sont loin d'êtres terminés: et si ce taxon n'était que le brin d'herbe qui cache la forêt? Les sous espèces sont nombreuses, même si le tri est quasiment impossible sur le terrain... La biblique Flora Gallica nous propose par exemple d'observer la micro rugosité des feuilles à la lumière rasante et au grossissement x100 pour reconnaitre la méditerranéenne D.glomerata subsp. hispanica!

Loin des laboratoires, Dactylis glomerata est une vivace très commune qui installe ses touffes dans les prairies baignées de soleil, aux bords des routes et des chemins, sur des sols riches en azote (amendements des culture et/ou pollution automobile). Grâce à son système racinaire dense et puissant qui capte l'humidité en profondeur, la Sauvage reste verte jusqu'au cœur de l'été, quand le parterre autour semble réduit à l'état de paillasson cramoisi.

Dactylis glomerata, Dactyle aggloméré, Vouneuil-sous-Biard (86)
Dactyle aggloméré, une Sauvage très fréquentée à la belle saison.
S’il était allergique aux graminées, ça le rendrait plus attachant je trouve.
(L’âge de glace, Chris Wedge et Carlos Saldanha)
Dactylis glomerata est une plante riche en protéines. Si ses touffes grossières sont considérées comme de vulgaires herbes folles au jardin, la Sauvage est une fourragère appréciée dans les prairies de fauche ou les pâturages. Sa résistance à la sécheresse rend sa culture aisée (elle ne craint guère que l'humidité et quelques maladies cryptogamiques, dont le célèbre Ergot du seigle), pour le plus grand bonheur des éleveurs, mais aussi pour celui des vendeurs de mouchoirs: le pollen de Dactylis glomerata, hautement volatile, est en partie responsable des concerts d'éternuements et des rivières de larmes de ceux qui souffrent du rhume des foins à la belle saison!

Dactylis glomerata, Sauvages du Poitou!


Le petit monde de Dactylis glomerata


Comme bon nombre de graminées, le Dactyle aggloméré… agglomère bon nombre de papillons qui s’en nourrissent! Entre juin et juillet, dans les lisières forestières et les friches du Poitou, il accueille notamment la chenille d’un papillon aussi minuscule qu’abondant: l’Hespérie de la houque (Thymelicus sylvestris). Celle-ci fait partie d’une grande famille dont les membres ont un aspect si ressemblant les uns des autres que le seul critère fiable pour les distinguer est la reconnaissance de la forme des parties génitales des mâles!

Thymelicus sylvestris, Hespérie de la houque (crédit photo: Olivier Pouvreau)
Hespérie de la houque: des ailes en «biplan» inimitables!

Pas de panique pour notre petite Hespérie, que l’on pourrait seulement confondre avec sa cousine l’Hespérie du dactyle (Thymelicus lineola), une autre mangeuse de dactyle outre-Manche. Les distinguer est un jeu d’enfant, à condition d'aimer les contorsions et de savoir approcher les papillons sans leur faire peur: il faut parvenir à se positionner face à elles afin de vérifier le dessous de l’extrémité de leurs antennes. Si elles sont fauves, il s’agit de l’Hespérie de la houque. Si elles sont noires, vous avez affaire à l’Hespérie du dactyle. Comme avec les Poacées, l'enquête repose sur l'observation des détails!


Bout des antennes fauve à gauche pour l'Hespérie de la Houque, versus bout des antennes noir à droite pour l'Hespérie du Dactyle.

Le Dactyle aggloméré est bien pratique à l’Hespérie de la Houque: la gaine foliaire aplatie de la Sauvage permet au papillon d’y pondre et d'y cacher ses œufs à l’abri des regards. Mieux encore, elle servira d’abri à la chenille qui y passera l’hiver. Celle ci poursuivra sa croissance au printemps, logeant d’abord dans une feuille pliée en gouttière puis, plus grande, se tenant allongée sur le dessus des feuilles: une chenille verte et longue sur une feuille verte et longue reste le meilleur moyen pour passer la belle saison en toute quiétude, loin des importuns.

Thymelicus sylvestris, Hespérie de la houque (crédit photo: Olivier Pouvreau)
Hespérie de la Houque (photo Olivier Pouvreau)



Pour aller plus loin:
- Dactylis glomerata sur Tela-botanica
- Dactylis glomerata sur Botarela
 

Promenade botanique avec Yves Baron (Poitiers, rochers du Porteau, mai 2017)
Date 18/05/2017
Ico Rencontres et billets d'humeur

Geranium sanguineum, Géranium sanguin, Poitiers rochers du Porteau

Yves Baron sur la planète des Géraniums sanguins (Geranium sanguineum)!


Yves Baron, ancien maître de conférences en biologie végétale à l’université de Poitiers, mène en ce mois de mai un groupe d'apprentis sur le site des rochers du Porteau, le temps d'une déambulation botanique organisée par l'association Vienne Nature. «Maître Jedi» de la flore poitevine, Yves Baron a formé maintes «padawans» naturalistes de la région. En ardant défenseur de la nature, l'ancien professeur est également à l'origine de plusieurs centaines de ZNIEFF (Zone Naturelle d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique), dont les rochers du Porteau ne représentent qu'un échantillon dans le cosmos picto-charentais.


Professeur Baron, dessine moi un Géranium!


Dès la fin des années 60, Yves Baron réalise l'inventaire de ce petit monde minéral et fleuri caché aux portes de Poitiers. Il connait bien le terrain: sa grand-mère lui décrivait les orchidées qu'on pouvait y croiser il y a un presque siècle (Malheureusement toutes disparues aujourd'hui). Une flore rare et la présence du Scorpion noir à queue jaune (Euscorpius flavicaudis) permettent d'élever le site au rang de ZNIEFF au début des années 80, un espace naturel reconnu pour son caractère exceptionnel.


Carte postale non datée du Porteau à Poitiers (droits réservés)

Je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre!


Comme de tradition lors des sorties botaniques, les premières observations commencent dès le parking où le groupe s'est donné rendez-vous... la passion n'attend pas: nous nous penchons sur la flore banale des villes en ce début de promenade. Mais comme nous le découvrirons bientôt, la frontière entre l'ordinaire et l’extraordinaire reste mince dès qu'il s'agit de nature!


Campanula portenschlagiana, Campanule des murailles, Poitiers quartier du Porteau

Quel que soit votre âge, la botanique finit toujours par vous mettre à quatre pattes! (Campanule des murailles, Campanula portenschlagiana, une échappée des jardins)


Ainsi, la Grande Chélidoine (Chelidonium majus) anime les premiers échanges: son latex jaune est-il capable de soigner les verrues, ou s'agit-il d'une légende urbaine? Chacun y va de son témoignage. La Capselle bourse-à-pasteur (Capsella bursa-pastoris) montre ses fruits triangulaires, comme autrefois le porte-monnaie des bergers. Le Dactyle aggloméré (Dactylis glomerata), une Poacée (famille difficile d'approche s'il en est une), dresse des inflorescences (épillets) qui ressemblent à un gros doigt suivi de deux autres plus petits (dactylis est le «doigt» en latin). L'occasion pour Yves Baron de rappeler que le nom des plantes cache souvent des indices permettant de les reconnaitre. Comme pour affirmer le contraire, une Valériane rouge (Centranthus ruber) quelques pas plus loin affiche des fleurs d'un blanc éclatant!


Chelidonium majus, Capsella bursa-pastoris, Dactylis glomerata, Centranthus ruber, Poitiers quartier du Porteau

De gauche à droite et de haut en bas : Grande chélidoine, fruits de la Capselle bourse-à-pasteur, Dactyle aggloméré et Valériane rouge.


Les «parasols» blancs de la Grande Berce (Heracleum sphondylium) dominent nettement ceux plus nombreux du Cerfeuil des bois (Anthriscus sylvestris). Si ces Sauvages peuvent décourager les débutants à cause de la ressemblance de leur inflorescence, Yves Baron note qu'il est déjà bon de savoir repérer leur famille: les Apiacées (ex Ombellifères) sont célèbres pour leurs ombelles composées de petites fleurs à cinq pétales. C'est le premier clan cité dans l'histoire des classifications botaniques (par le grec Théophraste, 300 années avant l'ère chrétienne), car c'est surement la famille qui saute le plus aux yeux.


Heracleum sphondylium et Anthriscus sylvestris, Poitiers quartier du Porteau

Ombelles de la Grande Berce en haut, du Cerfeuil des bois en bas: deux Apiacées (ex Ombellifères) communes de nos cités.


Quelques joyeux spécimens urbains plus tard (Benoîte des villes, Compagnon blanc, Gaillet gratteron, Herbe-à-RobertLaitue scarioleLierre grimpant, Millepertuis perforé, Myosotis des champs, Orchis bouc, Pariétaire de Judée, Ruine de Rome...) il est temps de se rapprocher de notre terre promise du jour. Mais c'est sans compter sur un Figuier (Ficus carica) qui nous barre la route, nous commandant de répondre à une énigme énoncée par notre guide, moitié botaniste, moitié Sphinx...


Quelle fleur ne voit jamais la lumière du jour? Réponse sur Sauvages du Poitou!


Le botaniste Yves Baron, Poitiers quartier du Porteau 2017 (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Le botaniste Yves Baron (Poitiers quartier du Porteau, 2017)


Quelle fleur ne voit jamais la lumière du jour? La figue bien sûr! La figue est une inflorescence (et non un fruit) en forme d'urne dont les parois intérieures sont tapissées de milliers de fleurs minuscules. Celles-ci ne voient jamais la lumière du jour et ne peuvent être fécondées par une intervention extérieure... Elles seront donc pollinisées par des guêpes lilliputiennes qui vivent recluses, telles des nonnes, à l'intérieur des inflorescences!


Une autre surprise nous attend lorsqu'un curieux demande d'où vient la bave que l'on observe sur les tiges des Sauvages alentour: c'est le «Crachat de coucou», l'abri de la sympathique larve d'une Cicadelle écumeuse qui suce la sève des plantes (sans toutefois leur causer de grands dommages). Yves Baron nous propose d'en déloger délicatement un spécimen à la pointe du couteau pour faire plus ample connaissance!


Maintenant que l’incroyable est fait, passons à l’impossible.

(Les Aventures Extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec,  Luc Besson)

Ces révélations nous permettent enfin d'accéder aux pieds des falaises calcaires qui dominent le cours du Clain et la très fréquentée «route de Paris». Orientés sud-est, les rochers et les pelouses thermophiles rases du Porteau abritent un monde méridional qui contraste avec la ville autour. Le Porteau doit peut-être son nom à la corporation des porteurs d'eau qui remontaient vers le château de la «ville haute» l'eau des fontaines au bord du Clain. Yves Baron invite ses élèves à emprunter leur pas en grimpant les escaliers taillés dans la roche.


Cacyreus marshalli sur Geranium sanguineum, Poitiers rochers du Porteau (crédit photo: Olivier Pouvreau)

Du haut de ces falaises, pas moins de cinq espèces de Géraniums vous contemplent... Dont l'emblématique Géranium sanguin (Geranium sanguineum), espèce rare et déterminante pour la Vienne. Un paradis pour le Brun du pelargonium (Cacyreus marshalli) qui confie précisément ses chenilles aux divers Geraniums.


Grand habitué des milieux calcaires, l'Hyppocrepide à toupet (Hippocrepis comosa) attire autour de ses fleurs jaunes dites «papilionacées» un carnaval de papillons: la nature est bien faite! La plus discrète Euphorbe de séguier (Euphorbia seguieriana, pas encore en fleur à cette saison) est une autre espèce rare en Vienne. Les jeunes feuilles piquantes du Panicaut champêtre (Eryngium campestre) pourraient laisser penser à un «chardon»; il n'en est rien, le Panicaut champêtre appartenant étrangement à la famille des Apiacées (Ombellifères). L'Hélianthème des apennins (Helianthemum apenninum), dont le nom pourrait se traduire par «fleur du soleil» en grec, cherche toujours plus de lumière pendant que nous cherchons désespérément un peu d'ombre!


Hippocrepis comosa, Euphorbia seguieriana, Eryngium campestreHelianthemum apenninum, Poitiers rochers du Porteau

De gauche à droite et de haut en bas : Bel argus (Lysandra bellargus) sur Hyppocrépide à toupet (sa plante hôte), Euphorbe de séguier, jeunes pousses de Panicaut champêtre, Hélianthème des apenins.


Sous le soleil de midi, le groupe se réfugie sous les arbres qui poussent alentour, parfois à flanc de falaise. L'ambiance est méridionale à souhait: on reconnait le Chêne pubescent (Quercus pubescens), une espèce réputée pour sa résistance face à la sécheresse. Les feuilles coriaces du Chêne vert (Quercus ilex) et celles à nervures saillantes du Nerprun alaterne (Rhamnus alaternus) apportent la touche finale à cette garrigue sauce poitevine!


Quercus pubescens, Quercus ilex, Rhamnus alaternus, Poitiers rochers du Porteau

De gauche à droite: Chêne pubescent, Chêne vert et Nerprun alaterne.


C'est à l'ombre d'un Érable de Montpellier (Acer monspessulanum), un autre locataire des garrigues et des maquis méditerranéens, que Yves Baron conclue la promenade. Le botaniste n'a jamais observé d'autres spécimens de cet arbre plus au nord que ce point dans toute la Vienne. Cet Érable marque en quelque sorte la frontière entre sud et nord, tout un symbole pour la ville de Poitiers qui est à la fois la dernière ville du sud et la première ville du nord de la France... A moins que ce ne soit l'inverse!


Acer monspessulanum, Érable de Montpellier, Poitiers le Porteau

Attention, au delà de cette feuilles à trois lobes (Érable de Montpellier)...

«C'est le NORD!» (Bienvenue chez les Ch'tis, Dany Boon)


Consulter le compte rendu de François Lefebvre (un grand merci à lui pour l’organisation de la promenade) avec la liste complète des espèces observées.


Pour aller plus loin

- Fiche descriptive de la ZNIEFF des rochers du Porteau

 

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