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Initiation à la botanique joyeuse!
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Le grand voyage des Sauvages... En chanson!
Date 07/02/2017
Ico Initiation à la botanique joyeuse!

Le grand voyage des Sauvages avec Sauvages du Poitou!


Au premier abord, le mouvement semble différencier le règne végétal du règne animal: la plante reste «plantée» pendant que l'animal se promène. Pourtant, les Sauvages aussi ont le goût du voyage. Vous l'avez sans doute remarqué: aussitôt chassée du jardin, la «mauvaise herbe» revient. Mieux encore, voilà que pousse devant notre porte une Sauvage qui n'était pas là l'année précédente. Mais par où la vagabonde est-elle entrée?


La stratégie des Sauvages est double. Premièrement, il s'agit d'emmagasiner un maximum de générations futures sous terre. Les graines attendent leur heure, parfois des années durant (on appelle cette capacité à veiller en attendant le retour de conditions favorables la dormance). Le sol est une gigantesque banque de semences en train de roupiller. C'est pourquoi certains jardiniers pratiquent le «faux semis» avant de planter leurs rangs de légumes: ils grattent la terre en surface quelques semaines avant le démarrage des cultures, puis attendent en embuscade, binette à la main... Les pionnières ne tardent pas à jaillir du sol brassé, révélant le potentiel du terrain (voir notre article sur le petit jardin du hasard et les plantes pionnières).


Deuxièmement, les Sauvages cherchent à envoyer leur progéniture vers d'autres horizons afin de conquérir de nouveaux territoires. Faute de pouvoir escorter leurs petits elles-mêmes, les plantes s'en remettent à autrui, comme elles s'en remettent déjà au vent et aux butineurs pour assurer leur reproduction. C'est l'histoire de cet incroyable voyage qui nous intéresse aujourd'hui.


Solanum lycopersicum, un pied sauvage de Tomate en plein centre ville! Poitiers

Un pied spontané de Tomate (Solanum lycopersicum) à même le macadam, en plein centre-ville... Diable, d'où vient-il?!


Parce que l'amour des fleurs nous entraine toujours plus loin, c'est en chanson que se poursuit la leçon du jour, avec le petit orchestre éphémère de Sauvages du Poitou (composé pour l'occasion de Claude «Papé» à l'accordéon et de votre serviteur à la guitare et au chant). Si tout le monde a trouvé son (ou sa) cavalier(ère), entamons le premier couplet de cette histoire. 1,2,3...


Un Coquelicot bien établi,

Né sous le signe de la barochorie,

Se plaint un jour de voir tomber

Toutes ses graines sur ses pieds...

"Les fleurs aussi rêvent d'étoiles,

Si je pouvais, j'mettrais les voiles!"

La barochorie, c'est l'art de s'en remettre à la gravité (baros est la pesanteur en grec). Telle la pomme qui tombe sur la tête de Newton, le fruit tombe simplement au sol. La technique est facile à mettre en œuvre (donc peu couteuse en ressources), mais promet rarement de grands voyages, à moins de vivre sur une pente. D'un autre côté, on est jamais mieux que chez soi, sur un terrain déjà connu et propice. Enfin, le principal avantage, c'est qu'on peut toujours compter sur la gravité!


Barochorie chez les végétaux, Sauvages du Poitou!

"Voler je sais, dit Pissenlit,

J'suis docteur ès anémochorie,

Seulement la Lune, n'y compte pas:

Le vent choisit seul où il va...

Et comme personne ne pousse en l'air,

Si je pouvais, j'irais sous terre!"

La plante anémochore est experte dans l'art de tisser des voiles sur le dos de sa descendance, puisque c'est le vent qui assure le voyage (anemos est le vent en grec). Petits parachutes (aigrettes) pour les Astéracées (Pissenlits, Picrides, Laiterons, Laitues...), hélicoptères miniatures (samares) pour les Érables... Tous les moyens sont bons pour voler, de quelques mètres seulement jusqu’à des centaines de kilomètres. Mais il faut être taillée pour l'aventure, parce qu'avec le vent, la destination peut devenir très aléatoire.


Samare de l'Érable (Acer sp), Poitiers Chilvert

On s'marre avec les samares de l’Érable (Acer sp)!

"Violette dit: myrmécochorie,

Comprenez à dos de fourmis,

C'est sûr on s'enfonce de suite,

Mais les fourmis creusent bien trop vite...

Comme les fleurs pointent vers le ciel,

J'préférerais un dos d'hirondelle!"

La myrmécochorie est une agence de voyage spécialisée dans le trek à dos de fourmis (myrmex est la fourmi en grec). Les graines des Sauvages myrmécochores sont équipées d'une partie nutritive et charnue (l'élaiosome) qui appâte les insectes. Les fourmis emportent les semences sous terre, jusque dans leurs fourmilières, quand elles n'abandonnent pas le colis en cours de route. C'est le cas de certaines euphorbiacées (Mercuriale annuelleEuphorbe des jardins...) ou de certaines lamiacées par exemple (Lamier pourpre, Lamier blanc... ). Et qui sait, avec les fourmis comme pilotes, on peut même réussir à semer à flanc de mur ou de falaise.


Le début d'un grand voyage pour cette graine de Grande Chélidoine (Chelidonium majus)...

"Faut pas s'emballer dit Merisier,

Endozoochorie: c'est mon métier!

Les oiseaux prennent mes noyaux,

Mais dans leur cul, jamais sur leur dos...

Comme personne n'aime le caca,

Si je pouvais, j'laverais tout ça!"

L'endozoochorie est une adaptation libre de la technique du cheval de Troie... Sauf qu'il conviendrait ici de rebaptiser la légende «le crottin de Troie»: il s'agit d'inciter les animaux à béqueter les fruits, pour que les semences voyagent dans leurs intestins avant de se faire rejeter ailleurs via les déjections! La stratégie demande aux graines d'être capable de résister aux sucs digestifs. Certaines plantes adepte du taxi-crotte enveloppent leur progéniture d'une coque si dure que le processus digestif devient indispensable pour ramollir l'enveloppe protectrice. Le Merisier des oiseaux (Prunus avium) est un célèbre endozoochore (c'est inscrit jusque dans son nom): ses cerises digérées par les oiseaux ont bien plus de chance de germer que lorsqu'elles tombent simplement à terre... C'est bien connu: les voyages forment les Merisiers!


L'endozoochorie chez les végétaux, Sauvages du Poitou!

"Gare aux clichés dit Nénuphar

L'hydrochorie, façon têtard,

les vagues ça fait vacances,

Mais quand ça tangue, on boit la tasse...

Comme on est pas des bigorneaux,

Si je pouvais, j'prendrais le bateau!"

Les Sauvages hydrochores (plantes d'eau mais aussi plantes terrestres des milieux humides) confient leurs bébés nageurs aux vagues. Dans l'art difficile de la brasse, toutes les Sauvages ne font pas preuve de la même élégance: certaines se contentent quasiment de couler, comme les lourdes graines du Nénuphar jaune (Nuphar lutea). D'autres flottent fièrement tels des navigateurs au long cours, à l'image des fruits du célèbre Cocotier (Cocos nucifera). Au fil des rivières, les nageuses tracent leur route toujours plus loin vers l'amont. Car contrairement aux saumons, les graines peuvent difficilement remonter le courant... Reste à appeler un taxi-crotte pour revenir à la source.


Iris pseudacorus, Iris des marais, Poitiers bords de Boivre

Capsules flottantes de l'Iris des marais (Iris pseudacorus)

"Antrhopocorie dit Amarante:

Via cargo, je suis une immigrante,

Je suis passé sur l'autre rive,

Pour qu'on me traite d'invasive,

Dans un pays où il fait frisquette...

J'préfererais rester sous une couette!"

Séneçon du cap, Senecio inaequidens, Poitiers quartier gare

Le Séneçon du cap (Senecio inaequidens, ici en gare de Poitiers), une Sauvage sud africaine qui remonte peu à peu vers le nord de la France, portée par le vent (anémochore) et surtout par les trains qui passent (anthropocore)!


L'anthropocorie repose sur l'activité humaine, qui joue un rôle prépondérant dans la dissémination des Sauvages à travers la planète (Anthropos est l'humain en grec). Le plus souvent volontairement avec les plantes cultivées (introduction en Europe de certaines Amarantes par exemple), ou avec l'import d'exotiques à des fins alimentaires, médicinales ou ornementales. De ce point de vue, les sites de vente en ligne sont d'incontournables vecteurs de propagation pour le règne végétal, dont nombre d'invasives ont largement profité. Mais il faut aussi compter sur les passagères clandestines dont les graines voyagent à dos d'avion, de bateau, de camion ou de train...


Vente en ligne à l'international: la grande foire aux invasives!

Ailanthe (Ailanthus altissima), Herbe de la Pampa (Cortaderia selloana), Indigo du bush (Amorpha fruticosa), Raisin d'Amérique (Phytolacca americana)... Sur internet, la grande foire aux invasives, c'est toute l'année!

"Epizoochorie dit Dame Bardane,

Au chaud sous la fourrure d'un âne,

D'un chat, d'un chien pour voyager,

Difficile de ne pas rester collée...

Avec des puces pour seuls voisins,

Si je pouvais, j'me gratterais bien!"

Arctium minus, Petite Bardane, Poitiers bords de Boivre

«Faux fruits» (en fait une couronne de bractées crochues qui encerclent les véritables fruits, des akènes) de la Petite Bardane (Arctium minus), à l'origine de l'invention du scratch et du velcro!


Les Sauvages epizoochores ont développé diverses techniques (colle, épines, crochets...) qui permettent à leur semences de s'accrocher aux fourrures des animaux de passage ou à votre bas de pantalon. En grec, epi signifie «sur», zoo est l'«animal»: les plantes epizoochores voyagent à dos de bestiole (Galium aparine ou Arctium sp. par exemple), contrairement aux endozoochores qui voyagent littéralement «à l'intérieur des animaux».


Galium aparine, Gaillet grateron, Poitiers

C'est encore vos lacets que préfère les fruits du Gaillet gratteron (Galium aparine)!


Zoochorie, les Sauvages aiment nos bêtes à poil! Sauvages du Poitou


Epizoochorie, endozoochorie et myrmécochorie sont autant de moyens de transports qui reposent sur les insectes et animaux, regroupés sous l'appellation générique zoochorie. On aurait pu rajouter à cette liste la dyszoochorie, qui bien que n'ayant pas de couplet dans notre opéra champêtre, mérite bien une citation: lorsqu'un animal emportent les fruits dans son garde-manger, il laisse forcément trainer quelques restes... Je vous laisse imaginer le rôle de l’écureuil dans la dissémination du Noisetier (Corylus avellana), un célèbre arbrisseau dyzoochore. Mais ne perdons pas le fil alors que se profile déjà (ou enfin) le couplet final:

"Puisque vos agences de voyage,

Dit Cardamine à l'entourage,

Semblent vous décevoir un brin,

Je disperserai mes chérubins,

A la force de mes propres fruits."

Ainsi naquit l'autochorie!

Finalement, certaines plantes se débrouillent toutes seules: c'est l'autochorie. Les moyens mis en œuvre par ces Sauvages indépendantistes sont riches et variés. En guise d'exemple, on citera quelques cas déjà croisés dans les pages de Sauvages du Poitou: la Cymbalaire des murs (Cymbalaria muralis) retourne ses fleurs fécondées contre la falaise où elle pousse, déposant délicatement ses capsules à la verticale plutôt que de les voir tomber. La Cardamine hérissée (Cardamine hirsuta) fait exploser ses siliques, dispersant ses graines minuscules dans la moindre fissure alentour. Par un effet ressort lié à l’enroulement des parois de ses capsules, L'Herbe-à-Robert (Geranium robertianum) catapulte littéralement ses graines sur quelques dizaines de centimètre...


Catapulte à graines du Géranium découpé (Geranium dissectum): à maturité, les styles s’enroulent brusquement sous l’effet de la chaleur, catapultant les semences alentour!


L'aurochorie, ou l'art de se débrouiller tout seul! Sauvages du Poitou
Parfois, on ne peut guère compter que sur soi-même!


Bien sûr, les Sauvages mettent rarement leurs œufs dans le même panier et combinent plusieurs stratégies à la fois. Mais chacune a sa spécialité... Alors, à l'issue de notre tube en devenir, et face à une rencontre végétale improbable (comment diable cette plante est-elle arrivée là?), vous devriez pourvoir commencer à émettre quelques hypothèses sur le parcours de ses semences. N'ayez pas peur de vous laisser aller aux intuitions farfelues: dans la nature, la réalité dépasse souvent la fiction. Ainsi, le pied sauvage de Tomate cerise photographié en haut d'article vient très probablement d'une graine échappée d'un sandwich: anthropocorie!


Pour aller plus loin:

- La dispersion des graines sur Wikipedia

- La dissémination chez les «mauvaises herbes», sur le site de la Cabane de Tellus


On en parle dans la presse:

- Un poitevin chante la nature, sur France Bleu Poitou!

 

Lichens: une histoire d'amour et d'eau fraîche
Date 04/11/2016
Ico Initiation à la botanique joyeuse!

Lichens: une histoire d'amour et d'eau fraîche!

Pas besoin d'une machine à remonter le temps pour être témoin de la grande épopée végétale: roches, lichens, mousses, plantes pionnières... Un vieux mur près de chez vous, une loupe, un soupçon de curiosité, et c'est le début d'un fabuleux voyage!


Je vous propose de faire un court détour dans notre parcours botanique, le temps d'un article consacré à l'univers des lichens, qui ne nous rendra guère plus savants qu'avant sa lecture (je n'ai malheureusement rien d'un lichénologue), mais qui j'espère aiguisera notre curiosité et nous donnera envie d'aller fouiller un peu plus loin. Les lichens font partie de ce que certains surnomment la «biodiversité négligée», la part de nature qui ne passionne pas les foules, bien qu'omniprésente, belle et débordante. Regardez autour de vous, les lichens sont partout: sur les murs, les trottoirs, les rochers, les arbres, au sol... On en recense près de 2700 sortes en France, et de nouveaux lichens sont découverts chaque année.


Le mot «lichen» vient du grec leikhen désignant, en dermatologie, un dartre, c'est à dire une lésion colorée de la peau. Une comparaison peu flatteuse (les lichens n'ont rien d'une maladie et ne nuisent pas à leurs supports, minéraux ou végétaux, bien au contraire) qui s'inspire de l'apparence de certains lichens qualifiés de crustacés, parce qu'ils semblent incrustés à leur support.


Rhizocarpon geographicum, le lichen géographique, Ligugé (86)

Un lichen crustacé (en jaune): Rhizocarpon geographicum, surnommé le «Lichen géographique». En milieu montagneux, ce lichen permet de suivre le mouvement des glaciers, sa taille indiquant depuis combien de temps la glace a déserté la roche.

Parle moi de l’amour sur ta planète...

(Pretty Little Liars, I. Marlene King)

Un lichen est une symbiose, c'est à dire une association autonome, intime et durable entre des espèces différentes. Dans le cas du lichen la symbiose réunit au moins un champignon (nommé mycobionte) et des cellules chlorophylliennes capables de photosynthèse (algues et/ou cyanobactéries, nommées phytobionte). Un lichen est donc une famille à lui tout seul, à l'image des célèbres coraux (les coraux sont une association entre des algues et des animaux, les polypes).


Lichen: une histoire d'amour, Sauvages du Poitou!


Dans cette union, chaque partie remplit son rôle tout en subvenant aux besoins du partenaire. Les champignons (qui constituent plus de 90% du lichen) assurent le support, la protection, les sels minéraux et le milieu humide indispensable aux algues. Ces dernières partagent les nutriments (amidons ou lipides) issus de la photosynthèse. Nul mariage n'est parfait : les scientifiques s'interrogent aujourd'hui sur la réciprocité des services rendus, le rendement des algues ainsi fiancées étant de très loin inférieur à celui des algues célibataires !


Si l'ensemble du lichen peut se fragmenter ou se propager par reproduction végétative, les champignons seuls sont capables de reproduction sexuée, leurs spores dispersées par le vent devant dénicher et séduire une algue là où elles atterrissent pour espérer former un nouveau lichen.


Xanthoria sp, Ligugé (86)

Les disques à la surface de ce lichen (Xanthoria sp) sont ses organes de reproduction sexuée, nommés «apothécies», d'où jaillissent les spores célibataire du (des) champignon(s) en quête d'une (de) partenaire(s).


Ainsi organisés, les lichens sont prêts à faire face aux situations les plus improbables: haute montagne, bords de mer, lave refroidie... D'autant plus qu'ils sont très patients (ils peuvent stopper temporairement leur croissance en cas de coup dur) et peu gourmands. Certains lichens sont capables de trouver leur subsistance dans la roche même, le champignon lichenisé parvenant à en extraire les minéraux. La plupart des lichens se contentent du peu qu'ils trouvent dans la poussière, la rosée du matin ou les gouttes de pluie. Bref, les lichens vivent littéralement d'amour et d'eau fraîche!


Graphis stricta, Poitiers bords de Boivre

Sur le tronc d'un Noisetier, les mystérieux hiéroglyphes dessinés par Graphis stricta... Et si les lichens avaient inventé l'écriture?


Si les lichens sont capables d'insuffler la vie à un paysage aussi moribond qu'un caillou, chaque lichen se montre particulièrement exigeant quant à son milieu de prédilection (on reconnait bien là le caractère capricieux des champignons). Certains préfèrent les roches siliceuses, d'autres les roches calcaires, les troncs des feuillus ou des conifères, la sécheresse ou l'humidité...


Usnea sp, Usnée, Biard aéroport (86)

Une petite Usnée (Usnea sp) au bord du chemin? Inspirez, c'est peut-être le moment de prendre un bol d'air...


La plupart des lichens sont sensibles à la qualité de l'air. C'est pourquoi une faible diversité de lichens indique souvent un environnement pollué, où il ne fait pas bon respirer. Certains lichens sont d'ailleurs les indicateurs d'un environnement sain, telles des Usnées (Usnea sp) dont les «barbiches» pendues aux branches peuvent être le signe indien d'un air pur ou montagnard.


Evernia prunastri, Poitiers quartier Bellejouanne

Les lanières verdâtre dessus, blanches dessous d'Evernia prunastri, plus connu sous le nom de «Mousse de Chêne», un lichen fruticuleux utilisé dans la composition des parfums boisés (parfumerie et savonnerie).


La diversité des lichens s'exprime dans leurs formes multiples et spectaculaires. Leur thalle (c'est ainsi qu'on appelle un appareil végétatif ne possédant ni feuilles, ni tiges, ni racines) peut être crustacé (comme incrusté dans son support), foliacé (formant des sortes de «feuilles»), squamuleux (formant des «écailles», à mi chemin entre crustacé et foliacé), fruticuleux (formant des «lanières»), complexe (formant des «jambes» ou des «pieds»), gélatineux...


La conquête du minéral par les lichens se déroule selon une succession qui va des formes les plus simples jusqu'aux structures les plus spectaculaires. Chez les lichens, les crustacés sont les premiers à coloniser une terra incognita. Suivent les foliacés (en compétition avec les mousses), puis finalement les lichens complexes qui dessinent parfois des «forêts» lilliputiennes. Les végétaux continueront la colonisation bien sûr, les vivaces succédant aux petites plantes pionnières, puis les géants ligneux succédant aux vivaces... Comme souvent sur Terre (en tout cas sous nos latitudes), les histoires commencent par «Il était une fois trois fois rien...» et se terminent par «Ils vécurent heureux au cœur d'une forêt dense»!

Cladonia sp, Jurassic park sur un vieux mur à Poitiers
A même le sol, la forêt lilliputienne d’un lichen complexe (Cladonia sp).

L'identification précise d'un lichen est un travail minutieux qui repose à minima sur l'utilisation d'une loupe, le plus souvent d'un microscope et de quelques réactifs chimiques. Néanmoins, on peut déjà dégrossir le terrain et prendre plaisir à observer leur variété autour de nous, avec l'aide d'un ouvrage adéquat (voir liens en bas d'article) et d'un peu de vocabulaire. A la loupe, la partie visible - le thalle - d'un lichen pourrait se décrire ainsi:


Le thalle des lichens, Sauvages du Poitou!

Cortex supérieur : couche supérieure protectrice (la peau en quelque sorte).

Cils : ils permettent au lichen de retenir l'eau ou la rosée.

Apothécies : ce sont les organes de reproduction sexuée, des «coupoles» d'où jaillissent les spores du champignon lichénisé.

Soralies ou isidies : ce sont les minuscules organes de reproduction végétative qui permettent au lichen de se propager. On parle de soralies lorsqu'il s'agit de «déchirures» granuleuses à la surface du cortex, d'une couleur différente que celle du thalle, ou d'isidies lorsqu'il s'agit de petits bourgeons recouverts par le cortex, et dont la couleur est donc identique au thalle.

Cortex inférieur : suivant les formes, couche inférieure protectrice, qui porte les rhizines, les «fausses racines» qui permettent au lichen de s'accrocher à son support. Entre le cortex supérieur et inférieur se trouve généralement la couche algale et la couche formée par les champignons, nommée médulle, mélangées ou disposées en «lasagnes» l'une sur l'autre.

Pertusaria amara, Ligugé (86)

Le thalle recouvert de soralies granuleuses de Pertusaria amara, un lichen crustacé que l'on identifie entre autres signes à son goût fortement amer (attention, les lichens sont généralement toxiques, il suffit de l'effleurer du bout du doigt avant de porter le doigt à sa langue).


Ici s'arrêtent nos premiers pas timides dans le monde des lichens... Mais déjà, nous pouvons commencer à sentir que même lorsque nous sommes acculés face à un mur misérable, et en l'absence de toute végétation, jamais la vie ne cesse de nous offrir son incroyable récital!


Pour aller plus loin:

- Description des lichens de France sur le site de l'Association Française de Lichénologie

- Zoom sur les lichens sur le site de Bourgogne nature

- Le programme de science participative Lichen Go proposé par Sorbonne Université


Lectures recommandées:

- Guides des lichens de France aux éditions Belin, trois volumes: lichens des arbres, lichens des sols, lichens des roches.

 

Familles de la flore française (Game of thrones et botanique, épisode 3)
Date 29/10/2016
Ico Initiation à la botanique joyeuse!

Cet article fait suite à deux épisodes déjà publiés, consacrés aux grandes familles en botanique. Nous avions croisé dans le premier les prestigieuses lignées Asterceae, Poaceae, Fabaceae, Rosaceae et Brassicaceae. Le second nous avait présenté les clans Apiaceae, Caryophyllaceae, Lamiaceae, Liliaceae, Ranunculaceae et Orchidaceae. Le feuilleton continue, avec six nouvelles familles plus modestes en terme d’espèces présentes sur le sol français, mais tout aussi remarquables de par leurs spécificités...


House Boraginaceae, Sauvages du Poitou!

Une barbe monumentale le couvrait des pommettes aux cuisses, tant et si bien qu’on pouvait difficilement dire où s’achevait le poil et où débutait la fourrure.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Boraginacées (une centaine d’espèces en France) présentent généralement des tiges et des feuilles simples, entières, alternes, recouvertes de poils raides (un bon moyen de défense contre les escargots et les limaces). Leur nom viendrait du latin burra, la «burre», une étoffe en laine rêche et grossière qui habillait les moines. Leurs fleurs à cinq pétales et cinq sépales (parfois irrégulières comme chez la Vipérine) arborent souvent un bleu céleste. L’inflorescence peut former une «queue de scorpion» (cyme scorpioïde). Leurs fruits sont des tétrakènes (ovaire supère).


Borrago officinalis, Bourrache officinale, Poitiers bords de Clain
Étoile bleue sur fond de poils de la Bourrache officinale.


C'est la clan de la Bourrache officinale (Borrago officinalis), symbole ancestral du courage, de la généreuse Consoude (Symphytum officinale), mais aussi des Myosotis (Myosotis sp), qui font office de bardes délicats dans cette fratrie de poilus au grand cœur!


Myosotis arvensis, Myosotis des champs, Poitiers

Inflorescences en «queue de scorpion» du Myosotis des champs.


House Rubiaceae, Sauvages du Poitou!

En fait d’objets de valeur, je ne possède rien d’autre qu'une couronne.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Rubiacées (environ 75 espèces en France) se démarquent de par leurs feuilles souvent verticillées (disposées en couronne ou en étoile) autour d’une tige à section carrée. Leurs fleurs sont généralement discrètes, régulières, à quatre ou cinq pétales. Leurs fruits sont une paire d’akènes, souvent hérissés (sauf ceux des Garances, Rubia spp, qui sont des baies).


Rubia peregrina, Garance voyageuse, Poitiers bords de Boivre

Feuilles coriaces, agrippantes et verticillées de la Garance voyageuse.


Les Rubiacées comptent dans leurs rangs des membres exotiques très célèbres: les Caféiers (Coffea sp). Ces derniers sont bien trop capricieux pour pouvoir tolérer les saisons françaises... Dommage pour nous, mais notez que les petits fruits du Gaillet gratteron (Galium aparine) grillés à sec, écrasés et finalement mis à bouillir dans de l'eau fournissent un excellent succédané de café... Un goût de famille?


Café de Gaillet gratteron, une recette Sauvages du Poitou!

Gaillet gratteron: le café à la française!


House Campanulaceae, Sauvages du Poitou!

Une douzaine de clochettes tintaient pour peu qu’il bougeât... C’est-à-dire en permanence, car il ne tenait guère en place.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Campanulacées (64 espèces en France) se distinguent par leurs fleurs à cinq pétales soudés, dont la corolle forme souvent une cloche: campanula est la «clochette» en latin. Leur tige renferme généralement un latex. C'est le clan des nombreuses Campanules (Campanula spp), difficiles à différencier (et pourtant, chaque cloche à son ton!), ou encore celui des Raiponces (Phyteuma spp).


Campanula portenschlagiana, Campanule des purailles, Poitiers Chilvert

Les clochettes du Campanule des murailles (Campanula portenschlagiana).


House Amaranthaceae, Sauvages du Poitou!


Dans la classification récente, les Amaranthacées intègrent dans leurs rangs l'ensemble des Chenopodiacées. On retiendra ces tendances suivantes pour ces deux familles réunies sous une seule et même bannière (environ 60 espèces en France): leurs fleurs minuscules sont souvent verdâtres ou rougeâtres, avec un périanthe herbacé, sec ou membraneux. Amarantos en grec signifie «qui ne flétrit pas»: même cueillies, leurs fleurs ne risquent guère de faner. Leurs feuilles sont généralement entières, pointues (elles dessinent souvent des flèches ou des hallebardes) et longuement pétiolées. Nombre d'entre elles affectionnent les terrains salés ou les sols riches en azote (amendements, pollutions, dépotoirs…), ce qui en fait des locataires privilégiées des côtes, des rivages ou des lieux habités par l'homme.
Les bras costauds gouvernent ce monde: hors de cela, tu te goberges d’illusions.
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

C'est le clan des Chénopodes, des Arroches ou des Amarantes... Des végétaux riches, souvent bons pour la soupe ; on ne s'étonnera donc pas de trouver dans ce clan de nombreuses espèces potagères, cultivées pour leurs racines, leurs feuilles ou leurs graines, comme les betteraves, les bettes, les quinoas ou les célèbres épinards de Popeye (très fournis en vitamines et en minéraux).


Amaranthus deflexus, Amarante couchée, Poitiers quartier gare

Minuscules fleurs vertes en panicule de l'Amarante couchée (Amaranthus deflexus), indétrônable bodybuildeuse du macadam et des trottoirs!


House Euphorbiaceae, Sauvages du Poitou!

- Comment, alors?

- Par le seul autre moyen: la magie!

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Euphorbia lathyris, Euphorbe épurge - latex

Latex de l'Euphorbe épurge (Euphorbia lathyris)


Les Euphorbiacées (une soixantaine d’espèces en France) sont principalement représentées par les Euphorbes. Celles-ci se distinguent par leurs feuilles simples, par le suc laiteux nommé latex contenu dans leur tige et par l'originalité de leurs «fausses» fleurs (en fait une inflorescence complexe) souvent vertes ou jaunâtres, dénuées de pétales et organisées en ombelles. Les latex des Euphorbes sont généralement toxiques et irritants par simple contact cutané. Mais ils intéressent la médecine ou l'industrie pour les secrets qu'ils renferment, comme celui de l'Hévéa (Hevea brasiliensis), une Euphorbiacée d'Amazonie, à partir duquel on fabrique le caoutchouc. C'est d'ailleurs à un médecin, Euphorbus (Grèce, 40-19 av. J.-C.), que cette famille emprunte son nom. Ce clan est aussi celui des Mercuriales, des herbacées dépourvues de latex très différentes des Euphorbes.


Euphorbia hiberna, Euphorbia cyparissias, Euphorbia helioscopia

De gauche à droite: Euphorbe d'Irlande (Euphorbia hiberna), Euphorbe petit-cyprès (Euphorbia cyparissias) et Euphorbe réveil matin (Euphorbia helioscopia).


House Crassulaceae, Sauvages du Poitou!


Les Crassulacées (50 espèces en France) sont des végétaux glabres, à feuilles ou à tiges charnues. Leurs feuilles sont généralement simples, entières, sessiles ou munies d'un court pétiole. Leurs fleurs peuvent présenter des aspect variés, mais arbore souvent 5 pétales et 5 sépales. C'est le clan des nombreux Sédums (Sedum spp), délicats à différencier, mais aussi celui des Joubarbes (Sempervivum spp) ou du célèbre Nombril de Vénus (Umbilicus rupestris).


Umbilicus rupestris, Nombril de Vénus, Laval (53)

Feuilles ronds et charnues du Nombril de Vénus.

Je serai bientôt grosse, je vous le promets. J’en prie la Mère d’En-Haut, tous les soirs.

(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

On désigne souvent les membres de ce clan comme étant des plantes «grasses», «succulentes» ou «crassulescentes»; trois synonymes pour exprimer leurs vertes rondeurs (crassus signifie «épais» en latin). Leurs organes enflés et gorgés de suc assurent leur survie en situation misérable ou aride; c'est pourquoi elles colonisent les lieux misérables, souvent bien exposés: rochers, sables, murs ou toits. A travers le monde, les Crassulacées font parties des championnes de la survie en milieu hostile.


Sedum album, Orpin blanc, Poitiers sous Blossac

Orpin blanc (Sedum album)


Ainsi se termine notre tour d'horizon des principales familles en botanique pour le territoire français. Vous vous en doutez, ce n'est que la face émergée de l'iceberg: les clans des Sauvages sont très nombreux, bigarrés, fascinants de par leurs coutumes, même lorsque qu'il ne sont composés que par un unique membre (comme le clan Aquifoliaceae dont le seul représentant en France est le Houx, Ilex aquifolium). De quoi nourrir l'inspiration pour une prochaine saison?


Game of thrones et botanique, les autres épisodes:

- Épisode 1: Asterceae, Poaceae, Fabaceae, Rosaceae et Brassicaceae.

- Épisode 2: Apiaceae, Caryophyllaceae, Lamiaceae, Liliaceae, Ranunculaceae et Orchidaceae.

- Épisode 4: Polygonaceae, Geraniaceae, Papaveraceae, Malvaceae, Solanaceae et Plantaginaceae.


Et pour le plaisir, le fil rouge de notre article...

- Le cycle fantasy Le Trône de fer par George R. R. Martin!

 

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