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Porcelle enracinée: la rosette au ras des Pâquerettes
Date 10/09/2016
Ico Villes, chemins & terrains vagues

Hypochaeris radicata, Porcelle enracinée, Poitiers gare

Porcelle enracinée, Poitiers quartier gare


Hypochaeris radicata (Porcelle enracinée ou Vara en Poitevin-saintongeais) appartient au clan Asteraceae, le clan des fleurs à capitules (une inflorescence fournie qui prend l'apparence d'une grosse fleur unique). Encore une Sauvage à capitule jaune, à la mode «Pissenlit», qui rejoint la galerie des portraits de Sauvages du Poitou aux côtés des Laiterons, des Picrides, des Séneçons (Senecio vulgaris ou Jacobaea vulgaris) ou des «Laitues sauvages»... Vous vous en doutez, la liste est loin d'être terminée!


La grande galerie des Sauvages à capitule jaunes... Sauvages du Poitou!


Hypochaeris radicata est une vivace à l'allure particulière: depuis une rosette de feuilles rêches et poilues, profondément ancrée et complètement plaquées au sol, se dressent de longues tiges nues, peu ramifiées, qui portent les fleurs en été.

Hypochaeris radicata, Porcelle enracinée, Poitiers quartier Chilvert
Les bractées sont souvent un indice d'importance pour identifier un membre du clan Asteraceae; celles de la Porcelle enracinée sont pointues, disposées irrégulièrement, légèrement poilues, et se recourbent à maturité.


Hypochaeris radicata forme parfois des colonies importantes sur les sols abimés, piétinés, lessivés, à faible pouvoir de rétention (graviers, sables...). Mais on peut la croiser en toute situation et elle est souvent à l'aise en milieu urbain, même au cœur de la sécheresse. J'aime à croire (c'est de la botanique-fiction) que ses atouts sont le résultat d'une longue adaptation face aux attaques des jardiniers qui ne l'apprécient guère: bien malin celui qui réussira à la déloger, tant elle est ancrée et plaquée au sol... Puis son port à ras de terre lui permet de passer, sans frémir, sous les lames des faux et des tondeuses à gazon!


Hypochaeris radicata, Porcelle enracinée, Poitiers Chilvert

Rosette de la Porcelle enracinée plaquée au sol, bien à l'abri des rotofils: des feuilles sessiles, rugueuses et poilues, à lobes arrondis.


A vrai dire, les rosettes d'Hypochaeris radicata lui fournissent un autre avantage: rien ne peut pousser sous son tapis de feuilles plaqué au sol, même pas quelques brins d'herbe, et la Sauvage assure ainsi sa place au soleil et ses ressources, sans partage!


Hypochaeris radicata, Porcelle enracinée, Poitiers gare

Fruits (akènes) de la Porcelle enracinée, Poitiers quartier gare


C'est le vent qui se charge de disperser ses nombreux fruits (des akènes plumeux). Les semences ne germent qu'en présence de lumière. Ainsi, dans une zone de friche ou une pelouse trop haute, les graines d'Hypochaeris radicata en manque de soleil attendent leur heure... Et lorsque passe finalement la tondeuse à gazon (encore elle, ces deux là sont décidément faites pour s'entendre), la Sauvage retrouve la lumière du jour et se décide à naitre, laissant rapidement la concurrence au tapis.


Hypochaeris radicata, Sauvages du Poitou!


Nul doute qu'avec l'aide du réchauffement climatique (les sécheresses prolongées n'inquiètent guère la Sauvage) et les patrouilles des tondeuses et des rotofils qui s’accélèrent depuis l'interdiction des produits phytosanitaires, le règne d'Hypochaeris radicata dans les rues, les parcs et les jardins, est à venir!


Hypochaeris radicata, Porcelle enracinée, Poitiers bords de Boivre

Porcelle enracinée, Poitiers bords de Boivre


Les anciens connaissaient bien la Sauvage, dont ils mangeaient les feuilles croquantes, cuites ou crues, comme le Pissenlit (La Porcelle enracinée est bien moins amère que ce dernier). On dit que les porcs raffolent de ses racines qu'ils déterrent de leur groin, d'où peut-être son nom de Porcelle...


Phanacis hypochoeridis, Poitiers quartier Chilvert

Galle de la Porcelle: Phanacis hypochoeridis est une petite guêpe (Cynipidae) qui confie ses larves aux Porcelles. Ce renflement qu'on aperçoit parfois sur la tige est leur garde manger et leur nurserie.


En revanche, la Sauvage souffre d'une aura nettement moins sympathique auprès des éleveurs de chevaux: elle serait toxique (fraiche ou séchée) et pourrait favoriser une grave altération de la locomotion (Harper) chez ceux qui la consomment. La plupart des chevaux boudent naturellement la plante et ne la mangent pas, mais il y a toujours un risque en cas de pénurie lors des sécheresses. Un sujet où des inconnues subsistent, mais la mauvaise réputation d'Hypochaeris radicata semble aujourd'hui faite!


Pour aller plus loin:

- Hypochaeris radicata sur Tela-botanica

- Identification assistée par ordinateur

- Contribution à l’étude épidémiologique de l’enzootie de harper australien en France depuis 2003 chez le cheval par Guillaume Collignon


Les capitules de la Porcelle logent souvent les Méligèthes (Meligethes spp) qui consomment son pollen et son nectar. Ces coléoptères affichent une attirance toute particulière pour les fleurs jaunes, sauvages ou cultivées. A tel point qu’ils peuvent se laisser séduire par n’importe quel objet de couleur jaune, y compris des vêtements!

 

Familles de la flore française (Game of thrones et botanique, épisode 1)
Date 01/09/2016
Ico Initiation à la botanique joyeuse!

Botany is coming... Sur Sauvages du Poitou!


Les botanistes sont souvent passés maîtres dans l'art de ranger. Non pas qu'il soient devenus des champions de Tetris à force de remplir des herbiers, mais plutôt parce que l'approche naturaliste repose beaucoup sur la reconnaissance de ce qui ressemble (on range dans le même tiroir) et de ce qui diffère (c'est le moment d'ouvrir un nouveau tiroir!).


Jusqu'en 1998, la classification dite «classique» des végétaux se basait sur les particularités morphologiques évidentes des plantes (ce qui reste une approche très pertinente sur le terrain). Après cette date, c'est une classification dite «phylogénétique» qui prend le relais (APG): l'approche génétique permet de prendre en compte les liens de parenté entre les végétaux au delà de leur apparence, et de mieux comprendre leur histoire. Cette classification moderne fut révisée, ou plutôt affinée, en 2003 (APG II), en 2009 (APG III) puis en 2016 (APG IV)... Nul doute qu'elle le sera encore à l'avenir!

Mille pardons, messer. Je devais effectuer un léger changement à mon blason afin qu’on ne me confonde pas avec mon méprisable cousin.

(Le chevalier errant, George R.R. Martin)

Bref, classer les plantes revient en quelque sorte à tracer des arbres généalogiques, à déterminer qui ressemble à qui, qui est parent avec qui, à étudier les traits propres (les «armoiries») de chaque lignée de Sauvages.


A chaque Sauvage correspond une espèce. Les membres d'une même espèce se ressemblent comme deux gouttes d'eau et sont interféconds entre eux. Les espèces sont regroupées en genres. Les membres d'un même genre affichent aussi des traits communs évidents, quoique plus lointains. Leurs similitudes rend toutefois les hybridations possibles. Les genres sont regroupés en familles, puis les familles en ordres, etc.


Lamium maculatum et Lamium purpureum, Dagneux (01)
Lamier maculé (Lamium maculatum) et Lamier pourpre (Lamium purpureum): une même famille, un même genre, deux espèces.

Ci dessus, le Lamier maculé (à gauche) et le Lamier pourpre (à droite) sont deux espèces distinctes, appartenant à un même genre, celui des Lamiers. Leur famille commune, les Lamiacées, appartient à l'ordre des Lamiales, qui rassemble plusieurs autres familles comme celle des Plantaginacées (famille des Plantains) ou celle des Verbénacées (famille de la Verveine officinale). Nos besoins immédiats ne nous commandent pas de pousser plus en avant cette investigation, mais on pourrait continuer à parcourir « l’arbre généalogique » de nos Lamiers en remontant successivement les étages de la classe, de l’embranchement, du règne et finalement du domaine.

La taxonomie par Sauvages du Poitou!

Ces classifications ne sont pas faites pour nous dévorer les méninges: elles s'avèrent grandement utiles sur le terrain! La connaissance des qualités propres à chaque famille peut aider le botaniste à cerner un spécimen nouveau croisé au détour d'un chemin. Apprendre à reconnaître les «armoiries» d'une famille est la meilleure porte d'entrée qui soit dans la pratique de l'herborisation. C'est de plus un bon moyen pour réussir à s'orienter dans les flores et les guides botaniques les plus touffus et les plus pointus!
Je me souviens de votre père racontant autour d’un feu de camp comment sa maison avait obtenu son blason...
(Le chevalier errant, George R.R. Martin)
Impossible de citer l'ensemble des nombreuses familles qui composent la flore de notre pays. Mais certaines lignées se détachent, de par leur importance ou leur réputation (Astéracées, Poacées, Fabacées et Rosacées représentent à elles seules un bon tiers de la population végétale française). On se concentrera donc plus particulièrement sur les blasons et les devises (imaginaires, cela va de soi, la tournure de cet article se veut avant tout amusante et pédagogique) des familles botaniques incontournables, à commencer par les cinq plus importantes pour ce premier épisode:

House Asteraceae, Sauvages du Poitou!

Les Asteracées (ou Composées), représentent la première famille de France avec près de 800 espèces recensées. Leur inflorescence caractéristique, le capitule (voir notre article complet sur le sujet) est la principale marque de leur lignée. Attention: tout ce qui a un capitule n’est pas forcément une Astéracée. Nul doute que l'invention de cette «super fleur» (en fait une fleur faite d'une myriade de fleurs)  les aura aidés à assoir leur suprématie. Ce capitule est entouré d’un involucre de bractées (une sorte de «colorette» de feuilles modifiées qui peuvent être crochues, épineuses, molles…). Leurs feuilles sont souvent alternes ou réunies en rosette basale.

C'est le clan du roi Pissenlit (Taraxacum sect. Ruderalia), de la reine Pâquerette (Bellis perennis), des Marguerites (Leucanthemum spp), des Bleuets (Centaurea spp) ou encore de leur garde rapprochée, les piquants Chardons (Carduus spp et Cirsium spp)...

Involucre de bractées épineuses du Cirse commun (cirsium vulgare)
Je veux de nouveau sentir le vent dans mes cheveux!
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les membres de cette famille royale produisent souvent des semences à soies (des akènes équipés pour le vol, comme le célèbre «pompon» du Pissenlit) que le vent emporte à la conquête de nouveaux territoires.

Pissenlit, Taraxacum sect. Ruderalia, Béruges (86)
Pissenlit: les rois à venir attendent le vent qui les emportera...

House Poaceae, Sauvages du Poitou!
Étaient-ils vingt, étaient-ils vingt mille?... Sous les arbres se massaient tous les sauvageons du monde.
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Si les Poacées (ou Graminées) ne sont que la deuxième famille de France au regard du nombre d’espèces (470 espèces), elles représentent la lignée la plus importante du point de vue des surfaces couvertes. Il faut dire que ce clan regroupe les «herbes» sous toutes leurs formes, celles des friches, des pelouses, des gazons... Mais également les céréales domptées par l'homme (blé, orge, seigle, maïs..), ou encore les Bambous, leurs rejetons titanesques originaires d'Asie! Bref, les Poacées sont partout, de l’Antarctique jusqu'au fin fond du Poitou, même si l'apprenti botaniste, à force de chercher l'Orchidée rare, finit par ne plus les voir et les considérer comme un simple tapis de sol.

Poa annua, Pâturin annuel, Poitiers bords de Boivre
Pâturin annuel (Poa annua): en tête du top 10 des sauvages les plus observées dans les villes de France!

Notez que tout ce qui ressemble à de l'«herbe» n'est pas forcément Poacée. Il existe deux autres familles qui affichent des silhouettes similaires: les Cyperacées (le clan des Laîches), et les Joncacées (le clan des Joncs). On observera la section des tiges (entre les «nœuds») pour faire le tri:  section ronde et creuse chez les Poacées, section pleine et triangulaire chez les Cyperacées, section ronde et pleine chez les Joncacées. Un article complet est consacré à ces légions chlorophylliennes sur Sauvages du Poitou...

House Fabaceae, Sauvages du Poitou!

Les Fabacées (autrefois Légumineuses, environ 360 espèces en France) qui poussent naturellement sur le sol français dressent généralement des feuilles alternes, stipulées, composées et des fleurs irrégulières caractéristiques dites «papilionacées» (voir notre article complet sur le sujet), composées de 5 pétales: un étendard, deux ailes (tel un papillon) et une carène (deux pétales soudés) .

Cytisus scoparius, Genêt à balais, Biard (86)
Grand étendard (en haut), paire d'ailes (en bas sur les côtés) et carène (en bas au centre) de la fleur du Genêt à balais (Cytisus scoparius)

90% des membres de ce clan ont sur leurs racines de petites boules blanches (nodosités) qui logent des bactéries très utiles: ces dernières sont capables d'utiliser l'azote atmosphérique pour fabriquer des ressources qu'elles partagent volontiers avec la plante hôte. Ce partenariat assure un apport d'azote aux Fabacées en toute circonstances, quand bien même les ressources du sol feraient défaut... Bref, les Fabacées sont assises sur coffre à trésor bien rempli, au point qu'elles semblent à jamais à l'abri de la misère!

Luzerne d'Arabie, Medicago arabica, Poitiers Chilvert
Toute la richesse de la Luzerne d'Arabie (Medicago arabica) dans ses nodosités.
A quoi servent les amis riches s’ils ne mettent leurs richesses à votre disposition?
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

C'est pourquoi on retrouve dans leurs rangs de nombreux «engrais verts»: Trèfles (Trifolium spp), Luzernes (Medicago spp), Vesces (Vicia spp), Gesses (Lathyrus spp), mais aussi des stars du potager comme les Fèves, les Haricots ou les Pois... Autant de Sauvages ou de plantes domestiquées qui renferment leurs fruits dans des gousses (un fruit sec qui s'ouvre par deux fentes).

Vicia sativa, Vesce cultivée, Montamisé (86)
Gousses de la Vesce cultivée (Vicia sativa).

House Rosaceae, Sauvages du Poitou!

Les Rosacées (environ 250 espèces en France) sont une vaste famille, comptant dans leurs rangs des membres très éclectiques : des herbacées (comme les Fraisiers), en passant par les arbrisseaux (comme les Framboisiers, les Ronces...), jusqu’aux grands arbres (Pruniers, Pommiers, Poiriers, Cerisiers...). Malgré leurs différences, les Rosacées arborent certains airs de famille : leurs fleurs régulières sont bardées de nombreuses étamines et affichent souvent (ce n'est pas une règle absolue) cinq pétales et cinq sépales. Leurs feuilles alternes sont souvent composées ou dentées, généralement stipulées.

Geum urbanum, Benoîte urbaine, Poitiers bords de Boivre
Benoîte urbaine (Geum urbanum): 5 pétales, 5 sépales, des feuilles pennatiséquées, dentées et très nettement stipulées à la base du pétiole.
Et puis il y a les roses. Quel parfum délicat, les roses, n’est-ce pas? Surtout lorsqu’il y en a tant. Cinquante, soixante, soixante-dix mille roses... Je ne saurais vraiment dire combien il en reste, mais trop pour que je me soucie de les dénombrer, de toute façon.
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)
Le clan Rosacée fait preuve d'une indéfectible loyauté envers l'homme: cette famille fournit l'essentiel des fruits consommés en zone tempérée. La pomme est peut-être sa plus grande réussite (c'est le fruit le plus consommé au monde après les agrumes et la banane). Et puisque l’amour et les lois de l’attraction sont à l'origine de tout fruit, n’oublions pas la Rose, son indétrônable ambassadrice des parcs et des jardins, qui compte plus de 40.000 variétés!

Rosa canina, Rosier des chiens, Poitiers Mérigotte
Rosier des chiens (Rosa canina), un des rosiers «sauvages» les plus communs.

House Brassicaceae, Sauvages du Poitou!
Les gardes postés aux portes du château portaient des justaucorps de cuir et avaient pour emblème deux masses de guerre croisées sur une croix blanche en forme de X.
(Le Trône de Fer, George R.R. Martin)

Les Brassicacées (environ 250 espèces en France) sont loyales à leur emblème croisé: une fleur à quatre sépales et quatre pétales en croix (d'où leur ancien nom de Crucifères). Elles dressent généralement six étamines, quatre longues et deux courtes. Leurs fleurs sont majoritairement blanches ou jaunes, réunies en grappes. Leurs feuilles sont alternes ou réunies en rosette basale, jamais stipulées. Elles produisent des fruits secs qui s'ouvrent à maturité via quatre fentes pour libérer leur contenu (ovaire supère) : les siliques (ou silicules lorsque les fruits sont aussi larges que longs). Celles-ci peuvent arborer des formes géométriques diverses : d'épées chez la Giroflée des murailles (Erysimum cheiri), de bouclier chez la Monnaie-du-pape (Lunaria annua), de cœurs chez la Capselle bourse-à-pasteur (Capsella bursa pastoris)...

Monnaie du pape (Lunaria annua) et Giroflée des murailles (Erysimum cheiri)
Fleurs en croix et siliques: une poignée de pièces pour la Monnaie du pape (en haut) et une armée d'épées pour la Giroflée des murailles (en bas)!

On retrouve chez ce clan de nombreuses plantes cultivées dans les potagers: Choux, Colzas, Radis, Navets, Roquettes, Moutardes... Mais aussi d'autres Sauvages très serviables, comme la petite Arabette des dames (Arabidopsis thaliana), célèbre «souris verte» de laboratoire pour les chercheurs en biologie; ou le Pastel des teinturiers (Isatis tinctora), dont on peut tirer une teinture bleu et qui connait aujourd'hui un nouvel essor dans l'industrie textile.

Capsella bursa pastoris, Capselle bourse-à-pasteur, Saint Benoît (86)
Silicules «en cœur» de la Capselle Bourse à Pasteur

Je vous donne rendez vous lors du prochain épisode de notre feuilleton qui nous emmènera à la rencontre de six autres maisons prestigieuses... Botany is coming!

Game of thrones et botanique, les autres épisodes:
- Épisode 2: Apiaceae, Caryophyllaceae, Lamiaceae, Liliaceae, Ranunculaceae et Orchidaceae.
- Épisode 3: Boraginaceae, Rubiaceae, Campanulaceae, Amaranthaceae, Euphorbiaceae et Crassulaceae.
- Épisode 4: Polygonaceae, Geraniaceae, Papaveraceae, Malvaceae, Solanaceae et Plantaginaceae.

Et pour le plaisir, le grand fil rouge littéraire (et télévisé) de notre article...
- Le cycle fantasy Le Trône de fer par George R. R. Martin!
 

Lierre grimpant, l'irremplaçable
Date 18/02/2016
Ico Haies & forêts

Hedera helix, Lierre grimpant, Poitiers bords de Clain

Lierre grimpant, Poitiers bords de Clain


Hedera helix (Lierre grimpant ou Herre en poitevin-saintongeais) appartient au clan Araliaceae. Si cette famille exotique compte 1300 espèces à travers le monde (essentiellement des arbres, des buissons et des lianes, dont le célèbre Ginseng), elle ne disposait jusqu’ici que d’une unique espèce indigène sur le sol français, mais pas des moindres : le Lierre grimpant. La classification récente lui accorde la compagnie de quelques Hydrocotyles, des plantes aquatiques ou semi-aquatiques.


Hedera vient du latin hedea, la «corde»; helix est la «spirale». Hedera helix évoque le lasso tournoyant des jeunes rameaux à la recherche d'un support à cramponner. Car il n'aura échappé à personne qu'Hedera helix est une liane grimpante. Pour certains, c'est une liane arbustive, pour d'autres, une liane arborescente. Alors, le Lierre grimpant: arbuste ou arbre? Le suspens repose sur les caractéristiques étonnantes du sauvageon... Difficile, à première vue, de le considérer comme un arbre: il est incapable de tenir debout tout seul. Et pourtant, Hedera helix  peut atteindre une hauteur de 30 mètres de haut. La durée de vie d'un seul pied peut dépasser le siècle! Dans les bois, notre regard admiratif se pose généralement sur les grands arbres centenaires, plutôt que sur le Lierre grimpant, omniprésent... Mais derrière un pied de Lierre se cache peut être un des grands doyens de la forêt.


Hedera helix, Sauvages du Poitou!


Ses tiges ligneuses peuvent épaissir jusqu'à 20cm de diamètre... C'est beaucoup et c'est peu, si  on considère la longueur potentielle du végétal (jusqu'à 30 mètres). Son bois blanc, dur et léger, fournit une ressource honorable en ébénisterie ou en vannerie.


Hedera helix, Lierre grimpant, Migné-Auxance (86)

Pied ligneux et épais du Lierre grimpant, Migné-Auxance (86)


Les hommes ont longtemps porté un regard accusateur sur le Sauvageon (de vieilles croyances erronées subsistent encore). Jadis, on pensait jadis le Lierre capable d'étouffer un arbre, jusqu'à ce que mort s'en suive. Aujourd'hui, on comprend mieux son rôle, et on comprend surtout qu'il est un des maillons indispensables à l'équilibre de nos campagnes et de nos forêts.

Pour commencer, le Lierre n'est pas un parasite. Si ses solides crampons s'agrippent aux arbres, ce n'est pas pour en sucer la moelle, mais simplement pour s'ériger vers la lumière.

Hedera helix, Lierre grimpant, Poitiers gare
Crampons du Lierre grimpant, Poitiers quartier gare

En recouvrant l'arbre, le Lierre grimpant assure à celui ci une protection thermique (les écarts thermiques peuvent mettre les troncs à rude épreuve). Mais surtout, son feuillage persistant abrite une faune riche et variée en toute saison. La biodiversité qu'il protège est profitable à tous: à commencer par les oiseaux qui y trouvent un garde-manger toujours rempli et qui assurent de par la même la régulation des populations parasitaires néfastes aux arbres.

Non seulement le Lierre grimpant ne nuit pas aux forêts qu'il envahit, mais celui ci pallie à la rudesse du milieu à la saison froide. On a vu que son feuillage assurait en tout temps un couvert précieux, au sol comme dans les airs. Cerise sur le gâteau, le sauvageon choisit de fleurir après tout le monde, vers la fin de l'automne. Ses fleurs pourvoient les dernières réserves de nourriture aux insectes pollinisateurs avant d'entrer dans le dur de l'hiver.

Hedera helix, Lierre grimpant, Poitiers bords de Cain
Fleurs en étoile à cinq pétales du Lierre grimpant, Poitiers bords de Clain


Si le Lierre grimpant est une bénédiction pour les campagnes et les forêts, c'est encore en ville que sa générosité s'exprime le mieux.

La protection thermique de son couvert fonctionne aussi sur les façades: son feuillage protège les murs de l'érosion des intempéries et régule les écarts de températures usants pour les revêtements (attention, il faut le contrôler près des toitures, car il est capable de soulever des tuiles!). Dans un même ordre d'idée, le Lierre grimpant verdit les vastes surfaces minérales de nos villes qui agissent comme autant de «réservoirs» à chaleur en été et qui sont la cause de micro climats caniculaires.


Hedera helix, Lierre grimpant, Rochefort (17)

Lierre grimpant, une explosion de vie au cœur des villes (Rochefort, 17)


Hedera helix est une Sauvage coriace, qui se contente de trois fois rien (elle a toutefois besoin de soleil et d'un sol riche pour fleurir). Son développement aisé sur terre ou en l'air, en tout lieu, crée des couloirs de circulation et d'échange pour la faune urbaine entre les diverses zones de nature (parcs, jardins, friches, etc.).


Enfin, le Lierre grimpant est une plante dépolluante, capable d’absorber dans l'air des éléments dangereux pour l'homme (comme le benzène des gaz d'échappement).

C’est comme si je ne pouvais pas respirer sans toi.

(Grey’s Anatom, Shonda Rhimes)

Parmi les nombreux butineurs qui comptent sur les fleurs tardives du Lierre grimpant, la Collète du lierre (Colletes hederae), une abeille solitaire qui porte le nom de sa plante favorite, en récolte le pollen pour garnir les loges souterraines qui accueilleront ses larves.


S'il est une caractéristique qui illustre la formidable capacité d'adaptation d'Hedera helix, c'est son feuillage aux mille visages. Le Lierre grimpant est une inépuisable source de divertissement pour celui qui cherche des formes inattendues. Souvenez-vous de notre série d'articles sur la reconnaissance des formes foliaires en botanique: plantez-vous devant un vieux pied de Lierre grimpant et vous aurez toute la matière nécessaire pour commencer un entrainement intensif!


Hedera helix, Lierre grimpant, Poitiers

Échantillon de la palette infiniment variée des feuilles du Lierre grimpant, Poitiers


On considère deux grands types de feuilles du Lierre grimpant (toutes les nuances intermédiaires sont possibles): les feuilles juvéniles, palmées (3 ou 5 lobes plus ou moins prononcés), et les feuilles des rameaux florifères, ovales et aiguës, voir lancéolées.


Les feuilles palmées optimisent la captation de lumière en zone ombragée: pour rappel, le Lierre grimpant a besoin pour fleurir d'une terre riche en matière organique (un sol de type forestier) et surtout d'un bonne dose de soleil (sans expositions aux photons, le pied reste stérile). Au sommet de son escalade, les feuilles lancéolées offrent une moindre prise au vent, et laissent passer la lumière vers les étages inférieures.

Laissons entrer le soleil, la terre vous dit : hello!

(Charlie et la Chocolaterie, Tim Burton)

Les fruits charnus (des drupes), d'abord verts, murissent en hiver et deviennent noirs; les oiseaux, en attendant le retour du printemps, s'en régalent. Les graines germeront au cour de l'été suivant, une fois tombée au sol.


Hedera helix, Lierre grimpant, Poitiers bords de Boivre

Fruits charnus (drupes) du Lierre grimpant à la fin de l'automne: les décorations de Noël sont déjà de sortie?


Chez Hedera helix, les fruits et les feuilles (dans une moindre mesure) sont toxiques. Ce n'est pas une des Sauvage les plus virulentes de la forêt; ses feuilles ont même été utilisées autrefois en tant que remède purgatif. À mois d'être un spécialiste en la matière, on s'abstiendra de consommer la Sauvage, sous quelle que forme que ce soit.


Lasiocampa quercus sur Hedera helix, Poitiers bords de Boivre

Toxique pour l'homme, le Lierre grimpant n'en reste pas moins une aubaine pour la chenille du Bombyx du chêne (Lasiocampa quercus) au cœur de l'hiver !


Pour rendre un hommage en fanfare au merveilleux Lierre grimpant, et avant de lever le rideau sur une bien curieuse scène de théâtre, je vous propose une toute autre utilisation, garantie 100% inoffensive (à moins que le ridicule tue, mais au dernière nouvelle, ce n'était pas le cas)!


Le sifflet du shérif! (nunus)

Le sifflet du Shérif (ou nunu en poitevin saintongeais)!

Réunir le matériel suivant:

- Un morceau de branche de Noisetier (15 cm de long sur 1,5 cm de diamètre)

- 3 belles feuilles de Lierre grimpant

- Une étoile de shérif (ingrédient optionnel)

Fendre la branche de noisetier sur 4 cm dans le sens de la longueur. Insérer dans la fente 3 belles feuilles de Lierre grimpant superposées. A l'aide d'une lame tranchante, couper très proprement la partie des feuilles qui dépasse de la branche. Souffler de toutes ses forces! Si le sifflet ne produit aucun son, c'est que nos trois «anches» de Lierre grimpant ont été mal taillées; recommencer, et s'appliquer à une découpe nette et précise. Prêts pour une démonstration?



Le petit monde d'Hedera helix


Personnages:

Lierre grimpant centenaire (rôle tenu par Hedera helix).

Azuré des nerpruns femelle (rôle tenu par Celastrina argiolus).


La scène se déroule dans une haie, l'été, quelque part dans le Poitou.


Celastrina argiolus sur Hedera helix, Saint Benoît (86), crédit photo : Olivier Pouvreau


SCÈNE UNIQUE


LIERRE GRIMPANT

Madame, vous revoilà! Sommes-nous déjà en septembre?


AZURÉ DES NERPRUNS

Eh oui, comme toutes les fins d’été, au moment où vous allez fleurir, je viens vous rendre visite!


LIERRE GRIMPANT

Vous ne me manquiez pas!


AZURÉ DES NERPRUNS, ironique

Vous, si. Savez-vous que vous êtes à croquer, même si pour beaucoup, vous n'êtes qu'un infect poison?


LIERRE GRIMPANT

Ce sont vos flatteries qui sont infectes! Il se dit d'ailleurs que vous pondez sur des dizaines de plantes réparties sur quinze familles!


AZURÉ DES NERPRUNS

Dont vous...


LIERRE GRIMPANT

Trop souvent!


AZURÉ DES NERPRUNS

Mais je vous aime!


LIERRE GRIMPANT

Aimez les autres, faites tourner la liste, dispersez-vous, fichez-moi la paix!


AZURÉ DES NERPRUNS

Allons, raisonnons: vos fleurs et votre feuillage sont si luxuriants et mes larves si modestes que mes affaires à votre égard ressemblent davantage à des chatouilles qu'à de cruelles morsures.


LIERRE GRIMPANT
Diable, Madame, que me valent ces raisonnements puisqu'à la fin, c'est moi qu'on mange? Mais, que vois-je, coquine, voici que vous pondez sur mes boutons floraux!

AZURÉ DES NERPRUNS
C'est que je suis pressée! Nous autres, papillons, ne vivons pas des siècles comme vous mais une saison seulement. Alors pestez tant que vous voulez: quoi qu'il advienne, votre immobilité toute végétale vous obligera à souffrir ma descendance!

Elle s'envole.

Celastrina argiolus sur Hedera helix, Saint Benoît (86), crédit photo : Olivier Pouvreau
Azuré des nerpruns pondant sur Lierre grimpant, œuf sur bouton floral



Pour aller plus loin:

- Norb de Sauvages du Poitou raconte le Lierre grimpant au micro de France Bleu Poitou

- Hedera helix sur tela-botanica

- Hedera helix: identification assistée par ordinateur


Lecture recommandée:

- La Hulotte numéro 106 et 107, entièrement consacré au Lierre grimpant


Hedera helix, Lierre grimpant, Ile d'Aix (17)

Le Lierre grimpant, ou comment transformer un piquet de clôture en hôtel-restaurant 5 étoiles pour insectes et oiseaux!



 

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